Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Shakespeare et Cervantès, regards croisés
- Pages : 325 à 329
- Collection : Rencontres, n° 377
- Série : Colloques, congrès et conférences sur la Renaissance européenne, n° 100
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406079675
- ISBN : 978-2-406-07967-5
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07967-5.p.0325
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 11/12/2018
- Langue : Français
Résumés
Ineke Bockting, Pascale Drouet, Béatrice Fonck, « Introduction »
Pour que l’œuvre de Shakespeare et de celle de Cervantès côtoient la philosophie et l’histoire, la chronique et la fiction, la poésie de l’humour et de la mélancolie, les regards croisés portés par les experts nationaux et internationaux de différentes disciplines sur ces deux grands modèles de la littérature se proposent d’éclairer une série de questions complexes sous-jacentes à la création littéraire et à la rémanence d’un discours dont la porosité ne cesse de renouveler les frontières entre la fiction et la réalité de nos existences contemporaines.
Roger Chartier, « Quand Shakespeare rencontra Cervantès »
Cervantès et Shakespeare moururent tous deux, pense-t-on, le 23 avril 1616. Or Cervantès mourut le 22 avril et Shakespeare vécut dans une Angleterre qui n’avait pas accepté la réforme du calendrier du Pape Grégoire XIII amputant l’année 1582 de dix jours. En dépit de cette discordance chronologique, pourquoi ne pas imaginer d’impossibles rencontres entre les deux auteurs ? Cette contribution s’attache à trois d’entre elles : dans l’« autre monde » ; dans l’imagination d’Anthony Burgess ; en suivant Don Quichotte dans l’Angleterre du xviie siècle.
John Edwards, « Cervantès, Shakespeare et les juifs »
Dans la sphère de la critique littéraire, on considère parfois que Cervantès et Shakespeare ont tous deux une vie qui dépasse celle de leur existence, et pourtant, de fait, ils ont vécu à une époque et dans un pays bien déterminés. Cette contribution analyse l’attitude envers les juifs telle qu’elle est reflétée dans l’œuvre des deux auteurs, pour conclure que les tensions et les peurs concernant les juifs affectent également l’Espagne catholique et l’Angleterre protestante aux xvie et xviie siècles.
326Jean-Baptiste Picy, « “The Good Queen”. Shakespeare, Henry VIII et la figure de Catherine d’Aragon »
Bien qu’étant admise par la tradition critique comme une célébration du lien indissoluble de l’indépendance nationale et du protestantisme, la dernière tragédie historique de Shakespeare (1613) fait entendre certaines dissonances. À la lumière du renouveau des relations culturelles et diplomatiques entre l’Angleterre et l’Espagne, cette contribution examine le portrait de la reine Catherine – bien davantage dû à Shakespeare qu’à ses sources – et le continuum de sensibilité baroque qu’il révèle.
Víctor García de la Concha, « Le regard quichottesque de Miguel de Cervantes »
Dans Meditaciones del Quijote (1914), Ortega y Gasset recommandait de prêter attention par-dessus tout au « Quichottisme du livre », au « style cervantin », étant donné que c’est en lui que se produit l’interaction entre littérature et vie. Cervantès, opposé à l’humanisme dégradé de son époque, ouvre la narration à toutes les perspectives et, mariant idéalité et quotidien domestique, raconte « uniment » une histoire chargée d’histoires antiques et modernes, véhiculée par la tension Alonso Quijano-don Quichotte.
Pascale Drouet, « “Lire ou ne pas lire”. Shakespeare, Cervantès et quels livres ? »
Dans Don Quichotte, Peines d’amour perdues et La Tempête, Cervantès et Shakespeare proposent tous deux une critique de la bibliothèque comme instrument du monde. Or comment rejeter les livres tout en en écrivant soi-même ? C’est la question abordée : d’abord en faisant un retour au Phèdre de Platon et un détour par l’analyse déridéenne de sa « pharmacie », puis en tentant de comprendre en quoi Cervantès et Shakespeare sont pris dans un geste épistémique comparable qui les fait opter pour des récits polyphoniques et « ouverts ».
John E. Jackson, « L’ambiguïté comme mode de construction de la réalité poétique »
La « capacité négative » (negative capability) que Keats reconnaît comme l’apanage de Shakespeare peut être retrouvée dans sa tendance constante à doubler toute valorisation d’un personnage ou d’une situation données par la 327dévalorisation ou tout au moins la relativisation inverse. Cette contribution s’attache à illustrer cette hypothèse notamment à propos de La Tempête.
Claire Guéron, « Le personnage et son univers narratif dans le Don Quichotte de Cervantès et dans les pièces jacobéennes de Shakespeare »
Le motif du récit dans le récit apparaît de façon insistante dans le roman de Cervantès comme dans les pièces dites « tardives » de Shakespeare. Au-delà du jeu sur le réel et l’imaginaire, ce motif est l’occasion pour les deux auteurs d’orchestrer des ruptures de caractérisation et de problématiser la reconnaissance de personnages apparaissant à plusieurs niveaux du récit. Par ce processus de désarticulation et de défamiliarisation, ces deux auteurs sondent l’essence du personnage de fiction et soulèvent la question de son ipséité.
