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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Romanesques
    2016, n° 8
    . Lukács 2016 : cent ans de Théorie du roman
  • Auteurs : Arcuri (Carlo Umberto), Pfersmann (Andréas)
  • Pages : 9 à 22
  • Revue : Romanesques
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406057703
  • ISBN : 978-2-406-05770-3
  • ISSN : 2271-7242
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-05770-3.p.0009
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 04/04/2016
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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AVANT-PROPOS

Œuvre de jeunesse de Georg Lukács, La Théorie du roman a désormais cent ans : lâge des bilans. Publiée pour la première fois en revue en 1916 dans la Zeitschrift für Ästhetik und allgemeine Kunstwissenschaft de Max Dessoir, cette œuvre témoin sera rééditée quatre ans plus tard en volume à Berlin par léditeur Paul Cassirer. Entretemps, celui qui, en 1916, signait encore ses écrits dun « Georg von Lukács » sera devenu plus simplement « Georg Lukács ». Que sest-il passé, entre 1916 et 1920, pour que le rejeton dune famille de la haute bourgeoisie juive budapestoise anoblie par lempire délaisse ainsi, au nom dune prise de conscience mûrement réfléchie et à la faveur dun talent spéculatif à plus dun égard exceptionnel, la particule témoignant dune intégration que lon nhésitera pas à qualifier de « réussie » ? Force est de constater quentre 1916 et 1920, au cours des quatre années qui séparent la première de la deuxième parution de La Théorie du roman, la vie de Lukács a basculé, sous la pression de séismes historiques sans précédent et au fur et à mesure du déplacement de son questionnement philosophique. Une révolution à lEst, dans le pays de Dostoïevski1, au beau milieu dune guerre pendant laquelle les puissances du continent auront donné la mesure de leur appétence pour le carnage, la conversion au communisme, la condamnation à la peine de mort après la chute de la République des conseils à Budapest en 1919, la fuite et lexil à Vienne auront contribué à faire du jeune disciple du philosophe néo-kantien Emil Lask, de ladepte du « Weber-Kreis » de Heidelberg, un théoricien en passe de devenir tout simplement le plus grand penseur marxiste et lun des plus grands philosophes du xxe siècle. Mais ce nest pas tout : le dernier acte de cette mue aux allures de saga idéologique sans fin se consommera plus de quarante ans plus tard, en 1962, lorsque « György »

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Lukács, entretemps rentré à Budapest où en 1956 son sort avait failli être broyé par les chars du Pacte de Varsovie appelés en renfort dun parti aux abois, fera précéder son livre de jeunesse dun avant-propos en guise de rétractation partielle2. Œuvre témoin, La Théorie du roman est aussi une œuvre-carrefour qui attisera jusquau bout les convoitises intellectuelles, les stratégies dappropriation ou de rejet et les réflexes de survie dun auteur qui, malgré les hésitations et les précautions parfois excessives, aura néanmoins fini par consentir à la réédition de sa flamboyante étude de jeunesse. Les questions qui se « coagulent » encore aujourdhui, cent ans après sa parution, autour de La Théorie du roman et de lesthétique littéraire de Lukács sont multiples. Y a-t-il un premier, un jeune Lukács (penseur inquiet, prémarxiste, néo-kantien, voire « existentialiste » avant la lettre) et un Lukács de la maturité dont lœuvre serait, sinon compromise, du moins lourdement conditionnée par son affiliation à la « Maison Russie », comme le pense son ancienne disciple Ágnes Heller3 ? Quels sont la place et le destin du genre romanesque dans La Théorie du roman et plus largement dans la critique littéraire et la pensée de Lukács ? Quel est le sens de la « rescousse épique » à lorigine de la théorie du « grand réalisme » et du refus de certains aspects de la « modernité » littéraire ? Cest notamment autour de ces interrogations que, cent ans après la première parution de La Théorie du roman, nous avons convoqué des spécialistes de Lukács et de littérature ainsi que des écrivains, afin de faire le point sur cette œuvre en débat et sur son héritage aussi riche que disputé.

