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Classiques Garnier

Résumés

  • Type de publication : Article de collectif
  • Collectif : Spectres de Dostoïevski
  • Pages : 279 à 283
  • Collection : Perspectives comparatistes, n° 140
  • Thème CLIL : 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
  • EAN : 9782406158141
  • ISBN : 978-2-406-15814-1
  • ISSN : 2261-5709
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15814-1.p.0279
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 31/01/2024
  • Langue : Français
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Résumés

Nicolas Aude, Victoire Feuillebois et Karen Haddad, « Introduction »

Des spectres présents chez lécrivain aux traces quil a laissées dans la littérature mondiale, cet ouvrage se penche sur limaginaire et les représentations littéraires du fantôme chez Dostoïevski, afin de mieux comprendre la nature spécifique de sa réception transnationale.

Jean-Louis Backès, « Le spectre des aïeux »

Dostoïevski appartient à la classe aristocratique. Plusieurs personnages de son œuvre romanesque, comme André Versilov, lun des protagonistes du roman LAdolescent, sont des nobles de vieille souche, auxquels il confie la mission dapaiser le conflit qui oppose le peuple et la noblesse, de guider la Russie dans sa marche prophétique. Pourtant, une gêne inavouée sexprime chez Dostoïevski à travers détranges coïncidences, dont cet article souhaite rendre compte.

Michel Niqueux, « Le vocabulaire spectral de Dostoïevski (prizrak, videnie, prividenie) et sa traduction en français »

Pour désigner un spectre, le russe dispose de trois termes, tous formés sur le radical -vid- (vue, voir) : prizrak, prividenie et videnie, qui semblent parfois synonymiques et qui sont rendus en français de manière variée. Ils composent pourtant un spectre sémantique clair pour lauteur, qui ne les emploie pas au hasard. Dans tous les cas, les visions ou les fantômes sont pour les personnages de Dostoïevski et pour lécrivain des réalités, et non des fictions, fussent-elles le fruit dimaginations malades.

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Ioulia Podoroga, « Dédoublement et émanation. La hantise de lidée chez Dostoïevski »

Cette étude traite du concept didée chez Dostoïevski, en proposant de lui donner un sens proprement littéraire plutôt que philosophique ou abstrait. Lidée chez Dostoïevski est de nature mimétique. Elle se distingue par son caractère affectif, incarné et lié à laction. Larticle explore le fonctionnement de lidée dans ses deux dimensions à la fois : en tant que définie par lauteur et comme propriété de ses personnages. Au fur et à mesure que les deux dimensions convergent et se mélangent, lidée devient le principal protagoniste de ses romans.

Sergueï Fokine, « Spectres du Capital dans la vie et lœuvre dun écrivain-prolétaire »

Dostoïevski manifeste une attention soutenue au capital, ce qui a amené à lécrivain à comprendre la souveraineté de la littérature, portée par cette possibilité de miser sur la folle dépense, y compris la dépense du sens, de miser sur le non-sens comme condition de la possibilité de la création du sens. Le rapport déraisonnable à largent, caractéristique de Dostoïevski et de bon nombre de ses personnages, apparaît ainsi comme lexpression dune structure religieuse archaïque.

Victoire Feuillebois, « Dostoïevski et “lombre de Vautrin”. Sur un “texte-fantôme” balzacien »

Cette étude se propose de revenir sur une révélation vieille de cent ans, une révélation fracassante faite par le critique soviétique Leonid Grossman. En se penchant sur la manière dont Dostoïevski a connu lœuvre de Balzac, Grossman met le doigt sur un fait aux conséquences gigantesques : ce que le jeune Dostoïevski, épris de littérature, rencontre de Balzac entre 1830 et 1840 est un texte-fantôme signé Balzac, mais que Balzac na jamais écrit et où son héros fétiche devient un meurtrier.

Margot Buvat, « Hantologie du De Quincey de Musset dans La Logeuse de Dostoïevski »

Cette étude se propose de lire les Confessions dun mangeur dopium anglais[Confessions of an English Opium-Eater] (1821) de Thomas de Quincey comme lun des spectres en amont de lœuvre de Fiodor Dostoïevski. Isoler cette source 281permet denvisager une hantologie du texte littéraire qui permet de prendre en compte, dans un même geste critique, à la fois les figures de revenants dans les textes et la modalité de la revenance spectrale comme une intertextualité, mais encore la question de la traduction.

Olga Voltchek, « Le grand homme et les petits enfants. Le spectre de Napoléon dans LIdiot de Dostoïevski »

Lenjeu de cette étude est de réviser la légende dorée de Napoléon chez Dostoïevski. Dans lœuvre de Dostoïevski, Napoléon napparaît pas comme un homme historique mais représente un mythe, un fantôme de limaginaire collectif, une sorte de Spectre de lhumanité universelle. Il fait en particulier écho au Christ à travers sa relation aux enfants et son ombre se réflète dans la construction ambivalente de la figure du prince Mychkine.

