Aller au contenu

Classiques Garnier

Mise en garde

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Saussure retrouvé
  • Pages : 7 à 19
  • Collection : Domaines linguistiques, n° 7
  • Série : Grammaires et représentations de la langue, n° 5
  • Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
  • EAN : 9782812450655
  • ISBN : 978-2-8124-5065-5
  • ISSN : 2275-2803
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-5065-5.p.0007
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 14/04/2016
  • Langue : Français
7

Mise en garde

Après À la recherche de Ferdinand de Saussure, paru aux PUF en 2007, puis Du côté de chez Saussure, ouvrage collectif publié chez Lambert-Lucas en 2008, voici que jose un Saussure retrouvé. Le titre, je le crains, risque dêtre mal reçu. Pour deux raisons. Lobstination dans la référence proustienne agacera peut-être certains lecteurs. Jen prends mon parti. Mieux : je fais le pari, selon une vieille expérience personnelle, que lagacement quils éprouveront ajoutera son once de piment au plaisir de leur lecture.

Mais il y a plus grave : mon titre peut se prêter à une interprétation désobligeante. Ne laisserait-il pas entendre que, dans tout ce qui a été publié avant Saussure retrouvé, Saussure ne sest pas retrouvé, voire, peut-être, sest provisoirement perdu ? Je souhaite donc expliquer pourquoi je ne pense rien de tel.

Jobserve dabord que sil avait cette valeur, mon titre porterait notamment condamnation de mes deux précédents ouvrages saussuriens. Il nen est rien : Saussure retrouvé sinscrit dans la suite de À la recherche de Ferdinand de Saussure et de Du côté de chez Saussure, textes sur lesquels, inévitablement, je formule aujourdhui certaines réserves, mais qui ne me semblent nullement devoir être rejetés pour avoir « perdu » Saussure. Et je reconnais volontiers les éminents mérites de plusieurs travaux relatifs à Saussure publiés depuis 2007, comme dailleurs bien avant : la bibliographie de cet ouvrage les révélera.

Que signifie donc le participe retrouvé ? Comme chez Proust, sans doute, je persiste dans la référence, il marque que je fais retour – ce nest en somme rien dautre quun simple déplacement anagrammatique de la consonne R – à Saussure. Comme on retrouve un ami perdu de vue depuis quelque temps, mais jamais oublié. Pour procéder à ce retour, une occasion mest fournie par le hasard de la chronologie : mon livre paraît au moment où se célèbre le centenaire dun événement considérable, la

8

publication, en juin 19161, trois ans après la mort de Saussure – elle était survenue le 22 février 1913 – du Cours de linguistique générale.

Mais cet anniversaire nest évidemment pas le seul prétexte de mon retour à Saussure. La raison principale tient au fait que je considère son œuvre, depuis plus de cinquante ans que je la lis et relis, comme étonnante, inquiétante, mieux (ou pis ?) : perturbante. Pour tout dire : admirable. Point seulement parmi les travaux des linguistes : elle se démarque absolument de la quasi-totalité dentre eux. Mais aussi entre tous les travaux de sciences humaines, à lexception, peut-être, de deux œuvres paires : celles de Lévi-Strauss et de Lacan. Pour ne point entrer dans le délicat débat qui la ferait comparer à des œuvres de fiction, je me contente dindiquer quà mon sens elle se rapproche, par plusieurs aspects, de certaines dentre elles.

Ces traits perturbants et admirables se révèlent quel que soit le regard quon jette sur lœuvre de Saussure.

Je ne saisirai ici que lun de ces regards, celui quon jette – souvent cest le premier – sur les conditions décriture et de publication dune œuvre. Jai cru pouvoir, en 19962, avancer que Saussure na pas publié ce quil a écrit et na pas écrit ce qui a été publié sous son nom

Il convient de préciser ce constat quelque peu provocateur.

Pour sa première partie, il devient, si jose dire, de plus en plus exact au fur et à mesure que le temps passe et que de nouveaux travaux sont publiés, plus dun siècle après la mort de lauteur, sajoutant à ceux qui, depuis de nombreuses années, ont été progressivement révélés. La recherche sur les anagrammes et les travaux sur la sémiologie légendaire étaient en 1913 totalement inédits. Leur existence même nétait connue que par de très rares amis, élèves ou collègues. Ils ne commenceront, très progressivement, à être publiés que dans la seconde moitié du siècle. De nombreux écrits relatifs à la linguistique au sens restreint du terme ont dû attendre 2002, puis 2011 pour être publiés3.

