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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Voyage où il vous plaira
  • Pages : 55 à 56
  • Collection : Bibliothèque du xixe siècle, n° 8
  • Thème CLIL : 3440 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- XIXe siècle
  • EAN : 9782812439469
  • ISBN : 978-2-8124-3946-9
  • ISSN : 2258-8825
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3946-9.p.0055
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 12/01/2011
  • Langue : Français
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AVANT-PROPOS

Il serait peut-être bon, cher lecteur, et, à coup sûr, il serait convenable de vous dire pourquoi nous partons, où nous allons, et aussi quelles raisons nous pouvons avoir pour désirer qu’il vous plaise de venir avec nous.

Il se pourrait pourtant qu’une pareille confidence eût ses dangers.

Pourquoi voyage-t-on, en effet ? N’est-ce pas, en outre de l’avantage incontestable que chacun ne peut manquer de trouver à changer de place ici-bas, n’est-ce pas surtout pour courir après l’imprévu, par exemple, et faire (en tout bien tout honneur) les yeux doux au hasard ?

Le peu que nous pourrions vous dire de nos projets, si engageants qu’ils puissent être d’ailleurs, ne vous gâterait-il pas par avance ce qu’il y a de meilleur dans tout voyage, le petit bonheur des surprises, le bénéfice des rencontres, etc. ? En somme, irait-on quelque part si l’on savait bien où l’on va ?

Vous le voyez, cher lecteur, dans l’intérêt même de vos plaisirs nous devons nous taire : aussi nous taisons-nous, ou peu s’en faut, nous contentant, pour vous engager à être des nôtres, de vous assurer que partir vaut toujours mieux que rester.

Croyez qu’un voyage que nous ferons avec vous ne peut manquer d’être un charmant voyage. Nous y aurons – sans oublier l’honneur de votre compagnie – ce double gain de tout voyage, la joie du départ et celle du retour, deux joies dont l’une vaut l’autre sans aucun doute, et, entre ces deux joies si légitimes, toutes ces bonnes fortunes intermédiaires qui ne peuvent manquer à des voyageurs de bonne volonté.

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Sans compter, ami lecteur, que nous espérons bien vous conduire – sans encombre – sans accidents – sans culbutes – sans trop de paroles et sans trop de frais (est-il bien d’en parler ?), que vous dirai-je ! à l’abri du froid lui-même, – pour peu que vos portes soient bien closes et vos cheminées bien garnies, – tout au bout de ce monde d’abord, cela va sans dire, et même un peu dans l’autre, pour peu que vous y soyez disposé.

Tout cela, songez-y bien, sans qu’il vous soit besoin de rien quitter, ni vos enfants qui sont les plus aimables du monde et qui ne sont de trop nulle part – nulle part moins qu’ici, – ni vos amis qui vous aiment, ni le coin de votre feu que vous aimez, rien enfin de ce qui vous plaît ou de ce qui vous retient, ni ceci ni cela dont vous savez le nom mieux que moi.

Partir et rester, rester et partir, voilà le problème que nous entreprendrons de résoudre, si vous voulez.

À ce compte-là, qui ne partirait ? C’est si bon de partir, et cela peut être si nouveau ! Et qui ne resterait ? c’est si doux de rester, – et si facile !

Mais à quoi bon chercher à une chose aussi simple des raisons auxquelles il manquera certainement d’être raisonnables, et qui n’en seront pas moins bonnes pour cela ?

Il s’agit de partir, partons donc ! dussions-nous ne savoir jamais pourquoi nous sommes partis.

D’ailleurs, qui a compagnon a maître, dit-on ; n’est-ce donc pas, quoi qu’il arrive, où il vous plaira, qu’il nous faudra aller ?

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