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Classiques Garnier

Présentation

  • Publication type: Article from a collective work
  • Collective work: Traductions de La Boétie
  • Author: Menini (Romain)
  • Abstract: Cet ouvrage présente les actes des VIIIe rencontres La Boétie, accueillies à Sarlat-la-Canéda, du 23 au 25 janvier 2019, et consacrées aux traductions de La Boétie.
  • Pages: 9 to 13
  • Collection: La Boétie Studies, n° 6
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406131953
  • ISBN: 978-2-406-13195-3
  • ISSN: 2262-0427
  • DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-13195-3.p.0009
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 07-20-2022
  • Language: French
  • Keyword: La Boétie, Sarlat-la-Canéda, Association internationale des amis de La Boétie, traduction, réception
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Présentation

Les VIIIe Rencontres La Boétie, accueillies à Sarlat-la-Canéda du 23 au 25 janvier 2019, ont mis à lhonneur les traductions de La Boétie.

Comme de coutume, ces Rencontres ont été ouvertes par une conférence de Laurent Gerbier au lycée Pré-de-Cordy ; elles ont accueilli, en clôture du colloque, un Atelier de jeunes chercheuses et chercheurs, rassemblés pour cette édition autour de la question des « Discours de vérité à la Renaissance » ; elles se sont refermées sur lAssemblée générale de la Société Internationale des Amis de La Boétie, organisatrice de lévénement.

Ces Rencontres offraient loccasion idéale de présenter trois nouvelles publications consacrées à La Boétie et à son œuvre : Anne-Marie Cocula-Vaillières1, Marilise Six2 et John OBrien3 ont ainsi proposé de passionnants aperçus sur leurs récents travaux, décisifs pour mieux comprendre lœuvre de lécrivain sarladais, ainsi que sa remarquable fortune à travers les âges.

Lobjet du colloque était double : dune part, sonder lactivité de traducteur qui fut celle dÉtienne de La Boétie – lequel rendit en français le grec de Plutarque ou de Xénophon, mais aussi, dans sa Servitude volontaire, le latin de Virgile ou litalien de lArioste – ; dautre part, interroger le travail des traducteurs de La Boétie, que ce soit pour donner à lire ses Poemata latins (désormais disponibles en français) ou son fameux Discours (lu et relu en français, en latin ou dans dautres langues vernaculaires).

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Traductions de La Boétie : à la faveur dun génitif à double sens, les actes de ces Rencontres permettent de relire lœuvre laboétienne en la réinscrivant dans le réseau des multiples traductions qui en déterminent à la fois la genèse et la réception. Cest aussi rendre hommage à des générations de « passeurs de textes », dans le sillage dun écrivain qui, avant Jacques Amyot, fut un « sçavant translateur » en langue vernaculaire – et donc lagent dune transmission textuelle caractéristique de lHumanisme européen.

Les Rencontres ont permis à lauditoire dentendre lémouvante allocution dIvan Vejvoda4 – traducteur du Discours en serbo-croate (1986), membre dhonneur de ces VIIIe Rencontres – qui a rappelé, avec chaleur et reconnaissance, le souvenir de Miguel Abensour, son professeur à Sciences Po Paris. Le texte dIvan Vejvoda ouvre le dossier du présent Cahier. Il nous rappelle la nécessité brûlante de relire La Boétie aujourdhui, en retraçant lhistoire dune traduction qui réussit à faire entendre la voix de la liberté critique, dans un pays où celle-ci devait être plus que jamais menacée.

Avant dêtre traduit à son tour, La Boétie avait été lui-même traducteur : à la suite dIvan Vejvoda, qui aura donc « transmué un transmueur » (pour le dire comme Marot parlait dOvide), plusieurs articles reviennent sur les traductions quon doit au Sarladais, réunies en 1571, de façon posthume, par son ami Montaigne (fig. 1).

Alain Legros nous ouvre dabord latelier de La Boétie le philologue, lecteur du grec et du latin, annotateur de ses livres (Egnazio, Xénophon), lecteur attentif avant dêtre un traducteur méticuleux et élégant. Il revient sur la transmission des volumes de La Boétie à son ami Montaigne, qui les marqua dun « b. » mémoriel. Affaire de transmission, encore et 11toujours. Dans la fin de ce Cahier, une note complémentaire permet de revenir sur ce contingent de livres marqués, et sur leur émouvant passage dune bibliothèque à lautre. Alain Legros met aussi à la disposition des spécialistes trois documents méconnus qui touchent à la biographie de La Boétie. Ces nouveautés sont complétées, en varia, par une mise au point sur la datation du manuscrit Mériadeck de la Servitude volontaire.