9

Il faut cependant apporter à ce premier élément de ma remarque une correction non négligeable : cest bien Saussure qui a écrit et publié, en son très jeune âge, deux ouvrages. En 1878 – il venait davoir vingt-et-un ans – ce fut le Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes. Il est aujourdhui dune lecture difficile, même pour les spécialistes professionnels de lhistoire de la linguistique. Lintérêt spécifique de louvrage est de faire apparaître le concept de système dans la description des sons dune langue. Cest lutilisation de ce concept qui permet à lauteur de repérer lexistence dans létat ancien de lindo-européen de « coefficients », aujourdhui désignés par le nom de laryngales. La découverte, puis le déchiffrage et lanalyse, survenus longtemps après la mort de Saussure – en 1927, par les soins de Jerzy Kurylowicz – des inscriptions hittites, permettront de reconnaître la trace, sous la forme de phonèmes spécifiques, des « coefficients » identifiés, longtemps avant, mais selon une méthode strictement déductive, par le Mémoire. Ce texte fondateur valut à son auteur à la fois une très précoce notoriété et de solides inimitiés théoriques. Trois ans plus tard, en 1881, il publie sa thèse, De lemploi du génitif absolu en sanscrit, recherche syntaxique rigoureuse, parfaitement informée, mais, sans nul doute, dépourvue de la totale nouveauté théorique du Mémoire. Cette brève thèse est le dernier des ouvrages quil ait fait paraître. Il avait vingt-quatre ans. Précocité rarement vue, plus rarement encore dans le domaine « scientifique » et, spécifiquement, linguistique, que dans celui de la littérature, où lon pense immédiatement à ces trois contemporains que furent Rimbaud, Jarry et Roussel.

Jusquà sa mort, Saussure ne publiera plus que des articles. Pas très nombreux et souvent très brefs, de moins en moins nombreux et de plus en plus brefs : en tout moins de 300 pages. Le total des deux livres et des articles – lensemble en est réuni dans le Recueil des publications scientifiques, publié en 1922 – atteint à peine 600 pages. Cest peu pour une carrière universitaire de trente-cinq ans, même à lépoque où les professeurs nétaient pas encore gagnés par la frénésie de publication qui les a, depuis, progressivement atteints.

On a compris que la seconde partie de mon constat doit être plus sévèrement amendée. Dire que « Saussure na pas écrit ce qui a été publié

10

sous son nom » ne vaut, on vient de lapercevoir, que pour le Cours de linguistique générale. Comme le titre lannonce sans fard et comme le précisent dans leur Préface les éditeurs du texte, le livre a été réalisé à partir des trois cours successifs de linguistique générale que Saussure donna à lUniversité de Genève en 1906-19074, 1908-1909 et 1910-1911. Ce nest pas ici le lieu de faire lhistoire détaillée de cette publication : le livre dEstanislao Sofia (voir, plus bas, la note bibliographique) fait le point, appuyé sur la publication de la « collation Sechehaye » et sur une analyse serrée de ce document. Cest encore moins le lieu dentrer dans les débats orageux qui se sont élevés sur l« authenticité » du Cours, parfois qualifié d« apocryphe5 ». Il suffira de rappeler deux évidences connues depuis longtemps. La première est que le Cours (ou les Cours ? Rien nindique si le nom est, dans le titre, au singulier ou au pluriel6), qui confère le statut dauteur au seul Ferdinand de Saussure, a été composé, après sa mort, par ses deux collègues Albert Sechehaye et Charles Bally, daprès les « brouillons », cest le terme utilisé par les éditeurs, assez rares, laissés par le professeur et, surtout, selon les cahiers de notes de certains des auditeurs des Cours. Parmi lesquels ne se comptaient ni Bally ni Sechehaye : ils firent appel pour avoir un témoignage direct à Albert Riedlinger, auditeur des deux premiers. La seconde est que le Cours a

