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Classiques Garnier

Introduction

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Traité sur les Thermes de Balaruc
  • Auteur : Meyers (Jean)
  • Pages : 7 à 21
  • Collection : Renaissance latine, n° 3
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406062134
  • ISBN : 978-2-406-06213-4
  • ISSN : 2271-698X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06213-4.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 17/05/2018
  • Langue : Français
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INTRODUCTION




DORTOMAN ET LE TRAITÉ
SUR LES THERMES DE BALARUC


Dans son récit de voyage à travers le Sud de la France, à la date du 14 octobre 1595, le suisse Thomas Platter (1574-1628), venu étudier à la Faculté de médecine de Montpellier, consacre une longue notice à son passage à Balaruc, dont il avait visité les bains
C'est une bourgade située à quatre lieues de parcours depuis Montpellier et à une demi-heure de marche de la rive de l'étang de Thau. Cette localité dispose d'une bonne enceinte de remparts. On y dénombre environ quatre- vingt ou cent maisons, mais pas d'artisans. Les habitants sont pêcheurs pour la plupart d'entre eux; les autres sont mariniers, vignerons ou cultivateurs de champs de céréales.
Le matin du 14 ocrobre, nous nous sommes rendus aux bains d'eaux chaudes de Balaruc. Leur établissement se situe à environ une portée d'arquebuse de notre campement de nuit, lequel dans le temps était un monastère. L'endroit où se trouvent les bains chauds, Thermae Balarucanae, est fort mal bâti, car les sources chaudes changent souvent de place, comme j'ai pu l'expérimenter en toutes sortes de lieux. C'est la raison pour laquelle, à Balaruc, on n'a pas érigé de construction importante, les sources locales n'étant ni fixes, ni fiables. Nous y vîmes pourtant quantité d'hommes et de femmes de haut parage, venus de Montpellier, Nîmes, Toulouse et autres places, fussent-elles éloignées. Ces gens-là, bon gré mal gré, se contentaient des installations locales. Car on était alors au plus fort de la saison balnéaire, à savoir en automne. Ce serait la même chose au printemps. Mais l'hiver et l'été, en matière de thermalisme, sont considérés ici comme nuisibles et l'on évite de venir à ce moment-là.
Il y avait peu de gens qui se baignaient dans l'eau chaude de Balaruc, puisque aussi bien il y a fort peu de baignoires ou d'auges balnéaires ad hoc. En règle générale, ces gens buvaient cette eau par six, huit, jusqu'à douze verres, à la fois et en une seule fois. On s'y prenait progressivement pour
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commencer, puis de la même façon pour finir ; exactement comme on fait pour les sources d'eaux salines. Chacun se conformait, de ce point de vue, à ce que les médecins de Montpellier conseillaient, comme devant se faire en l'occurrence. Autant dire que les eaux de Balaruc, pour ces médecins, c'est comme une riche moisson. On ne tâte en effet de ces eaux thermales que sur ordonnance et prescription desdits médecins. L'eau en question est chaude par elle-même, très fortement salée, et elle fait un effet boueux quand on la boit. On dirait presque une soupe chaude, sale et salée. Chacun avale sa portion, puis va faire un tour dans la campagne. Les dames les plus distin- guées élégantes vont de-ci, de-là par les champs, au bras de leurs serviteurs ou de leurs amoureux. L'eau de Balaruc agit immédiatement, à la manière d'une formidable purge et c'est merveille de les voir en pleine campagne qui s'en vont chier ensemble dans les buissons. Car on est au bord de l'étang; il n'y a ni arbre ni bâtisse pour se mettre à couvert. On ne peut se cacher nulle part. On trouvera tous les renseignements sur le métal ou le minéral que contient cette eau; sur la façon dont elle s'écoule par un canal jusqu'à l'étang, lequel n'est qu'à une portée d'arquebuse de l'établissement thermal ; sur les qualités et particularités de ces eaux balaruciennes, on trouvera tout cela, disais-je, dans un petit livre original de Monsieur Nicolas Dortoman, docteur en médecine de Montpellier. Il est imprimé en latin, et il contient un plan de cette installation thermale ; il a été publié in octavo. Il faut dire que pendant les quatre années qui ont suivi ma première visite, on a beaucoup construit sur cet emplacements.
Ce texte, à notre connaissance, contient la première allusion au traité de Nicolas Dortoman sur les Thermes de Balaruc. Elle prouve l'intérêt suscité par celui-ci auprès des lecteurs curieuxZ, et les dernières lignes en italiques, marque d'un ajout postérieur du voyageur à la première rédaction, montrent par ailleurs que les efforts de Dortoman en faveur du thermalisme à Balaruc avaient porté leurs fruits.
Ce traité De cousis et effectibus Thermarum Belilucanarum paruo interuallo à Monspeliensi orbe distantium fut publié à Lyon chez Charles Pesnot en
1 E. Le Roy Ladurie, Le voyage de Thamar Flatter, 1595-1599 (Le siècle des Flatter 77), Paris, Fayard, 2000, p. 128-130. Une première version avait été donnée avant la savante édi- tion de Le Roy Ladurie par L. Gaudin, Félix et Thamar Flatter à Montpellier 1551-1539 — 1595-1599. Notes de voyage de deux étudiante bâlois publiées d'après les manuscrits originaux appartenant à la Bibliothèque de l'Université de Bâle, Montpellier, Chez Camille Couler, 1892, p. 209-210.
2 On notera d'ailleurs que l'enthousiasme de Thomas Flatter pour l'ouvrage de Dortoman l'amena aussi à insérer, entre les folios 48 et 49 de son manuscrit, un petit dessin à la plume non numéroté donnant le plan des bains de Balaruc avec une référence au traité du médecin montpelliérain (voir E. Le Roy Ladurie, Le voyage de Thomas Flatter, p. 621, n. 57).
