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Classiques Garnier

Annexe 12 Lettre de Hubert de Folard au chevalier de Folard (A.N., 376AP/40)

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Annexe 12

Lettre de Hubert de Folard au chevalier de Folard
(A.N., 376AP/40)

À Ratisbonne, le 17 février 1752.

Monsieur mon trez cher oncle,

Je reçois en ce moment la lettre que vous mavez fait lhonneur de mécrire le 24 du mois dernier.

Naiant encore rien demandé ny fait demander puisque jai encore trois ou quatre mois au moins à rester icy, et ne métant rien offert, je ne suis pas dans le cas daccepter ou de refuser. Soiez cependant davance bien assuré que je serai trez soigneux de mon honneur et de ma petite réputation telle quelle est et qui, grâce à Dieu, est bien entière du côté du cœur, et quen tout cas je naccepterai rien sans votre préalable consentement, ainsy que je le dois et que jen ai usé jusquà présent. Et quand même vous ne seriez pas mon oncle et mon second père comme vous lêtes, je nen ferois pas autrement pour correspondre à lamitié dont vous mhonorez et pour mon propre intérêt puisque vos lumières, votre expérience, et la parfaite conoissance que vous avez de moy vous mettent à portée de me donner les meilleurs conseils pour la direction de ma conduite en tout tems mais surtout en cette présente critique circonstance qui exige des conseils bien réfléchis pour ne pas risquer des fausses démarches dont leffet pourroit être contraire au but que je dois avoir. Et me sentant assez fort pour soutenir lobscurité et la retraite et pour vivre content dans la plus étroite médiocrité sil le faut je me garderai bien découter ma vanité ou lavarice. Si elles savisoient de vouloir opiner dans la délibération sur le choix dun état à prendre au sortir dicy. En un mot ce sera vous et la raison qui déciderez souverainement et privativement de mon sort. Voilà qui est dit une fois pour toujours.

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Vous voilà donc résolu, mon cher oncle, de retourner au Printems à Paris. Jen suis bien aisé puisque jaurai la consolation de vous y embarquer et de pouvoir mentretenir de vive voix avec vous sur des points si intéressants et quon ne peut traiter par lettres aussi amplement quil le faut.

Votre projet pour rendre Marseille imprenable prouve bien votre zèle pour la patrie ; une autre à votre âge et ainsi mal récompensé que vous lêtes des grands services que vous avez rendus à la patrie ne penseroit quà se donner du bon tems et à jouir du repos dans la retraite, mais vous avez toujours été bon cytoien et vous mourrez cytoien.

Ce patriotisme enraciné dans le cœur est supérieur à tout autre sentiment.

Si le maréchal de B1… ne réussit pas, je ne dois pas en être moins reconoissant, car il a fait et sans en être requis tout ce que son amitié pour moy luy a suggéré et tout ce qui a dépendu de luy. Je nai pas cru quil fût encore tems décrire ny dagir. Jattendrai une belle occasion puisque jai du tems devant moy et en attendant jacquiers des connoissances qui peuvent me servir pour mieux diriger ma conduite. Je ne veux moccuper jusqualors que de bien macquitter des fonctions de ma place afin de bien finir si je le peux : je ne saurois exprimer les regrets de tout le monde en ce pays. Il y a même des grands princes et des plus grands qui ne se sont pas contentés de me témoigner leur mécontentement et qui ont chargé leurs ministres à Paris de ny point dissimuler quils seront fâchés de mon départ.

Mais je vous prie, mon trez cher oncle, de ne point montrer cet article de ma lettre à personne, nétant que pour vous tout seul. Je vous en dirai davantage quand nous serons tête à tête. En attendant, conservez avec grand soin votre santé et honorez-moy de vos chères nouvelles. Je vous donnerai des miennes et de ce qui me concerne. Je vous embrasse du fond de mon cœur et avec une tendresse filiale.

Mr Dubuat, mon élève, retournera à Paris aux environs de Pâques, cest-à-dire quil compte dicy après les fêtes de Pâques. Il vous assure de ses respects.

1 Belle-Isle.