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Classiques Garnier

[Introduction à la première partie]

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Les physiologistes envahissent le domaine de la psychologie si rapidement que, si les philosophes ne réveillent pas afin de se corriger, ils se feront bientôt voler la majeure partie de leur science, et se trouveront laissés pour compte par cette ère1.

Dans la deuxième moitié du xixe siècle britannique, certains intellectuels ou hommes de science souhaitent utiliser le développement de la physiologie cérébrale afin de proposer un discours sur lesprit à même de concurrencer celui des métaphysiciens. Ces auteurs refusent que lintrospection soit la seule et unique méthode détude des phénomènes mentaux, et ils militent pour une redéfinition des rapports entre lesprit et le corps à la lumière des travaux de physiologie cérébrale. Notre travail aura précisément pour objet détudier ce discours : les arguments avancés, les thèses défendues, les points de désaccord. Dans un premier temps, nous allons étudier lhistoriographie disponible et présenter les problèmes méthodologiques qui se posent à lhistorien de la philosophie intéressé par cette période. Le premier chapitre sera donc liminaire ou introductif, et aura pour but de fixer plus précisément le cadre de notre étude. Dans un second temps, nous présenterons les deux topoï de la philosophie psychophysiologique britannique de la seconde moitié du xixe siècle britannique. Les deux thèmes phares, qui font figure de bannières aux auteurs de notre corpus, sont la revendication dune science de lesprit et la critique de la métaphysique. Après avoir étudié tour à tour ces deux thèmes, un dernier moment du deuxième chapitre sera consacré à des questions de nature épistémologique : de quoi parlent nos auteurs quand ils revendiquent une science de lesprit ? Comment fonder la science sans métaphysique ?

1 Recension anonyme de larticle de Forbes Winslow « On Obscure Diseases of the Brain and Disorders of the Mind » in The British Quarterly Review, London : Jackson, Walford & Hodder, vol. XL, Juillet et octobre 1864, p. 440.