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15793. Il témoigne chez son auteur, pourtant né à Arnheim dans la province hollandaise de Gueldre, d'un vif attachement pour la région de Montpellier. On ignore tout de la date de naissance et de l'enfance de Dortoman. On sait simplement qu'il était médecin à Castres en 1565 et que, malgré ses titres antérieurs, il s'était inscrit à l'École de Médecine de Montpellier en 1566, où il avait reçu le bonnet de médecin en 1572 avant d'y devenir lui-même en 1574 Professeur à la mort d'Antoine Saporta (1573)4. Les doctorats en médecine étaient à l'époque célébrés en grande pompe, comme le montre la description de la promotion doctorale du fils de Nicolas Dortoman, Pierre, à laquelle avait assisté le 3 mai 1596 Thomas Platter
On procède aussi à de nombreuses promotions de docteurs à Montpellier, spécialement en médecine, et cela de deux façons : communi et magno modo, je veux dire la façon commune et la façon solennelle, celle-ci tout à fait pompeuse ;pour ce faire, on mène l'intéressé en triomphe à travers la ville avec des chevaux et des trompettes ; le soir, à son tour, il doit faire donner la sérénade avec des trompettes, chalumeaux, pipeaux et autres instruments, à tous les docteurs, chirurgiens et apothicaires devant leurs maisons. C'est ainsi que, lors de mon séjour montpelliérain, j'ai assisté à la promotion doctorale de M. Dortoman qui est à présent Professeur. Il est vrai que c'est un enfant de Montpellier. Car un étranger à cette ville ne consacre pas tant d'argent à son doctorat, sauf s'il espère accéder au
professorat sur places.
3 Avant notre édition, seul le texte de l'édition de 1579 était disponible sur interner sur le site de Gallica (http://gallica.bnf:fr/ark:/12148/) et sur celui de books.google (http:// books.google.com. au/books/about/Nicola i_Dortomanni).
4 Sur Dortoman, voir L. Dulieu, «Les Dortoman », Manspeliensis Hippacrates, t. 22, 1963, p. 3-7 ; L. Dulieu, La médecine à Montpellier, t. II : La Renaissance, Avignon, Les Presses universelles, 1979, passim et p. 330-331; J. Céatd, «Nicolas Dortoman, membre de l'Académie de Nérac, `Thtesautiet de nature' », La cour de Nérac au temps de Henri de Navarre et de Marguerite de Valais, Niort (Albineana, 24), 2012, p. 195-206 et les érudes réunies dans J. Meyers et Br. Pérez Jean (éd.), Nicolas Dortoman et Balaruc. La médecine thermale à la Renaissance, Saint-Guilhem-le-Désert, Éditions Guilhem, 2015, en particulier N. Breton, «Dortoman et son temps : la Dédicace du traité Sur les causes et les e,~ets des Thermes de Balaruc, tout près de la ville de Montpellier à François de Châtillon », p. 3-27, Th. Lavabre-Bertrand, «I;Université de médecine de Montpellier dans les vicissirudes du xv~ siècle », p. 29-52 et É. Berriot-Salvadore, «Nicolas Dortoman :l'esprit et la méthode d'un professeur de Montpellier », p. 95-117.
5 E. Le Roy Ladurie, Le voyage de Thomas Platter, p. 111 (voir aussi p. 199)• Pierre Dortoman (1575-1612) devint, comme son père, Professeur à l'Université de médecine de Montpellier dans la chaire de Chirurgie et de Pharmacie créée pour lui en 1597 (voir L. Dulieu, La médecine à Montpellier, t. II, p. 331).
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Le traité de Nicolas Dortoman, Montpelliérain d'adoption, allait asseoir pour longtemps la célébrité des eaux de Balaruc6 et plusieurs autres ouvrages allaient suivre sa trace, notamment l'Instruction pour user à propos des eaux thermales de Balaruc de Guennolé Olivier publié en 1723 sans indication d'éditeur, le Traité des eaux minérales de Balaruc de
M. Pouzaire (Montpellier, Chez Augustin-François Rochard, 1771) ou encore l'Essai sur les Eaux thermales de Balaruc où l'on assigne leurs vertus, la manière dont on les employe, les préparations nécessaires avant leur usage et les maladies auxquelles elles sont utiles, écrit pax Jacques Farjon (Montpellier, Rigaud et Pons, 1773).
Le traité de Dortoman n'a guère retenu l'attention jusqû à aujourd'hui. Il était pourtant l'un des premiers en France à promouvoir un ther- malisme appuyé sur un savoir médical en partie expérimental$. La pratique des bains n'était évidemment pas nouvelle et le site thermal de Balaruc était connu depuis l'Antiquité9. Ce qui était nouveau, c'était un thermalisme alliant aux connaissances sur le fonctionnement du corps humain celles sur le monde minéral. Comme l'a expliqué Danielle Jacquart, «à la fin du Moyen Âge, l'explication des bienfaits de telles ou telles eaux dut s'affranchir quelque peu d'une médecine strictement fondée sur l'action des qualités premières des substances, classées en
6 Un des premiers à signaler son importance est J. Laissus, «Les eaux merveilleuses de Balaruc », Revue d'histoire de la pharmacie, t. 53, 1965, p. 367-377, qui voit dans ce « docu- ment précieux» un «modèle du genre ».
7 Il y aura aussi à plusieurs occasions des analyses chimiques des eaux, voit P. Figuier, «Analyse des eaux minérales de Balaruc », Annales cliniques ouJournal des sciences médicales, t. 20, 1809, p. 250-268.