Nathalie Rivère de Carles, « Ambassadrices imaginaires et diplomatie de l’imagination dans Le Conte d’hiver de Shakespeare et La grande Sultane, Catalina de Oviedo de Cervantès »
Cette contribution se penche sur deux pièces possédant un arrière-plan diplomatique véritable. Il s’agit donc d’observer le cadre diplomatique réaliste et les ambassadrices imaginaires d’une diplomatie conjugale dans la comédie hybride de Cervantès intitulée La Grande sultane Catalina de Oviedo et la tragicomédie de William Shakespeare, Le Conte d’hiver. Le but en sera de voir comment la modification des personnages dramatiques féminins par le trope diplomatique permet une réflexion sur le gouvernement et sur la parole diplomatique.
Yan Brailowsky, « “A tun of man is thy companion”. Compagnon et anti-héros à la Renaissance, de Falstaff à Sancho Panza »
Les couples formés par Hal et Falstaff, et par don Quichotte et Sancho Panza, incarnent des figures carnavalesques qui incarnent un esprit « fin-de-siècle ». Leurs relations, fondées sur l’inversion et la glorification du corps matériel, mettent en avant une relation nouvelle avec le public. Ces anti-héros sont des générateurs de fiction et sont aussi nos compagnons. En revenant sur l’historicité des liens tissés par ces personnages, c’est la tension entre scepticisme et Histoire qui est réexaminée.
328Chantal Schütz, « Vicissitudes romantiques. Mendelssohn, Shakespeare et Cervantès »
Felix Mendelssohn a composé à la même époque le Songe d’une nuit d’été et un opéra tiré du Don Quichotte : le Mariage de Camacho (1825). Si les deux ouvrages partagent la même esthétique romantique, il est frappant que Mendelssohn ait été séduit au premier chef dans le canon shakespearien, comme dans celui de Cervantès, par des séquences marquées par l’association du surnaturel et du burlesque en contrepoint des amours contrariées d’un quatuor de jeunes gens à peu près interchangeables.
Jean Canavaggio, « Parcours américains de Don Quichotte »
Paru à Valladolid en 1604, Don Quichotte n’a pas tardé à franchir l’Atlantique. Il faut cependant attendre plus de deux siècles pour le voir inspirer les lettres américaines. Cette contribution montre comment, aux États-Unis, Herman Melville, puis Mark Twain et William Faulkner ont médité son exemple, avant d’être suivis par Thomas Pynchon. Elle envisage ensuite la façon dont son rayonnement s’impose dans le monde hispano-américain, dans l’œuvre de Jorge Luis Borges et celles de Gabriel García Márquez et Carlos Fuentes.
Pierre-Emmanuel Perrier de La Bâthie, « Les hérauts de la subversion. Shakespeare et Cervantès illustrés par Salvador Dalí »
Salvador Dalí est l’un des rares artistes à s’être intéressé aussi bien aux héros de Cervantès qu’à ceux de Shakespeare. Les uns comme les autres semblent tous pris dans la même mécanique implacable de la subversion. Cela ne pouvait que plaire au maître surréaliste qui leur consacra plusieurs séries de gravures entre 1940 et 1980. Les similitudes dans les approches graphiques des deux auteurs par Dalí illustrent sa volonté de voir ces personnages torturés pleinement investis du drame qui est le leur.
Gilles Menegaldo, « Shakespeare et Cervantès au prisme d’Orson Welles. Chimes at Midnight, Don Quichotte »
Orson Welles a réalisé plusieurs adaptations de Shakespeare, mais le projet du Quichotte, dont le tournage s’étale sur près de 30 ans, reste inachevé. Les points communs sont nombreux entre Chimes at Midnight et Don Quichotte. 329D’abord, la présence d’un duo masculin, Don Quichotte et Sancho Pança d’une part, Sir John Falstaff et le Prince Hal d’autre part. Ensuite, la présence de thèmes comme la vieillesse, la bataille, la nourriture, le spectacle, mais aussi la place de l’imaginaire, et la confrontation entre deux mondes.
Sébastien Lefait, « Gentes dames et preux chevaliers. Résurgences quichottesques dans deux adaptations shakespeariennes »
La quintessence de l’union entre Cervantès et Shakespeare tient à l’intérêt qu’ils portent aux mécanismes de l’illusion. C’est à ces mécanismes, ainsi qu’à leurs équivalents contemporains – qui donnent toute sa pertinence à un rapprochement entre leurs deux œuvres – que cette contribution s’intéresse, à travers l’analyse de deux adaptations à la fois shakespeariennes et quichottesques : Romeo + Juliet (Baz Luhrmann, 1996), et Beaucoup de bruit pour rien (BBC, Brian Percival, 2005).