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Classiques Garnier

Hercule dans les premières histoires universelles en langue vulgaire L’Histoire ancienne jusquà César (HAC)

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Hercule
dans les premières histoires universelles en langue vulgaire

LHistoire ancienne jusquà César (HAC)

Quand paraissent, au xiiie siècle, les premières histoires universelles en langue française, celles-ci profitent dune riche tradition historiographique déjà en place, dans laquelle elles peuvent puiser des éléments, en les compilant et les remaniant à leur manière, tout en mettant à contribution dautres sources. Cest ainsi que ce que lon regroupe aujourdhui sous la désignation dHistoire ancienne jusquà César (ci-après HAC) forme un ensemble de compilations, de « rédactions », qui intègrent des éléments remontant à diverses sources1. En vérité, il convient de dire que ce que lon appelle conventionnellement une « rédaction » de lHAC pourrait tout aussi bien être considérée comme une œuvre à part entière, tant les différences concernant les contenus, mais aussi leur assemblage, sont importantes. Létude des parties portant sur Hercule permet de vérifier ce constat. Les portraits et épisodes herculéens quoffrent ces textes sont assez variés et de nature visiblement composite. Nous espérons ici apporter une lumière plus précise sur le sujet. Nous commencerons 154par présenter les épisodes impliquant Hercule dans ce que lon désigne habituellement sous le nom de « première rédaction » de lHAC, avant démettre quelques réflexions à propos des modèles textuels, des sources, ainsi que du portrait consacré au héros dans ce cadre.

Les épisodes herculéens
dans la « première rédaction » de lHAC(HAC1)

On désigne par « première rédaction » de lHAC (HAC1) une composition rédigée pour Roger IV, châtelain de Lille, vers 12102. LHAC1 survit, daprès les données rassemblées par Marijke de Visser-van Terwisga dans son édition partielle, dans près de soixante-dix manuscrits3. Entre ces derniers, le témoin le mieux connu est le manuscrit Paris, BnF, fr. 20125 (siglé P, du troisième quart du xiiie siècle), qui renferme ce qui est considéré comme létat le plus ancien du texte4. Ce dernier, incomplet de la fin, couvre lhistoire de la Création jusquà lépoque de Jules César. La composition suit une organisation qui sappuie, plutôt que sur celle des chroniques traditionnelles mettant en parallèle ou faisant alterner histoire biblique et histoire païenne, sur celle dune autre œuvre historiographique qui a exercé une influence considérable au Moyen Âge, les Historiae adversum paganos dOrose, distinguant une succession linéaire de royaumes, de lAssyrie jusquà Rome5. LHAC adopte cette organisation thématique, tout en létendant et en consacrant une part bien plus large aux segments dhistoire ancienne païenne, pour lesquels des sources supplémentaires sont mises à contribution. Cest 155ainsi que la compilation vernaculaire offre, entre autres, un traitement particulier de la matière de Thèbes, sinspirant du Roman de Thèbes en langue vernaculaire, et de la matière de Troie, daprès le De excidio Troiae de Darès6.

On a aujourdhui tendance à recourir à un modèle de segmentation de lHAC1 en différentes sections thématiques, proposée premièrement par Paul Meyer et affinée par la suite par dautres chercheurs, en particulier par lhistorienne de lart Doris Oltrogge, sur la base dune étude iconographique des manuscrits7. Nous reproduisons ci-dessous la segmentation daprès Oltrogge (reprise par Marc-René Jung), en indiquant les endroits où Hercule intervient, soit activement, soit sous la forme de simples mentions, et sur lesquels nous reviendrons plus loin8.

Sections

Présence d Hercule

I. Genèse

II. Orient I

III. Thèbes

IV. Grecs et Amazones

V. Troie

VI. Énée

VII. Rome I

VIII. Orient II

IX. Alexandre

X. Rome II

XI. Jules César (incomplet)

Mention anecdotique

Intervention directe

Intervention directe

Quelques mentions anecdotiques

Tels sont également les contenus du manuscrit parisien P, qui est devenu en quelque sorte le « manuscrit de base par excellence » sur lequel se sont appuyées les différentes éditions qui ont été publiées à ce jour, comptant des éditions partielles et une édition numérique intégrale du texte9.

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Le manuscrit parisien est en effet le seul témoin à comporter, outre toutes les sections dressées supra, un prologue dans lequel est nommé le chastelain de lIsle Rogier en tant que seigneur et protecteur de lauteur de la composition ainsi quune série de passages moralisateurs en vers. Ce représentant ancien nous servira également de base pour faire un relevé des principaux éléments herculéens traités dans lHAC1.

Hercule est évoqué, comme il ressort déjà du tableau supra, dans plusieurs sections de lHAC1. Entre les différents signes de la présence du héros, il existe des mentions brèves, anecdotiques, noccupant quune ou deux phrases à lintérieur de segments consacrés à dautres thématiques, à côté dépisodes qui sont narrés plus en détail et qui peuvent dans certains cas faire lobjet de chapitres à part. Suivant les histoires antérieures – et lHistoria scholastica en particulier – qui mentionnent un premier Hercule dans le passé biblique, le héros est évoqué dans la section sur la Genèse en tant que fondateur dun lignage avec une certaine Ethea, fille dAfferam (un descendant dAbraham qui aurait donné son nom à lAfrique et qui aurait conquis la Libye à laide dHercule10). De même, bien plus loin dans le texte, dans la section IX sur Alexandre le Grand, suivant le témoignage dOrose, on rencontre une série de souvenirs du passage dHercule et Liber Pater en Orient, dont les « bornes dHercule » que lempereur de Macédoine a dépassées11. Les segments principaux à 157propos du héros, dans lesquels ce dernier intervient en personne et qui constituent ainsi en quelque sorte le noyau de sa « vie », se concentrent cependant sur les sections IV et V de lHAC1, dans des chapitres parlant de lhistoire ancienne autour des Grecs et des Troyens. Suivant la tradition historiographique en place, donc, la prise de Troie reste un point dancrage afin de situer le héros sur le canevas de lhistoire. Ce nest sans doute pas une coïncidence si plusieurs éléments thématiques retenus dans lHAC1 en rapport avec Hercule (tels Antée, lexpédition des Argonautes, la première destruction de Troie, la comparaison avec Samson, que nous découvrirons dans la suite) étaient déjà en place dans les chroniques latines.

Regardons maintenant de plus près le contexte des sections IV (Grecs et Amazones) et V (Troie) et les éléments herculéens relatés dans ce cadre. Nous avons retenu ce qui nous paraissait être des unités thématiques, renvoyant soit à un épisode soit à un sujet spécifique en rapport avec le héros.

(Section IV : Grecs et Amazones) 12

Contextualisation : les origines des Amazones

Les Amazones sont à lorigine les femmes du peuple des Scythes, restées seules dans leur pays au moment où tous les hommes sont partis pour combattre le roi dÉgypte, Vezones. Quand ces femmes entendent que leurs maris ont péri après avoir soumis lÉgypte et après avoir continué à conquérir dautres terres, elles instaurent leur propre gouvernement exclusivement féminin, et commencent à leur tour à lancer des campagnes guerrières, afin de venger la mort de leurs maris. À lépoque où la reine des Amazones Synope mène des conquêtes en Asie et en Europe et que deux de ses sœurs, Anthiope et Orchia, restent au pays dAmazone, la renommée de ces femmes redoutables parvient jusquen Grèce. Cest également lépoque où Hercule est en la flor de sa jovente13.

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Portrait d Hercule et comparaison avec Samson 14

Hercule est introduit comme fiz de la roïne Almene qui fu fille le roi Laudaci, qui vint de Crete. On apprend quil était dune force et dun courage inégalés : plus fors hom ne plus hardis ne fu guaires puis le doloive que fu cil Herculés. On le compare pour cette raison à Samson, à qui il ressemblait en termes de proece et de force et parce que lun comme lautre avait accompli mainte merveille en sa vie. Lauteur justifie pourquoi il ne parlera plus de Samson dans le contexte donné, parce que ce dernier était de la lignée des Hébreux, dont il propose de parler plus tard, en soulignant que les deux héros ont toutefois vécu vers la même époque : E bien sachés neportant quentre Sanson et Herculés not mie grans tens, quar andui furent ou tan[s] que Troie fu premerement destruite. Mes a Troie ne fu mie Sansos, quar ausi ne furent cil de sa lignee.

L expédition d Hercule et de Thésée contre les Amazones 15

Les Grecs, ayant entendu parler de ces damoiseles[= les Amazones], prennent conseil et décident denvoyer Hercule contre elles. Le héros part avec neuf nefs en compagnie de Thésée. Arrivés sur les terres dAmazone, ils attendent la nuit pour surprendre leurs adversaires. La rencontre belliqueuse qui suit est résumée une première fois en peu de mots : les Amazones, prises au dépourvu, ne peuvent sorganiser et les Grecs arrivent, quoiquavec peine, à prendre le dessus sur elles, grâce à la grande force et prouece dHercule. Nous apprenons quHercule et Thésée ont emmené captives Menalippe et Hippolite, les deux sœurs de la reine (sans que lon puisse dire avec certitude de quelle reine il sagit, étant donné que plusieurs sont évoquées dans ce contexte16). Suit une description plus détaillée du combat entre li dui chevalier vaillant et les deux Amazones : Hercule affronte Menalippe, et Thésée Hippolite. Le passage ne manque pas de souligner lhabileté guerrière des deux femmes et la honte de leurs adversaires quand ils se trouvent jetés par terre lors dune première confrontation. Quand Hercule et Thésée arrivent finalement à retenir les deux sœurs, les autres Amazones abandonnent le champ de bataille. Lorsque la reine de Femenie apprend que les deux guerrières ont 159été prises, elle envoie une pucelle portant un rameau dolivier en signe de paix au camp des Grecs afin de négocier avec eux. La reine est prête à payer nimporte quelle rançon pour recouvrer ses sœurs. Hercule lui répond quil ne demande que les armes de la reine en la remenbrance de sa victoire ainsi que sa promesse quelle ne tentera jamais denvahir la Grèce. La messagère transmet la réponse dHercule à la reine, qui en est contente et qui sapprête tout de suite à aller vers les Grecs et conclure la négociation. Lors de leur rencontre, Hercule lui rend Menalippe, alors que Thésée prend Hippolite pour femme et lemmène avec lui dans son royaume. Hercule rentre, à son tour, avec les armes de la reine (son identité nest toujours pas claire). Toute la Grèce se réjouit de sa victoire.