Bérengère Basset et Romain Menini rouvrent le dossier des traductions du grec, en étudiant respectivement les versions laboétiennes de Plutarque (Consolation à sa femme) et de Xénophon (LÉconomique ou, dans le titre de 1571, « La Mesnagerie »). Bérengère Basset montre quen saisissant parfaitement ce que le genre de la consolation comporte d« exercice spirituel », La Boétie fait preuve dune compréhension précise et subtile du texte de Plutarque. Romain Menini, après avoir rappelé le contexte et la genèse de la traduction de La Mesnagerie, montre comment le traducteur contribue lui aussi, grâce à ses capacités dhelléniste, à l« illustration de la langue française » qui occupe les écrivains de son temps.

Michèle Clément étudie ensuite la façon dont La Boétie insère des traductions poétiques dans le Discours de la servitude volontaire, où il se révèle à la fois poète et traducteur de poètes, en vers ou en prose. Ainsi lécrivain peut-il interroger le statut de la poésie, à une époque où celle-ci est en pleine mutation. Lenjeu est aussi politique : pour Michèle Clément, le Discours dénonce aussi le rôle dauxiliaire complaisante du pouvoir qui est trop souvent celui de la fable poétique, libérée des contraintes de la prose. « Poète contrarié », La Boétie ?

John OBrien se penche sur la première édition partielle de la Servitude volontaire publiée en latin, en 1574. Il en souligne plusieurs caractéristiques, dont limportance des composantes manuscrites du second dialogue, le choix singulier des extraits, les enjeux intertextuels et la spécificité linguistique. Son article souligne aussi les relations que ces passages entretiennent avec la Francogallia de François Hotman et la pensée constitutionnelle.

Michael Boulet et Coralie Cicovic prennent pour objet limportante traduction du Discours qua procurée Charles Teste en 1836. En « drapant à la moderne » cet « antique enfant » quest le texte de La Boétie, Teste lui fait subir dimportants infléchissements, pour ne pas dire des gauchissements, qui sont le fait dune lecture assurément partisane. Ainsi le le christianisme social du début du xixe siècle trouve-t-il en Teste un interprète zélé.

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Fig. 1 – La Mesnagerie de Xenophon [], Paris, F. Morel, 1571 (exemplaire de Montaigne : Bibliothèque nationale de France, ZPAYEN-511 (1), num. Gallica).

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Enfin, Marilise Six revient sur son expérience de traductrice des Poemata de La Boétie (éd. Classiques Garnier, 2018, avec la collaboration de Christophe Bardyn). Sa contribution permet de redécouvrir un poète méconnu, dont la production néo-latine offre un éclairage nouveau sur sa vie personnelle et officielle de parlementaire bordelais. Les sources, la métrique et les pièces adressées à Montaigne font lobjet daperçus spécifiques.

Traducteur et traduit, La Boétie traverse les époques et les frontières. De la Grèce de Xénophon à lex-Yougoslavie du xxe siècle, en passant par une Europe des Lettres qui, naguère, parla latin puis français, son œuvre est un carrefour des langues, des lieux et des lectures ouvertes. Lexpérience trilingue (grec, latin, français) qui fut celle de lhumaniste montre le patron polyglotte sur lequel se dessine la réception de sa propre œuvre, à la fois exemplaire dun « vulgaire illustre » et libre de parler dans toutes les langues.

Romain Menini

Université Gustave-Eiffel

1 Anne-Marie Cocula-Vaillières, Étienne de La Boétie et le destin du Discours de la servitude volontaire, Paris, Classiques Garnier (« Études montaignistes », no 65), 2018.

2 Étienne de La Boétie, Poésies complètes, éd. Christophe Bardyn et Marilise Six, Paris, Classiques Garnier (« Études montaignistes », no 66), 2018.

3 John OBrien et Marc Schachter (dir.), La Première Circulation de la Servitude volontaire en France et au-delà, Paris, H. Champion (« Bibliothèque littéraire de la Renaissance », no 92), 2019.

4 Ivan Vejvoda, correspondant et interlocuteur serbe de la SIALB, est un politologue, chercheur et Recteur intérimaire de lInstitut des sciences humaines de Viennes (IWM), directeur du projet « Futurs de lEurope » depuis 2017. Il a été vice-président des programmes au German Marshall Fund (GMF) des États-Unis, après avoir été conseiller du premier ministre serbe Zoran Djindjic. En 1968, Ivan Vejvoda intègre Sciences Po Paris et rencontre Miguel Abensour, son professeur de philosophie, qui lui fait découvrir La Boétie, Lefort et Castoriadis, penseurs qui marqueront son parcours intellectuel et politique. En 1986, chercheur à lInstitut détudes européennes de Belgrade, il traduit en serbo-croate, dans la collection « Libertas » de léditeur Filip Visnjic, le Discours de la servitude volontaire de La Boétie, mais aussi Montesquieu, les discours de Robespierre et de Saint-Just, John Stuart Mill, Isaiah Berlin. – Merci à Coralie Cicovic, rédactrice de cette note de présentation.