11

longtemps été le seul moyen davoir accès à la réflexion de Saussure en linguistique générale. Même après la publication, en 1957, du livre de Robert Godel sur Les sources manuscrites du Cours de linguistique générale, cest par l« édition standard », bientôt dénommée « vulgate », dabord sans intention péjorative, que le Cours a été lu et a exercé son influence. Cest par elle que, pour dévidentes raisons chronologiques, Meillet comme Troubetzkoy, Hjelmslev comme Merleau-Ponty, Guillaume comme Tesnière, et bien dautres, en France et à létranger, ont reçu lenseignement du Cours. Jakobson, Benveniste, Martinet, Lacan, Lévi-Strauss, Barthes et Greimas, là encore bien dautres, ont été informés, à des moments et des degrés évidemment divers pour chacun deux, de lexistence des sources manuscrites et de leurs divergences avec le texte standard. Cest cependant pour une très large part la « vulgate » qui a informé leur réflexion. Je ne prends que deux exemples. Lacan, a, certes, dès leur première publication, en 1964, jeté un regard intéressé sur les travaux de Saussure relatifs aux Anagrammes. Il y remarque très justement la mise en cause de la linéarité du signifiant et « la polyphonie de tout discours, sur les plusieurs portées dune partition » (Lacan, Écrits, 1966 : 503, note 2). Il revient sur le problème, de façon plus explicite, dans le Séminaire de 1972-1973, Encore (1975 : 88), en sinterrogeant sur l« intentionnalité » de lanagramme. Mais pour le CLG, il prend en compte de façon exclusive lédition de Bally et Sechehaye. Derrida est allé plus loin, en prenant le parti, dans De la Grammatologie (1967 : 107), de ne se référer quau CLG dans sa version de 1915, comme il dit, sans doute selon la date de la « Préface » : « Nous nous sommes intéressés à un texte dont la littéralité a joué le rôle que lon sait depuis 1915 ». Attitude à la fois paradoxale, significative, et, compte tenu des très lucides explications fournies par lauteur, pleinement pertinente. Cest en effet le Cours dans son état originel, inchangé depuis 19167, qui a exercé son effet sur la linguistique, les sciences humaines et la philosophie au xxe siècle. Au point que les deux désignations « le Cours de linguistique générale » et « Saussure » en sont venues, souvent à cette époque, à sutiliser de façon équivalente : Claudine Normand, encore en 2000, donne comme titre au premier chapitre de son Saussure « Le Cours de Linguistique générale : un texte nommé Saussure ». Le point

12

dhistoire sur lequel sappuie cette assimilation est désormais fixé, et ne saurait être oublié. Ce qui nempêche naturellement pas de porter un intérêt majeur à « la pensée même de Ferdinand de Saussure lui-même », comme dit Derrida, en prenant en compte tous les moyens dont on dispose aujourdhui pour la connaître aussi complètement et exactement quil est possible. Sans saveugler devant ce qui reste une spécificité évidente – intentionnelle ? à quel degré ? – des conditions non seulement de divulgation mais aussi délaboration de cette pensée.

Dans ces deux aspects inséparables de lœuvre de Saussure apparaît en effet clairement une évidence : Saussure, qui écrivait beaucoup, jugeait rarement, de plus en plus rarement au long de sa carrière et de sa vie, que ses écrits pouvaient, encore moins devaient être publiés : des fragments entiers de ses réflexions, non seulement dans le domaine des anagrammes et de la légende, mais encore dans la réflexion proprement linguistique ou sémiologique sont restés pendant des années, des décennies, parfois jusquà près dun siècle, conservés à la Bibliothèque de Genève, enfouis dans des malles poussiéreuses ou catalogués dans des universités américaines avant den être exhumés et publiés. Et il en reste encore, on le sait avec certitude.

Cette spécificité – la dirai-je posthume, même si elle ne lest que partiellement ? – de lœuvre de Saussure tient-elle de laccidentel ? À mon sens, certainement pas. Elle révèle les caractères les plus profonds de sa réflexion. Cest sans doute dans le domaine proprement linguistique que se manifeste de la façon la plus évidente un caractère distinctif de lécriture et, indissolublement, de la pensée saussuriennes : il hésite à ce point devant les mots à utiliser quil laisse à la place quils devraient prendre une déroutante plage blanche8. Parfois de la dimension approchée dun mot unique, parfois beaucoup plus étendue. Parfois ponctuée – étonnante « ponctuation sans texte9 » – comme sil était prévu dy

