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Classiques Garnier

Note sur la présente édition

  • Publication type: Book chapter
  • Book: Théâtre des provinces au xviie siècle. Une anthologie
  • Pages: 201 to 206
  • Collection: Seventeenth-Century Library, n° 48
  • Series: Théâtre, n° 10
  • CLIL theme: 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
  • EAN: 9782406150923
  • ISBN: 978-2-406-15092-3
  • ISSN: 2258-0158
  • DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-15092-3.p.0201
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 01-17-2024
  • Language: French
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NOTE SUR LA PRÉSENTE ÉDITION

Cette tragédie a connu deux éditions.

La première a été publiée en 1687 à Châtillon-sur-Seine par limprimeur-libraire Claude Bourut, sous le titre Le Martyre de Sainte Reine dAlise. La page de titre attribue lœuvre à un « religieux de labbaye de Flavigny ».

Le texte de la pièce y est suivi de quatre annexes : une première liste des personnages, une Disposition du théâtre, un Dessein de la tragédie plus au raccourci, une seconde liste des personnages correspondant à la version abrégée de lœuvre.

Le travail effectué dans latelier de Claude Bourut présente de nombreux défauts. La composition du texte de la pièce a été particulièrement négligée et na visiblement pas été révisée par lauteur. Dinnombrables coquilles émaillent en effet les pages de la tragédie. Ainsi trouve-t-on étanges au lieu détranges au vers 46, leur hommages au lieu de leurs hommages au vers 49 ou encore ses discours au lieu de ces discours au vers 216. Les deux plus étonnantes coquilles se trouvent au vers 865, où le nom de Jésus est remplacé par Je suis, ce qui rend évidemment le vers incompréhensible, et au vers 499, où ladjectif rodomonts devient Radamante

Le manque de soin apporté à la composition se manifeste aussi dans la formalisation du texte. La numérotation des scènes est parfois défaillante : on trouve deux scènes 3 dans lacte V. Il en va de même pour les listes des personnages placées en tête des scènes. Un mode de présentation a été adopté pour le premier acte : les noms des personnages qui sexpriment dans la scène, sont imprimés en petites capitales et en italiques et ceux des personnages qui restent muets, en minuscules et en italiques. Mais le système est ensuite observé seulement dans lacte V. Dans les autres, il souffre de plus ou moins nombreuses exceptions. Même le titre de la pièce semble fluctuant : sur la page de titre du volume, lœuvre sintitule Le Martyre de Sainte Reine dAlise, mais sur la première page du texte et dans le titre-courant, elle sintitule Tragédie de Sainte Reine.

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Une seconde édition de la pièce a été publiée en 1691 à Châtillon-sur-Seine par le même imprimeur-libraire, Claude Bourut. La page de titre la présente expressément comme une « nouvelle édition ». Le titre de lœuvre a effectivement changé : elle sintitule désormais Le Martyre de la glorieuse Sainte Reine dAlise. Le nom dun personnage secondaire a, lui aussi, changé : le duc dAquitaine ne sappelle plus Charles, mais Dodon. La composition du volume a été en outre bouleversée. Les quatre annexes de la première édition ont été déplacées pour ouvrir le volume, précédées de trois nouveaux textes liminaires : une épître dédicatoire à sainte Reine, une préface et un Dessein de la tragédie envisagée dans sa version intégrale. De plus, une petite trentaine de vers ont été partiellement ou entièrement récrits. Ainsi le début du vers 384 porte non plus « Le malheureux dessein… », mais « Jabhorre le destin… » ou le vers 778 évoque « la belle Reine » au lieu de « la fille Reine ». Deux brèves séquences ont été, en outre, totalement réécrites : les vers 1096 à 1099 et les vers 1231-1232. La ponctuation du texte, de surcroît, a été profondément remaniée. Les vers de la première édition se terminaient le plus souvent par une virgule, suivant lusage de la ponctuation rythmique imposée par la prosodie et adaptée à la déclamation ou à la lecture à haute voix. La nouvelle édition adopte une ponctuation plus variée et plus moderne. Elle emploie toute la gamme des signes de ponctuation afin de ménager des pauses différenciées dans le discours. En outre, elle fait droit, dans une assez large mesure, aux exigences de la syntaxe en respectant davantage la continuité de la séquence et en plaçant à la fin de celle-ci très souvent un point-virgule, parfois deux points. Enfin, elle respecte davantage lusage consistant à placer une virgule devant et. Cette ponctuation savère toutefois inconstante. À partir de la fin de lacte III, elle verse en effet dans le systématisme en remplaçant la virgule, presque tous les deux vers et en alternance, par un point-virgule ou deux points. Une disparité aussi flagrante ne peut sexpliquer que par lintervention de deux compositeurs différents.

