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Classiques Garnier

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Notre dessein est de faire connaître au public français un écrivain à la charnière de deux mondes, dans l’espace (Amérique et Europe) et dans le temps (époque coloniale hispanique et époque moderne), Juana de Asbaje y Ramírez, plus connue sous le nom de sor Juana Inés de la Cruz. Sa qualité de pensée et d’écriture, les sujets abordés, ne peuvent qu’intéresser aujourd’hui.

Trois principes ont inspiré ce travail pour introduire le lecteur à la singularité et à l’étrangeté de l’œuvre par rapport à notre temps :

– Se fonder sur l’analyse des textes, plutôt que sur les constructions contradictoires des critiques au cours des siècles. Cela entraînait à épouser les idées de l’écrivain. Celles-ci ne correspondent certes pas au regard que porte le lecteur, fort de la connaissance des trois siècles suivants qui ont bouleversé les sociétés occidentales.

– Opter, quand cela est nécessaire, pour une approche thématique des écrits en prose, procédé qui se révèle indispensable lors de l’examen de productions peu connues. L’ouvrage ne rapporte pas de révélation sur la vie d’un auteur dont on ignore presque tout. Il vise à rendre accessible une œuvre réputée très difficile, à en saisir la cohérence, sans décider de façon arbitraire que telle ou telle partie n’est pas représentative. Il s’adresse à un lecteur curieux d’entrer dans le monde littéraire mexicain du xviisiècle.

– Ne pas chercher à donner une traduction « poétique » des citations, c’est-à-dire remplacer des vers par d’autres, qui ne proviennent ni de la même langue, ni de la même époque. Nous avons eu aussi à résoudre la difficulté de la longueur et du nombre des citations. Pour une œuvre

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trop peu connue en France, ne convient-il pas de montrer avant de démontrer ? A nos risques et périls, nous avons choisi de proposer la traduction la plus proche de l’original, pour donner la signification des mots dans leur contexte particulier, en laissant dans la mesure du possible les mots à leur place, d’où les barres penchées utilisées entre les phrases, comme pour des vers. Mais nous espérons que le lecteur cherchera d’abord à se laisser porter par la musique de la langue espagnole, avant de chercher ce que cela « veut » dire. La poésie ne « veut » pas dire, elle dit, avec ses mots d’origine, son rythme et ses contraintes, la part que le poète accepte de nous révéler de son imaginaire.

Le texte espagnol auquel nous nous référons est celui des Œuvres complètes de l’édition mexicaine du Fondo de Cultura Económica de Mexico, en quatre tomes :

– T. I Lírica personal, édition d’Alfonso Méndez Plancarte, 1951, LXIX + 639 p.

– T. II Villancicos y letras sacras, édition d’Alfonso Méndez Plancarte, 1952, LXXIX + 551 p.

– T. III Autos y loas, édition d’Alfonso Méndez Plancarte, 1955, XCIX + 741 p.

– T. IV Comedias, sainetes y prosa, édition d’Alberto G. Salceda 1957, XLVIII + 721 p.

Cette édition reste la plus complète et présente l’apparat critique le plus riche. Elle a été rééditée en 1997. Dans notre étude, tout écrit de Juana porte le numéro attribué par A. Mendez Plancarte et G. Salceda, suivi de la tomaison et de la page de leur édition.

Des œuvres « complètes » ont été éditées en trois tomes du vivant de la poétesse : t. 1 à Madrid (1689), t. II à Séville (1692), t. III, posthume, à Madrid (1700). Des œuvres sont perdues, d’autres de datation incertaine. A. Méndez Plancarte aborde ces problèmes dans ses Introductions et ses notes.