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Classiques Garnier

Résumés

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Une « période sans nom ». Les années 1780-1820 et la fabrique de l’histoire littéraire
  • Pages : 441 à 447
  • Collection : Rencontres, n° 273
  • Série : Études dix-neuviémistes, n° 33
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406060000
  • ISBN : 978-2-406-06000-0
  • ISSN : 2261-1851
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06000-0.p.0441
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 21/12/2016
  • Langue : Français
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Résumés

Michel Delon, « Quarante ans de recherche sur un objet protéiforme »

Cet article propose une historiographie de lentre-deux siècles. Il examine les présupposés de plusieurs périodisations et catégories critiques : préromantisme, tournant des Lumières, secondes Lumières, néoclassicisme, Sturm-und-Drang, moment 1800. Il plaide pour une périodisation à géométrie et à dénomination variables selon les perspectives de recherche et les types dinvestigation. Lentre-deux siècles se caractérise par un battement de lénergie à la nostalgie et de la mélancolie à lenthousiasme.

Mariane Bury, « La place des années 1780-1820 dans les cours et les manuels dhistoire de la littérature française de Villemain à Lanson » 

Cette contribution examine la construction dune réflexion sur les différentes périodes encadrées par les dates correspondant aux régimes politiques. Sur ce fond historique se détachent Mme de Staël et Chateaubriand. Les historiens de la littérature tiennent par ailleurs aux transitions, que les « talents intermédiaires » permettent de penser. Lévolution de la littérature française témoigne selon ces historiens davantage de ce qui construit son unité que des facteurs de rupture susceptibles de la diviser.

Claude Millet, « La fabrique dun oubli. La littérature de lentre-deux siècles dans les histoires générales postrévolutionnaires »

Lintérêt des historiens du xixe siècle pour la littérature de la « période sans nom » est faible, mais se développe grâce à lessor dune histoire sociale de la Révolution. Le champ littéraire leur reste toutefois à peu près illisible. Le trait le plus saillant à leurs yeux de cette littérature est sa politisation, motif que léchec de la « révolution par les lyres » en 1848 retourne en littérarisation de la politique : le littéraire intéresse donc plus que la littérature de lentre-deux siècles.

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Jean-Noël Pascal, « Écrire lhistoire immédiate de la poésie. Sur Marie-Joseph Chénier et son Tableau historique de létat et des progrès de la littérature depuis 1789 »

Larticle précise la situation idéologique et esthétique du Tableau présenté à lEmpereur en 1808 mais imprimé au début de la Restauration. Il montre que, sil nest pas incapable de percevoir les inflexions nouvelles, Chénier reste tributaire des idées esthétiques néoclassiques et des positions idéologiques des secondes Lumières, si bien quil décrit plutôt la poésie contemporaine comme une honorable héritière de celle qui précédait que comme lannonciatrice dune époque nouvelle.

Claire Jaquier, « Pour une histoire littéraire transversale. Lexemple de la poésie nationale suisse émergente »

Cet article montre les mérites du renoncement au paradigme historique et national en prenant lexemple de la poésie nationale suisse en langue française, qui émerge à partir des années 1780 : cette poésie permet dillustrer les emprunts et chassés-croisés entre plusieurs normes poétiques et modèles littéraires ; elle fonctionne comme un révélateur de la crise de la mimêsis classique qui affecte lesthétique des Lumières européennes, révoquant le primat de la vue et des références picturales.

Jean-Daniel Candaux, « Genève tête de pont britannique dans lEurope du Blocus continental »

Larticle retrace lhistoire trop mal connue de la Bibliothèque britannique, périodique scientifique et littéraire qui paraît mensuellement à Genève avec succès de 1796 à 1815, puis devient la Bibliothèque universelle. Il souligne la grande qualité des articles publiés dans tous les domaines, y compris dans la série « Littérature » qui a rendu compte des principaux récits de voyage et romans de lépoque.

Paul Kompanietz, « Nodier et la littérature de la Révolution »

Des écrits de Nodier se profile limage dune bibliothèque de la Révolution, que lessayiste talentueux envisage dans toute sa diversité, dans une perspective généalogique à la fois individuelle et collective. Sil est vrai quil condamne la 443plupart des productions de la période, comme nombre de ses contemporains, il est aussi lun des premiers à savoir reconnaître, au-delà des « préventions de parti », la valeur littéraire de léloquence révolutionnaire.