13

insérer, plus tard, le texte achevé quelle fait attendre. Décevante et excitante, cette plage blanche. Au lecteur de sinterroger sur les mots entre lesquels lauteur a hésité ou sur ceux quil na pas su trouver et, surtout, sur les raisons de son hésitation. Qui est sans doute parfois plus quune hésitation : ne serait-ce pas le désistement, marque du découragement devant limpossibilité ? Cest avec une sorte de sérénité désabusée quil fait part à Antoine Meillet du constat suivant :

Sans cesse lineptie absolue de la terminologie courante, la nécessité de la réforme[r], et de montrer pour cela quelle espèce dobjet est la langue en général, vient gâter mon plaisir historique []. Cela finira malgré moi par un livre où, sans enthousiasme ni passion, jexpliquerai pourquoi il ny a pas un seul terme employé en linguistique auquel jaccorde un sens quelconque (lettre à Antoine Meillet du 4 janvier 1894, in Benveniste, « Lettres de Ferdinand de Saussure à Antoine Meillet », Cahiers Ferdinand de Saussure, 24, 1964 : 95).

En ce point, certes, le Professeur reste serein, quoique fort peu euphorique. Ailleurs, il en vient souvent au sarcasme sur les problèmes de « terminologie », révélateurs des difficultés de la saisie des « faits linguistiques » : on verra dans le premier chapitre les formes parfois très cruelles prises par le rire saussurien. Il lui arrive même datteindre une manière de désespoir épistémologique absolu, par exemple dans ce fragment de « brouillon » du Cours, qui, sans doute sous leffet dune trop prudente pudeur des éditeurs, napparaît pas dans le texte publié :

Quiconque pose le pied sur le terrain de la langue peut se dire quil est abandonné par toutes les analogies du ciel et de la terre (Engler, Édition critique du CLG, p. 169).

Ou, de façon plus radicale encore :

Faut-il dire notre pensée intime ? Il est à craindre que la vue exacte de ce quest la langue ne conduise à douter de lavenir de la linguistique (Saussure 2002 : 87 ; 2011 : 72).

Sous les masques divers du Professeur, fatigué, ironique, sarcastique, se dissimule toujours une véritable passion : le désir de la « vérité » touchant la langue. La vérité et son contraire, lerreur donnent lieu dans le Cours de linguistique générale à un long développement (p. 135-138). Il sagit

14

de distinguer la vérité synchronique de la vérité diachronique. Cest en ce point – mais il nest pas le seul – que surgit la difficulté, limpossibilité même, peut-être. Car la langue est système, comme il est constamment répété dans le Cours et ailleurs. Mais elle est aussi substance, et « substance glissante », selon la métaphore qui surgit en plusieurs points des Écrits (voir notamment 2002 : 281). Glissante, et dans plusieurs sens, à tous les sens du mot sens : notamment sous leffet de lévolution, qui, constamment, et souvent sous leffet de la « fortuité » – nom saussurien du hasard – la fait glisser dun état à un autre. Mais aussi par les résistances sournoises quelle oppose, en tant que système, à tout effort de dénomination des unités, purement négatives, qui la constituent. Le glissement ici nest plus chronologique, mais logique.

Jai cherché dans cet ouvrage à « retrouver Saussure » en quelques-uns des points les plus aigus de ses perplexités, voire de ses angoisses. On trouvera ces essais de rencontre dans les six premiers chapitres, qui visent successivement la « terminologie », nom saussurien du métalangage (pages 21 à 38), les problèmes de la voix et de la lettre dans le langage (pages 39 à 58), la présence du sujet dans la langue et le langage (pages 59 à 76), le jeu de « la conscience de la langue » et de linconscient (pages 77 à 97), la place de la syntaxe dans la linguistique saussurienne (pages 99 à 113), enfin la littérature telle quelle est envisagée par Saussure (pages 115 à 135). Les deux derniers chapitres évoquent les relations qui sétablissent entre lappareil saussurien et dautres réflexions : celle, de peu antérieure, dErnest Renan (pages 157 à 175) et celles, ultérieures, des grammairiens français de lentre-deux-guerres (pages 177 à 206). Entre ces deux groupements, un chapitre a des caractères communs avec les deux ensembles qui lentourent : il est consacré à limmanence telle que la conçoit Saussure – sans la nommer explicitement –, mais vise en outre la relation très étroite, quoique souvent infidèle, qui se tisse entre lappareil saussurien et celui de la glossématique hjelsmlévienne.