Précisions sur la descendance des Amazones et sur les « maux du siècle 17  »

On apprend quentre-temps est morte Orchia, que sa fille Pantesilee lui succède, qui détruira maint pays, et que Sinope revient de ses expéditions en Asie. Suivent deux segments moralisateurs sur les « maux du siècle » pendant lequel régnaient les Amazones impitoyables, et que les peuples des différents pays saffrontaient et sentretuaient sans cesse.

La lutte contre Antée 18

Après cette parenthèse, le texte revient à lhistoire dHercule, relatant la rencontre entre ce dernier et Antée, située peu après quHercule fut revenu de sa conquête dAmazonie. Antée est décrit comme un gaiant fort et grant a merveille, habitant une des derraines parties de Gresse. Le texte nous apprend en outre la nature particulière dAntée, selon les dires de plusieurs : quand ce dernier se sent fatigué pendant un combat, il se laisse tomber au sol, et, dès quil sent la froideur de la terre, ses forces lui reviennent doublées – caractéristique qui rend Antée très orgueilleux. Ayant entendu parler du géant, Hercule laffronte, armé de sa massue. Les deux luttent pendant un certain temps, mais chaque fois quHercule labat, Antée se relève, revigoré. Hercule sétonne que son adversaire ne se fatigue pas, mais, finalement, il le soulève de la terre, en le tenant en lair entre ses bras, où il létrangle et le tue. Hercule est loué pour cet exploit, de grans prouece et grans force.

Autres exploits d Hercule et de Thésée 19

On apprend quHercule a accompli bien dautres proeces (quar il ne doutoit rien ne lion ne serpent ne nulle autre beste, tant fust crueuse ne orrible). 160Lauteur enchaîne avec des exploits de Thésée, à qui il attribue la victoire sur Cacus, tout en soulignant que cet exploit est parfois attribué à Hercule : Et si ocist un jaiant ausi, Quacus ot a non. Mes teus i a qui dient que Herculés locist, qui bien le peut faire.

(Section V : Troie)

Contextualisation : généalogie des Troyens et des Grecs, premiers conflits 20

À lépoque dHercule et de Thésée, le roi Laomédon règne à Troie, alors que Peleüs est roi sur la cité de Pelopenense. Lanimosité entre les Troyens et les Grecs est alors déjà enracinée dans les lignées des deux peuples – résultat dun conflit qui sétait produit à lépoque du grand-père de Laomédon, Tros, fondateur de Troie. Ce dernier avait deux fils, Ylus et Ganimedon, dont le second fut tué par Tantalos, roi de Mycènes et fondateur de la lignée dont descendent les rois Ménélas et Agamemnon (qui partiront en guerre contre Troie à la suite de lenlèvement dHélène21). Le roi Peleüs craint que son neveu Jason, vaillant et aimé du peuple, ne lui usurpe son trône. Pour cette raison, il imagine une stratégie pour se débarrasser de Jason, en lenvoyant en quête de la toison dor : Si li dist quen lisle de Colcos avoit un mouton qui avoit le visage [sic] dor, et que bien seroit raisons et droiture a sa vertu et a sa prouece quil i alast et si len aportast22.

Hercule parmi les Argonautes et la première destruction de Troie 23

Hercule rejoint Jason et les Argonautes quand ils partent à la conquête de la toison dor. Au cours de leur voyage, ils sarrêtent près de Troie, mais sont immédiatement congédiés par le roi Laomédon, craignant les conséquences de laisser les Grecs arriver librement sur ses terres. Indignés de ce geste, les Argonautes reprennent leur voyage ; Jason conquiert la toison dor, et ils rentrent en Grèce24. Nayant pas oublié 161le comportement du roi de Troie, Hercule rallie les Grecs – Castor et Pollux à Sparte, Télamon à Salamine, Peleüs à Phitiam et Nestor (sans spécification) – pour « venger la honte » que Laomédon leur a faite. Hercule fait apprêter douze navires et les Grecs partent contre les Troyens. Le combat qui sensuit est résumé en un seul paragraphe : Laomédon quitte sa ville pour combattre contre les Grecs alors quHercule et ses compagnons attaquent la ville. Laomédon retourne alors en arrière et est tué par Hercule. Les Grecs assiègent Troie et Hercule donne Hésione, la fille de Laomédon, à Télamon, parce que celui-ci est entré dans la ville en premier.

La mort d Hercule 25

Hercule ne vit plus longtemps après cette victoire. Il endure une greveuse maladie qui le pousse au suicide, car elle est si tres greveuse quil por la grant fierté entra en un grant fue, si sarst toz et ensi fina sa vie.

La suite du texte, et de la section V, parle de Priam qui fait réédifier Troie, de lenlèvement dHélène et de la seconde guerre et destruction de la cité.

Réflexions sur la « vie compilée » dHercule
entre tradition et innovation

Le portrait dHercule dans lHAC1 est constitué dune série de composantes remontant à diverses sources, assemblées dune manière qui repose jusquà un certain point sur la tradition historiographique précédente, tout en innovant sur cette base. Linnovation réside, au-delà de la traduction du latin en langue vernaculaire, dans la modification déléments déjà en place, par linsertion de nouveaux matériaux ou par lajout de nuances interprétatives. Cest donc en ciblant les points de croisement entre tradition et innovation que lon doit chercher à étudier la matière en jeu et son évolution. Or les pistes qui soffrent au chercheur pour aborder 162cette matière sont multiples. Dans la mesure oùlHAC1 sinsère dans une tradition spécifique, il est possible de chercher dautres textes qui présentent des parallèles sur le plan des composantes et de leur constellation et qui ont pu servir de modèle à lauteur de la composition – ou pour lesquels, dans le sens inverse, lHAC1 a pu servir dantécédent. En supposant que les matériaux (herculéens) présents dans lHAC1 ne remontent pas tous à la tradition historiographique précédente, on peut aussi se pencher sur des composantes thématiques individuelles du portrait du héros, en cherchant à éclairer leurs sources (éventuellement indirectes) possibles et leurs trajectoires propres. Il est possible enfin de considérer le portrait dHercule dans son intégralité avec ses déclinaisons spécifiques dans une chronique donnée et de chercher à déceler l« image » quelle confère au héros.

Compiler des portraits ressemblants :
une chronique qui anticipe lHAC ?

Les chercheurs nont pas manqué didentifier des sources pour les différents segments herculéens rappelés supra. Lépisode de lexpédition dHercule contre les Amazones, de même que la « préhistoire » parlant des conflits entre les Scythes et le roi dÉgypte, sinspire dans son ensemble dOrose, alors que lintervention du héros à Troie puise dans le De excidio Troiae de Darès26. Dautres éléments, qui viennent sinsérer à lintérieur de ces grands blocs narratifs, proviennent de la tradition des chroniques dans la lignée dEusèbe-Jérôme, dont la comparaison dHercule avec Samson ou lanecdote sur la mort du héros qui se jette dans un feu27. Pour dautres, les sources restent, suivant Marijke de Visser-van Terwisga, incertaines. Pour nen évoquer quun exemple ici, la lutte dHercule contre Antée est, comme léditrice lobserve, certes évoquée par Eusèbe-Jérôme, mais lancienne chronique latine ne fournit pas toutes les informations présentes dans lhistoire française28. La chronique se tait notamment sur la nature particulière de ce personnage, qui se jette à terre quand il est fatigué afin de sen relever revigoré. Or on peut se demander dans quelle mesure lauteur de lHAC1 a procédé à la compilation de sources disparates suivant sa propre intuition et jusquà quel point il sest inspiré, en revanche, dune histoire précédente qui avait déjà compilé des matériaux semblables.

