Aller au contenu

Classiques Garnier

Principes d’édition des « manuscrits Favre » de l’Émile

63

Principes dédition
des « manuscrits Favre »
de lÉmile

Émile, premières versions. Le titre de ce volume XI A des Œuvres complètes de Rousseau distingue clairement son objet de celui du suivant (volume XI B) qui sera consacré à lédition du texte définitif de lÉmile publié en 1762. Rédigés en 1758-1759, les « manuscrits Favre » sont en très grande partie inédits. Ils représentent les plus anciennes strates conservées du long processus de rédaction de lÉmile. De là, à la fois, les raisons den permettre la lecture et les obstacles qui rendent difficile leur édition.

Méthode de transcription

Ces manuscrits portent les traces dune pensée en train de sélaborer, dune écriture à la recherche de sa formulation. Leur publication a pour objet de rendre visible la démarche dinvention littéraire et conceptuelle qui est celle de Rousseau. Cest pourquoi le principe dédition retenu pour ce volume devait être résolument génétique. Le texte imprimé ne cherche pas à reproduire une image mimétique des manuscrits, ni à en décrire les particularités graphiques, mais à reconstituer et donner à lire les étapes de la rédaction. Au lieu de donner les premières formulations en note comme des « variantes » pour ne retenir en pleine page que la rédaction finale, on donne à lire linéairement ses états successifs. Les règles de transcription suivantes ont été adoptées :

64

Manuscrit

Transcription

première rédaction

romain

mots et expressions biffées

romain biffé

mots et expressions ajoutés

italique

ajouts biffés

italique biffé

phrases ou paragraphes barrés

romain entre deux *

phrases ou paragraphes ajoutés

romain entre deux °

Cette présentation permet une lecture fluide. Mais lorsque les remaniements textuels sont nombreux et complexes, lattention est fortement sollicitée : quand cela nous a paru nécessaire pour faciliter la lecture nous développons les versions initiale et corrigée.

Manuscrit fo 127 ro

Transcription

Il est entre lenfance et la jeunesse une époque dans la vie humaine remarquéeablepar des changemens à sa naissance par des effets sensibles dans lindividu.

Il est dans la vie humaine une époque remarquée par des changemens entre lenfance et la jeunesse une époqueremarquable à sa naissance par des effets sensibles dans lindividu.

Le maximum dinformations sur le texte étant ainsi fourni par sa transcription, les notes de bas de page sont réservées dune part à rapporter les indications et remarques portées par Rousseau en marge de son texte (le plus souvent lors de sa copie sur le manuscrit Hérault de Séchelles), dautre part à nos propres observations sur létat du manuscrit et létablissement du texte, quand elles ont paru nécessaires.

Sagissant dune rédaction quil destine à son propre usage et considère comme provisoire, Rousseau porte à la correction formelle de son texte une attention relative. À côté des usages de son siècle et de ceux qui lui sont particuliers (ils caractérisent ses copies mises au net et il bataille pour les imposer à ses imprimeurs), de nombreuses irrégularités apparaissent dans ces manuscrits qui, elles, ne sont pas le produit dun choix réfléchi mais résultent de simples inadvertances, La ponctuation est 65souvent excessivement discrète (il nest pas rare quune phrase finisse sans point). Lorthographe dusage donne lieu à des variations parfois déconcertantes (un même mot peut être écrit de plusieurs manières). Lorthographe grammaticale est quelquefois approximative (les accords de genre et de nombre en particulier peuvent être négligés). Laccentuation est irrégulière : tantôt manquante, tantôt équivoque, tantôt instable. Reproduire toutes ces particularités reviendrait dans bien des cas à les surinterpréter et à multiplier inutilement les obstacles à la lecture, parfois la rendre impossible. Tout en ayant pour principe de rester au plus près du texte porté par les manuscrits, nous nous sommes résolus à de rares simplifications quand son intelligibilité était en jeu :

Ponctuation : nous navons jamais corrigé celle de Rousseau, mais suppléé les points manquants en fin de phrase, quelquefois les points dinterrogation. Rarement nous avons ajouté un point virgule. Chaque fois que possible le ms Hérault de Séchelles a été consulté. Tous ces ajouts sont signalés par des crochets : [.], [?], [;].

Accentuation : lorsque labsence daccent peut entraver la lecture (en particulier dans le cas des « où », des « à », des « dès »), nous avons pris le parti dy suppléer puisque Rousseau met ces accents dans ce même manuscrit quand son attention est soutenue. Nous suivons aussi ce principe quand laccent (un simple trait vertical) est équivoque.

Abréviations. Nous avons généralement repris les abréviations dont Rousseau fait usage. Dans certains cas elles sont développées : co[mm]e, m[êm]e, q[ui] pour q. Dans un cas nous les avons normalisées : Rousseau remplace les mots « homme » et « femme » par les abréviations h et f, rarement sans autre marque, généralement suivies dune double point (h : et f :), moins souvent dun point médian (h· et f·), parfois dun simple point (h. et f.). Nous avons simplifié ces graphies en nous alignant sur la plus commune : h : et f :

Répétitions : Il nest pas rare quun mot soit répété. Si cette répétition est faite à lidentique, nous nen tenons pas compte. Mais si un mot est biffé puis répété, ce peut être une marque dhésitation : nous transcrivons alors littéralement le manuscrit.