La section « Varia » de ce volume de Romanesques souvre sur un essai de la romancière Belén Gopegui consacré à « lécriture de la politique dans un roman » et traduit de lespagnol par une spécialiste du sujet : Anne-Laure Bonvalot. Pour aborder cette problématique à plus dun

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égard brûlante et en relation étroite avec le dossier qui est au cœur de ce recueil, Gopegui, après sêtre glissée dans la peau de « Diego », « un militant dun de ces groupes de gauche qui existent aujourdhui en Espagne » dont elle fait semblant de relayer les propos, renvoie à deux passages respectivement du Rouge et le Noir et de La Chartreuse de Parme. Il sagit de deux digressions métalittéraires où Stendhal compare lirruption de la politique dans un roman à « un coup de pistolet au milieu dun concert ». Lauteure insiste sur le paradoxe de lextrait de la Chartreuse où Stendhal, après avoir procédé à la comparaison balistique, affirme que la politique est « quelque chose de grossier et auquel pourtant il nest pas possible de refuser son attention ». Doù la conclusion résignée : « Nous allons parler de fort vilaines choses, écrit Stendhal, et que, pour plus dune raison, nous voudrions taire ; mais nous sommes forcés den venir à des événements qui sont de notre domaine, puisquils ont pour théâtre le cœur des personnages4. » Gopegui touche ici, par lun des plus grands romans du xixe siècle interposé, à un problème essentiel, relatif aux implications politiques de la littérature. On dirait que, aux yeux de Stendhal, le romanesque, pour rester tel, doit parler de politique dans le cadre dun tableau vivant où les grands problèmes de lépoque sont vus et présentés à travers la démarche vitale du sujet. Stendhal souligne ainsi un aspect de la politisation de la littérature destiné à laisser des traces dans lœuvre de Lukács (qui na jamais lésiné sur les superlatifs au sujet de lœuvre romanesque dHenri Beyle…). À partir des années 1930, Lukács na-t-il pas insisté sur le refus de tout didactisme et sur la nécessité dintroduire la politique dans le roman par le biais du vécu concret des hommes ? Or, cela ne revient-il pas à souligner que la littérature est moins destinée à traiter lactualité politique quà exporter la politique dans tout ce qui lui est apparemment étranger : le quotidien dans ses automatismes et ses aspects les plus apparemment triviaux, linconscient, la sphère des sentiments et du privé ? Cest à ce type de questionnement et à bien dautres, en relation étroite avec lactualité du roman, à lépoque de la politique ravalée au statut dépiphénomène de la raison marchande mondialisée, que larticle de Belén Gopegui, issu dune conférence prononcée par lauteure à luniversité de San Diego (Californie), nous invite.

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Dans lautre contribution liminaire de ce numéro de Romanesques, Alain Schaffner montre comment Marcel Proust, fier dannoncer que son « prochain volume, La Prisonnière, est tout à fait romanesque », infléchit, en réalité, le sens de cet adjectif. Il y a, certes, de limprévu dans la Recherche, ce « ressort romanesque » dont parle le narrateur, mais ce sont surtout différentes formes didéalisation et de projection qui sont visées lorsque Proust a recours au terme romanesque pour caractériser les rêveries amoureuses, fort différentes au demeurant, de Swann et dOdette de Crécy. Le romanesque, dans sa version proustienne, concerne essentiellement « la peinture de lamour passion comme processus incontrôlable didéalisation » (Alain Schaffner), dune idéalisation dont les formes varient en fonction de la culture livresque des différents protagonistes.

Le dossier « Lukács 2016 » présente dabord un texte dun intérêt certain pour les spécialistes du roman. Il sagit dun essai de Lukács paru en 1931 dans la revue allemande Die Linkskurve5, dont nous publions ici la première traduction française : « Reportage ou figuration ? Remarques critiques sur un roman dOttwalt6 ». Dans son article, Lukács entre de plain-pied dans la polémique sur ladaptation du roman à la nouvelle donne historique inaugurée par la révolution dOctobre et ses séquelles. Londe de choc engendrée par la prise du pouvoir des soviets en Russie, suivie de près par la révolte spartakiste et son étouffement dans le sang en 1918-1919 à Berlin, puis par limpasse qui préludera à lémergence des fascismes sur le Vieux Continent, confrontent la littérature à des responsabilités inédites. Le débat dont témoigne « Reportage ou figuration ? » se déroule dans les années 1931-1932, au sein de la BPRS (Bund proletarisch-revolutionärer Schriftsteller7), lassociation des écrivains de gauche qui avait préservé une certaine autonomie par rapport au KPD (le parti communiste allemand). Y trouvaient encore un certain écho,