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Ajoutons que lHAC1 nest pas la première compilation historiographique à combiner des éléments de la tradition des chroniques suivant Eusèbe-Jérôme avec des composantes provenant de lhistoire dOrose et de celle de Darès. Ce constat même suggère que lHAC1, outre le fait dutiliser comme sources les différents auteurs que nous venons de nommer, aurait pris comme modèle une œuvre historiographique préexistante qui aurait procédé à un assemblage de matériaux comparable. Sil ne nous a pas été possible didentifier le modèle précis de lHAC1, lexistence même de compilations précédentes appartenant à la tradition historiographique dont létat de compilation ressemble à celui de lHAC1 invite à ne pas abandonner les recherches en vue de lidentification du modèle précis. Un texte qui se présente comme « prédécesseur » de lHAC1 dans ce sens est, par exemple, la chronique universelle latine de Fréculfe de Lisieux (du ixe siècle), qui semble avoir connu une diffusion non négligeable, compte tenu des quelque quarante manuscrits qui en survivent29. Concernant Hercule, les parallèles entre le texte de Fréculfe et lHAC1 sobservent en premier lieu dans le chapitre de la chronique latine qui parle, entre autres, des Argonautes, des Scythes et des Amazones30. Ce chapitre commence par des anecdotes reprises à Eusèbe-Jérôme, indiquant quon est à lépoque où florissaient les trois maîtres de musique Orphée, Musée et Linus, ce dernier étant le maître dHercule (Linus etiam magister Herculis famosus erat31). Cest également, continue-t-il, le temps dŒdipe et le temps des Argonautes in quibus fuerunt Hercules, Asclepius, Castor et Pollux32. Tous les éléments évoqués jusquici sont déjà présents chez Eusèbe-Jérôme, qui fournit en quelque sorte, en nommant Œdipe dun côté, et les Argonautes de lautre, les coordonnées thématiques pour les 164sections III (Thèbes) et V (Troie) de lHAC1. Mais contrairement à Eusèbe-Jérôme, qui se tait à cet endroit sur lhistoire des Amazones, Fréculfe ajoute, dans la suite de son chapitre – eodem quoque tempore – des contenus qui correspondent grossièrement à ceux de la section IV de lHAC1, à propos du conflit entre les Scythes et le roi dÉgypte, de lorigine du peuple des femmes guerrières ainsi que de lexpédition des Grecs contre elles33.

Vers la fin du chapitre de Fréculfe, on retrouve également les éléments relatifs à Hercule, Thésée et les Amazones, qui sont repris à Orose et qui seront élaborés dans lHAC1. En dautres termes, déjà chez Fréculfe, la tradition des chroniques croise celle de lhistoire dOrose, dont il importe lessentiel des éléments sur Hercule, mais en les enrichissant, comme cest le cas dans HAC1. Citons les phrases dintroduction et de conclusion de lépisode dans les deux textes. Les correspondances de contenu sont relevées en gras dans les deux textes mis en regard34.

Fréculfe (citant Orose)

HAC1

Li renons deles vint en Gresse, qui adonc estoit bien puplee et de riches cités et de nobles chivaleries. Segnor, adonques estoit Herculés en la flor de sa jovente. [suit ici le portrait dHercule][]

Hac fama excitas gentes tanta admiratio et formido inuaserat , ut Hercules quoque cum iussus fuisset a domino suo exhibere arma reginae, quasi ad ineuitabile periculum destinatus uniuersam Greciae lectam ac nobilem iuuentutem contraxerit, nouem longas naues praeparauit . [ ]

Cil Herculés, dunt je vos fais mention et memoire, oï la novele de ces damoiseles, et cil de Gresse ausi, qui mout les douterent, por ce queles avoient mainte riche terre confundue et maumise. Adonc parlerent ensamble li baron de Gresse et si raisnerent tant a Herculés quil dist quil iroit en Amazone combatre as Amazonienes. Lors fist Herculés faire .ix. longes nés et grandes.

[]

Sed Theseus Hyppoliten matrimonio asciuit ; Hercules Melanippem sorori reddidi, et arma reginae pretio redemptionis accepit .

Et Theseüs prist a feme Hippolite, si len mena o lui en son regne. E Herculés ot les armes a la roïne, si les en porta ou lui en Gresse.

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Comme on le voit dès les premières phrases mises en comparaison, le texte de lHAC1 nest pas une simple traduction du segment correspondant de la chronique latine. Le texte français ajoute des précisions censées contextualiser et « ajuster » le contenu à la culture médiévale. On apprend ainsi que la Grèce, patrie dHercule, abonde en riches cités et nobles chivaleries et on voit se rassembler li baron de Gresse (remplaçant le domino suo du texte latin, censé probablement renvoyer à Eurysthée) afin de convaincre le héros de partir. Notons aussi que Fréculfe, qui suit fidèlement le texte dOrose dans ce passage, ne donne pas de véritable « portrait » dHercule, alors que la composition vernaculaire étoffe le passage adapté en y ajoutant des informations supplémentaires relatives au personnage35. Sil est vraisemblable que lauteur de lHAC1 ne sappuie pas ici directement – du moins pas exclusivement – sur Fréculfe, on peut néanmoins supposer quil sest inspiré de ce texte, ou dune chronique apparentée, pour insérer lépisode dans sa compilation.

Ce dernier constat ne vaut pas seulement pour le récit à propos des Amazones. Le chapitre suivant de la chronique de Fréculfe36 comporte un ensemble dautres éléments en rapport avec Hercule, présentés sous une forme bien plus compacte que les mentions éparses que lon a retrouvées chez Eusèbe-Jérôme et dans les autres chroniques latines mentionnées supra. Fréculfe mentionne, entre autres, linstitution des jeux olympiques, puis la lutte contre Antée et les circonstances de la mort dHercule, avant de parler de la guerre de Troie : Troianum decennale oritur bellum, ac demum euersa capitur Troja. Quod ita contigisse <in> historia Daretis atque aliorum legimus37.Ce qui est advenu, nous dit Fréculfe, on peut le lire dans lhistoire de Darès et chez dautres. Dans la suite de son texte, il insère un résumé des événements annoncés, à commencer par le récit des voyages des Argonautes et du conflit avec Laomédon. Ce résumé ne repose cependant pas directement sur Darès, mais sur lun des « autres » qui lavait déjà adapté : cest la version raccourcie de Darès que lon retrouve déjà insérée dans certains manuscrits de la chronique du Pseudo-Frédégaire (viiie siècle), que Fréculfe a reprise et 166abrégée davantage38. Le lecteur sera peut-être déçu de constater que cette version raccourcie du Deexcidio Troiae se passe de toute mention dHercule. Mais en admettant que Fréculfe nétait pas la source unique du compilateur de lhistoire vernaculaire, on peut considérer la présence même de cet abrégé de Darès chez Fréculfe (et dans des chroniques précédentes) sous une autre lumière : les données suggèrent dautant plus fortement que lauteur de lHAC1 na pas inséré au hasard le récit de la première destruction de Troie – ni celui des Amazones, qui le précède – mais quil la fait, selon toute vraisemblance, parce quil avait connaissance des compilations historiographiques déjà existantes visant à accorder une place plus large à lhistoire ancienne païenne que ne le faisaient les chroniques traditionnelles39.

Les observations précédentes nous donnent lidée de plusieurs « strates » de matériaux qui se superposent progressivement au cours de la tradition des chroniques, ainsi quune série grandissante de modèles qui fournissent des constellations grossières (entre autres pour la vie dHercule) avec certaines composantes récurrentes. La réalisation concrète de ces composantes peut cependant mobiliser des sources variées, qui peuvent, en outre, se combiner de différentes manières et impliquer des aménagements divers. Ceci est une tendance que lon observera tout au long de la tradition des histoires, en langue latine comme en langue vernaculaire. Évidemment, il est possible que lauteur de lHAC1 ait pris comme modèle un texte qui comportait déjà tous les épisodes dans lordre et tels que nous les avons esquissés supra. Dans la mesure où nos recherches nont pas abouti à la découverte dun tel texte, il convient de réfléchir au-delà des « modèles », en élargissant lenquête aux sources externes à la tradition historiographique qui ont pu fournir des matériaux.

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La quête des sources :
des emprunts à un manuel de savoir mythologique ?

Suivant les notes dans lédition par M. de Visser-van Terwisga de la section IV des Amazones, certaines bribes dinformations constitutives du portrait dHercule restent énigmatiques et de provenance indéterminée. Ainsi, dans une phrase comme celle-ci : Cil Herculés fu fiz de la roïne Almene qui fu fille le roi Laudaci, qui vint de Crete40, lélément problématique est lidentité de lancêtre dHercule, Laudaci41, pour lequel on ne trouve pas dexplication dans les ouvrages de référence habituels de la mythologie grecque. Il nexiste aucun personnage appelé ainsi, et le père dAlcmène (et grand-père maternel dHercule) est traditionnellement identifié comme étant Électryon, roi de Tirynthe et de Mycènes42. Or il existe un certain nombre de « généalogies de dieux païens », transmises souvent dans le cadre de compilations de savoir encyclopédique et mythologique, qui comportent des parallèles intéressants43. Juppiter 168genuit de Alcmena, Laudaci filia et uxore Amphitryonis, Herculem, peut-on lire, par exemple, dans une Genealogia falsorum deorum inédite, transmise dans un recueil collectif du xve siècle44. Ce témoignage nous fournit un indice utile pour résoudre notre énigme : linformation présente dans lHAC1 a vraisemblablement été adaptée daprès un texte latin où le nom concerné figurait, comme dans la généalogie citée, au génitif. En dautres mots, Laudaci renverrait à la forme nominative Laudacus. Or, sil ny a pas de personnage de ce nom dans la mythologie antique, il existe bien un Labdacus45 ; et ce dernier est identifié dans dautres traités médiévaux sur les dieux et leurs généalogies comme étant le père dAlcmène. Il apparaît par exemple dans lœuvre mythographique de Konrad de Mure, qui maintient, dans une entrée de son Fabularius dédiée à Labdacus, que : Labdacus rex frater Hecube fuit, a quo Laius et Alchmena mater trahit Herculis ortum46. Laudaci est donc, selon toute vraisemblance, le résultat soit dune mauvaise lecture de Labdaci soit dune adaptation en français de ce nom. En même temps, linformation véhiculée par les généalogies et lHAC1 se prête à quelques observations intéressantes, car si Labdacus est généralement bien considéré comme le père de Laïus, il nest aucunement rattaché à Alcmène et Hercule. Par ailleurs, Labdacus, comme ses descendants, est rattaché au cycle thébain ; aucun dentre eux nest le roi de Crète. Chacun de ces éléments dinformation demanderait une enquête à part – à laquelle nous ne nous livrerons pas ici. On retiendra pour linstant simplement la présence de la même information dans les généalogies et dans lHAC1.