8 Comme le signale É. Berriot-Salvadore, «Nicolas Dortoman », Nicolas Dortoman et Balaruc, p. 99, quelques traités en français ont précédé celui de Dortoman (Jean Le Bon, Abbregé de la proprieté des Bains de Plombierer, Paris, Ch. Macé, 1576 et Roch Le Baillif, qui insère dans le Demosterion [Rennes, P. Le Bret, 1578] son Petit traite de l'antiquité et singularites de Bretagne armorique. En laquelle se trouve bains curons la Lepre, Podagre, Hydropisie, Paralisie, ulceres et autres maladies); toutefois, la plupart des autres traités français en faveur des bains curatifs datent des alentours de 1600, cf. L. W. B. Brockliss, «The Development of the Spa in seventeenth-century France », Medical History, suppl. n° 10, 1990, p. 23-47, spéc. p. 25 et G. Xhayet, «La cure aux eaux de Balaruc selon Nicolas Dortoman :Traits communs au thermalisme renaissant et particularités d'après le De cousis et e,$ectibus », Nicolas Dortoman et Balaruc, p. 181-198.
9 Sut l'histoire du thermalisme, voit M. Guérin-Beauvois et J: M. Martin (éd.), Bains curatifs et bains hygiéniques en Italie de l'Antiquité au Mayen Âge, Rome (CEFR, 383), 2007 ; sur celle des thermes de Balaruc en particulier, voir R. Ayats, L. et J: M. Pesce, Balaruc Maimana, 2000 ans de passion pour l'eau, Balaruc, 2007 et J. Meyets et Bt. Pétez Jean (éd.), Nicolas Dortoman et Balaruc, 2015.
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fonction de leurs degrés de chaleur ou sécheresse, pour s'aventurer vers des voies plus expérimentales mettant en avant l'intervention de propriétés spécifiqueslo »
Si Dortoman fut donc un précurseur en France du «thermalisme médicalll », il avait en fait déjà derrière lui toute une série de devanciers. L'essor thermal à la fin du Moyen Âge, lié à une fréquentation accrue des bains, portée pax un souci renouvelé du bien-être corporel et du maintien de la santé, pax un retour à un mode de vie antique et par l'émergence de nouvelles pratiques socialeslZ, s'était en effet accompagné dès le xlve siècle en Italie d'une conception thérapeutique des bains et d'une importante production intellectuelle de traités de balneis13. L'afflux des élites sociales aussi bien que des gens ordinaires auprès des bains amena les autorités politiques à les restaurer, les aménager ou à les agrandir et à pousser les médecins et les savants disponibles à évaluer les qualités de leurs eaux et l'efficacité de l'hydrothérapie. C'est ainsi que naquit, sous quatre formes différentes (toutes éditées plus tard à Venise entre 1473 et 1553), le De balneis du médecin de Pérouse Gentile da Foligno
(c. 1280/90-1348), une oeuvre thermale à la gestation complexe, qui tente pour la première fois de «faire coïncider la tradition scolastique livresque et l'expérience vécue du médecin14 ». Cette première synthèse ouvrit la voie à une extraordinaire floraison de traités de balneis dans l'Italie des xlve et xve siècles et à la création d'un véritable genre littéraire
10 D. Jacquart, «Avant-propos », dans D. Boisseuil et M. Nicoud (éd.), Séjourner au bain : le thermalisme entre médecine et société (xrv`-xv1` s.), Presses universitaires de Lyon, 2010, p. 9. Voir aussi de manière plus générale D. Jacquart-N. Weill-Parot (éd.), Substances minérales et corps animés. De la philosophie de la matière aux pratiques médicales (1100-1500), Patis, Omniscience, 2012.
11 Pour une définition du «thermalisme médical », voir M. Nicoud, «Les médecins italiens et le bain thermal à la fin du Moyen Âge », dans D. Boisseuil (éd.), Espaces et pratiques du bain au Mayen Âge, Médiévales, 43 (2002) p. 13-40 et Ead., «Les vernis médicinales des eaux en Italie à la fin du Moyen Âge », dans M. Guérin-Beauvois et J: M. Martin (éd.), Bains curatifs, 2007, p. 321-344.
12 Voir Ph. Braunstein, «Dal bagno publico alla. cura corporale privata :trace per una storia sociale dell'intimo », Ricerche Storiche, t. 16, 1986, p. 524-534.
13 Sur cet essor, voir D. Boisseuil, Le thermalisme en Toscane à la fin du Mayen Âge :les bains siennois de la fin du xrria siècle au début du xvi` siècle, Rome (CEFR, 296), 2002.
14 J. Chandelier, «La naissance d'un savoir médical sur les bains thermaux :les traités de Gentile da Foligno (m. 1348) », dans D. Boisseuil et M. Nicoud (éd.), Séjourner au bain, 2010, p. 15-30 (p. 30 pour la citation) et M: F. Delpeyroux, «Les sources du De cousis et e,$ectibus Thermarum Belilucanarum : Dortoman a-t-il lu le De balneis omnia quae extant ? », Nicolas Dortoman et Balaruc, p. 221-260.
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médica115. En un peu plus d'un siècle, entre le second tiers du xlve et le milieu du xve siècle, pas moins de quatorze traités consacrés aux eaux virent le jour en Italie16, puis de là la mode s'en répandit, un siècle après, en Allemagne, où fleurirent un grand nombre de traités tant en latin qu'en allemand à la suite de l'ouvrage précurseur du Zurichois Félix Hemerli, auteur d'un Tractatus de balneis naturalibus publié vers 145017. Le genre connut son apogée dans la constitution de la somme encyclo- pédique, de 1023 pages, publiée à Venise, par Tommaso Giunti, sous le titre de De balneis omnia quae extant apud Graecos, Latinos, et Arabas, tom medicos quam quoscumque ceterarum artium probatos scriptores et dont l'ambition était de rassembler toutes les sources antiques, médiévales et humanistes concernant les bainsls.