Un ultime élément doit intervenir dans cette mise en garde. En dépit des glissements, de diverses natures, quelle subit en tout point et à tout instant, la langue telle que la conçoit Saussure est un système. Un système qui met en relation serrée tous les éléments qui la constituent. Il en va de même pour le discours qui a pour charge de rendre compte de ce système : celui de Saussure, notamment dans les Écrits, donne parfois limpression au lecteur dêtre répétitif. Il lui arrive

15

sans doute de lêtre : cest la rançon peu évitable de lobstination dans la recherche. Mais le plus souvent la répétition nest quapparente. Cest que lauteur est contraint de faire intervenir dans sa description tous les éléments qui entrent en relation dans le système. Ils apparaissent donc plus dune fois, mais rarement sous le même aspect : la fonction différente quils prennent dans le système entraîne la différence dans le traitement qui leur est conféré. On a compris quil en va de même, pour les mêmes raisons, pour le discours qui sest donné comme tâche de décrire lappareil saussurien. On ne sétonnera donc pas de voir, de loin en loin, réapparaître dans les chapitres de ce livre des éléments qui, dun autre point de vue, auront déjà été traités dans un chapitre précédent ou le seront dans la suite de louvrage.

Note bibliographique
sur les travaux de Saussure cités dans ce livre

Les travaux publiés du vivant de Saussure

Ils sont cités ici dans leur édition posthume de 1922, publiée chez Payot, à Lausanne et Paris, rééditée en 1984 chez Slaktine Reprints à Genève : Recueil des publications scientifiques de Ferdinand de Saussure. Leur référence est donc : Saussure, 1922-1984, éventuellement abrégée en 1922-1984, suivie du numéro de la page.

Le Cours de linguistique générale

Lédition originale du Cours de linguistique générale est datée de 1916. Elle est publiée chez Payot, à Lausanne et Paris. Louvrage est cité par labréviation traditionnelle CLG, suivie du no de la page de la 2e édition, publiée en 1922. La pagination de cette édition, différente de celle de la première, a été conservée dans toutes les reproductions qui lont suivie.

Les sources manuscrites du CLG ont été successivement révélées de plusieurs façons différentes.

16

1. En 1957, Robert Godel publie à la Librairie Droz, à Genève, Les sources manuscrites du Cours de linguistique générale. Louvrage est cité sous la forme Godel, 1957-1969 (date du 2e tirage), avec lindication du numéro de la page.

2. En 1968, Rudolf Engler fait paraître chez Otto Harrassowitz, à Wiesbaden louvrage intitulé : Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Édition critique par Rudolf Engler, tome 1. Sur les six colonnes verticales de chacune des 515 doubles pages de louvrage on lit, de gauche à droite, dabord le texte de lédition originale de 1916, puis, sur les quatre colonnes suivantes, les notes prises par les auditeurs des trois cours successifs, enfin, sur la sixième, les écrits préparatoires de Saussure lui-même, à vrai dire peu abondants. Comme on voit, cette très scrupuleuse édition prend pour base le texte de 1916. Elle redistribue donc le contenu des notes selon lordre adopté par les éditeurs de 1916. – Les citations qui en sont faites sont situées par lindication : Engler, 1968-1989 (date de la 2e édition), suivie du numéro de la page.

3. En 1990, Rudolf Engler fait paraître, chez le même éditeur : Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Édition critique par Rudolf Engler, tome 2 : Notes de Ferdinand de Saussure sur la linguistique générale. Les citations sont situées par lindication : Engler, 1990, suivie du numéro de la page.

À date plus récente les cahiers de notes de certains auditeurs ont été publiés de façon continue. Les travaux qui ont été utilisés dans ce livre sont les suivants :

Ferdinand de Saussure, 1993, Cours de linguistique générale, Premier et troisième cours, daprès les notes de Riedlinger et Constantin. Texte établi par Eisuke Komatsu, Tokyo, Collection Recherches Université Gakushuin. Les citations sont situées par lindication : Komatsu 1993, suivie du numéro de la page.

