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Classiques Garnier

[Catherine Des Roches (1542-1587)] Notice

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Théâtre de femmes de l’Ancien Régime. Tome I. xvie siècle
  • Pages : 415 à 417
  • Collection : Bibliothèque du xviie siècle, n° 17
  • Série : Théâtre, n° 1
  • Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
  • EAN : 9782812420535
  • ISBN : 978-2-8124-2053-5
  • ISSN : 2258-0158
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-2053-5.p.0415
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 02/06/2014
  • Langue : Français
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Notice

Lorsqu’on parcourt la bibliographie des dames Des Roches, on est frappé de voir à quel point la mère et la fille sont indissociables dans l’esprit des critiques. Il est vrai qu’elles ont vécu ensemble, publié ensemble, soutenu les mêmes idées, fait l’objet d’éloges communs, et toutes deux sont mortes la même année, en 1587, de l’épidémie de peste qui courait dans la région poitevine. Chacune a pourtant eu une vie, une personnalité et une production propres. La première, Madeleine Neveu, dame Des Roches, née vers 1520 d’une famille de notaires, s’est mariée deux fois : d’abord en 1539, au procureur André Fradonnet, dont elle eut trois enfants, ensuite en 1550, à l’avocat au présidial de Poitiers François Eboissard, sieur de La Villée, bourgeois de la ville (qui devait mourir en 1578). Catherine Fradonnet, née en 1542, seule survivante de la première union de sa mère, ne s’est jamais mariée, malgré les sollicitations de son entourage ; elle voulait se consacrer à la carrière des lettres – jugée, à l’époque, incompatible avec le mariage. Madeleine avait elle-même subi cette idée reçue ; ayant vécu les charges familiales comme une entrave à l’expression de ses ambitions littéraires, elle encouragea sa fille à réaliser les siennes, lui apportant un soutien bien nécessaire à l’époque pour une jeune femme de son milieu.

Toutes deux ont vécu de près le printemps poétique de Poitiers, dans les années 1550, lorsque les « poètes du Clain » (Muret, du Bellay, Peletier du Mans, Tahureau, Sainte-Marthe, Baïf, La Fresnaye…) faisaient de la ville l’un des hauts lieux de la renaissance littéraire. Dans les années 1570, elles prirent l’initiative d’y ouvrir un salon, comme cela se faisait déjà dans la capitale et ailleurs. Elles y accueillirent des gens de lettres de la région, et prirent appui sur cette activité littéraire et mondaine reconnue pour célébrer par différents écrits le séjour de la Cour à Poitiers, en 1577. En 1579, elles reçurent avec éclat les parlementaires de la capitale durant les « Grands Jours » de la ville. Au-delà des hommages isolés et des poèmes publiés ici ou là, plusieurs livres

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reflètent les accomplissements de ce petit cénacle fort célèbre dans le monde des lettres de la fin du xvie siècle, et mettent en lumière la production de ses hôtesses. Il s’agit d’une part de trois ouvrages, signés « Mesdames des Roches de Poitiers, mère et fille » (Les Œuvres, 1578 puis 1579 ; les Secondes Œuvres, 1583 ; les Missives, 1586) ; et d’autre part du fameux recueil collectif composé « par plusieurs doctes personnages aux Grands Jours tenus à Poitiers » et intitulé La Puce de Madame des Roches – c’est-à-dire Catherine (1582).

À l’instar de ce dernier exemple, l’observation des écrits des deux femmes met en évidence la plus grande variété des stratégies littéraires de Catherine Des Roches, et la diversité des genres dans lesquels elle s’est illustrée. Alors que Madeleine a presque exclusivement signé des lettres et des poésies à forte structure strophique (odes, sonnets…), Catherine a composé, outre les mêmes types de textes, des poèmes narratifs, des chansons, des traductions (du latin), des dédicaces et surtout un important corpus d’œuvres relevant plus ou moins des genres dramatiques. Les Œuvres présentent ainsi une mascarade destinée à la Cour (très friande de théâtre) et six dialogues en prose mêlée de vers, auxquels s’ajoute l’année suivante, dans la réédition du volume, Un acte de la tragi-comédie de Tobie. Les Secondes Œuvres proposent une bergerie, deux dialogues et quarante-six « réponses » (poèmes de circonstances répliquant à d’autres). Les Missives, enfin, contiennent vingt-quatre nouvelles « réponses ». Parallèlement, Catherine contribua, par un sizain saluant ses Bergeries, à la publication des Premières Œuvres poétiques de Flaminio de Birague (1585). Sa prédilection pour les genres dramatiques était plus ancienne encore : en 1571, Caye-Jules de Guersens (l’un des membres du cercle) avait publié à Poitiers la tragédie Panthée, en la présentant dans sa dédicace comme une simple « mise en ordre » d’un texte et d’une idée de Catherine.

Cet aspect de l’œuvre de la plus jeune des dames Des Roches n’a pas encore reçu tout l’intérêt qu’il mérite. Il faut dire que les deux autrices, bien qu’ayant bénéficié d’une reconnaissance enthousiaste du milieu des lettres de leur vivant, et encore durant une vingtaine d’années après leur mort (la dernière édition de leurs œuvres fut entreprise en 1604), ont subi une longue traversée du désert. Elles ont retrouvé l’intérêt de la critique depuis les années 1980, en relation avec les recherches sur les écrivaines de l’Ancien Régime.

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Nous avons établi tous les textes à partir de la première et à ce jour seule édition critique consacrée aux œuvres des dames Des Roches, celle qu’Anne Larsen a donnée pour les éditions Droz (Genève) voici quelques années : Les Œuvres, 1993 ; Les Secondes Œuvres, 1998.