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notamment, les thèses des adeptes du Liftfront8 (Front de gauche), une fraction dissidente de la RAPP9, lAssociation de Russie des écrivains prolétariens. Dans « Reportage ou figuration ? », Lukács, dont le nom et le prestige dans lespace germanophone sont liés à lépoque à la publication, huit ans plus tôt, dun chef-dœuvre en odeur dhérésie : Histoire et conscience de classe (1923), risque de faire figure de porte-parole de la ligne officielle dune Internationale (la troisième) dont la stratégie, même en matière de littérature, se décide désormais dans les annexes du Politburo moscovite10. Ses thèses représentent-elles pour autant le tribut versé par un théoricien réputé autant que controversé en témoignage de son allégeance à la ligne dictée par Moscou aux « partis frères » et aux intellectuels ayant rallié leurs rangs ? La traduction de « Reportage oder Gestaltung ? » va sans doute permettre au lecteur de faire la part des choses. Rappelons que la cible de Lukács est ici Denn sie wissen, was sie tun. Ein deutscher Justiz-Roman11 (1931) dErnst Ottwalt, écrivain allemand membre de la BPRS, lié à Brecht avec qui il écrira notamment le scénario de Kuhle Wampe oder : Wem gehört die Welt12 ? : un film de propagande sur la condition ouvrière dans le Berlin des années 1920. Ottwalt et son roman font ici lobjet dune critique circonstanciée et pondérée13. Aux yeux de Lukács, le « roman-reportage » nest quun épiphénomène du mirage de limmédiateté et du culte de lactualité qui caractérisaient déjà le roman naturaliste et les romans de critique sociale du romantisme tardif (Victor Hugo, George Sand, Eugène Sue, etc.).

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Lukács, qui préférait de loin le « réalisme critique » du bourgeois éclairé Thomas Mann à la prose « engagée » des « écrivains-prolétariens » Ernst Ottwalt et Willi Bredel, aux reportages enflammés dIlya Ehrenbourg ou à la littérature dagit-prop – et qui ne reconnaîtra que tardivement la grandeur des pièces non didactiques de Brecht –, plaide ici la cause du « grand réalisme ». La Gestaltung mise en avant dès le titre est une « figuration » en tant que création, par le romancier, dun monde vivant et non pas figé, telle une nature morte ou un document sociologique, fût-il bon pour la cause. Les lecteurs de Lukács auront tout loisir de reconnaître dans cette critique du Tatsachenroman (le roman « factuel ») lattitude très réservée du théoricien hongrois à légard de Zola et des frères Goncourt, lintérêt de « Reportage ou figuration ? » nen réside pas moins dans le caractère ouvert et indéterminé de sa cible. La prise de distance à légard du roman dOttwalt a beau renvoyer à la critique lukacsienne du naturalisme, on y voit déjà poindre la charge contre les avant-gardes14 et la technique du montage – un phénomène, ce dernier, dont Lukács a largement sous-estimé la portée, sinterdisant au passage de percevoir la grandeur de ces pionniers du septième art que furent Eisenstein et Dziga Vertov… Document dune rare intensité, pris dans le rets dune démonologie politique implacable qui menace, aux yeux du lecteur daujourdhui, de reléguer à larrière-plan sa finalité strictement esthétique15, « Reportage oder Gestaltung ? » est ici traduit et richement annoté par Jean-Pierre Morbois, germaniste qui a récemment mis ses

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larges compétences au service de la version française du dernier opus postumum de Lukács : lOntologie de lêtre social16.