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Il est intéressant de noter que dautres textes mythographiques semblables ou apparentés aux traités évoqués supra, comprenant eux aussi des généalogies des dieux antiques, témoignent des anecdotes retrouvées dans lHAC1 à propos de Cacus et dAntée, dont la provenance était également restée incertaine daprès de Visser-van Terwisga47. Considérons lanecdote à propos de Cacus daprès lHAC1 : Et si ocist[= Thésée]un jaiant ausi, Quacus ot a non. Mes teus i a qui dient que Herculés locist, qui bien le peut faire48. Lincertitude à propos de lattribution de lexploit à lun ou lautre des deux héros se rencontre, comme nous le verrons dans la troisième partie de ce travail, dans des commentaires en rapport avec les Métamorphoses49. Elle est cependant présente aussi dans plusieurs manuels de mythologie qui comportent des généalogies divines et dont plusieurs transmettent des listes de probitates Thesei et de probitates Herculi. Dans au moins deux témoins qui rapportent une liste dexploits de Thésée, on retrouve, parmi les éléments de cette énumération, Mors Caci, que attribuitur Herculi50. Lun des témoins en question, le manuscrit Pal. lat. 1741 de la Bibliothèque vaticane du xve siècle, transmet, entre autres textes mythographiques, également le traité de Konrad von Mure, dans lequel figure la mention du rattachement dAlcmène à Labdacus51. Le témoin en question est évidemment bien trop tardif pour être la source de lHAC1. Cependant, les textes mythographiques quil recueille datent en grande partie des xiie et xiiie siècles, ce qui suggère que des manuels rassemblant des données semblables ont pu circuler à lépoque de la rédaction de lHAC1.

Le récit de la lutte dHercule contre Antée dans lHAC1 apparaît à son tour dans des textes mythographiques apparentés aux exemples évoqués supra. Il convient de noter à ce sujet, à titre de précaution, 170que lépisode en question est relaté par un grand nombre de textes depuis lAntiquité, dont plusieurs sont déjà mentionnés par de Visser-van Terwsiga dans son édition : dans une note à propos du passage concerné, léditrice évoque les noms de Diodore, Eusèbe-Jérôme, Stace, Fulgence et Ovide (et on pourrait en ajouter dautres), avant de conclure : « mais la source principale est probablement la légende orale52 ». Cette hypothèse nest peut-être pas fausse si lon suppose que les manuels de mythologie dont nous avons déjà évoqué plusieurs exemples transmettent un savoir de base que les clercs de lépoque connaissaient en partie par cœur. Cela dit, il est significatif que lon trouve, dans dautres textes apparentés ou comparables aux exemples évoqués supra, des parallèles avec lHAC1 plus convaincants que dans les œuvres des auctoritates nommées par léditrice.

Le traité De natura deorum du manuscrit Digby 221 de la Bodleian Library à Oxford (connu aussi sous le nom de « Mythographe de Digby », dont le texte est daté habituellement du xiie siècle), commençant à son tour par une généalogie divine, transmet un résumé sur la lutte entre Hercule et Antée dont certains détails résonnent dans lHAC153. Mettons en parallèle deux extraits du chapitre du mythographe et du passage dans lhistoire française54.

De natura deorum

HAC1

Ille [ = Antaeus ] autem quotiens defessus erat, totiens se humi sternebat, haustoque spiritu de gremio terrae fortior et integer resurgebat. Vires namque sic prostratus resumebat.

Quod ut Hercules tandem sensit, illum in aerem sublevavit , dicens « huc, Antaee, cades » diuque in aere compressus tandem interiit.

Cil jaians estoit de tel nature que sil avenist choze quil se combatist et il fust tant soupris de lasté et il chaïst a terre, tantost com il sentist la terre et la froidure de li, sa force et salaine li fust revenue et doblee, ce dient li pluisor. [] Mout sen esmerveilloit Herculés, ne ne savoit coment ce pooit estre, et tant quen la fin se porpensa. Et lors le leva mout viguorousement de terre a .ii. bras, et tant lestrainst et tint a force en air quil lestranla et ocist entre ses bras.

171

Les textes partagent notamment deux précisions qui manquent, daprès nos enquêtes, dans les autres sources évoquées supra daprès lédition de Visser-van Terwisga. Lun comme lautre souligne que cest quand Antée a épuisé ses forces (quotiens defessus erat ; sil fust tant soupris de lasté) quil se laisse tomber par terre afin de renouveler son énergie. De même, ils soulignent comment Hercule, après avoir lutté contre lui pendant un certain temps, se rend finalement compte de la nature particulière de son adversaire (tandem sensit ; en la fin se porpensa), avant de le soulever en lair et de létrangler entre ses bras. Si le texte français comporte certains détails absents du texte latin (quAntée est un jaiant, quil sent la froideur de la terre, etc.) et vice versa55, la manière dont lépisode est résumé dans les deux textes est visiblement proche.

Cest peut-être lincise ce dient li pluisor dans lHAC1 qui a motivé la remarque de léditrice de Visser-van Terwisga, attribuant la diffusion de ces informations à la tradition orale. Dans le cas en question, li pluisor sappliquerait cependant aussi au savoir mythographique transmis par voie textuelle, car le passage cité du De natura deorum se retrouve ailleurs, entre autres dans le Commentaire Vulgate des Métamorphoses (xiiie siècle), ainsi que dans une autre compilation mythographique comportant des généalogies divines, celle du manuscrit Dublin, Trinity College, TCD 632 (xve siècle56). Citons les trois textes en vis-à-vis, afin de mettre en évidence les parallèles de contenu57 :

De natura deorum ( xii e  s.)

Commentaire Vulgate ( xiii e  s.)

Dublin, Trinity College, TCD 632 (xv e  s.)

Antaeus fuit filius Terrae, cum quo Hercules luctatus est.

Antheus erat [var. ajout : quidam gigas58] filius terre cum quo Hercules luctatus est.

Hercules cum Antheo gigante qui filius terre dicebatur luctatus est,

Ille autem quotiens defessus erat, totiens se humi sternebat,

Ille autem quotiens erat fessus, totiens se humi prosternebat.

qui quotiens defessus fuerat, totiens se terre sternebat

172

haustoque spiritu de gremio terrae fortior et integer resurgebat.

Hausto enim spiritu de gremio terre fortior et integer resurgebat :

haustoque spiritu de gremio terre fortior resurgebat.

Vires namque sic prostratus resumebat. Quod ut Hercules tandem sensit, illum in aerem sublevavit, dicens « Huc, Antaee, cades » diuque in aere compressus tandem interiit.

vires namque sic prostratus resumebat. Quod ut Hercules tandem sensit, eum sublevauit in aera, dicens : « Huc, Anthee, cades » diuque in aere pressus tandem interiit.

Vires namque sic prostratus resumebat. Quod ut Hercules tandem persensit, illum in aerem sullevavit, dicens : « Huc, Anthee, cades. »

En comparant les données dans ces textes, il apparaît quils transmettent un résumé analogue qui a dû connaître une certaine diffusion, à partir du xiiie siècle au plus tard et, entre autres, dans le domaine français (dont provient le Commentaire Vulgate). On observe par ailleurs que la précision quAntée était un géant – absente dans le De natura deorum, mais présente dans lHAC1 – apparaît parmi la varia lectio de ce morceau de savoir mythologique partagé par les différents textes. La pluralité des témoignages suggère quil faisait partie dun savoir mythographique général qui sest diffusé grâce aux traités mythographiques ainsi quaux commentaires de lépoque qui nous intéresse ici.

Les exemples présentés ci-dessus proviennent, certes, de plusieurs textes différents, dont aucun na probablement servi de source directe à lauteur de lHAC1. On pourrait cependant simaginer que lauteur-compilateur en question avait intégré les données concernant la généalogie dHercule, lattribution incertaine de la victoire sur Cacus et la lutte contre Antée (et sans doute aussi dautres informations) à partir dun manuel de savoir mythologique comparable réunissant déjà ces données, au moins en partie59. Quelques observations encore permettent, il nous semble, de renforcer cette hypothèse. Si aucun des manuels mythologiques évoqués ne comporte toutes les données, ils ne transmettent pas non plus de simples bribes dinformation isolées. Le manuscrit TCD 632 de Dublin, par exemple, comporte lanecdote sur Antée ainsi que linformation généalogique à propos de Laudaci, ancêtre dHercule. Le recueil Pal. lat. 1741 intègre cette dernière donnée de même que lattribution incertaine de la victoire sur Cacus. Dans un autre ordre didées, tous les éléments que nous venons de citer survivent dans plusieurs traités du même genre, dont certains remontent au moins jusquau xiiie siècle. En outre, il est intéressant dévoquer la présence de 173données mythologiques en partie analogues dans une autre œuvre historiographique du xiiie siècle, qui a vu le jour dans un contexte géographique différent, mais que dautres chercheurs ont déjà considérée en rapport avec le même ensemble de traités mythographiques et généalogiques dont nous venons de parler : la General Estoria espagnole60. Cette dernière nomme à plusieurs reprises en tant que source un certain Libro de las generaciones de los dioses de los gentiles – en dautres termes, une généalogie des dieux païens61. Fait intéressant pour notre propos : la General Estoria fournit à son tour des données généalogiques à propos dHercule, nommant à nouveau cet ancêtre étrange que dixeron Laudato. E aquel Laudato fizo a Almena62. Compte tenu de ces données parallèles, il paraît tout à fait plausible que lHAC1 ait pareillement mis à contribution un manuel contenant des généalogies des dieux païens – qui condensait en peu despace un savoir mythologique de base – et que ce soit dun tel manuel que proviennent certaines des données « dorigine incertaine ». Des textes de ce type, plus concis que les traités des Trois Mythographes du Vatican63, ont, selon toute vraisemblance, circulé largement et servi de référence en la matière.

