Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Théories critiques et littérature de la Renaissance. Mélanges offerts à Lawrence Kritzman
- Pages : 421 à 427
- Collection : Rencontres, n° 486
- Série : Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance européenne, n° 113
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406109211
- ISBN : 978-2-406-10921-1
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10921-1.p.0421
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 01/02/2021
- Langue : Français
Résumés
Todd W. Reeser, « Avant-propos »
L’Avant-propos souligne l’influence des travaux de Lawrence Kritzman sur la recherche actuelle en littérature française du xvie siècle, surtout en ce qui concerne l’utilisation des théories critiques dans la lecture des textes de la Renaissance française.
Philippe Desan, « Représenter la Renaissance. Foucault, Las Meninas, ou la ressemblance disparue »
Las Meninas de Vélasquez représente un point d’entrée – ou plutôt un point de sortie – de la Renaissance pour Foucault. Dans Les Mots et les choses, il voit en ce tableau le symbole de la coupure épistémologique entre l’âge de la ressemblance et l’âge de la différence. L’objet s’est débarrassé de ses sujets encombrants et l’homme n’est plus qu’une illusion. Il réapparaîtra au xixe siècle, mais toujours sous le coup de sa déshistoricisation dont Las Meninas reste le meilleur exemple.
Michel Jeanneret, « Avatars de la lecture, avènement du lecteur à la Renaissance »
Cet article vise la question du rôle du lecteur dans la construction du sens textuel de la Renaissance, avec Montaigne comme point de départ. La question essentielle, c’est : comment le lecteur crée-t-il le texte même ? La réception d’Ovide se trouve au cœur de cette analyse.
François Rigolot, « Humanisme et scholastique. Quelques réflexions sur le problème de l’exemplarité à la fin de la Renaissance »
« Tout exemple cloche ». En remettant en question la notion d’exemplarité Montaigne ouvre la voie à une crise épistémologique. Devant l’imprévisibilité 422des actions humaines dans le « grand livre de l’Histoire », comment choisir le modèle sur lequel façonner sa conduite morale ? Au-delà de l’expression désabusée d’un illustre sceptique on se demandera dans quelle mesure cette déclaration sous-tend un questionnement plus large à la fin de la Renaissance.
Gisèle Mathieu-Castellani, « La poétique à l’épreuve de la poésie. Le genre du commentaire »
En 1553, la seconde édition des Amours de Ronsard est accompagnée des commentaires de Muret ; en 1560, la première édition des Œuvres du poète donne, pour Le Second livre des Amours, le commentaire de Belleau. La poésie devient l’objet d’une interprétation alors qu’elle n’avait bénéficié jusque-là que d’annotations marginales ou de notes ponctuelles. Ainsi est né le « commentauteur », d’un côté l’auteur commentant son œuvre, de l’autre le commentateur devenant lui-même auteur à part entière.
Tom Conley, « Eros stéganographique. Béroalde de Verville, Le Voyage des princes fortunez (1610) »
Cet article offre une étude sur Le voyage des princes fortunez (1610) de Béroalde de Verville, montrant comment le texte transmet ses propres messages tout en en cachant d’autres. Le texte lui-même prétend posséder des pages qui font l’amour et qui l’entendent, par le truchement de mots à déchiffrer dans leurs différentes formes.
Richard Scholar, « Dans les marges de l’utopie. Le Commentario d’Ortensio Lando »
Cet article étudie la diffusion de la tradition utopique à travers l’exemple d’Ortensio Lando, « citoyen d’Utopie » dans la république des lettres italiennes du xvie siècle, traducteur et imitateur de l’Utopie de Thomas More. L’exemple de Lando permet de montrer comment la tradition utopique renaissante utilise les ressources de la littérature afin de subvertir le « pouvoir législateur » (Lawrence Kritzman) des concepts dont elle traite.
423Katherine A. Brown, « La transgression sexuelle et la beauté monstrueuse dans l’Heptaméron »
Cet article examine la grossesse dans les nouvelles 30 et 33 de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre comme signe non verbal de la sexualité féminine. L’indicible du désir féminin est un thème récurrent dans tout le recueil qui mène souvent à la transgression des mœurs de la société. Dans ces nouvelles, Marguerite lie la grossesse à une question de foi chrétienne, suggérant l’universalité du désir féminin et les graves conséquences sociales pour la femme qui le nie.
Georges Vigarello, « Montaigne et l’image du viril »
Montaigne est moderne dans son implacable critique du duel : « offense contre notre police », vengeance dangereuse et butée. Il est plus proche de la tradition, en revanche, lorsqu’il oppose la « valeur » à « l’escrime », ou lorsqu’il place la virilité dans l’affrontement des seuls courages. La vertu se défierait de l’astuce. Le courage se défierait de la ruse. Critique des courtisans dont l’art nouveau de l’épée, avec l’abandon de l’armure, permet le jeu de pointe, la technique et le calcul.