Dans leur essai sur « le romantisme anticapitaliste dans La Théorie du roman », Michael Löwy et Robert Sayre partent de la définition du romantisme en tant que « vision du monde » et du romantisme anticapitaliste en tant que « structure significative » (dans lacception de Lucien Goldmann) censée rendre compte de la production de Lukács entre 1911 et 1917. « La spécificité de la critique romantique, expliquent les auteurs, vient de ce quelle se fait au nom de valeurs et didéaux puisés dans un passé précapitaliste, pré-moderne », et non pas au nom de laxiomatique du « progrès ». Par-delà lhypothèse du romantisme anticapitaliste de La Théorie du roman (phénomène très complexe et non exempt dambiguïtés dont cet article contribue à préciser les caractéristiques et la généalogie17), lambition de Löwy et Sayre est de démontrer la pertinence et lactualité dune conception non linéaire du temps dont lœuvre de jeunesse de Lukács, avec son messianisme qui, à linstar de lAngelus novus de Paul Klee, tourne le dos au présent, représente lun des exemples les plus poignants. Cest à un autre rendez-vous lukacsien que nous invite Jean-Marc Lachaud : celui avec le « grand réalisme », notion étrangère à La Théorie du roman, que Lukács formulera à partir de ses écrits des années 1930, à lépoque où il entre dans un débat passionné avec Ernst Bloch et, en sourdine, avec Bertolt Brecht18. Lachaud note à juste titre que lenjeu de ce débat au sujet de lexpressionnisme, des avant-gardes et du rôle « intervenant » de lart, est en réalité celui de la coupure entre classicisme et modernité, dichotomie à laquelle Lukács ne se résignera jamais, au nom dune conception de lœuvre littéraire comme « totalité » et comme « monde ». Lauteur dune part précise le cadre et les termes du débat sur le réalisme qui fait rage en Allemagne dans la seconde moitié des années 1930, de lautre fait état des apports récents sur le sujet dun certain nombre de spécialistes dont plus dun

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figurent parmi les participants à cette livraison de Romanesques. Cest le cas notamment de Pierre Rusch qui souligne, quant à lui, les implications philosophiques de La Théorie du roman, œuvre dont il contribue à restaurer la troublante étrangeté en en (re)traduisant certains passages – à croire que ce chef-dœuvre de la théorie littéraire du xxe siècle mériterait bien une deuxième chance dans la langue de Molière19… Daprès Rusch, la notion de « monde » (associée à celle de « totalité ») serait la « cheville ouvrière » de cet écrit de jeunesse et peut-être de lesthétique lukacsienne tout court. Que lon songe à la préférence accordée par Lukács aux œuvres littéraires qui subordonnent tout contenu politique, tout « engagement » à la création dun monde, à leur « mondanéité20 » (Welthaftigkeit). Dans la suite de son article, lauteur procède à une analyse comparée des concepts et du lexique du jeune Lukács et de Max Weber. Le chassé-croisé entre les deux penseurs sengage autour de catégories comme le « désenchantement du monde », le « démonisme », le « polythéisme des valeurs », etc. Les zones de contact entre la sociologie de Weber (qui, au moment de la double parution de La Théorie du roman, était la figure de proue de lintelligentsia allemande) et lesthétique de son jeune disciple sont nombreuses, mais leurs rôles respectifs, dans ce jeu demprunts mutuels, ne sont pas toujours ceux auxquels on serait en droit de sattendre…

Larticle de Pierre Rusch est suivi de trois contributions qui tablent sur la cohésion organique du profil intellectuel de Lukács et de son itinéraire, conçu comme une progression vers une cohérence de plus en plus affirmée. Pour Jean-Pierre Morbois, La Théorie du roman serait un prélude à la véritable pensée de Georg Lukács, telle quelle se déploie dans la phase marxiste du Roman historique, de La Signification présente du réalisme critique, de lEsthétique de 1963 et de lOntologie de lêtre social.