Les données mythographiques sont donc passées dans lhistoriographie, et cela à plusieurs reprises. Au fil du temps, le petit ensemble dexploits présents dans lœuvre dun Eusèbe sagrandira et senrichira de données provenant de textes extérieurs à lhistoriographie. LHAC1 en témoigne, tout comme le feront dautres histoires que nous examinerons par la suite. Limportation de ces données témoigne non seulement dun intérêt de la part des clercs et historiens pour les personnages de lAntiquité païenne, mais également, nous semble-t-il, de la diffusion de textes mythographiques, parmi lesquels les manuels de savoir mythologique comme ceux que nous avons considérés supra occupent probablement une place dont limportance tend à être minorée.

174

La spécificité du portrait dHercule

Si lon suppose que la plupart des éléments constitutifs du portrait dHercule dans lHAC1 nont pas été inventés par lauteur, linnovation dans un tel texte compilé naît de la combinaison de différents facteurs : la sélection des éléments retenus, la manière dont ils sont assemblés, ainsi que les nuances interprétatives qui peuvent être introduites de la part du compilateur, surtout si ce dernier agit en même temps en tant que traducteur, comme cela paraît être le cas de lauteur de lHAC1. En considérant dun seul coup dœil les différents épisodes réunis dans son œuvre, on verra émerger un « portrait » dHercule. Arrêtons-nous maintenant sur quelques-uns de ses caractéristiques, qui permettront aussi de souligner limportance persistante de lhétérogénéité des matériaux.

LHercule qui ressort de lHAC1 est, dans un premier temps, un homme fort et courageux par excellence. On apprend dès son portrait initial quil ny avait guère dhomme plus fors ni plus hardis depuis le Déluge, ce qui place Hercule dans une position à part également sur léchelle historique. La force et la prouece du héros sont soulignées à plusieurs reprises au cours de sa « biographie ». Lépisode dAntée montre que ces qualités valent dans leur sens le plus littéral : Hercule est capable de soulever un géant entre ses bras et de le tenir en lair en le serrant jusquà létouffer. Limpression est encore renforcée lorsquon apprend quHercule, dans le contexte du même épisode, nest armé que de sa masue grande, tele come convenait à si fort home64. Et comme on lit plus loin, il est sans peur, ne craignant rien, ne lion ne serpent ne nulle autre beste, tant fust crueuse ne orrible65. Cette dernière phrase rappelle les premiers travaux du héros. Tueur de géants, vainqueur de bêtes sauvages, cet Hercule maniant sa massue a lui-même quelque chose de farouche et de « primitif » qui paraît comme un lointain reflet des légendes populaires dont émanait le héros à lorigine. On se souvient à cet égard aussi des réflexions de lhistoriographe antique Diodore de Sicile à propos dHercule, qui expliquait que les premiers travaux du héros auraient bien mieux convenu à un homme vivant avant lère des premières civilisations plutôt quà lépoque de la guerre de Troie66.

Dès sa présentation initiale, cet Hercule fait lobjet dune comparaison avec un homme fort de la légende biblique, Samson, car chacun des deux aurait accompli « mainte merveille » en sa vie. Si le compilateur 175de lHAC1 a pu trouver la comparaison entre les deux personnages dans lœuvre de chroniqueurs précédents, il la développe davantage, créant une sorte de double portrait dans lequel il juxtapose, certes assez brièvement, les biographies du héros païen et de son homologue biblique67 :

Herculés fist mainte merveille en sa vie, qui bien funt a reprendre et ausi fist Sansos. Mes de Sanson ne vos parlerai plus ore jusques a tant que par droiture viendra a lui li contes de lestoire. Ce sera quant parlera[i] des Hebrius, quar il fu de lor lignee. E bien sachés neportant quentre Sanson et Herculés not mie grans tens, quar andui furent ou tan[s] que Troie fu premerement destruite. Mes a Troie ne fu mie Sansos, quar ausi ne furent cil de sa lignee.

En relevant les similarités entre les deux héros et en situant leurs vies à la même échelle temporelle de lhistoire, tout en insistant à plusieurs reprises sur le fait quils appartenaient à deux « lignées » distinctes, le compilateur met en relief lidée des « lignes parallèles » de lhistoire dans lesquelles les deux personnages sinscrivent suivant la chronologie traditionnelle selon Eusèbe-Jérôme. Lhistoire païenne peut faire lobjet dune comparaison, même dune analogie, avec lhistoire biblique ; constat dautant plus intéressant que les segments sur les Hébreux que le compilateur annonce à cet endroit ne trouveront jamais leur chemin vers sa chronique68. Dans les lignes en question on voit transparaître lun des sujets de prédilection du compilateur de la version longue du texte : lhistoire du Salut, qui lui est très chère et qui semble perpétuellement sous-tendre son texte69.

À côté de cette projection de la figure dHercule sur son alter ego biblique, le héros se profile cependant dans une série dautres épisodes nettement païens, où limage de lhomme fort reçoit certaines nuances. 176Il est utile dobserver à ce sujet que lHercule luttant contre Antée en employant la force de ses bras nus se présente dans un cadre très différent que lhomme que li baron de Gresse choisissent pour mener une expédition contre les Amazones, qui rassemble mout de chevalerie et qui part en compagnie de Thésée et avec neuf navires pour le royaume lointain des femmes guerrières. Considérons un extrait de lHAC1 décrivant le combat que se livrent les Grecs et les Amazones, qui ne ressemble guère à la lutte dHercule contre le géant et qui est, par ailleurs, largement constitué dinnovations par rapport au modèle lointain dOrose70 :

E tantost com eles vindrent a lestor, Menalippe jousta a Herculés et Hippolite a Theseüs. Et si tres durement sentrecontrerent a la grande vigor queles avoient et par la force des riches destriers sor quoi eles seoient, queles et li dui chivalier vaillant, qui ausi contre eles venoient quan quil pooient, se porterent a terre. [] Tost furent les damoiseles relevees, qui assés savoient darmes, et ausi furent li chivalier, Herculés et Theseüs, qui grant vergoigne en orent. Et si ne vos esmerveillés mie sErculés chaï, qui fors estoit a merveilles, quar ce fu par aventure par son cheval, qui chargiés estoit de lui et de ses armes, et par le ruiste encontre de la damoisele, qui le chival fist sous lui trebucher et fundre. Tantost com en piés furent revenu, et les damoiseles orent les escus reons avant mis et es poins les espees, li Grigois lor corurent soure, [qui] la force avoient.

On a limpression de lire la description dune joute chevaleresque dans un roman en prose : Hercule et Thésée sont li dui chevalier vaillant, et les deux Amazones sont désignées comme des damoiseles (peut-être pour se conformer au registre, peut-être en guise de banalisation), qui saffrontent dabord à cheval, arrivent à faire tomber leurs adversaires de leurs montures, empoignant ensuite leurs épées et leurs écus et continuent à combattre à pied. Lacculturation médiévale de la scène est par ailleurs totale aussi sur le plan iconographique du manuscrit Paris, BnF, fr. 20125 (P), où les deux damoiseles sont représentées en pleine armure, au moment où elles désarçonnent leurs adversaires grecs71. Lauteur médiéval semble par ailleurs avoir ressenti comme problématique lhabileté guerrière des femmes lors de cette confrontation, si lon considère les explications quil ajoute afin de justifier pourquoi Hercule 177serait tombé de son cheval. Ce ne serait pas, en fin de compte, à cause de Menalippe, mais par aventure, parce que lanimal est trop chargé et quil seffondre sous le poids du chevalier lors de limpact. LHercule qui sort de cet épisode savère également chevaleresque en ce quil se présente comme plus « civilisé », et plus diplomate, étant prêt à négocier et à conclure la paix avec la reine des Amazones, en recevant ses armes en symbole de sa victoire.

LHercule qui se retrouve en début de la section troyenne est encore un peu différent, sa nature guerrière étant mise en avant. Présenté ici comme camarade de Jason et des Argonautes plutôt que comme compagnon de Thésée, il apparaît dabord dans un rôle secondaire (Et la fu Herculés ave[c] Jason en compaignie72). Dans le contexte de cet épisode, il nest plus question de se confronter à un adversaire qui présente une menace directe et imminente, mais de défendre lhonneur symbolique du peuple. Les Grecs se sentent insultés par le roi de Troie qui les chasse de ses terres : Jason et Herculés et cil qui avec aus estoient furent mout aïré de la cruauté le roi Laomedon, por ce quil mal ni tort ne li voloient faire, et si vilainement les avoit congeés de son regne73. Cest aussi lévénement déclencheur qui projettera Hercule dans une position plus proéminente dans la deuxième moitié du segment narratif. Il sémancipe du statut auxiliaire de compagnon de Jason (et il nest pas non plus un simple émissaire des barons de Grèce, tel quil létait dans le cadre de lexpédition contre les Amazones), car il prend sur lui de rallier les « chevaliers » grecs afin de partir contre Troie74. Cest également lui qui dirige larmée grecque, une fois en place, et qui remporte la victoire en tuant le roi des adversaires, après avoir devisé un stratagème pour piéger les ennemis lorsque ces derniers sont sortis de leur ville afin de confronter les Grecs75 :

Herculés et sa maisnee sen ala vers la cité, qui auques estoit de gent voidee, si assailli ceaus qui dedens estoient. Et lors fu nuncié au roi Laomedon ceste choze, qui sans atargier repaira ariere. Et Herculés revint contre lui qui locist en cele bataille.

