Annexe 12 Lettre de Hubert de Folard au chevalier de Folard (A.N., 376AP/40)
- Publication type: Book chapter
- Book: Une occasion manquée. La réédition de l’Histoire de Polybe commentée par Folard (1753)
- Pages: 167 to 168
- Collection: History of books and publishing, n° 1
- CLIL theme: 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
- EAN: 9782406147831
- ISBN: 978-2-406-14783-1
- ISSN: 2999-4659
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14783-1.p.0167
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-19-2023
- Language: French
Annexe 12
Lettre de Hubert de Folard au chevalier de Folard
(A.N., 376AP/40)
À Ratisbonne, le 17 février 1752.
Monsieur mon trez cher oncle,
Je reçois en ce moment la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 24 du mois dernier.
N’aiant encore rien demandé ny fait demander puisque j’ai encore trois ou quatre mois au moins à rester icy, et ne m’étant rien offert, je ne suis pas dans le cas d’accepter ou de refuser. Soiez cependant d’avance bien assuré que je serai trez soigneux de mon honneur et de ma petite réputation telle qu’elle est et qui, grâce à Dieu, est bien entière du côté du cœur, et qu’en tout cas je n’accepterai rien sans votre préalable consentement, ainsy que je le dois et que j’en ai usé jusqu’à présent. Et quand même vous ne seriez pas mon oncle et mon second père comme vous l’êtes, je n’en ferois pas autrement pour correspondre à l’amitié dont vous m’honorez et pour mon propre intérêt puisque vos lumières, votre expérience, et la parfaite conoissance que vous avez de moy vous mettent à portée de me donner les meilleurs conseils pour la direction de ma conduite en tout tems mais surtout en cette présente critique circonstance qui exige des conseils bien réfléchis pour ne pas risquer des fausses démarches dont l’effet pourroit être contraire au but que je dois avoir. Et me sentant assez fort pour soutenir l’obscurité et la retraite et pour vivre content dans la plus étroite médiocrité s’il le faut je me garderai bien d’écouter ma vanité ou l’avarice. Si elles s’avisoient de vouloir opiner dans la délibération sur le choix d’un état à prendre au sortir d’icy. En un mot ce sera vous et la raison qui déciderez souverainement et privativement de mon sort. Voilà qui est dit une fois pour toujours.
168Vous voilà donc résolu, mon cher oncle, de retourner au Printems à Paris. J’en suis bien aisé puisque j’aurai la consolation de vous y embarquer et de pouvoir m’entretenir de vive voix avec vous sur des points si intéressants et qu’on ne peut traiter par lettres aussi amplement qu’il le faut.
Votre projet pour rendre Marseille imprenable prouve bien votre zèle pour la patrie ; une autre à votre âge et ainsi mal récompensé que vous l’êtes des grands services que vous avez rendus à la patrie ne penseroit qu’à se donner du bon tems et à jouir du repos dans la retraite, mais vous avez toujours été bon cytoien et vous mourrez cytoien.
Ce patriotisme enraciné dans le cœur est supérieur à tout autre sentiment.
Si le maréchal de B1… ne réussit pas, je ne dois pas en être moins reconoissant, car il a fait et sans en être requis tout ce que son amitié pour moy luy a suggéré et tout ce qui a dépendu de luy. Je n’ai pas cru qu’il fût encore tems d’écrire ny d’agir. J’attendrai une belle occasion puisque j’ai du tems devant moy et en attendant j’acquiers des connoissances qui peuvent me servir pour mieux diriger ma conduite. Je ne veux m’occuper jusqu’alors que de bien m’acquitter des fonctions de ma place afin de bien finir si je le peux : je ne saurois exprimer les regrets de tout le monde en ce pays. Il y a même des grands princes et des plus grands qui ne se sont pas contentés de me témoigner leur mécontentement et qui ont chargé leurs ministres à Paris de n’y point dissimuler qu’ils seront fâchés de mon départ.
Mais je vous prie, mon trez cher oncle, de ne point montrer cet article de ma lettre à personne, n’étant que pour vous tout seul. Je vous en dirai davantage quand nous serons tête à tête. En attendant, conservez avec grand soin votre santé et honorez-moy de vos chères nouvelles. Je vous donnerai des miennes et de ce qui me concerne. Je vous embrasse du fond de mon cœur et avec une tendresse filiale.
Mr Dubuat, mon élève, retournera à Paris aux environs de Pâques, c’est-à-dire qu’il compte d’icy après les fêtes de Pâques. Il vous assure de ses respects.
1 Belle-Isle.