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Lauteur en veut pour preuve laffirmation de Lukács selon laquelle il ny aurait pas « déléments inorganiques dans [son] évolution ». Dès lors, Morbois, après sêtre demandé « pourquoi commémorer le centième anniversaire de La Théorie du roman, ouvrage renié ensuite par son auteur », en vient à la conclusion que la préférence dune large partie de la doxa philosophique du xxe siècle pour les œuvres du jeune Lukács (au détriment du penseur marxiste de la maturité) serait un choix somme toute arbitraire et idéologiquement connoté : une sorte de façon de brosser à rebrousse-poil l« Organon » lukacsien. Le défi ainsi (amicalement) lancé aux coordinateurs du présent ouvrage est de taille… Partageant largement cette option, Vincent Charbonnier présente sa contribution comme le « remembrement » dune œuvre dont on aurait trop souvent souligné les bifurcations, sous la forme notamment dabjurations et dautocritiques prétendument extorquées. Que lon songe aux fameux avant-propos de 1962 et 1967, imposés par Lukács comme condition à la réédition respectivement de La Théorie du roman et dHistoire et conscience de classe. Abondant dans le sens de Pascal, pour qui « pour entendre le sens dun auteur, il faut accorder les passages contraires », Charbonnier pense qu« il ny a donc pas deux, ni même plusieurs Lukács, mais un seul » en tant que « coalescence dialectique de toutes ses facettes ». Aussi lauteur estime-t-il que les options de la critique et de la théorie littéraire lukacsienne des années 1930 – notamment la préséance de la narration sur la description et de lépique sur le romanesque – sont la suite logique de la définition du roman comme « une forme historique et en mouvement, qui appelle son dépassement (Aufhebung) », déjà formulée dans La Théorie du roman. Prenant appui sur lanalyse lukacsienne de la réification, Iraïs Landry et Louis-Thomas Leguerrier pensent aussi quun essai comme « Erzählen oder Beschreiben ? » (« Raconter ou décrire ? », 1936) et plus largement les écrits de Lukács des années 1930, période parmi les plus controversées de sa production, sont la suite logique de loutillage conceptuel mis au point dans Histoire et conscience de classe (1923). Doù leur hypothèse de leffet « défétichisant » de lactivité artistique, hypothèse qui semble trouver une confirmation dans la définition de lart comme « objectivation anthropomorphisante » dans Die Eigenart des Ästhetischen, lEsthétique marxiste de Lukács éditée en 1963. Dans la mesure où ladhésion de Lukács au marxisme est loin dêtre un processus linéaire et indolore (que lon pense à la façon dont, dans son

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« Vorwort » de 1967, il atténuera la portée de sa propre critique de la Verdinglichung et prendra ses distances vis-à-vis du prétendu idéalisme et du « panpraxéisme » dHistoire et conscience de classe), ces trois articles posent le problème du rapport entre la philosophie politique de Lukács, dans ses différentes phases, et les mots dordre du « réalisme », voire de la Widerspiegelung artistique (notion « maudite », habituellement rendue par « reflet » et que Charbonnier propose de traduire par « reflètement »).

Les deux articles suivants se concentrent davantage sur les enjeux herméneutiques et littéraires de lœuvre de jeunesse de Lukács. Lobjet de Nicolas Poirier consiste à comprendre, à partir de La Théorie du roman, « en quoi le roman constitue lexpression de la difficulté pour lindividu à habiter le monde ». Dans la mesure où lauteur renvoie aux œuvres de Milan Kundera, de Thomas Pavel, de Cornelius Castoriadis et surtout de Mikhaïl Bakhtine (dont on sait aujourdhui quil avait pris connaissance de La Théorie du roman au moment où il élaborait sa propre phénoménologie du roman), cette « difficulté » est cependant le viatique dune certaine idée de lindividu que le roman aurait pour fonction de sauvegarder, contre tout modèle de civilisation close colporté par le monologisme épique. Dès lors, pour lauteur, lintérêt de lire aujourdhui le jeune Lukács tiendrait à ce quà partir de sa réflexion sur le roman comme genre marqué par la coupure entre un héros problématique et un monde déserté par les dieux, on peut sinterroger sur « la signification et lampleur de cette création constitutive à la fois de la modernité et du roman quest lindividu autonome, qui nagit pas en fonction dun modèle de bien préexistant, à la manière du héros épique, mais invente [] des moyens pour parcourir laventure de la vie ». Damien de Carné met en revanche le curseur sur un phénomène que La Théorie du roman na fait queffleurer : le roman médiéval. Lukács, dont lattention, à lépoque de La Théorie du roman, est accaparée par le vaste cadre épique de La Divine Comédie, présente le Moyen Âge comme une époque trouble de transition où la rupture de lancien cosmos mythique, partielle car encore indexée sur une transcendance, confère aux romans des allures de « vastes contes de fées ». Lauteur souligne, à ce propos, lintérêt du prologue dÉrec et Énide, où Chrétien de Troyes oppose aux récitants professionnels qui ont lhabitude de « depecier et corrompre » lhistoire dÉrec, la « très belle composition » (conjointure) quil a su tirer « dun conte daventure ». Histoire de souligner que le « conte », à linstar dun épos déchu, peut

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prendre son parti dune récitation parcellaire et dun récit passablement morcelé, tandis que le roman est astreint à une configuration et à des modalités deffectuation résolument plus contraignantes. Or, daprès Lukács, ce souci de la forme est précisément le symptôme de la crise dont le roman, avec son héros problématique perpétuellement en quête du paradis perdu, sera lexpression la plus accomplie. Alors que Lukács considère Don Quichotte comme le premier roman au sens propre du mot, Damien de Carné nous invite ainsi à remonter à une époque-clé à laquelle le roman doit notamment son nom et sur laquelle La Théorie du roman nous fournit directement et indirectement des indications précieuses.