Ferdinand de Saussure, 2005-2006, « Le Troisième Cours de linguistique générale », Cahiers Ferdinand de Saussure, 58 : 27-290. Il sagit des textes relatifs à ce cours de Ferdinand de Saussure et des notes dÉmile Constantin, pubiées par Daniele

17

Gambarara et Claudia Mejía-Quintano. Les citations sont situées par lindication : Saussure, Troisième Cours, 2005-2006, suivie du numéro de la page.

Estanislao Sofia a publié en 2015 La collation Sechehaye du “cours linguistique générale” de Ferdinand de Saussure (1913). Édition, introduction et notes par E. Sofia. Leuven : Peeters. Le texte connu sous le titre « la collation Sechehaye » est une comparaison et une mise au net, par les soins dAlbert Sechehaye, des notes ayant trait au troisième cours de linguistique générale (1910-1911). Il constitue le premier brouillon et le noyau de ce qui deviendra, en 1916, le Cours de linguistique générale.

Autres écrits linguistiques

Écrits de linguistique générale par Ferdinand de Saussure, Texte établi et édité par Simon Bouquet et Rudolf Engler, Paris, Éditions Gallimard, Bibliothèque de philosophie, 2002. Cet ouvrage contient le texte inédit « De lessence double du langage », quelques autres fragments non encore publiés et les textes précédemment publiés dans Engler 1990. Les citations sont situées par lindication : Saussure, 2002 (souvent abrégée en : 2002), suivie du numéro de la page.

Ferdinand de Saussure, 2011, Science du langage. De la double essence du langage. Édition des Écrits de linguistique générale établie par René Amacker. Genève, Librairie Droz S. A. Cet ouvrage contient le texte « De la double essence du langage », présenté de façon conforme au manuscrit (on remarquera la différence de place de ladjectif double dans le titre), et quelques autres fragments inédits. Il ne reproduit pas les textes précédemment publiés dans Engler 1990. Les citations sont situées par lindication : Saussure, 2011 (souvent abrégée en : 2011), suivie du numéro de la page. Pour les textes communs à 2002 et 2011, on a donné les références des pages des deux éditions.

Recherche sur les anagrammes

Ces travaux ont été progressivement révélés par Jean Starobinski de 1964 à 1970 dans des articles publiés dans divers périodiques. Ils ont

18

donné lieu en 1971 à louvrage suivant : Jean Starobinski, Les mots sous les mots. Les anagrammes de Ferdinand de Saussure, Paris, Gallimard. Les citations sont situées par lindication : Starobinski, 1971-2009 (date de la réédition, chez Lambert-Lucas), suivie du numéro de la page.

En 2003, sous le titre De dangereux édifices. Saussure lecteur de Lucrèce. Les cahiers danagrammes consacrés au De rerum natura (Paris et Louvain, Peeters), Francis Gandon, après une longue et passionnante étude, a reproduit en fac-similé de nombreuses pages des manuscrits de Saussure. Louvrage est cité par lindication : Gandon, 2003, suivie du numéro de la page.

En 2013, sous le titre Anagrammes homériques (Limoges, Lambert-Lucas), Pierre-Yves Testenoire a, selon les termes de Daniele Gambarara dans sa préface, « donné la première édition intégrale dun grand corpus homogène danagrammes de Ferdinand de Saussure ». Louvrage est cité par lindication : Testenoire, 2013a, suivie du numéro de la page. Lindication Testenoire, 2013b, suivie du numéro de la page, renvoie à lautre ouvrage du même auteur : Ferdinand de Saussure à la recherche des anagrammes.

Recherche sémiologique sur la légende germanique

Signalée par Godel, 1957-1969 : 25-26, puis, avec une citation, p. 28, ensuite par Starobinski, 1971-2009 : 8-9, puis, avec des citations, p. 14-20, cette recherche a été publiée en 1986 dans louvrage suivant : Ferdinand de Saussure, Le leggende germaniche, Scritti scelti e annotati a cura di Anna Marinetti et Marcello Meli, Este, Libreria editrice Zielo. Les citations sont situées par lindication : Saussure, 1986, suivie du numéro de la page.

Indications pratiques

Pour la commodité du lecteur, je me suis décidé à prendre les deux partis suivants :

Les références bibliographiques des textes cités ont été données à la fin de chaque chapitre.