Lintervention de cet Hercule-guerrier qui conduit avec succès une campagne de vengeance contre les Troyens est aussi décisive pour le tournant des événements quelle paraît fugace sur le plan narratif. 178LHAC1 résume le conflit belliqueux en si peu de mots que cela peut frapper le lecteur ayant traversé des descriptions bien plus étoffées dans les épisodes précédents. En même temps, elle rappelle la nature composite de lœuvre, caractérisée par lalternance entre des narrations étendues et des anecdotes succinctes.

Que le texte de lHAC1 passe des segments narratifs presque « romanesques » vers un mode historiographique plus concis vers la fin de lépisode en question sobserve également dans les mots brefs évoquant la fin dHercule – et de Jason – et de leurs autres compagnons76 :

Segnor, Herculés ne vesqui mie puis lonc tens, ains li prist uns greveuse maladie, et si tres greveuse quil por la grant fierté entra en un grant fue, si sarst toz et ensi fina sa vie. Et Jason moru ausi et pluisor autre de diverses manieres, qui furent en cele compaignie.

Après le récit de la première victoire des Grecs contre les Troyens, ces phrases sont peut-être censées constituer une mise en garde contre la mortalité des hommes et la futilité de leurs exploits. Lapostrophe aux seigneurs, systématique dans lHAC1 quand il sagit dinterpeller un public auquel on adresse un enseignement, souligne, tel un nota bene, comment ces hommes illustres, dont Hercule, ont tacitement disparus de la toile de lhistoire. Comme dans les histoires antérieures, Hercule est présenté non comme un dieu ou demi-dieu, mais comme un homme placé dans le cours de lhistoire et qui meurt à un moment donné pendant le défilement des événements. Cest éventuellement aussi la raison, si lon revient sur le portrait du héros dans son ensemble, pour laquelle aucune mention nest faite de son rattachement à Jupiter lorsque sont fournies ses « coordonnées » généalogiques initiales, qui se limitent à évoquer sa lignée maternelle, humaine77. Le compilateur se soucie de fournir, au cours de sa biographie en « patchwork » du héros, des points de repère afin de situer et délimiter la vie de cet Hercule-homme dans lhistoire : il était en la flor de sa jovente (formule censée adapter le latin floruit) lorsque les Amazones étaient à leur apogée ; et il vécut, comme on lapprend dès le début de son portrait, au tans que Troie fu premerement destruite78. Sa mort est placée immédiatement après cet événement qui annonce en quelque sorte la fin du périmètre de sa vie. Restant tout à 179fait conforme aux données dans les chroniques traditionnelles, sa mort est intercalée entre les deux conflits entre Grecs et Troyens.

Hercule – homme fort, chevalier, guerrier – se présente sous des formes diverses, motivées par la multitude des sources et modèles qui le constituent. Dans un texte comme lHAC1, lhétérogénéité des éléments est très visible, rendant difficile lidentification dun « type » dHercule univoque. On peut souligner tout au plus que la dimension (semi-)divine de son personnage est entièrement éliminée. Labsence dune caractérisation ou même dune valorisation manifeste de son personnage est lune des caractéristiques qui définit non seulement lHAC1 mais également dautres histoires en langue française, dont bon nombre reprendront une partie – et parfois la majorité – des composantes de lœuvre « fondatrice » que nous venons de regarder. En raison de la nature hétérogène de ces œuvres historiographiques, ce qui paraît au premier regard une innovation ou un ajout dans une compilation donnée est susceptible de faire partie en réalité dune compilation antérieure perdue. Chaque passage relevant dune source externe à lhistoriographie pourrait avoir été intégré dans une compilation précédente qui nous est aujourdhui inconnue. Le fait de retracer une tradition implique toujours des inconnues de ce type, que lon peut réduire toutefois dans la mesure où lon augmente la quantité des matériaux dépouillés. Ainsi, sil reste bien des incertitudes sur l« histoire » de lHercule médiéval, nous avons aussi trouvé à clarifier certaines dentre elles. Létude des œuvres historiographiques quon lira ci-dessous mettra laccent sur différents aspects, selon lintérêt quils présentent pour comprendre la tradition dHercule dans toute sa diversité.

1 Le titre dHistoire ancienne jusquà César, lidentification dune première et dune seconde rédaction du texte, ainsi que la distinction de différentes « sections » du texte (auxquelles nous reviendrons infra),proviennent dune publication de P. Meyer, « Les premières compilations françaises dhistoire ancienne », Romania, 14, 1885, p. 1-81. – Pour un aperçu général sur les sources des différentes parties de la plus ancienne rédaction du texte, voir Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., p. 334-340. Des remarques sur ces sources sont également données, à des degrés variés, dans les éditions partielles du texte parues jusquà présent (voir p. 155-156, n. 9 infra pour les références). La composition et la compilation des matériaux dans cette œuvre ont été étudiées à partir de la section sur lhistoire de Rome par C. Croizy-Naquet, Écrire lhistoire romaine au début du xiiie siècle : lHistoire ancienne jusquà César et les Faits des Romains, Paris, Champion, 1999. Citons finalement deux études de cas portant sur un texte en particulier, le Liber Floridus, œuvre encyclopédique datant du Haut Moyen Âge qui semble avoir servi de source à lœuvre : F. Montorsi, « Les origines des Francs dans lHistoire ancienne jusquà César. Sur une source inconnue de la première chronique universelle en français », Romania, 40, 2016, p. 415-426, et H. Morcos, « Compilation as Palimpsest : Tracing Origins of the Histoire ancienne jusquà César in the Liber Floridus », Queeste, 28:1, 2021, p. 61-95.

2 Cf. Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., p. 335. Voir aussi, à propos de la datation de lœuvre, larticle récent de F. Montorsi, « Sur lintentio auctoris et la datation de lHistoire ancienne jusquà César », Romania, 134, 2016, p. 148-165.

3 Histoire ancienne jusqu à César (Estoires Rogier), éd. De Visser-van Terwisga, 2 t. Orléans, Paradigme, 1995-1999. Cest lune des éditions partielles à travers lesquelles les différentes sections de lHAC1 nous sont connues (voir la table des sections infra, p. 155). Lédition par M. de Visser-van Terwisga couvre les « sections II à IV » de lhistoire, y compris les parties du texte dans lesquelles se situe le plus grand bloc dépisodes autour dHercule.

4 Cf. Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., p. 348, mais déjà P. Meyer, « Les premières compilations françaises dhistoire ancienne », art. cité, p. 52 sqq.

5 Voir les remarques de C. Gaullier-Bougassas dans lintroduction à son édition de la « section IX » sur Alexandre le Grand de lHAC1, LHistoire ancienne jusquà César ou Histoires pour Roger, châtelain de Lille. Lhistoire de la Macédoine et dAlexandre le Grand, Turnhout, Brepols, 2012, p. 23-25.

6 Cf. Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., p. 338.

7 P. Meyer, « Les premières compilations françaises dhistoire ancienne », art. cité ; D. Oltrogge, Die Illustrationszyklen zur « Histoire ancienne jusquà César » (1250-1400), Francfort, Peter Lang, 1989.

8 Nous navons pas compté les simples mentions du nom dHercule, par exemple, pour annoncer des segments plus loin dans le texte, mais seulement les occurrences en rapport avec des thématiques ou épisodes spécifiques.

9 Les éditions partielles sont les suivantes : (de la section I) The Heard Word : A Moralized History. The Genesis section of the Histoire ancienne in a text from Saint-Jean dAcre, éd. M. Coker Joslin, Jackson, University of Mississippi Press, 1986 ; (des sections II-IV) éd. de Visser-van Terwisga, op. cit. ; (de la section V) Jung, dans La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., p. 359-430 ; (de la section VIII) LHistoire ancienne jusquà César ou Histoires pour Roger, châtelain de Lille. Lhistoire de la Perse, de Cyrus à Assuérus, éd. A. Rochebouet, Turnhout, Brepols, 2016 ; (de la section IX) LHistoire ancienne jusquà César ou Histoires pour Roger, châtelain de Lille. Lhistoire de la Macédoine et dAlexandre le Grand, éd. Gaullier-Bougassas, op. cit. En outre, la section VI sur Énée a été transcrite par K. Labelle dans le cadre de son mémoire de maîtrise, Sources et autonomisation du savoir historique en français : lexemple des récits autour dÉnée dans les histoires universelles médiévales, Québec, Université Laval, 2018, p. 34-95. Lédition numérique intégrale de lœuvre est en effet double, car elle comprend une édition semi-diplomatique ainsi quune édition interprétative du manuscrit P, préparées dans le cadre du projet européen The Values of French Language and Literature in the European Middle Ages, sous la direction de Simon Gaunt, au Kings College de Londres, 2015-2020. Le texte est accessible via le site du projet, https://tvof.ac.uk/textviewer/?p1=Fr20125/semi-diplomatic/section/1 (dernière consultation : 29-08-2022).