Cette nouvelle édition est en outre sensiblement augmentée. Lauteur a en effet ajouté au texte même de lœuvre trois éléments : lédit de lempereur Dèce, lu à la fin de la scène 4 de lacte IV ; un entracte entre les scènes 4 et 5 de lacte V, dont le déroulement est décrit avec précision par une longue didascalie ; une pompe funèbre à la fin de la scène dernière, elle aussi décrite par une longue didascalie. Lauteur a 203surtout ajouté au texte un nombre imposant de didascalies : pas moins de 56. Certaines scènes ont été ainsi augmentées de huit didascalies, comme la scène du sacrifice (III, 2) et même de dix, comme la scène du martyre (V, 2). Si lon ajoute les quatre didascalies de la première édition, la pièce compte ainsi 60 didascalies, soit près de six fois plus que les tragédies contemporaines qui comportent, en moyenne, seulement une dizaine de didascalies1.

Cette seconde édition, toutefois, nest pas aussi soignée que pouvait le laisser augurer un aussi large remaniement. Elle comporte en effet un certain nombre dincohérences. Lonomastique, en particulier, reste hésitante. Ainsi le duc dAquitaine, qui sappelle en principe Dodon dans la seconde édition, a conservé son nom initial, Charles, dans quelques scènes, comme la scène 2 de lacte IV. Le page Eugène, lui, sappelle parfois Eugénie, comme à la scène 3 de lacte V. Des personnages, pourtant présents dans le texte, sont omis dans la liste des personnages de quelques scènes, tel Félix à la scène 2 du premier acte. Enfin, le mode de présentation de la liste des personnages de la scène, combinant les petites capitales et les minuscules en italiques, nest pas plus normalisé que dans la première édition. Mais il y a pire : on constate des discordances entre les données de certains textes liminaires et le contenu effectif du texte de la tragédie. Deux personnages, par exemple, mentionnés dans la liste des personnages correspondant à la version intégrale de la pièce, ne figurent pas dans le texte de la tragédie : le Génie des Gaules et le Génie dAlise2. En outre, le Dessein de la tragédie envisagée dans sa version intégrale et le texte de la pièce divergent sur plusieurs points. Ainsi deux scènes de la tragédie, la première scène de lacte III et la scène 3 de lacte V, ne figurent pas dans le Dessein. Pour ces deux actes, la numérotation des scènes dans la pièce et la numérotation des scènes dans le Dessein ne concordent donc pas. De 204plus, le contenu de certaines scènes dans le Dessein nest pas exactement le même dans la pièce. Ainsi la poursuite de Reine par Clément na pas lieu dans la scène 5 de lacte II, comme le veut le Dessein, mais dans la scène 4. De même, le combat entre Romains et Saxons ne sachève pas à la fin de la scène 3 de lacte III, comme lindique le Dessein, mais se poursuit et se termine, dans la pièce, à la scène 4. Enfin, lentracte ménagé entre les scènes 4 et 5 de lacte V, dans la pièce, nest pas mentionné dans le Dessein. De telles discordances ne sont évidemment pas à mettre au débit du compositeur, qui sest borné à reproduire la copie qui lui avait été fournie, mais à celui de lauteur qui na pas révisé cette dernière avec suffisamment de soin ou ne la pas du tout revue. De telles incohérences pourraient aussi sexpliquer par lintervention de deux auteurs, ou plutôt dun auteur et dun remanieur : le premier aurait édité la pièce en 1687 et le second préparé la réédition de 1691.

