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Classiques Garnier

Introduction Politiques monétaires non conventionnelles. Remède miracle ou thérapie iatrogène ?

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Introduction

Politiques monétaires non conventionnelles.
Remède miracle ou thérapie iatrogène ?

En dépit dun élargissement incontestable de la recherche des origines de la crise, comme celle que lon a évoquée au chapitre précédent, la focalisation sur des remèdes exclusivement monétaires a la vie dure. On peut bien sûr imputer, comme le fait le document du « G30 », cette obstination au caractère humiliant que revêtirait la reconnaissance officielle dune erreur collective de diagnostic aux conséquences aussi colossales. Dans le même ordre didée, garder le cap évite aux titulaires actuels de la charge de mettre en péril la sacro-sainte crédibilité des institutions quils dirigent. Ces arguments technico-tactiques masquent pourtant la vraie raison de cet entêtement qui est le refus catégorique de considérer la disqualification du travail et les distorsions quelle introduit sur les échanges internationaux comme causes principales de la crise. À moins que le motif ne soit, mais cela revient au même, linterdiction de reconnaître publiquement cette vérité dérangeante.

Vue de la fenêtre des sociétés transnationales et des détenteurs du capital financier, la mondialisation a en effet représenté une occasion unique de dévier à leur seul profit les gains gigantesques provenant de larrivée sur le marché du travail de centaines de millions de travailleurs à (très) bas salaires et protection sociale nulle. Alors que les gains de productivité commençaient à décliner, le capitalisme international a trouvé dans la délocalisation de la production des biens consommés en Occident un moyen daugmenter massivement ses marges. La meilleure illustration de ce système est fournie par Wal Mart, numéro un mondial de la (grande) distribution. Selon différentes estimations, le géant américain importerait chaque année aux États-Unis des produits fabriqués en Chine pour 50 MD USD, soit environ 25 % de son chiffre daffaires domestique.

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Générateur de profonds déséquilibres, ce système a dès sa mise en route commencé à cahoter (crises de 1997) avant de sombrer dans le surendettement des pays du Nord précédemment considérés comme avancés et désormais en grandes difficultés pour préserver leur niveau de vie.

Bien que proscrite par le dogme libéral, la monétisation des dettes a constitué le principal remède (le seul en Europe après la proclamation de laustérité) à cette poussée de fièvre aiguë. Cette stratégie, prévue pour être temporaire, a sans conteste rempli son premier objectif, la restauration du système financier mondial. Mais elle na rien résolu sur le fond, son résultat le plus visible étant de propulser les valorisations des actifs financiers à des niveaux nayant plus aucun rapport avec létat réel de léconomie. Alors que le bilan à court terme des résultats des politiques non conventionnelles reste mitigé, leurs implications à long terme sont franchement négatives. Se profile alors la redoutable question de la sortie de ces politiques (« exit strategy ») dont on sait par expérience quelle ne peut être indolore, a fortiori après être allé aussi loin aussi longtemps dans le « non-conventionnel ».

Face au marasme économique et à la fragilité des marchés, la normalisation de la politique monétaire, évoquée pour la première fois par la Réserve fédérale à lété 2013 reste, au moment où sont écrites ces lignes (septembre 2016), à létat de souhait ou de menace. On pressent en même temps que les atermoiements ne font quaugmenter le coût prévisible dun retour à la normale, pour les marchés et pour léconomie réelle. Et on peut même redouter que lattentisme affaiblisse la résistance à toute crise exogène future, voire finisse par déclencher à lui seul une crise (endogène) de confiance aux conséquences incalculables.

Les Banques centrales disposent de deux canaux pour la mise en œuvre de la politique monétaire : le canal qualitatif des taux directeurs, qui déterminent le coût de refinancement des banques commerciales ; le canal quantitatif par lequel les comptes de réserves de ces banques sont alimentés en leur achetant les actifs quelles détiennent. Le soutien exceptionnel des Banques centrales après la crise de 2008 a pris dabord la forme de la ZIRP (zéro interest rate policy mise en place dès les années 2000 au Japon) puis celle du QE (assouplissement quantitatif ou quantitative easing, par achat massif de créances aux banques).

Encadré 4 – Taux zéro (ZIRP) et quantitative easing (QE).