Les caractéristiques de ce nouveau genre littéraire ont été bien mises en lumière par Marilyn Nicoud19. La plupart de ces ouvrages ont été composés par de grands noms de la médecine, connus non seulement pour leur enseignement, mais souvent aussi pour leur service en milieu de cour. Ce fut bien le cas de Nicolas Dortoman, professeur à l'École de Médecine de Montpellier, qui «enseigna avec éclat » et dont la « réputa- tion très étendue20 »lui valut d'être le médecin ordinaire de Charles IX, de figurer parmi ceux qui pratiquèrent l'autopsie d'Henri III, après
15 L. Garcia Ballaster, «Sobre et origen de los tratados de banos (de balneis) como género literario en la medicina medieval », Cronos, t. 1, 1998, p. 7-50 (repris dans Id., Saberer y ejercicio profesional de la medicina en la Europa pluricultural de la Baja Edad Media, Grenade, 2004, p. 453-514). Voir aussi J: M. Agasse, «La question De balneis dans la littérature médicale néo-latine de la Renaissance », dans M: F. Matein et P. Voisin (éd.), Eaux, terres et lieux, Actes du XXXVIe Congrès de l'Association de l'APLAES, Pau, 2004, p. 115-128.
16 Ce sont les chiffres donnés pat M. Nicoud, «Les médecins italiens », p. 19 (liste en annexe, p. 35), qui avoue que ce comptage n'est pas exhaustif. Voir aussi D. Boisseuil et M. Nicoud, « Le thermalisme italien aux xlve-xvte siècles et Nicolas Dortoman », Nicolas Dortoman et Balaruc, p. 143-180.
17 Voit Ft. Fütbetth, «I;essot de la balnéologie dans le monde germanique à la fin du Moyen Âge », dans D. Boisseuil et M. Nicoud (éd.), Séjourner au bain, 2010, p. 99-109 et B. Studt, «Les joies du thermalisme. Nouvelles pratiques thermales et sociabilité dans l'Allemagne de la fin du Moyen Âge », Ibid., p. 113-129.
18 Sur cette édition, voir S. Stefanizzi, II De balneis di Tommaso Giunti (1553). Autori e testi, Florence, 2011.
19 Voir M. Nicoud, «Les médecins italiens », spéc. p. 19-26.
20 Ce sont les mots d'A. J. L. Jourdan, Dictionnaire des sciences médicales. Biographie médicale, t. III, Paris, Panckoucke, 1821, p. 516. L. Dulieu, La médecine à Montpellier, t. II, p. 331, écrit quant à lui : «I;activité professorale de Dortoman fut grande. Il est de ceux qui honorèrent leur chaire. »
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son assassinat en 1589, et enfin d'être nommé, la même année, premier médecin d'Henri IV. Ces traités sont fréquemment adressés au milieu de cour qui emploie leurs auteursZl :par exemple, Jacques de Viterbe dédie son traité sur les bains de Viterbe au pape Innocent VI et Michel Savonarole adresse son De balneis au duc de Ferrare, Borso d'Este. De la même manière, la préface du livre I du De cousis et effectibus Thermarum Belilucanarum est dédiée au comte sur la santé duquel Dortoman «veille depuis trois ans » (I, Préfl, François de Coligny de Châtillon, représentant du roi à Montpellier, et celle du livre II à l'évêque de Saint-Pons-de- Thomière, Jacques de Castelnau, qui avait fait «venir vers lui à grands frais et dans les plus brefs délais » le médecin montpelliérain pour s'occuper de sa santé (II, Préf.~Z.
Reflet d'un intérêt nouveau pour les «merveilles de la nature~3 », les traités de balneis s'attachent à démontrer le côté naturel des eaux chaudes, à déterminer leur nature propre et à expliquer leurs effets thérapeutiques par l'observation et l'expérience. La production médi- cale sur les bains vise, comme la littérature médiévale des secrets24, « à mieux connaître et contrôler, par des moyens concrets, les mirabilia de la nature, afin notamment d'améliorer les conditions de vie25 ». Ainsi Dortoman rappelle-t-il le caractère sacré de l'antique établissement thermal de Balaxuc (I, 3), mais il étudie ensuite longuement la question de savoir si ses eaux agissent métaphysiquement ou physiquement (I, 5)
21 Sut les relations entre l'écriture thermale et les milieux de cour, voit aussi K. Park, «Natural Particulars : Medical Epistemology, Practice, and the Literarure of Healing Springs », dans A. Grafton et N. Siraisi (éd.), Natural Particulars. Nature and the Discipliner in Renaissance Europe, Cambrigde-Londres, 1999, p. 347-367.
22 Sur la dédicace à François de Châtillon, voir N. Breton, «Dortoman et son temps ».
23 Sur ce nouveau regard, voir par exemple J. Céard, La nature et les prodiges. L'insolite au xv~` siècle, 2e éd., Genève, Droz, 1996 [19771 et L. Daston et K. Park, Wanders and the Order af Nature, 1150-1750, New York, 1998 (trad. italienne sous le titre Le meraviglie del manda. Martri, pradigi e fatti strani dal Mediaeva all'711umanisma, Rome, 2000).
