Préface
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Voyage dans la Belgique et la Hollande (1794-1795)
- Pages : 9 à 10
- Collection : Correspondances et mémoires, n° 28
- Série : Le dix-huitième siècle, n° 4
- Thème CLIL : 3639 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Art épistolaire, Correspondances, Discours
- EAN : 9782406066774
- ISBN : 978-2-406-06677-4
- ISSN : 2261-5881
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06677-4.p.0009
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 21/11/2018
- Langue : Français
Préface
Parmi les savants qui œuvrèrent au Jardin du Roi devenu Muséum d’Histoire naturelle en 1793, on se souvient des noms de Buffon, Jussieu ou Lamark ; celui de Thouin, en dépit de la rue qui porte son nom, située non loin du Jardin des Plantes auquel il consacra sa vie, est quasiment inconnu et le café le Tin-Thouin (au numéro un de sa rue), a été rebaptisé, pour mieux séduire le chaland, café Descartes. André Thouin, cependant, a eu un rôle primordial dans le développement du Jardin des Plantes à une période cruciale de son histoire, celle de la Révolution. C’est ce que met en lumière Yvonne Letouzey qui, grâce à son imposante biographie, Le Jardin des Plantes à la croisée des chemins avec André Thouin (1747-1824) (1989), a fait mieux connaître cet homme modeste, à la personnalité attachante : elle examine les facettes de son œuvre, en qualité de jardinier du Roi, directeur du Muséum, commissaire de la république, professeur de culture, et souligne la richesse des nombreux documents manuscrits rassemblés par ses soins.
Plus récemment, plusieurs historiens des sciences ont rappelé l’importance de l’œuvre de Thouin dans le domaine de l’histoire naturelle, comme Lorelai Kury dans son Histoire naturelle et voyages scientifiques (1780-1830) (2001) ou Emma C. Spary, Le jardin d’Utopie, l’histoire naturelle en France de l’Ancien Régime à la Révolution (2005) : cette dernière a, en particulier, exploité l’abondante correspondance de Thouin, déjà signalée par Y. Letouzey et visualisé dans une série de cartes l’ampleur de ce réseau de correspondance botanique en France, en Europe et hors d’Europe. Récemment, Yves Lacour, dans La République naturaliste. Collections d’histoire naturelle et Révolution française (1789-1804) (2014), a souligné le rôle joué par Thouin dans la constitution des collections naturalistes françaises à partir des confiscations opérées en France, dans l’Europe septentrionale puis l’Italie du Nord pendant l’époque révolutionnaire.
Le Voyage dans la Belgique et la Hollande fut publié en 1841 et l’éditeur a alors pris soin de l’expurger de presque toutes les références aux événements 10révolutionnaires de 1794-1795, période au cours de laquelle Thouin a écrit son journal. La tenue d’un journal ressortissait d’ailleurs à sa mission de commissaire de la République « à la recherche des objets de sciences et arts répandus dans les pays occupés par les armées du Nord et de Sambre-et-Meuse ». En donnant une nouvelle édition de ce texte, dont malheureusement le manuscrit n’a pas été retrouvé, nous avons voulu replacer ce récit de voyage dans son contexte historique. C’est pourquoi nous publions en annexe certains des rapports envoyés régulièrement à Paris par les commissaires. Nos recherches respectives sur les voyageurs français et les voyageurs britanniques en Hollande sous l’Ancien Régime et le début du xixe siècle nous permettent également de situer ce texte dans le cadre de la littérature de voyage et plus spécifiquement dans la tradition des « voyages de Hollande », qui, du côté français, véhiculent depuis le seizième siècle, l’image d’un pays créé de toutes pièces par l’homme, riche, moderne, tolérant. Le récit de voyage de Thouin reprend ces thèmes, leur conférant un lustre nouveau du fait de la minutie de son enquête qui est celle d’un naturaliste passionné de botanique, d’un républicain désireux de rassembler toutes les informations utiles à son pays, en particulier dans le domaine de l’agriculture ; c’est aussi celle d’un homme des Lumières, pénétré d’un idéal d’utilité sociale et, à ce titre, s’intéressant spécialement aux institutions pénitentiaires et charitables, mais aussi à tout ce qui peut assurer le bien-être des gens les plus humbles. À une période où la circulation des personnes est sérieusement perturbée par la guerre, le Voyage dans la Belgique et la Hollande de Thouin, par la précision de ses observations, constitue un témoignage précieux sur la Belgique et les pays rhénans et surtout sur la Hollande des années 1794-1795.
Nous remercions tous ceux qui nous ont aidé dans cette entreprise : Chantal Fourneau (Musée de la Ville d’Eaux, Spa), René Rohrkamp (Archives d’Aix-la-Chapelle), Bert Sliggers (Teylers Museum, Haarlem), Hans et Nettie van der Tak, Ed van der Vlist (Bibliothèque Royale / Koninklijke Bibliotheek, La Haye) ainsi que les conservateurs du MNHN qui ont aimablement mis à notre disposition l’inventaire des correspondants d’André Thouin. Nous sommes particulièrement redevables à Gerard Thijsse du Musée d’histoire naturelle de Leiden (Naturalis Biodiversity Center), pour s’être penché sur la graphie, souvent erronée, des noms latins des plantes citées dans le Voyage.