Cest à un rendez-vous beaucoup plus récent que nous convoque lécrivain Jacques Lederer : celui avec une « aventure des années 1960 ». Il sagit dun projet de revue qui devait sappeler La Ligne générale, en hommage au film homonyme dEisenstein, et qui ne vit jamais le jour mais dont il nous reste le témoignage, grâce à un recueil posthume dessais signé Georges Perec : L.G.21. Jacques Lederer, qui prit part à cette initiative en rédigeant un certain nombre de contributions avec Perec lui-même, dont il fut lami et linterlocuteur privilégié22, souligne limportance dun livre comme La Signification présente du réalisme critique de Lukács pour les jeunes gens qui rêvaient dune littérature alternative par rapport aux préceptes du Nouveau Roman. Par ailleurs, si le destin de Lukács fut celui dun exil géographique aussi bien quintérieur, son lot fut, aux yeux de Lederer, « une solitude intellectuelle qui le poursuit encore aujourdhui ». Dès lors, la cohérence intellectuelle de lauteur de La Théorie du roman et sa fermeté à légard des avatars idéologiques et artistiques du capitalisme tardif « force ladmiration mais aussi à sinterroger ». En ce sens, autant Lederer se sent proche du combat de Lukács contre ce quil appelait la « décadence » (notion floue quil contribua à préciser aussi bien quà problématiser), autant la lunette lukacsienne lui semble parfois sous-estimer les potentialités des grandes percées qui émaillent le panorama littéraire et artistique du xxe siècle.

Ce cahier central consacré à « Lukács 2016 » sachève sur la contribution de lun de ses deux coordinateurs, Carlo U. Arcuri, qui met côte à côte trois notions lukacsiennes : lépos, la Kultur (au sens germanique de

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« civilisation régie par des valeurs authentiques ») et l« être générique » (Gattungswesen). Alors que la thématique de lépos est un leitmotiv de la critique littéraire de Lukács, il en va autrement de son étayage, où, à partir de son dernier opus achevé : lEsthétique de 1963, la catégorie de l« être générique », puisée dans les Manuscrits économico-philosophiques de 1844 de Marx, supplante la Kultur. Lanalyse de ce glissement épistémologique est vouée à souligner moins le développement harmonieux de la pensée de Lukács, que lintérêt dune lecture croisée de La Théorie du roman et des œuvres plus tardives de son auteur, dans le cadre dune idée de lesthétique comme dispositif sinscrivant en faux contre une Histoire triomphante frappée au coin de linéluctable.

Comme dhabitude, ce volume de Romanesques se termine par un entretien avec un romancier. Lautre coordinateur de « Lukács 2016 », Andréas Pfersmann, a choisi pour loccasion de sentretenir avec un écrivain autrichien, Robert Menasse, pour qui lœuvre et la figure du penseur hongrois ont représenté un enjeu à la fois philosophique, esthétique et même existentiel. À loccasion de leur dialogue, Robert Menasse rappelle le moment, entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, où il poursuivait des études de lettres et de philosophie à luniversité de Vienne. À lépoque, la plupart de ses camarades accordaient leur préférence à Adorno plutôt quà Lukács. Mais Robert Menasse avait des projets de romans et la lecture de La Théorie du roman simpose très tôt à lui, suivie dautres pans de lœuvre lukácsienne. Elle sera déterminante pour sa propre conception du roman et notamment du personnage romanesque, mais aussi pour sa façon de concevoir le processus historique. Le titre de Selige Zeiten, brüchige Welt, son premier roman, est directement inspiré de lincipit célèbre de La Théorie du roman23. Et la déconstruction du Zeitgeist postmoderne quil tente dans sa trilogie24, est également marquée par une attention aux tendances profondes de lhistoire qui doit beaucoup au penseur hongrois.