24 Les livres de secrets rassemblaient toutes sortes de recettes, métallurgiques, alchimiques, médicales, pharmaceutiques, diététiques etc. et révélaient ainsi les secrets de la nature (sut ceux-ci, voit l'ouvrage classique de J. Fetgusson, Bibliagraphical Notes an Histories af Inventions and Baaks af Secrets, 2 vol., Londres, 1959)• L'un des plus connus et des plus lus est le fameux Secretum secretarum Aristatelis ad Alexandrum Magnum (éd. Cambridge, Omnisys, 1990, réimpr. de l'éd. de Venise, 1555), une lettre pseudo-aristotélicienne qui était en fait une traduction latine d'un livre arabe. Sur celui-ci, voir J. W. Steven, The Secret af Secrets. The schalarly Career af a pseuda-aristatelian Text in the Latin Middle Ages, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2003.
25 M. Nicoud, «Les médecins italiens », p. 22.
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pour rejeter «toutes les fables de bonne femme, miraculeuses ou pro- digieuses », donner la cause naturelle de la chaleur des eaux (I, 6-8) et dresser la liste de leurs éléments (I, 9). Dortoman aura ainsi participé à ce premier effort d'enquête méthodologique sur un phénomène naturel et singulier qui caractérise, comme l'a montré Katherine Park26, la littérature thermale.
Ce n'est qu'après un premier livre théorique que Nicolas Dortoman donnera, dans son second livre, la démonstration pratique des effets curatifs des eaux de Balaruc, tant dans leur usage interne que dans leur usage externe sous forme de bain, d'enveloppement de boue ou encore d'une innovation technique, apparue en Italie au xve siècle et pendant un temps controversée en raison de son caratère violent, celle de la douche, que Dortoman n'évoque que pour les problèmes liés aux cheveux (II, 3~'. Toute sa démonstration s'appuie sur son expérience personnelle : le médecin «connaît bien cette région, en province, méprisée jusqu'ici par tous les hommes les plus célèbres et les plus honorables de Montpellier» (I, 1), et il rappelle volontiers ce qu'il a vu de ses propres yeux. Comme de nombreux auteurs, Dortoman insiste, en termes gran- diloquents, sur les circonstances qui l'ont conduit à éprouver les qualités des eaux de Balaruc, à savoir la guérison d'une grave affection à la cuisse que Guillaume Rondelet obtint en fréquentant ses bains (I, 3~8.
Pour compléter l'apport des expériences sensitives, les auteurs ont aussi recours à des moyens empiriques plus sophistiqués, tels la distilla- tion et l'alambic, pour déterminer les composantes minérales des eaux. Le développement du genre de balneis est en effet incontestablement lié au travail des paracelsiens et des alchimistes~9, auquel se réfère déjà un
26 K. Park, «Natural Particulars ».
27 Sur la technique de la douche, voir D. Boisseuil, «La douche thermale :une technique thérapeutique nouvelle dans la Toscane du Quattrocento ? », Hommages o,~eru à Georges Camer, Aix-en-Provence, 2008, p. 109-127 et D. Boisseuil et M. Nicoud, «L'invention d'une source :les Bagni della Porretta, les médecins et les autorités publiques », dans D. Boisseuil et M. Nicoud (éd.), Séjourner au bain, 2010, p. 63-98, spéc. p. 89-91.
28 Sut les rapports entre Rondelet et Dortoman, voit É. Bettiot-Salvadote, «Nicolas Dortoman ».
29 Sur ce travail en France, voir D. Kahn, Alchimie et pamcelrirme en France (1567-1625), Genève,
Droz, 2007 et sur les traces d'alchimie chez Dortoman, voir J: P. Jougla, «L'alchimie
chez les médecins au xvte siècle, son extension au cours des deux siècles suivants et ses
traces dans le traité sur les thermes de Balaruc de Nicolas Dortoman », Nicolas Dortoman
et Balaruc, p. 261-290.

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Michel Savonarole, dont le De balneis, composé en 1448-1449, traite directement d'alchimie et présente de nombreux développements sur la composition minérale des eaux30. Comme beaucoup d'autres ouvrages sur le thermalisme, celui de Nicolas Dortoman évoque donc fréquemment sublimation et distillation (en I, 9 et surtout dans le livre II) et se fait ici et là l'écho des querelles que provoqua inévitablement la suspicion des galénistes orthodoxes vis-à-vis d'une thérapie sur laquelle Hippocrate et Galien avaient en fin de compte dit peu de choses31
Enfin aux côtés des approches expérimentales et alchimistes, les auteurs recourent aussi aux auctoritates, qu'elles soient antiques (Hippocrate, Galien, Pline ou encore Celse), médiévales ou contemporaines32. Dortoman ne déroge pas à la règle, et ses nombreuses citations tant médicales que littéraires lui permettent de gommer un peu l'approche résolument «régionale », pour ne pas dire «locale », de son ouvrage, selon une ten- dance surtout caractéristique de la production italienne du xlve siècle33
30 Voir l'éclairant article de D. Jacquart, «Médecine et alchimie chez Michel Savonarole (1385-1466) », dans J: Cl. Margolin et S. Matton, Alchimie et philosophie à la Renaissance, Paris, Vrin, 1993, p. 109-122, spéc. p. 114-116. On notera que ce traité de Savonarole ouvre la célèbre collection De balneir omnia quae extant apud Graecas, Latinus et Arabas, éditée par les Junre à Venise en 1553 et qui fut répandue rapidement dans toute l'Europe. Sur ses rapports avec le traité de Dortoman, voir M-F. Delpeyroux, «Les sources du De cousis et e,$ectibus thermarum Belilucanarum :Dortoman a-t-il lu le De balnei.r omnia quae extant ? », Nicolas Dortoman et Balaruc, p. 221-260.