David LaGuardia, « La pratique corporelle de la masculinité chez Montaigne »
La masculinité chez Montaigne est composée de pratiques corporelles dans des situations sociales, et n’existe que dans ses écrits et ses discours polymorphes. Le « genre » de l’essayiste est ainsi une apostrophe à ses lecteurs masculins et une fonction de l’acte énonciatif de son livre. Sa masculinité se fait de représentations verbales de son corps dans le passé et au présent qui se communiquent aux autres hommes à travers l’énonciation et l’inscription de son livre.
Elisabeth Hodges, « Les moustaches de Montaigne, ou la molle vérité des sens »
Cette étude interroge le savoir corporel dans l’essai « Des senteurs » pour analyser la valeur que Montaigne accorde aux sens. De son hyperesthésie à sa préférence pour certains parfums, Montaigne désigne le corps comme témoin du pouvoir autonome de la senteur. Le plaisir et le déplaisir liés à l’expérience de la senteur font émerger dans ce court essai une réflexion sur la contingence du sujet et les différences irrésolues entre le moi et le monde.
424Louisa Mackenzie, « La masculinité itinérante du Journal de voyage de Montaigne »
Cette analyse du Journal de voyage fait ressortir le rôle du récit de voyage dans la constitution du sujet genré chez Montaigne. Même si la masculinité de Montaigne s’y trouve parfois remise en cause, ses pratiques et ses discours viatiques finissent par confirmer son appartenance à un monde de rapports homosociaux et de normes hétérosexuelles. Il s’agira en outre d’identifier dans cette masculinité itinérante une anticipation précoce de la distinction entre voyageur et touriste.
Todd W. Reeser, « “Tricheurs de sexe”. Montaigne et le discours de la transidentité au xxe siècle »
On considère les questions de transition ou de changement de genre comme des inventions du xxe siècle, mais en fait elles sont implicites dans l’œuvre de Montaigne. Cet article analyse la réception de la pensée de l’essayiste dans le discours moderne sur la transidentité et propose qu’elle joue un rôle important dans l’articulation et la compréhension de la catégorie culturelle « transsexualité ».
Zahi Zalloua, « Montaigne et l’aphanisis du sujet »
Lacan évoque Montaigne dans sa discussion de l’aphanisis du sujet, s’intéressant au caractère provisoire de la subjectivité pré-cartésienne de Montaigne, qui préfigure en quelque sorte la notion psychanalytique du sujet clivé. Mais Lacan n’examine jamais le scepticisme de Montaigne ; il ne se demande pas comment la logique singulière de l’essayiste pourrait bien déclencher l’aphanisis du sujet montaignien ou contribuer à sa dissolution. Cet article poursuit cette piste de lecture.
Kathleen Long, « Montaigne, théoricien de la monstruosité »
Dans ses Essais, Montaigne nous présente une théorie systématique de la monstruosité qui comprend une dénonciation de la présomption intellectuelle des hommes et suggère que nos conceptions du monstrueux révèlent les limites de la connaissance humaine. Ses idées de l’épistémologie du monstrueux font penser à l’analyse du monstre chez Michel Foucault et Georges Canguilhem, analyses liées à la nature problématique de la connaissance de la vie.
425John O’Brien, « Tel père, tel fils ? Famille, rhétorique et nature chez Montaigne »
À partir de certains passages des Essais notables pour leurs comparaisons entre Montaigne et son père, cet article reprend les thèmes, si chers à Lawrence Kritzman, de la rhétorique, de la nature et des rapports humains. Le schème rhétorique du paraprosdokian oriente cette tâche. En se penchant sur ces moments textuels à travers ce schème, O’Brien montre comment Montaigne s’interroge sur la nature, l’identité, la différence et la continuité dans les générations successives de la famille Eyquem.
Mireille Huchon, « Textes et signes. Rabelais et les stratagèmes »
Cet article considère Rabelais en homme des stratagèmes dans trois sens : dans son œuvre fictionnelle, mises en scène des ruses de guerre, à l’imitation d’ouvrages antiques ; dans ses Stratagemata, en relation avec la politique de son protecteur en Piémont, aujourd’hui perdus, mais dont une diatribe contemporaine laisse entendre le contenu iconoclaste ; avec son mystérieux emblème, probable référence à l’oie-renard sacrée des hiéroglyphes, comme symbole de sa subtile réflexion sur la ruse.
Cécile Alduy, « “J’entends… mais quoy ?” Le style comme piège cognitif chez Rabelais »
La critique se déchire pour savoir s’il faut interpréter « à plus hault sens » l’œuvre de Rabelais. Cet article propose de déplacer l’attention du résultat de l’interprétation vers les processus qui la rendent possible ou impossible : de s’intéresser moins à ce que le livre signifie qu’à la manière dont il enclenche ou enraie des mécanismes d’élaboration du sens. Les disruptions cognitives provoquées par le style de Rabelais forcent le lecteur à faire l’expérience des limites de son cerveau.