La médiathèque de Joinville (Haute-Marne) conserve (sous la cote 2589 A) un recueil factice contenant, outre la seconde édition de la pièce du bénédictin et une édition de la tragédie de Claude Ternet intitulée Le Martyre de la glorieuse vierge Sainte Reine (Autun, Bernard de La Mothe-Tor, 1680), un ensemble de fragments manuscrits relatifs à la première œuvre. Cet ensemble est constitué, dune part, par des annotations manuscrites portées sur certaines pages du volume imprimé de la pièce du bénédictin et destinées à y ajouter des vers et, dautre part, par des feuillets comportant des scènes ou des fragments de scènes inédits impartis à quelques-uns des personnages de cette même œuvre : Olibre, Reine, Lucille, Clément, Dodon. La graphie observée dans ces documents permet de les dater de la fin du xviie siècle. Mais la diversité des mains laisse supposer que ces documents ne datent pas tous exactement de la même période et relèvent de plusieurs rédactions successives. Ces fragments manuscrits constituent très probablement des remaniements effectués pour des reprises de la pièce.

Un ensemble documentaire aussi riche et aussi exceptionnel exigerait une étude spécifique qui ne pouvait être entreprise dans le cadre contraint dune édition critique. Faute de cette étude, le texte de la pièce a été établi indépendamment de ces manuscrits et sur la seule base des textes imprimés.

Mais, pour établir une nouvelle édition de la pièce, encore fallait-il choisir entre les deux états du texte. Le choix sest imposé de lui-même : 205le texte proposé dans la seconde édition est à la fois plus complet et plus riche que celui de la première. Mais il fallait aussi apporter à ce second état du texte toutes les rectifications nécessaires en normalisant ce qui devait encore lêtre et en corrigeant les très rares coquilles qui y subsistaient.

Pour cette nouvelle édition, conformément à lusage retenu pour ce recueil, lorthographe, les majuscules et la ponctuation originales ont été respectées, sauf exceptions signalées.

Très peu de modifications, toutes signalées, ont été apportées au texte de la seconde édition : quelques didascalies ont été déplacées, deux majuscules ajoutées, une leçon de la première édition maintenue. Une seule modification importante a été apportée : elle concerne le titre de la pièce. Le libraire Claude Bourut avait cru habile de titrer la seconde édition, Le Martyre de la glorieuse sainte Reine dAlise, pour jouer sur léquivoque avec le titre de la tragédie concurrente de Claude Ternet, Le Martyre de la glorieuse vierge Sainte Reine (publiée en 1671 et rééditée en 1680 et en 1682) dans lespoir de vendre plus facilement les exemplaires de la tragédie du bénédictin. Il a paru plus sage de restituer à la pièce son titre initial, Le Martyre de Sainte Reine dAlise, pour ne pas entretenir cette équivoque, désastreuse pour le catalogage des bibliothèques, et permettre de la distinguer nettement de la pièce de Claude Ternet.

Cette nouvelle édition a été établie sur la base de lexemplaire de la seconde édition conservé à la Bibliothèque de lArsenal sous la cote 8 – BL – 14043 :

LE MARTIRE DE LA GLORIEUSE SAINTE REINE DALIZE. / TRAGEDIE. / COMPOSEE PAR UN RELIGIEUX / De lAbbaye de Flavigny-Sainte Reine, où repose le Corps de ladite Sainte Reine. / DEDIEE A LA MEME SAINTE. / Nouvelle édition / [vignette] / A CHATILLON, / Par CLAUDE BOURUT, Imprimeur de la Ville, et du Collège, 1691. / AVEC PERMISSION

Lexemplaire comporte 69 pages, une vignette figurant la décollation de sainte Reine sur la page de titre et une estampe à la page 2. La sainte y est représentée en pieds, couronnée par des angelots et entourée par deux des instruments de son martyre : la chaîne et lépée. Ces deux 206images sont quasiment les mêmes que celles que proposaient déjà la première édition (p. 1 et 2).

Lexemplaire ne comporte ni privilège, ni achevé dimprimer.

1 Voir Véronique Lochert, LÉcriture du spectacle. Les didascalies dans le théâtre européen aux xvie et xviie siècles, Genève, Droz, 2009, p. 635-638. Ces statistiques doivent cependant être considérées avec prudence dans la mesure où elles prennent insuffisamment en compte la mixité générique qui affecte tout le théâtre de lâge baroque. Pour comparaison, on notera seulement que les tragédies de Racine, par exemple, ne comportent en moyenne, hormis Esther et Athalie (tragédies à grand spectacle composées pour Saint-Cyr), quune quinzaine de didascalies.

2 À moins de considérer quil sagit des deux anges qui interviennent à lacte V, aux scènes 2, 6 et dernière. Mais on voit mal pourquoi, dans ce cas, lauteur les désignerait par un terme aussi antiquisant que celui de génie.