31 Sur ces querelles, voir L. W. B. Brockliss, « Seeing and Believing : contrasting Attirudes rowazds observazional Autonomy among French Cralenists in the firt Half of the seventeenth Century », dans W. F. Bynum et R. Porter (éd.), Medecine and the five Serues, Cambridge University Press, 1993, p. 69-84 et Ead., «La querelle entre les facultés de médecine de Paris et Montpellier au dix-septième siècle », L'Université de Montj~ellier :ses maîtres et ses étudiants depuis sept siècles, 1289-1989, Montpellier, 1995, p. 109-122; D. Hahn, Alchimie etparacelsisme, p. 353-409; Th. Lavabre-Bertrand, «L'Université de médecine de Montpellier» et Ph. Poindron, «La thérapeutique au temps de Dortoman :continuités, ruprures, innovations et nouvelles approches », Nicolas Dortoman et Balaruc, p. 53-94.
32 On ne connaît pas la bibliothèque privée de Nicolas Dortoman, mais on peut s'en faire une idée par comparaison en lisant J: M. Agasse, « La bibliothèque d'un médecin huma- niste : l'Index librorum de Girolamo Mercuriale [Jérôme Mercurialis, 1530-1606] », Cahiers de l'Humanisme, t. 3-4, 2002-2003, p. 183-198, ainsi que les chop. 4 (« The Diffusion of Learned Medicine in the Sixteenth Century through the Printed Book ») et 5 (« The Reception of Medieval Practical Medicine in the Sixteenth Century :The case of Arnau de Vilanova ») de I. Maclean, Learning and the Market Place. Essays in the History of the Early Modern Book, Leyde, Brill, 2009, p. 59-106.
33 Sur cette tendance, voir M. Nicoud, «Les médecins italiens », p. 25 et G. Zuccolin, «Les traités médicaux sur les bains d'Acqui Terme, entre xive et xve siècles », dans D. Boisseuil et M. Nicoud (éd.), Séjourner au bain, 2010, p. 31-61 (spéc. p. 37).
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L'écriture des traités de balneis se fonde parfois sur la tradition de la dispute universitaire pour établir la vérité34, mais aussi et surtout sur celle, d'une part, des concilia médicaux35, prescriptions rédigées par des médecins célèbres pour guérir des malades et souvent rassemblées en recuei136, et, d'autre part, des «régimes de santé », une production littéraire spécifique vouée plutôt à la prévention des maladies et à la conservation de la santé3'. Ces trois traditions ont laissé une empreinte évidente chez Dortoman, dont le ton est volontiers polémique et iro- nique, mais dont l'ambition ultime est avant tout thérapeutique. Tout le livre II est dicté par une volonté à la fois d'aider les malades à guérir et de garder les gens valides en bonne santé, d'où une attention constante sur les régimes à prescrire aux curistes avant, pendant et après la cure.
Tout préoccupé qu'il fût des malades à Balaruc et des soins à leur prodiguer, Nicolas Dortoman n'en était pas moins soucieux, comme tant de ses devanciers, de vanter les vertus des eaux thermales de sa région et d'asseoir sa propre réputation en transmettant son savoir médical, tout en dédiant chacun des deux livres de son ouvrage à une autorité locale38. On ne s'étonnera donc pas de trouver chez lui un style
34 Sut le gente de la dirputatia, voit pat exemple B. C. Bazàn, G. Ftansen, J. Wippel, D. Jacquart, Ler quertianr dirputéer et ler quertianr quodlibétiquer dans ler Pacultér de théologie, de droit et de médecine, Turnhout, Brepols, 1985.
35 D'après J. E. Strobelberger, Hirtaria Manrpelienrir in qua tum urbir Manrpeliacae, tum rcha- lae ejurdem celeberrimae brevir dercriptia ac vitae illurtrium ejurdem proferrarum, Nuremberg, A. Wagenmann, 1625 (cité par L. Dulieu, La médecine à Montpellier, t. II, p. 331), Nicolas Dortoman aurait lui-même composé un recueil de Canrilia medica, mais celui-ci semble aujourd'hui perdu.
36 Sur le genre des canrilia, voir J. Agrimi et C. Crisciani, Ler consilia médicaux, Turnhout, Brepols (Typohgie der rourcer du Moyen Âge occidental, 69),1994 et C. Casagrande, C. Crisciani, S. Vecchio (éd.), Consilium. Tearie et pratiche del canrigliare nella cultura medievale, Florence (Microlagur' Library, 10), 2004.
37 Sut ce gente, voit M. Nicoud, Ler Régimer de santé au Mayen Âge : naissance et di,$urian d'une écriture médicale, xrrP-xv` riècler, 2 vol., Rome (BEFAR, 333), 2007. Montpellier avait d'ailleurs marqué «une étape majeure dans l'histoire de l'écriture diététique» avec le Regimen ranitatir ad inclytum regem Araganum d'Arnaud de Villeneuve (voir M. Nicoud, Ler Régimer de santé, t. I, p. 154-175, p. 154 pour la citation). Canrilia et regimina mariaient déjà eux aussi «culture de cour et culture du corps» (voir le chop. viii de M. Nicoud, Ler Régimer de santé, t. I, p. 339-395).