Pierre Glaudes, « Barbey dAurevilly, la littérature de lEmpire et Madame de Staël »

Sévère pour la littérature de lEmpire, Barbey dAurevilly en retient quelques figures dexception, dont Mme de Staël. En dépit de ce qui le sépare delle aux plans religieux, philosophique et politique, lauteur des Bas-bleus sauve en partie celui de Corinne. Cest un portrait paradoxal que Barbey propose de Mme de Staël, où les réserves quelle lui inspire ne lempêchent pas de reconnaître la hauteur de vue de sa critique littéraire et dadmirer son style, son tempérament passionné, sa conception élevée de lenthousiasme.

Catriona Seth, « Quest-ce quune femme auteur ? »

Quatre ouvrages publiés entre 1789 et 1811, deux signés par des femmes, deux attribués à des hommes, deux almanachs et deux dictionnaires, avec leurs péri-textes divers, permettent de sinterroger sur ce quest une femme auteur pour les hommes et femmes du tournant des Lumières. Critères de choix, commentaires, inclusions et exclusions sont riches de sens. Ils témoignent de riches débats sur fond dinterrogations autour de la place des sexes et de la canonisation littéraire.

Fabienne Bercegol, « Mme de Genlis : pour une fabrique féminine de lhistoire littéraire »

Dans son essai De linfluence des femmes, Mme de Genlis questionne la place des femmes dans lélaboration de lhistoire littéraire et se propose de rivaliser avec les grands chantiers critiques alors conduits par les hommes. Elle adopte les formes de discours que lon tolère sous la plume féminine, mais pour affirmer lexistence dune tradition littéraire féminine et pour inciter les femmes à pratiquer la critique littéraire, afin de mieux assurer la transmission de leur œuvre.

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Silvia Lorusso, « Sophie Cottin et “le triste honneur de former une nouvelle école de romanciers” »

Lhistoire de la réception de lœuvre de Sophie Cottin est lhistoire dun refoulement. À partir du succès de Claire dAlbe, les critiques relèvent son originalité scandaleuse. Les romans qui suivent continuent à susciter des polémiques ; en même temps sa vie retirée alimente la légende noire dune femme fatale quencore Sainte-Beuve confirmera. Cette carrière brève décrivaine est emblématique de la situation de la femme auteur du début du siècle, comme du débat contemporain sur le roman.

Amélie Legrand, « La réception des romans de Claire de Duras. Un exemple de la place faite à une femme auteur dans lhistoire littéraire »

Distinguée par Sainte-Beuve dans ses Portraits de femmes, Claire de Duras a occupé la critique littéraire, en restant cependant cantonnée au rang des auteurs mineurs. Cette contribution met au jour les différentes perspectives critiques adoptées pour interpréter son œuvre. Il sagit, à travers ce cas, danalyser la place offerte par lhistoire littéraire à une femme auteur et détudier un exemple de la représentation de la sentimentalité romanesque emblématique de cette « période sans nom ».

José-Luis Diaz, « Sainte-Beuve historien du premier romantisme (1832-1849) »

Dans la « fabrique » de lhistoire littéraire des années 1780-1820, quel a été le rôle de Sainte-Beuve ? Létude répond à cette question, en considérant sa production critique entre 1832 et 1849, date du cours quil fait à Liège sur « Chateaubriand et son groupe littéraire sous lEmpire » (publié en 1860). Est ainsi mise en évidence la continuité de son intérêt pour la « période sans nom », qui se manifeste sous deux formes complémentaires : les « Portraits » décrivains du premier romantisme, puis le « Cours ».

Emmanuelle Tabet, « Le Génie du christianisme, point de départ dune littérature nouvelle ? »

Fondée sur le mythe de la coïncidence miraculeuse entre le passage dun siècle à lautre et lémergence dune littérature nouvelle, et superposant la conversion à la littérature et la conversion à Dieu, la publication du Génie du 445christianisme marque le point de départ dune forme de modernité littéraire. Dans cette vaste apologie qui est à la fois une œuvre de refondation et un chant de deuil, Chateaubriand invente une voix nouvelle qui préfigure les Mémoires doutre-tombe.