66

Supplétions : Il arrive à Rousseau domettre une lettre dans un mot, ou un mot dans une phrase. Quand cela est nécessaire, nous avons suppléé ces manques entre crochets [].

Accords : lorsque Rousseau a corrigé immédiatement un accord fautif (en genre ou en nombre) nous navons pas jugé utile de le signaler.

Divisions du volume et titres courants

Les manuscrits Favre, on la vu, correspondent à deux versions de lÉmile, toutes deux conservées partiellement. Ce volume les présente sous les intitulés suivants : Manuscrit Favre version A (cahiers 1 à 4) et Manuscrit Favre version B (cahiers 5 à 10).

La version A (de son premier fo numéroté 50, au dernier du cahier 4, numéroté 126) a été rédigée par Rousseau de façon continue, sans un saut de page, mais elle comprend deux subdivisions. La première, marquée par un trait tracé en haut du fo 65 vo, a été effectuée après-coup, lorsque Rousseau, réorganisant son texte, a préparé la distinction des futurs livres I et II. Il en va autrement de la seconde division qui a été faite lors de la rédaction initiale : en haut du fo 105 vo, un trait de séparation très net est suivi du titre « Age dintelligence » qui correspond au début du futur livre III. Pour éviter une présentation trop compacte de cette première version, nous avons créé un saut de page entre les sections ainsi définies et doté chacune delles dun titre courant : une citation pour les deux premières, le titre choisi par Rousseau pour la troisième.

La version B se présente différemment : deux grandes parties séparées par un saut de page (entre les ff. 186 vo et 187 ro) coïncident avec les futurs livres IV et V. Chacune de ces parties comporte des sections et un titre quelles conserveront ensuite : Profession de foi du vicaire savoyard, pour la première, Sophie ou la femme et Des Voyages, pour la seconde. Mais les livres ne portent pas de titres et ne sont pas non plus chiffrés. Nous navons pas introduit dautres séparations mais, cette fois encore, nous avons doté lensemble du texte de titres courants : les sous-titres choisis par Rousseau et, quand il nen a pas donné, une citation extraite du texte.

67

Nous indiquons entre crochets, dans tous les titres courants, le livre auquel se rattache, dans la version finale de lÉmile, chaque subdivision du texte :

Manuscrit Favre, version A (cahiers 1 à 4) :

[ÉMILE livre I]

« Les hommes, les animaux, les plantes… »

ff 50 ro à 64 vo

[ÉMILE livre II]

« Quand les enfants commencent
à parler… »

ff 65 ro à 105 vo

[ÉMILE livre III]

Age d intelligence

ff 105 vo à 126 vo

Manuscrit Favre, version B (cahiers 5 à 10) :

[ÉMILE livre IV]

« Nous naissons pour ainsi dire
en deux fois »

ff 127 ro à 154 vo

[ÉMILE livre IV]

Profession de foi du vicaire savoyard

ff 154 vo à 174 vo

[ÉMILE livre IV]

Émile « devient homme »

ff 175 ro à 186 vo

[ÉMILE livre V]

Sophie ou la femme

ff 187 ro à 212 vo

[ÉMILE livre V]

« le roman de leurs amours »

ff 212 vo à 241 vo

[ÉMILE livre V]

Des Voyages

ff 241 vo à 254 vo

[ÉMILE livre V]

« Il est temps de finir … »

ff 255 ro à 262 vo

Œuvres de Rousseau citées en abrégé

Manuscrits

Ms F : Émile, Manuscrit Favre, Société J.-J. Rousseau, Ms R 90, Bibliothèque de Genève.

Ms HS : Émile, Manuscrit Hérault de Séchelles, Bibliothèque de lAssemblée nationale, Paris. Manuscrit consultable en ligne sur le site de la bibliothèque.

Ms C : Émile, Manuscrit Coindet, Ms. Fr. 205, Bibliothèque de Genève.

Les mss de la Profession de foi sont transcrits dans lédition critique de P.-M. Masson, Librairie de lUniversité, Fribourg, et Hachette, Paris, 1914.

Ms G : Du contract social ou Essai sur la forme de la République (Manuscrit de Genève), Ms. Fr. 225, Bibliothèque de Genève. Ce ms est transcrit dans lédition critique de B. Bernardi et J. Swenson, Vrin, 2012.

68

EOL : Essai sur lorigine des langues où il est parlé de la mélodie et de limitation musicale. Ms R 11, Bibliothèque de Neuchâtel. Ce ms a été publié en fac-similé, Honoré Champion, 1997.

Ms R 94 : Lettres à Sophie ou Lettres morales, brouillon manuscrit des lettres 1, 5 et 6, Bibliothèque de Neuchâtel. Pour le ms des lettres 2, 3 et 4 : Ms. fr. 228, f. 23-34, Bibliothèque de Genève.

Éditions

Pléiade I à V : Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, sous la dir. de B. Gagnebin et M. Raymond, 5 vol., 1959-1995.

CC : Correspondance complète de Jean-Jacques Rousseau, R. A. Leigh éd., Genève, Institut et Musée Voltaire, puis Oxford, The Voltaire Foundation, 52 vol., 1965-1998. La référence indiquée est celle du numéro de la lettre dans cette édition.