38 On peut légitimement s'interroger sut le changement de dédicataire entre les deux préfaces de Dortoman, l'une au livre I adressée à un protestant, l'amiral de Coligny, la seconde au livre II à un catholique, l'évêque de Saint-Pons, Jacques de Castelnau ; ce fait, selon L. Dulieu, La médecine à Montpellier, t. II, p. 176, «démontre bien le désarroi dans lequel étaient les montpelliérains de cette époque ». On a pu imaginer que Dortoman,
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hautement rhétorique, aux effets de plume pompeux, ampoulé et paxfois même amphigourique. Les hommages qui sont rendus à Dortoman dans la préface au livre I par ses contemporains Henri Stapedius, médecin à Lyon, Georges Salmuth, Doyen de la Faculté de Médecine de Montpellier, Christophorus Heintzel, primat d'Augsbourg, et Andreas Widholz, citoyen de la même ville, offrent tous une autre vitrine à la grandeur de son oeuvre et de son érudition.
Si l'ouvrage de Dortoman, produit issu d'une longue lignée de traités thermaux, ne méritait peut-être pas des éloges aussi dithyrambiques, il avait cependant le mérite, comme nous l'avons dit, d'être un des premiers traités de balneis en France. Il eut aussi celui de faire école, car le goût pour le thermalisme et la balnéothérapie se retrouva chez les anciens élèves de l'Université de médecine de Montpellier, comme l'a bien montré Louis Dulieu39. C'est la raison pour laquelle il nous a semblé qu'il était juste de le sortir de l'ombre en en donnant la première édition et traduction dans une langue moderne.


REMARQUES SUR LES PRINCIPES D'ÉDITION
ET SUR LA TRADUCTION


Dans la mesure où le traité de Dortoman n'a connu qu'une seule édi- tion de son vivant, les principes à suivre étaient simples : il convenait de respecter au mieux le texte de l'original en intervenant le moins possible. En vertu d'un principe de plus en plus répandu dans le domaine du latin médiéval et humaniste40, nous n'avons pas normalisé l'orthographe de l'auteur, et l'on trouvera des graphies non «classiques» comme
qui était protestant, s'était converti au catholisme lors du concours ouvert à la suite de la mort d'Antoine Saporta en 1573, ses croyances lui ayant été reprochées à cette occa- sion. Sur les circonstances mouvementées de sa nomination, voir les détails donnés par L. Dulieu, La médecine à Montpellier, t. II, p. 40-41. Cet abandon du protestantisme au profit du catholicisme demeure cependant hypothétique, comme l'a montré N. Breton, «Dortoman et son temps », p. 23.
39 L. Dulieu, La médecine à Montpellier, t. II, p. 178.
40 Je me contente de renvoyer sur ce point aux réflexions éclairées de P. Bourgain, «Sur l'édition des textes littéraires latins médiévaux », Bibliothèque de l'École des Chartes, t. 150, 1992, p. 5-49.
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Mecænds pour Mcecends, cceterum pour ceterum, ocyus pour ocius, sylvd pour SZl1Ld, imo pour immo, chdYlOreS pOUr cdYlOreS, ndnque à côté de ndmque, etc. Nous avons même maintenu des graphies où l'alphabet grec est mêlé à l'alphabet latin (par ex.: historicws ou Bovlimos) et n'avons donc corrigé l'orthographe que lorsque celle-ci risquait vraiment d'égarer le lecteur. Dans ce cas, la graphie originale est toujours donnée dans l'apparat critique.
Nous n'avons toutefois pas utilisé, comme le fait Dortoman, lev à l'initiale (vt, vti, vsu, vdpores, etc.), ni le j en finale (studij, Monspelij, etc.), sauf dans les chiffres indiquant des dosages de remèdes (pax ex.: lib. ZJ. OU ZZZJ.), où sa présence ne risque pas de gêner les latinistes. Nous n'avons pas non plus reproduit les accents graves qui soulignent les adverbes ou les prépositions (sdepè, ingenuè, eô, modô, contrà, à bdsi etc.), ni les accents circonflexes, beaucoup moins systématiques d'ailleurs, pour noter des adverbes ou des ablatifs de la première déclinaison (hîc, dssumptâ dquâ, etc.41)
Pour marquer les diphtongues, Dortoman utilise le plus souvent les lettres soudées (æ, Æ ; oe, ~), comme nous l'avons fait, mais il recourt aussi assez souvent au « e cédillé » (dqu~ à côté de dquce), que nous n'avons pas reproduit. Il lui arrive aussi parfois de ne pas souder les lettres des diphtongues, graphie que nous avons dans ces cas-là respectée on trouvera ainsi cedemd à côté de oedemd. C'est la raison pour laquelle il nous a paru judicieux de maintenir le tréma que Dortoman utilise systématiquement sur le e pour distinguer la suite de de la diphtongue ce (pax ex.: dëY; Phdëthon, etc.).
Selon les normes des Classiques Garnier, la ponctuation du texte latin n'a subi aucune modification : on trouvera donc dans celui-ci un emploi des deux points très large et le plus souvent contraire à la ponctuation moderne, ainsi qu'un emploi inattendu de la virgule, qui sépare souvent pax exemple les infinitifs ou les infinitives de leur verbe introducteur (pax ex.: codcti fuerint, sedem mutdre; Plinius [...] reliquit, Bituminosdm dut Nitrosdm dqudm [...] utilem esse bibendo ;etc.). Nous n'avons pas cependant reproduit les points qui ponctuent les chiffres arabes et nous avons modifié la ponctuaxion lorsqû elle nous semblait contraire au système de Dortoman lui-même dans quelques cas taxes, pour lesquels la
41 En revanche, nous l'avons bien sûr maintenu quand il marque un oméga dans des mots translittérés du grec.
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ponctuation originale est toujours donnée en note critique sous la forme pax exemple de : « necessarium, Ob interji. D ». De la même manière, nous avons respecté l'emploi assez surprenant que le médecin de Balaruc fait des majuscules. Ici et là, on trouve pourtant des minuscules à l'initiale de mots, qui portent partout ailleurs la majuscule (par ex.: thermæ Belilucanæ à côte de Thermce Belilucanæ). Dans ces cas-là, nous n'avons fait que suggérer, sans corriger, un possible oubli de la majuscule en notant dans l'apparat critique : «Ther- fortasse melior [lectio] ». Il va de soi que dans la traduction, nous avons conformé la ponctuation et l'emploi des majuscules à l'usage moderne. Ainsi n'utilisons-nous la majuscule aux mots «thermes » ou «bains » que lorsqu'ils désignent par antonomase les installations de Balaruc. Les italiques et les guillemets dans le texte latin sont ceux de l'original, mais les numéros de vers accompagnant les poèmes sont de nous.