Dans ces références bibliographiques, les indications relatives aux textes de Saussure qui viennent dêtre énumérés nont pas

19

été répétées. Cest à ces indications que le lecteur se reportera en cas de difficulté.

Les neuf chapitres qui constituent cet ouvrage sont le résultat de la refonte et de lactualisation de neuf textes préalablement publiés dans des revues ou ouvrages collectifs. Les éditeurs de ces publications nous ont aimablement donné lautorisation de donner à ces textes une seconde manifestation dans Saussure retrouvé. Nous les en remercions vivement. Les références de chacune de ces publications précédentes ont été données dans une note dont lappel suit le titre du chapitre concerné.

1 Mais la préface des deux éditeurs est datée de « Genève, juillet 1915 ». Le travail était donc sans doute terminé dès cette date. Le livre na cependant été livré au public quen 1916, date qui est indiquée sur la page de titre.

2 Cest dans une « Modeste contribution à la tâche du dénombrement des Saussure », in Sémiotique, phénoménologie, discours, Hommage à Jean-Claude Coquet, p. 53, que jai formulé cette remarque, sous une forme légèrement différente.

3 Cest en 2002 que furent publiés, par Simon Bouquet et Rudolf Engler, les Écrits de linguistique générale. Il fallut attendre 2011 pour disposer, grâce au volume Science du langage. De la douvle essence du langage, publié par René Amacker, dune édition irréprochable de ceux des textes de Saussure qui navaient pas préalablement été publiés par Engler dans son Édition critique du CLG.

4 La première séance de ce Cours de lannée universitaire 1906-1907 ne se tint cependant que le 16 janvier 1907.

5 Le premier à avoir osé ladjectif est sans doute Jakobson : dans son cours au Collège de France en 1972, il se laisse aller à « dire, sans blague, que ce texte a été un texte apocryphe ». François Rastier lui emboîte le pas, rechargeant (sans le savoir ?) le mot de ses antiques connotations bibliques. Cest en 2003 quil en vient sans barguigner à décréter que « si dogme il y a, il se trouve dans un apocryphe, le Cours de linguistique générale, qui nénonce son propos quen laffaiblissant. Quils les instaurent ou les contestent, les dogmes en effet sont lœuvre des disciples et non des maîtres » (« Le silence de Saussure ou lontologie refusée », LHerne. Saussure, p. 23). Est-il utile de rappeler que Saussure refusait la qualité de « maître » ? « Vous voulez bien mappeler votre maître, et je serais bien flatté davoir mérité ce titre en quoi que ce soit » : cest ce quil écrit avec une très bienveillante énergie à Antoine Meillet, dans le post-scriptum de sa lettre du 4 janvier 1894, qui sera citée plus bas. Mais Rastier ne fut pas le dernier à parler dapocryphisme. Après Simon Bouquet, un peu plus timide – il affecte ladjectif dun prudent point dinterrogation – Jacques Philippe Saint-Gérand reprend énergiquement la déjà vieille antienne : en 2013, il allègue « lédition dun Cours (apocryphe) de linguistique générale » (Questions de communication, 2013, 23 : 423-425).

6 La remarque a été formulée par Jean-Claude Milner à la page 16 de son « Retour à Saussure » – je ne suis donc pas le premier à effectuer un tel « retour » –, chapitre initial de son Périple structural.

7 À quelques détails près, dont la pagination, modifiée en 1922 dans la 2e édition, et restée inchangée depuis.

8 Sur « les blancs des manuscrits saussuriens », on lira larticle ainsi intitulé, publié par Claudine Normand dans Allegro ma non troppo, 2006, p. 79-112. À vrai dire, les plages blanches sont également très fréquentes dans les fragments des Leggende Germaniche (Saussure 1986) qui abordent les problèmes dun point de vue sémiologique. Inversement, elles sont à peu près absentes dans la recherche sur les anagrammes (Starobinski, 1971-2009, Gandon, 2002 et Testenoire 2013a) : lécriture de ces interminables relevés de mots dans des vers inlassablement recopiés est presque toujours soignée, presque calligraphiée, sans trace dhésitation ni de remords.

9 Cette formule vient de Lacan, dans les Écrits (1966, p. 388). Je précise quelle ne vise en rien Saussure : cest une métaphore qui image le sort de la castration quand, soumise à la Verwerfung, elle réapparaît périodiquement dans le réel.