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Mais Lukács, le très jeune Lukács, est aussi présent sous une tout autre forme dans la trilogie de Robert Menasse. Avec Leo Singer et Judith, le romancier a en effet créé un couple de personnages inspirés de lamour malheureux entre lartiste Irma Seidler et lauteur de LÂme et les Formes. À partir de la lecture du dialogue de jeunesse « Von der Armut am Geiste25 », Menasse conclut que le philosophe hongrois avait fait le choix de son œuvre au détriment de sa muse qui se suicide en 1911, et il reprend discrètement dans sa fiction romanesque des passages de leur correspondance. Cependant, à la différence de son modèle, Leo Singer est un philosophe raté et Judith, nous apprend lentretien, doit autant à Irma Seidler quà une femme qui eut son importance pour Menasse, profondément étranger à lascétisme du jeune Lukács.

Comment résumer en conclusion le sens de cet hommage collectif à La Théorie du roman, œuvre juvénile dun témoin capital du xxe siècle, Georg/György Lukács, penseur intempestif que dans le passé on a cru pouvoir enterrer un peu trop à la hâte, au nom de linactualité de son marxisme par trop « hégélien » ? Fait significatif : lun des hommages les plus appuyés à lœuvre de Lukács et à son approche de la littérature aura été, en 1955, le fait de lun de ses pairs français, adepte par ailleurs non pas du matérialisme historique, mais de la phénoménologie de Husserl :

Quand il [Lukács] demande que les écrivains daujourdhui prennent modèle sur la grande littérature bourgeoise davant limpérialisme, quand il défend les écrivains francs-tireurs et sans parti, quand il écrit que le réalisme nest pas la simple notation ou observation, et quil exige narration et transposition, cela sous-entend que lœuvre dart nest pas un reflet simple de lhistoire et de la société, quelle les exprime, non pas ponctuellement, mais par son unité organique et sa loi interne, quelle est un microcosme, quil y a une vertu de lexpression qui nest pas une fonction simple du progrès économique et social, une histoire de la culture qui nest pas toujours parallèle à lhistoire politique, un marxisme qui apprécie les œuvres selon des critères intrinsèques, et non pas selon la conformité politique de lauteur26.

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Si Maurice Merleau-Ponty, dhabitude très circonspect vis-à-vis des avatars du marxisme au xxe siècle (au point dintituler Les Aventures de la dialectique lœuvre où nous avons puisé notre extrait…), se fend dun tel hommage à légard de Lukács, cest que lauteur de La Théorie du roman aura su, davantage que dautres philosophes ou sociologues se réclamant du marxisme, faire de la spécificité de lart, et plus largement de lautonomie des complexes sociaux, la clé de voûte de toute émancipation politique digne de ce nom. En ce sens, Lukács figure à juste titre parmi les penseurs (Adorno, Benjamin, Bloch, Brecht, Goldmann, Sartre) qui ont marqué lesthétique du xxe siècle et dont il fut à la fois linterlocuteur et le « mécontemporain ». Cest pourquoi, à lheure où le monde est en butte à lune de ses crises les plus aiguës, crise dont les mouvements antagonistes hésitent à prendre la mesure et à relever le défi, la pensée de György Lukács est de retour, moins comme un phénomène de mode ou à loccasion dune célébration ponctuelle, quà la force et à la patience des concepts quelle nous invite à explorer.

Nous tenons à remercier Me Hazai Kinga et les héritiers de György Lukács, pour nous avoir autorisés à traduire et à publier « Reportage oder Gestaltung ? Kritische Bemerkungen anläßlich eines Romans von Ottwalt ». Nous savons gré à Mme Mária Székely, à Miklós Mesterházi des « Archives Lukács », ainsi quà Malika Combes et à Jean-Pierre Morbois pour leur coopération solidaire. Tous nos remerciements à Bruno Saura et Philippe Daros qui ont généreusement soutenu notre projet.

Carlo U. Arcuri

Andréas Pfersmann

1 La Théorie du roman devait être, dans les intentions de son auteur, lintroduction à une étude sur lœuvre de Dostoïevski restée à létat de brouillon.