Les marginalia, très nombreux, ont été passés en notes critiques sous le texte latin après l'indication : Titulus in mg. (in margine). Leur appel de note est mis après le premier mot de la ligne du texte située en face du titulus pour les marginalia de gauche et après le dernier mot de la ligne pour les marginalia de droite. Dans le cas où ce premier ou ce dernier mot de la ligne fait déjà l'objet d'une note critique, l'appel de note du titre marginal a été reporté sur le mot qui suit ou précède immédiatement.
En théorie, il est de règle de respecter dans l'édition les alinéas du texte original. Cependant, Dortoman ne va quasiment jamais à la ligne, ce qui rend la lecture particulièrement ardue et ce qui obscurcit la structure et les articulations de sa pensée. Nous avons donc introduit des alinéas pour aérer la lecture, mais nous avons toujours indiqué, en note critique, sous la forme par exemple de : «satisfiat. Hanc D », qu'il n'y avait pas d'alinéa à cet endroit dans l'original. Quand nos alinéas correspondent à ceux, rarissimes, du texte, nous les avons accompagnés d'un saut de ligne pour éviter que le lecteur ne nous soupçonne d'avoir omis ce type d'indication. Quant aux sauts de page, il correspondent strictement à ceux de l'édition originale.
Les numéros de page du texte publié par Pesnot sont indiqués entre crochets droits dans le texte latin et dans la traduction. Lorsque ces numéros font défaut, nous utilisons l'abréviation [NP]. Enfin, lorsqu'un mot est coupé par un passage d'une page à l'autre, le numéro est donné juste après le mot et la place de la coupure indiquée, en note critique,
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sous la forme : «ca/lidis D ». Ce même signe (/) est aussi utilisé dans les marginalia qui courent sur deux pages pour marquer le passage de l'une à l'autre.
On trouvera à la suite du texte latin et de la traduction l'édition de l'Index rerum memorabilium que Dortoman lui-même a joint à son ouvrage. Il nous semblait en effet qu'il s'agissait là d'un document précieux sur ce que l'auteur lui-même considérait comme important et remarquable dans son oeuvre. Bien entendu, comme il s'agit d'un index en ordre alphabétique des mots latins, une édition bilingue avec traduction en regard n'aurait pas eu de sens dans la mesure où celle-ci n'aurait pu suivre le même ordre alphabétique. Dans cet index, la traduction est donc donnée en italiques immédiatement après le latin.
Il y a une vingtaine d'années environ, Régis Ayats, médecin passionné par l'histoire des thermes de Balaruc où il exerce, recevait en héritage de son confrère, Robert Gros, médecin généraliste, puis rhumatologue, mais aussi érudit local et poète reconnu, un exemplaire de l'édition originale du traité de Nicolas Dortoman contre la promesse de le faire traduire un jour. Robert Gros devait décéder peu après, et à une époque où les latinistes se font de plus en plus rares, la promesse, elle, allait devoir attendre longtemps avant de pouvoir être tenue. C'est aujourd'hui chose faite grâce à la ténacité et l'enthousiasme communicatif de Régis Ayats. Il aura suffi d'une rencontre à l'Université Paul-Valéry, voici quelques années, pour qu'à son initiative se forme autour de lui et de son exemplaire original de 1579 notre petit groupe de traducteurs. Le reste du travail a été accompli lors de réunions régulières consacrées à la révision lente et minutieuse d'un premier jet, dû essentiellement à Marie-Françoise Delpeyroux. Une fois le texte traduit, il nous est apparu qu'il méritait aussi d'être édité dans sa langue originale et que le projet d'une édition bilingue était le meilleur moyen d'attirer sur lui l'attention des spécialistes du thermalisme aussi bien que celle des gens curieux et de rendre ainsi à Dortoman un peu de sa gloire d'antan. Dans la traduction, nous avons essayé autant que possible de rendre la teneur de la langue de Dortoman et son caractère volontiers savant et érudit. C'est la raison pour laquelle, par fidélité au texte original, le grec n'y a pas été translittéré. Pour le lecteur non helléniste, la translittération est cependant systématiquement donnée en note.
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Pendant nos travaux, plusieurs personnes ont manifesté de l'intérêt pour notre projet et nous ont apporté leur aide d'une façon ou d'une autre. Nous pensons tout particulièrement à Évelyne Berriot Salvadore, Françoise Brette, Pierre Casado, Geneviève Cridlig, Danied Jarry, Carlos Lévy et Thierry Reboul. Nous sommes également redevables envers deux anciennes étudiantes :d'une part, Sandrine Haloua, qui s'était jointe au début de l'aventure à notre groupe de traduction et qui avait donné une première version du début du livre II —dont nous avons tiré profit ; et d'autre part, Camille Duran, qui a bien voulu faire un premier enregistrement du texte latin à partir duquel s'est construite l'édition. Que tous trouvent ici l'expression de notre sincère gratitude.


Jean MEYERS