Yves Hersant, « Rabelais : un usage romanesque de la physiognomie »
En tant que médecin et humaniste, lecteur d’Aristote, commentateur d’Hippocrate et de Galien, Rabelais connaissait fort bien la physiognomonie : c’est-à-dire l’art d’interpréter les traits du visage et les linéaments du corps comme révélateurs du caractère d’un homme. Mais en tant que romancier, il a tourné cette fausse science en dérision : dans son roman, qui ne l’annihile 426pas mais la maîtrise, la physiognomonie est subvertie. Il vaut la peine de se demander pourquoi.
Timothy Hampton, « Le rire de la Chambrière. La “haulte dame” et les limites du genre (Pantagruel 21) »
Le chapitre 21 du Pantagruel, la scène de la « haulte dame de Paris », sert depuis longtemps comme pierre de touche pour l’analyse du genre chez Rabelais. Cet essai explore le rapport entre genre, pouvoir, et la problématique de la lecture. Il souligne la complexité générique de la scène qui bouleverse les tentatives d’une prise de position stable envers l’action. Il conclut qu’on ne peut parler de la différence sexuelle qu’à travers une analyse complémentaire de la différence sociale.
Nadine Kuperty-Tsur, « La fabrication de la sorcière (Rabelais, Tiers Livre) »
La vieille femme, figure grotesque, s’incarne dans la sorcière du Tiers Livre, dévoilant son processus de fabrication et dénonçant l’aveuglement d’Épistémon. Cet humaniste de la suite de Pantagruel plaque des stéréotypes issus de sa culture livresque sur cette vieille, qui à son tour les mettra à son profit. Alors que la chasse aux sorcières fait rage, Rabelais démontre que les accusations de sorcellerie féminine sont liées à un dysfonctionnement de l’usage du savoir dont il dénonce la gravité.
Jacqueline Cerquiglini-Toulet, « Armes et amours. Forme mémorielle et récriture du Moyen Âge à la Renaissance »
Cet article pose la question : Qu’est devenue du xive au début du xvie siècle la devise qui caractérisait le chevalier ? Le modèle s’est-il complexifié, est-il en crise ? De Guillaume de Machaut à François Villon, (et au-delà) comment chante-t-on et écrit-on d’amour et de mort à partir d’une formule que l’on fait jouer, tel un cristal, captant des couleurs diverses ?
Michael Randall, « Violence et identité dans la poésie tardive de Jean Molinet »
Dans la poésie que Jean Molinet a écrite après 1497, la violence contre les Juifs apparaît de façon surprenante. La notion d’Édouard Glissant à l’égard des « sociétés ataviques » qui excluent tout ce qui ne fait pas partie de la 427communauté pour affirmer leur identité peut aider à comprendre ces poèmes. En les regardant de près, on comprend comment cette violence antisémite représentait une façon de créer une identité à un moment où la Bourgogne était l’objet de grandes perturbations politiques.
Phillip John Usher, « Une poésie du vivant. Pierre de Ronsard et la Plant theory »
Ce chapitre propose une lecture de la célèbre ode de Ronsard (« Mignonne, allons voir si la rose… ») comme poème botanique. Il s’agit, d’une part, selon une démarche plus ou moins historiciste, de replacer le poème dans le contexte des traités proprement botaniques (Théophraste, Fuchs, John Gerard), et d’autre part, prenant une tournure théorique, d’interroger le poème à la lumière de certaines thèses de la plant theory contemporaine (Michael Marder, Luce Irigaray, Jeffrey T. Nealon, etc.).
Brian J. Reilly, « Comment lire Louise Labé comme un enfant »
Cet article propose une balance d’essai pour évaluer la paternité des Œuvres de Louise Labé. À travers la comparaison que fit Montaigne entre ses essais et un enfant qui navigue dans le monde, cette balance se construit à partir de deux appuis cognitifs de l’enfant : la règle de Bayes et les connaissances-noyau. La première assure un raisonnement probabiliste ; les secondes reconnaissent un être phénoménal à l’origine du texte. C’est la spectralité kritzmanienne qui met le dispositif en marche.
Deborah Lesko Baker, « Diane re-cadreé. Intertextualité du sonnet 19 de Louise Labé »
En se focalisant sur le Sonnet 19 de Louise Labé, cette étude analyse la seule évocation de la déesse Diane chez la poétesse lyonnaise dans son rapport intertextuel vis à vis des Métamorphoses, ainsi que de la poésie de Pétrarque, de Maurice Scève et de Pernette du Guillet. À travers une exploration des problèmes liés spécifiquement au mythe de Diane et Actéon, cet essai présente une nouvelle lecture approfondie du sonnet.