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Classiques Garnier

[Introduction]

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Valery Larbaud, « cosmopolite » des lettres ?
  • Pages : 279 à 280
  • Collection : Études de littérature des xxe et xxie siècles, n° 91
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406104889
  • ISBN : 978-2-406-10488-9
  • ISSN : 2260-7498
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10488-9.p.0279
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/04/2021
  • Langue : Français
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Après la Première Guerre mondiale, un cosmopolitisme plus normatif de lunité semble prévaloir sur la jouissance larbaldienne de la diversité. Dans un esprit de synthèse, dans un effort de « reconstruction », selon le mot de Crémieux, Larbaud, conciliant lhéritage classique et romantique, intègre la diversité dans lunité. Se réfugiant dans des « rêveries1 » dunion politique, morale et religieuse, Larbaud, dont la correspondance sinternationalise après 1919, ne peut unir le monde que par la voie des Lettres. Loin dêtre un concept statique, le cosmopolitisme larbaldien réagit au contexte intellectuel contemporain où une génération sortie de la déflagration mondiale invoque ce « besoin duniversalisme, négligé par les temps qui nous ont précédés2 ». En février 1931, la revue colombienne Cervantes présente Larbaud comme « lun des plus éminents penseurs universels de lépoque contemporaine3 ». Présente dès ses plus jeunes années, la pensée universaliste devient prépondérante entre les deux guerres, inspirant son action littéraire comme la composition de textes à la coloration politique et religieuse. En 1920, « [l]ère de la jeunesse et des sujets inspirés par elle est close4 », écrit G. Jean-Aubry. 280Si le différentialisme constitue la base du cosmopolitisme larbaldien, luniversalisme en constitue le sommet, la cime « extatique5 ».

1 Relevons lomniprésence du « rêve » dans les textes larbaldiens à coloration politique ou religieuse composés après la guerre. Dans « Joad », le grand prêtre « parut rêver », Europäische Revue, septembre 1926, repris dans La Revue européenne, 1er novembre 1926, puis dans LHerne. Valery Larbaud, op. cit., p. 226. Dans Allen, les amis ont le loisir de « rêver » à ce qui remplacera « le système national ». La vision dun fédéralisme politique est « un jeu, un roman rêvé [] un jeu à base de lectures historiques et de rêveries politiques sur lavenir de lEurope », « Allen », La NRF, février-mars 1927, repris dans Œ p. 756. Dans sa « Lettre dItalie », Larbaud se demande si Leopardi a « rêvé dune autre unité, plus large » : « Rien quà cause de cette complication des passeports, il devait rêvait dunité, sil ny avait pas été tout naturellement porté par ses études latines », Commerce, hiver 1924, repris dans Œ p. 818. Dans « Paris de France », Larbaud offre « le rêve, lutopie du Parisien accompli », Le Navire dArgent, 1er juin 1925, repris dans Œ p. 783. Dans « … Tan Callando », le « temps liturgique » de la foi est un « sublime poème rêvé par lhumanité », op. cit., p. 1070. Dans son Journal, Larbaud évoque un système fédéral et une « autorité supra-nationale en Europe » comme une « rêverie de poëte », J p. 1496 (1935).

2 Robert de Traz, LEsprit de Genève, op. cit., p. 95.

3 « uno de los más eminentes pensadores universales de la época contemporánea », Cervantes (Manizales, Colombie), février 1931, p. 23. (Cest nous qui traduisons).

4 G. Jean-Aubry, « Biographie », Œ p. l. Parcourant le Journal de Larbaud, Morand y lit un changement opéré par la guerre : « Il reprend cette vie errante, après Alicante (Côme, 1922), mais on sent sur son plaisir une ombre qui nexistait pas avant la guerre de 14 », Journal inutile, op. cit., t. I, p. 560-561.

5 « Ce dégoût de voir du nouveau, ce désintéressement de la curiosité, nest-ce pas ce quon peut appeler la conversion après la procession ? Chaque retour à limmuable ou à ce qui en donne lidée serait un mouvement de conversion, comme tout aller vers un objet désiré est un mouvement de procession, un progrès dans la courte hiérarchie de lhomme, et un éloignement (inutile, ou dangereux) de lUn. Le retour volontaire à limage de limmuable serait donc, ou provoquerait, une sorte dextase », « Le vain travail… », Commerce, hiver 1925, repris dans Œ p. 870. Les termes de « procession » et de « conversion » renvoient ici à la philosophie de Plotin.