10 Cf. la section I sur la Genèse : Cis Afferam entra en Libie a tote sa grant gent por conquerre la contree. La li vint Herculus [sic] en aïe e por ce li dona Afferam sa fille a feme qui Ethea estoit apelee. (The Heard Word : A Moralized History, éd. Coker Joslin, op. cit., § 216, p. 124-125)

11 Voir les f. 240v-251r du manuscrit P, et les chapitres 62-64, 68-69, 87 et 90 de léd. Gaullier-Bougassas, op. cit. du texte, pour des mentions brèves du héros dans ce cadre. Après avoir conquis lOrient, Alexandre fait ériger des colonnes au-delà de celles quauraient posées avant lui Hercule et Liber Pater : [I]l comanda a ses provos des darraines contrees quil bousnes en samblance de colombes dor meïssent et darraines terres quil avoit conquises et outres ces bousnes Hercules et Liber i avoient assises et si fist escrire tote la memoire de ses fais et tote luevre quil avoit faite en Inde. (chap. 90. Que li rois Alixandres fist bosnes metre sor loccean o il avoit esté). Voir, pour des observations complémentaires et des éléments bibliographiques sur le sujet, R. Trachsler, Disjointures – Conjointures. Étude sur linterférence des matières narratives dans la littérature française du Moyen Age, Basel/Tübingen, Francke, 2000, p. 132-135.

12 Les éléments de la section IV sont cités dans cette vue densemble daprès léd. De Visser-van Terwisga, op. cit., avec les modifications par rapport au ms. P notées entre crochets. Nous renverrons systématiquement aux chapitres selon cette édition et aux feuillets du ms. P.

13 Éd. De Visser-van Terwisga, op. cit., chap. 138, l. 7-8 ; ms. P, f. 120va.

14 Éd. De Visser-van Terwisga, op. cit., chap. 138, l. 11-18 ; ms. P, f. 120vab.

15 Éd. De Visser-van Terwisga, op. cit., chap. 138-141 ; ms. P, f. 120vb-121vb.

16 Compte tenu des différents noms évoqués, il est question de cinq sœurs (Synope, Anthiope, Orchia, Menalippe et Hippolite). Lune dentre elles, la reine Synope, est partie pour mener des conquêtes à létranger, ce qui suggère que la personne à laquelle fait allusion lauteur ici est probablement soit Anthiope soit Orchia, qui sont restées pour garder le pays.

17 Éd. De Visser-van Terwisga, op. cit., chap. 142-145, l. 1-23 ; ms. P, f. 121vb-122vb.

18 Éd. De Visser-van Terwisga, op. cit., chap. 145, l. 24-45 ; ms. P, f. 122vb-123ra.

19 Éd. De Visser-van Terwisga, op. cit., chap. 146 ; ms. P, f. 123rab

20 Daprès Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., chap. 1-3, p. 359-360 ; ms. P, f. 123rb-123vb.

21 Comme Jung la relevé, cette version du récit se distingue de celle transmise par Eusèbe-Jérôme « et dans toute la tradition classique », qui voit commencer les conflits avec lenlèvement dHélène. (cf. « Lhistoire grecque », art. cité, p. 188)

22 Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., chap. 3, l. 8-10.

23 Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., chap. 3, l. 21 sqq.- chap. 5 ; ms. P, f. 123vb-124vb.

24 Les événements sont résumés en très peu de mots : Jason et Herculés et cil qui avec aus estoient furent mout aïré de la cruauté le roi Laomedon, por ce quil mal ni tort ne li voloient faire, et si vilainement les avoit congeés de son regne. Nen peurent plus faire adonques, por ce quil cremirent la force des gens de la contree, ains rentrerent en lor nef, si nagierent par la mer tant quil vindrent en Colcos, si firent bien ce quil queroient, quar, atot le mouton qui avoit le visage doré, repairerent ariere en Gresse. (Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., chap. 3, l. 30-36, p. 360)

25 Ibid., chap. 5, l. 18-21 ; ms. P, f. 124vb.

26 Voir Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., p. 338-339.

27 Cf. les notes dans léd. de Visser-van Terwisga, op. cit., t. 2, p. 155, à propos de la comparaison avec Samson. À propos de lépisode troyen et la mort dHercule, voir Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., p. 407.

28 Éd. de Visser-van Terwisga, op. cit., t. 2, note sur 145, 27.

29 La base FAMA donne une liste de 42 manuscrits, reposant en grande partie sur les données de la Clavis Scriptorum Latinorum Medii Aevi, Auctores Galliae 735-987, t. 3, éd. M.-H. Jullien, Turnhout, Brepols, 2011, p. 37-42. Voir Institut de recherche et dhistoire des textes (IRHT-CNRS), « Notice de Historiarum libri XII, Frechulfus Lexoviensis », FAMA : Œuvres latines médiévales à succès, éd. P. Bourgain et D. Stutzmann, 2019, en ligne : http://fama.irht.cnrs.fr/œuvre/254688 (dernière consultation : 29/09/2022). Lédition actuelle de référence est celle de Michael Allen : Frechulfi Lexoviensis episcopi opera omnia, éd. M. Allen, Turnhout, Brepols, 2002.

30 Livre II, chap. 25 : Assyriorum XXIIII Sosarmus, qui habens successorem Mitreum XXV, quo tempore Tola et Abimelech iudicabant populum Israhel ; ea autem quae de Libero patre et quae de Dedalo siue de Orpheo atque de Ligurgo dicuntur, gesta uel ficta fuisse perhibentur ; quando et Vezones rex Aegypti Scythas adhuc innocuos excitauit ad bella, a quibus uictus est, quomodo etiam exortum est regnum Amazonum et qualiter creuit, quid etiam de Minotauro atque Theseo historiographi senserint, qui illis diebus fuisse dicuntur (cité daprès ibid.).

31 Ibid., chap. 25, l. 32.

32 Ibid., l. 33-34.

33 Ibid., l. 47 sqq.

34 Fréculfe est cité daprès ibid., l. 81 sqq., et lHAC1, daprès léd. de Visser-van Terwisga, op. cit., chap. 138.

35 Sur lesquelles nous reviendrons infra, p. 167 sqq.

36 Frechulfi Lexoviensis episcopi opera omnia, éd. Allen, op. cit., livre II, chap. 26 : Assyriorum XXVI Tautanes ; Hebreorum diuersi iudices fuerunt ; quo in tempore Minoes leges ac iura constituit, et Hercules post plura fortiter gesta morbo instigante flammis se tradidit, et qualiter Troianorum ortum sit bellum seu etiam Troia euersa ; gens Gothorum illis diebus oritur, qualiter creuerit uel quas sedes tenuerit inde usque Iulii Gai Caesaris principatum paululum decerpendo percurrimus.

37 Ibid., l. 28-30.

38 Voir à ce propos Jung, « Lhistoire grecque », art. cité, p. 191-192, ainsi que L. Faivre dArcier, Histoire et géographie dun mythe : la circulation des manuscrits du De excidio Troiae de Darès Le Phrygien (viiie-xve siècles), Paris, École nationale des chartes, 2006, p. 336. Labrégé de Darès inséré dans la chronique du Pseudo-Frédégaire est connu sous le titre dHistoria Daretis Frigii de origine Francorum, parce quelle cherche à prouver lorigine troyenne des Francs. À propos des légendes de lorigine des Francs dans lHAC1, sujet qui ne rentre pas dans le champ de la présente étude car elles ne concernent pas Hercule, on peut consulter larticle de F. Montorsi, « Les origines des Francs dans lHistoire ancienne jusquà César », art. cité, p. 415-426, qui sintéresse à un autre texte qui intègre un abrégé de Darès dans le Liber Floridus.

39 Pour citer Marc-René Jung, qui avait bien noté la proximité entre les textes dans la partie troyenne, sans pourtant aborder le sujet dHercule : « La seule différence entre le texte français [HAC] et lhistoire universelle latine [= Fréculfe], cest que lauteur français traduira le véritable Darès au lieu du Darès mérovingien. » (Jung, « Lhistoire grecque », art. cité, p. 191).

40 Éd. de Visser-van Terwisga, op. cit., chap. 138.

41 Précisons, en anticipant nos observations sur la tradition textuelle de lHACinfra (p. 182 sqq.), que le nom Laudaci nest pas une lectio singularis propre à P. Il apparaît sous cette forme ou comme variante du type Laudati dans tous les témoins que nous avons examinés (voir liste infra, p. 187-189).

42 M. de Visser-van Terwisga souligne en note sur le chap. 138, 8-9, quil y a dautres occurrences dun personnage au nom semblable, Leodequi(ns), identifié comme roi de Crète, qui est mentionné non pas dans le manuscrit P, mais dans le manuscrit Vienne, ÖNB, 2576, témoin italien du xive siècle, qui serait le même que le Laudaci évoqué ici. Léditrice conclut que le passage en question pourrait sappuyer sur une glose corrompue et/ou lacunaire.