Karen Haddad, « “La beauté sauvera le monde. Il faut trouver autre chose” (Houellebecq) »

Les références à Dostoïevski abondent chez Houellebecq. Cest dans La Carte et le Territoire que lhommage au romancier russe est le plus présent, à travers une forme de réécriture de Crime et châtiment. Houellebecq y reprend entre autres le motif du meurtre sanglant et la nécessité du châtiment. Mais Dostoïevski ne peut y apparaître que comme « spectre » dans la mesure où le criminel na aucune épaisseur romanesque et que le châtiment est escamoté ; cependant, une forme de survie de lart semble promise, montrant que « la beauté » peut malgré tout « [sauver] le monde ».

Tatiana Victoroff, « La beauté hantera le monde. Anges et démons dostoïevskiens dans “La Naissance dun assassin” de Lászlo Krasznahorkai »

« La naissance dun assassin », nouvelle de 2008 intégrée au livre Seiobo est descendue sur terre, sarrête là où commence le chemin criminel de Raskolnikov. Un personnage sans nom est au seuil dun crime auquel il est poussé par une force immatérielle mais qui devient paradoxalement plus que réelle après une rencontre étrange dans un immeuble à larchitecture monstrueuse ou dans les profondeurs de sa propre conscience. Cette force prend vie dans une copie de licône de La Trinité dAndré Roublev, qui place le personnage dans le sillage du prince Mychkine de LIdiot de Dostoïevski.

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Isabelle Poulin, « La chambre du passé. Lintertexte dostoïevskien comme hantise dans lœuvre de Vladimir Nabokov »

Selon Nabokov, le geste descriptif de Dostoïevski dans Crime et châtiment ne permet pas de croire à une vraie chambre. Il nen appartient pas moins à un passé qui hante lexilé et le décide à entrer, quant à lui, dans cette chambre. Cest ce que montre dans le roman Pnine, dont le protagoniste lutte contre un même motif de papier peint à fleurs que Raskolnikov, soulignant la « nature double » du lieu, à la fois réel (creuset de lécriture) et fanstamé (lié à la Russie perdue).

Philippe Forest, « À la façon dune phrase fantôme »

Certaines œuvres se montrent plus propices que dautres à un phénomène qui fait quelles subsistent, dans lesprit de leurs lecteurs, sous lapparence que leur prêtent des paroles entendues. Il en va ainsi avec la célèbre phrase des Frères Karamazov sur la souffrance des enfants et le billet rendu à Dieu. Notre intention nest détablir ni la généalogie, ni la postérité dune citation aussi célèbre : nous nous proposons plutôt de prêter de nouveau loreille à quelques-uns des échos très nombreux que cette citation a suscités.

Aline Lebel, « Fantômes enfantins. Formes et enjeux éthiques dune revenance dostoïevskienne chez Toni Morrison, des Frères Karamazov à Beloved »

Cette étude sappuie sur une analyse du traitement littéraire et éthique du motif du spectre enfantin, commun à lœuvre de Dostoïevski et au plus célèbre roman de Toni Morrison, Beloved (1987. Lenjeu est dabord de mettre au jour les modalités dun sillage en grande partie médié, par les auteurs du Sud. Mais à travers cette lecture croisée, il sagit aussi déclairer les dispositifs textuels et intertextuels à lorigine de l« effet de hantise », à la fois affectif et éthique, rattaché dans la mémoire de la littérature à lusage dostoïevskien de la souffrance enfantine.

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Jasmine Jacq, « La Maison morte (URSS, 1932), daprès un scénario de Viktor Chklovski. Du “problème Dostoïevski” dans le champ culturel soviétique des années 1920-1930 »

Dans le cinéma soviétique, un film incarne la mise en place dun processus de contrôle de lœuvre de Dostoïevski : La Maison morte[Мëртвый дом, 1932], imaginé par Viktor Chklovski (auteur du scénario, réalisation : V. Fiodorov). Le film fut lobjet dune appropriation par les institutions culturelles. Le résultat en fut un film dévoyé de son projet initial, biographique, verrouillant les aspects de lœuvre dostoïevskienne non conformes aux valeurs socialistes, et donnant à comprendre la représentation officielle souhaitée de lécrivain.

Floriane Toussaint, « Spectralisation de la scène sous linfluence de Dostoïevski (1888-1990) »

Outre le constat que Dostoïevski hante lhistoire du théâtre depuis la fin du xixe siècle jusquà nos jours, la mise en valeur du motif fantastique du spectre invite à faire lhypothèse que les nombreuses adaptations de ses romans tout au long de cette période accompagnent lune des mutations majeures de cet art, celle de labandon de lesthétique réaliste qui triomphe à la fin du xixe siècle. Pour étayer cette hypothèse, nous en évoquerons plusieurs qui, chacune à leur manière, cherchent à rendre compte du « réalisme fantastique » de Dostoïevski.

Nicolas Aude, « Lauteur dévisagé. Dostoïevski et la hantise de limage photographique »

Cette étude sintéresse au pouvoir de hantise propre au medium photographique tel quil traverse à la fois lœuvre et la réception de Fiodor Dostoïevski. Le portrait photographique décrivain simpose en effet comme un medium incontournable entre le sujet et lœuvre. Une partie du discours critique lui emprunte son hyperréalisme pour faire du visage de Dostoïevski le lieu dun dévoilement. En prenant pour objet larchive visuelle dostoïevskienne, les fictions biographiques postmodernes écrites par Leonid Tsypkine et Viktor Pelevine sattachent à mettre en relief la dimension toujours spectrale du dispositif photographique.