Béatrice Didier, « Transformation des images du sacré des Lumières au Romantisme. Le cas de Benjamin Constant »

Les représentations du sacré subissent une transformation radicale des Lumières au Romantisme, comme le montre le cas de Benjamin Constant. Disciple dHelvétius au départ, il voulait surtout, en écrivant lhistoire des religions, stigmatiser limposture des prêtres ; il en viendra pourtant à une analyse plus fine de la nature du sentiment religieux qui, confondu avec le sentiment du sublime, lui semble universel et capable dentraîner lhomme vers les plus hauts sommets.

Sébastien Baudoin, « Chateaubriand est-il romantique ? »

Pris entre deux siècles, à la fois tributaire de lesthétique néoclassique et fondateur, malgré lui, de la vague du premier romantisme français, Chateaubriand exprime une certaine réticence à légard de ce mouvement. La postérité a pourtant retenu Chateaubriand comme le premier grand nom du romantisme en France. Notre enquête cherchera à déterminer dans quelle mesure il peut être considéré comme lun de ses fondateurs alors quil entretient avec lui une relation ambiguë.

Stéphane Zékian, « Le roman des origines. Retour sur les commencements possibles du xixe siècle »

Cet article réfléchit au poids écrasant de la bataille romantique sur notre appréhension de la « période sans nom ». Il suggère que cet événement médiatico-littéraire éclaire le début du xixe siècle dun jour qui peut devenir aveuglant, car il rend insensible à dautres clivages, moins spectaculaires mais pas moins déterminants pour la suite de lhistoire. Il évoque les fractures nées de la reconfiguration disciplinaire qui sopère à cette époque et dont linstitution des Lettres porte encore lempreinte.

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Patrick Marot, « Le premier romantisme français dans lombre portée du romantisme allemand »

Larticle revient sur la confrontation récurrente du romantisme français au romantisme allemand au profit de ce dernier, et en analyse les principaux jalons critiques, de Germaine de Staël à Maeterlinck et à Gracq. Le cas de Senancour, volontiers présenté comme un Novalis raté, apparaît emblématique de cette disqualification qui conduit à ne sauver que quelques noms et à insister sur linsuffisance spéculative et poétique de cette littérature française du début du xixe siècle.

Shelly Charles, « Heurs et malheurs du “plus fameux romancier de lépoque impériale ”. Le cas Pigault-Lebrun »

Renvoyé à la littérature populaire, « le plus fameux romancier de lépoque impériale » est aujourdhui un inconnu. Son cas est exemplaire des effets dun classement critique sur la fabrique de la valeur et de lhistoire littéraires. Cest ainsi que la relégation de cet auteur a pu fausser notre vision des mutations du roman au xixe siècle, comme le suggère ici la présentation de Balzac et de Walter Scott en lecteurs de Pigault-Lebrun.

Valéry Cossy, « Genre romanesque en devenir et genre féminin/masculin. Arrêté sur image : une période de transition à plus dun titre »

Cet article analyse le double mouvement auquel les bouleversements de cette « période sans nom » ont exposé lécriture romanesque : transition esthétique vers une vraisemblance susceptible de rendre compte dune organisation sociale qui a été déstabilisée et stagnation ou même nouvelle fixation inégalitaire des identités de sexe. Charrière, Austen et Stendhal ont inclus dans un mouvement progressiste leurs personnages et se sont heurtés à la difficulté de négocier une conception dynamique du genre.

Stéphanie Genand, « La filiation et ses ombres. Lœuvre de G. de Staël au défi de lhistoire littéraire »

Lœuvre de Germaine de Staël emblématise les difficultés suscitées par lappartenance aux seuils frontaliers, fussent-ils chronologiques ou esthétiques : publiée entre 1788 et 1818 et inscrivant la problématique du passage 447au cœur du texte, elle défie dès le xixe siècle les catégories fixistes de lhistoire littéraire. Précocement transformée en roman familial ou en geste féminine, la critique staëlienne cherche une légitimité positive, affranchie des écrans de la féminité et des scénarios de filiation.

Étienne Beaulieu, « Le stoïcisme post-révolutionnaire de Joseph Joubert »

Dans cette opération risquée de caractérisation du climat dune période historique, il faut se souvenir de la boutade de Paul Valéry selon laquelle il faudrait avoir perdu tout esprit de rigueur pour définir le romantisme, ce qui vaut autant pour le premier que pour le second romantisme. Il sagit donc dans cet article, de tenter malgré tout de cerner une pensée propre à ce premier romantisme à travers lexemple de Joseph Joubert, cet écrivain sans écrit distingué par Sainte-Beuve et par André Monglond.