43 Cet ensemble de textes est globalement très peu connu, bon nombre de ses représentants restant inédits. Ils sont mentionnés notamment dans des études qui sintéressent aux sources de la Genealogia deorum gentilium de Boccace (avant tout le mystérieux Theodontius qui est cité par lhumaniste italien dans son œuvre) et sur un texte appartenant au même genre attribué à Paolo da Perugia, lui aussi nommé par Boccace. Voir à ce propos T. Hankey, « Un nuovo codice delle Genealogie deorum di Paolo da Perugia (e tre manualetti contemporanei) », Studi sul Boccaccio 18, 1989, p. 65-161, et P. R. Schwertsik, Die Erschaffung des heidnischen Götterhimmels durch Boccaccio : Die Quellen der Genealogia Deorum Gentilium in Neapel, Paderborn, Wilhelm Fink, 2014, en part. le chap. « Mythologische Manuale und Göttergenealogien mit inhaltlichen Bezügen zum verschollenen Werk des Theodontius », p. 263 sqq.). Les représentants les mieux connus qui sinscrivent dans ce même « réseau » de textes mythographiques sont le De natura deorum, connu aussi sous le nom de Mythographe de Digby, transmis par le manuscrit Oxford, Bodleian Library, Digby 221 (xive siècle), dont la composition date peut-être du xiie siècle, et le Fabularius de Konrad von Mure (du xiiie siècle) – les deux partageant avec les généalogies boccaciennes le nom du prétendu ancêtre des dieux païens, Demogorgon. Pour dautres textes, moins connus, qui se rattachent à ce même ensemble de textes, cf. par exemple, C. Egger, « Heidnische Götter in Admont. Eine anonyme Genealogia deorum gentilium », Mitteilungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung, Ergänzungsband 42, Vienne/Munich, Oldenburg, 2002, p. 64-94. Nous avons, au cours de nos études, identifié dautres « manuels mythologiques » contenant des données de savoir mythologique et encyclopédique en commun avec les textes cités dans les études ci-nommées, qui résonnent à leur tour dans lOvide moralisé – tel le manuscrit Dublin, Trinity College, TCD 632 du xve siècle (voir, à propos de celui-ci, M. L. Colker, « A Classical Handbook from Medieval England », Scriptorium, 43:2, 1989, p. 268-272). À propos de ces parallèles, cf. L. Endress, « Un répertoire du type “de montibus et fluminibus” dans lOvide moralisé ? À propos dun passage interpolé et ses sources possibles », Ovidius explanatus, op. cit., p. 39-65. Les textes en question restent globalement un champ détude très peu exploité.

44 Ms. Paris, BnF, lat. 8372, f. 83v. La généalogie occupe les feuillets 78v-86r du manuscrit. Le texte en question est évoqué par P. R. Schwertsik, Die Erschaffung des heidnischen Götterhimmels durch Boccaccio, op. cit., p. 265.

45 Étant donné la ressemblance entre les graphies u et b dans certains manuscrits, la confusion a pu se produire facilement, dautant plus que Labdacus nest pas parmi les personnages les plus connus de la mythologie antique.

46 Conradi de Mure Fabularius, éd. van de Loo, op. cit., entrée Labdacus. Dautres témoignages se retrouvent, entre autres, dans les généalogies du manuscrit de Londres, BL, Burney 311, Item [= genuit] Jupiter de Alcmena, Lapdacii filia, Herculem (f. 69r), et dans le manuel mythographique contenu dans le ms. Dublin, Trinity College, TCD 632, Item Jupiter in specie Amphitrionis cum Alchmena, Laudaci filia, concubuit[](f. 97v).

47 Cf. le tome 2 de son édition, op. cit., notes à propos de 145, 27 et 146, 7 (p. 163-164).

48 Éd. de Visser-van Terwisga, chap. 146 ; ms. P, f. 123rb.

49 Cf. infra, p. 318 sqq.

50 Ms. Angers, BM, 312, f. 23ra (xiiie siècle) ; ms. Vatican, BAV, Pal. lat. 1741, f. 3r (xve siècle). Les deux témoignent, par ailleurs, aussi dun deuxième exploit de Thésée, la destruction de Thèbes, relaté dans la phrase précédant immédiatement celle à propos de Cacus dans le texte français : comparer lHAC1 ([]ce fu cil dus qui destruist Thebes) avec Angers, BM, 312, f. 23ra et Pal. lat. 1741, f. 3r (Destructio Thebarum).

51 Voir T. Hankey, « Un nuovo codice delle Genealogie deorum [] », art. cité, p. 140 sqq. pour des éléments de description de ce codex, suivis de transcriptions des données généalogiques. Pour une description du manuscrit, cf. M. Kautz, « Vatikan, Biblioteca Apostolica Vaticana Pal. lat. 1741 », Universitätsbibliothek Heidelberg, 2014, en ligne : https://www.ub.uni-heidelberg.de/digi-pdf-katalogisate/sammlung51/werk/pdf/bav_pal_lat_1741.pdf (dernière consultation : 29-09-2022).

52 Op. cit., t. 2, note à propos de 145, 27.

53 Ce traité a été édité par V. Brown, « An Edition of an Anonymous Twelfth-Century Liber de natura deorum », Mediaeval Studies, 34, 1972, chap. 141. De Antaeo (p. 52).

54 Ibid. à gauche, et, à droite, éd. de Visser-van Terwisga, chap. 145, l. 29-32, 41-44 ; les gras sont de nous.

55 Le texte français ne donne pas les mots quHercule aurait adressés à son adversaire, Huc, Antee, cades, cités daprès la Pharsale de Lucain, autre texte à ajouter au répertoire dauctoritates qui relatent lépisode.

56 Voir à propos de ce dernier, Colker, « A Classical Handbook from Medieval England », art. cité, p. 268-272, ainsi que Endress, « Un répertoire du type “de montibus et fluminibus” dans lOvide moralisé ? », art. cité, p. 51 sqq.

57 Suivant lédition par Brown du De natura deorum dans son article « An Edition of an Anonymous Twelfth-Century Liber de natura deorum », art. cité, chap. 141. De Antaeo (p. 52) et nos transcriptions du Commentaire Vulgate daprès le manuscrit Vatican, BAV, Vat. lat. 1598, f. 91r, et du manuscrit de Dublin, TCD 632, f. 98r.

58 Lajout se retrouve dans le manuscrit Vatican, BAV, Pal. lat. 1663. Nous navons pas fait un relevé complet des témoins du commentaire.

59 À propos des manuels de savoir mythologique, voir aussi nos remarques supra, p. 167-168, n. 43, et infra, p. 321.

60 La General Estoria intègre notamment, comme les généalogies boccaciennes et bon nombre des textes antérieurs, la figure de Demogorgon comme ancêtre des dieux (cf. p. 167, n. 43 supra). Voir, à propos de ces rapports, par exemple létude de P. R. Schwertsik, art. cité, p. 274 sqq. ainsi que L. Ciccone, « “Ut testatur Ovidius” : Boccaccio lettore dei commenti alle Metamorfosi », Intorno a Boccaccio / Boccaccio e dintorni2019. Atti del Seminario internazionale di studi (Certaldo Alta, Casa di Giovanni Boccaccio, 12-13 settembre 2019), éd. G. Frosini, Florence, Firenze University Press, 2020, p. 77-91, ici 79 et 83-85.

61 Voir à propos de cette source, P. S. Suarez-Somonte et T. Gonzalez Rolan, « Aproximación a la fuente latina del “Libro de las generaciones de los dioses de los gentiles” utilizada en la General Estoria de Alfonso X el Sabio », Cuadernos de Filología Clásica. Estudios Latinos, 4, 1993, p. 93-111.

62 Alfonso el Sabio, General Estoria. Segunda parte. vol. 2, éd. A. G. Solalinde, L. A. Kasten et V. B. Oelschläger, op. cit., chap. 394 « Del linaje de Ercules e commo fue fecho ».

63 Voir nos p. 88-110 supra.

64 Éd. de Visser van Terwisga, op. cit., chap. 145, l. 35.

65 Ibid., l. 4-5.

66 Cf. supra, p. 49-50.

67 Éd. de Visser-van Terwisga, op. cit., chap. 138, l. 12-18 ; ses corrections du ms. P entre crochets.

68 Il y a dautres passages similaires qui annoncent lhistoire des Hébreux, comme la noté Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., p. 335-337.

69 Suivant lesprit orosien, il cherche dans dautres passages de son œuvre à présenter lhistoire sainte comme étant supérieure à lhistoire païenne, notamment à travers les moralisations qui parsèment sa composition. On en trouve un exemple intercalé entre la victoire sur les Amazones et celle sur Antée, portant la rubrique parlante Quencore seroient les grans persecutions sor terre, se li saint home nestoient (cf. éd. de Visser-van Terwisga, chap. 144). On notera, en anticipant les p. 187 sqq.infra, où nous aborderons la tradition manuscrite de lHAC1, quà côté dun ensemble réduit de représentants de lancien état textuel dont témoigne P, un grand nombre de manuscrits de lHAC1 omettront les éléments moralisateurs, comme, entre autres, la comparaison étendue entre Hercule et Samson. La présence ou labsence des éléments qui annoncent et rappellent cette « histoire supérieure », également dans le cadre des épisodes herculéens, paraît comme lune des distinctions essentielles entre les deux principaux états textuels de lHAC1.

70 Éd. de Visser-van Terwisga, op. cit., chap. 140, l. 8-12 et chap. 141, l. 1-8 ; ses corrections du ms. P entre crochets.

71 Le moment est illustré dans plusieurs manuscrits de lHAC, dont lessentiel des témoins du cycle iconographique D. On peut consulter les tables comparatives des illustrations dans trente-deux manuscrits de lHAC1 dans louvrage de Oltrogge, Die Illustrationszyklen [], op. cit. Les éléments à propos dHercule se trouvent aux p. 77-78 (troisième et quatrième page rabattable).

72 Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, op. cit., § 3, l. 21.

73 Ibid., § 3, l. 30-32.

74 Quant Herculés entendi lor volentés, il fist apareillier .xij. nés et faire, et si eslist chivaliers teus com lui pleut en Gresse por metre ens et por vengier cest afaire (Ibid., § 5, l. 3-5).

75 Ibid., § 5, l. 18-21.

76 Ibid.

77 Cela peut cependant aussi être une conséquence non voulue de la source utilisée par lauteur.

78 Éd. de Visser-van Terwisga, op. cit., chap. 138.