2 Dans « Es geht um den Realismus » (« Il y va du réalisme »), essai paru en 1938 dans Das Wort, revue de lémigration allemande publiée à Moscou, Lukács avait annoncé la couleur. Il y qualifie notamment La Théorie du roman d« œuvre à tous égards réactionnaire, pleine de mystique idéaliste, fausse dans toutes ses appréciations sur lévolution historique » et Histoire et conscience de classe d« ouvrage réactionnaire en raison de son idéalisme, en raison de sa conception déficiente de la théorie du reflet, en raison de sa négation de la dialectique de la nature » (G. Lukács, « Il y va du réalisme », dans Problèmes du réalisme, trad. C. Prévost et J. Guégan, Paris, LArche, 1975, p. 264).

3 Cf. Á. Heller, « Ce que lon peut conserver de Georg Lukács », dans P. Rusch, Á. Takács (éd.), LActualité de Georg Lukács, Paris, Archives Karéline, 2013, p. 11-27.

4 Stendhal, La Chartreuse de Parme [1839], dans Œuvres romanesques complètes, t. 3, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2014, p. 512. Cest nous qui soulignons.

5 Littéralement « Le Virage à gauche ». La Linkskurve (1929-1932) était la revue de lUnion des écrivains prolétariens-révolutionnaires allemands.

6 G. Lukács, « Reportage oder Gestaltung ? Kritische Bemerkungen anläßlich eines Romans von Ottwalt », dans Werke, t. 4, Probleme des Realismus 1, Neuwied, Berlin, Luchterhand, 1971, p. 35-55. Cet inédit fait suite à la traduction de deux essais de jeunesse de Lukács (« Lesthétique de la “romance”. Tentative détablir les fondements de la forme du drame non tragique » et « Ariane à Naxos ») dans le no 4 de Romanesques : « Romance » (C. U. Arcuri et Ch. Reffait (éd.), Amiens, Encrage Université, 2011, p. 59-84 et 85-95).

7 Union des écrivains prolétariens-révolutionnaires.

8 Voir à ce propos les essais de S. M. Tretiakov recueillis dans le volume Dans le front gauche de lart, trad. H. Henry, D. Konopnicki, D. Zaslavsky et al., Paris, F. Maspero, 1977.

9 RAPP est lacronyme de « Rossijskaja Associacija Proletarskih Pisatelej ».

10 Précisons que Lukács arrive à Berlin lété 1931 venant de Moscou où il avait collaboré étroitement avec lInstitut Marx-Engels-Lénine dirigé par David Riazanov. Intellectuel rigoureux et esprit indépendant, celui-ci paiera de sa vie son opposition intransigeante au stalinisme. Cest lors de ce séjour moscovite que Riazanov fera découvrir à Lukács une œuvre destinée à faire évoluer sensiblement sa vision du marxisme : les Manuscrits économico-philosophiques de 1844 de Marx.

11 (Car ils savent ce quils font. Un roman allemand sur la justice.)

12 (Ventres glacés ou : à qui appartient le monde ?) Le film sera réalisé en 1932 par Slátan Dudow.

13 Ottwalt répondra à Lukács en octobre 1932, dans la Linkskurve, par un article intitulé « “Tatsachenroman” und Formexperiment. Eine Entgegnung an Georg Lukács » (« Roman factuel » et expérimentation formelle. Une riposte à Georg Lukács). Lukács aura le dernier mot, toujours en 1932, dans la Linkskurve par sa réplique : « Aus der Not eine Tugend » (De la nécessité une vertu), cf. G. Lukács, Probleme des Realismus 1, op. cit., p. 55-68.

14 Le terme « avant-garde » couvre, dans lacception lukacsienne, un spectre très vaste de phénomènes pouvant aller de lexpressionnisme à Beckett, en passant par le surréalisme, Joyce et Dos Passos.

15 Certes on ne peut quavoir froid dans le dos en apprenant le sort réservé à deux des cibles de « Reportage oder Gestaltung ? ». Après avoir adhéré au Parti communiste et à lUnion des écrivains prolétariens-révolutionnaires, Ottwalt quitte lAllemagne en 1934, rejoint Moscou, doù il est déporté en 1936, et meurt dans un camp en 1943. Quant à Tretiakov, il est fusillé en 1937 suite à laccusation montée de toutes pièces dêtre un espion à la solde de lennemi japonais. La mémoire de cet agitateur culturel hors pair, que Brecht tenait pour son maître, ne sera définitivement blanchie quen 1956. Rien ne nous autorise cependant à établir une homologie stricte entre la critique du « roman du journaliste » entreprise ici par Lukács et la pensée glauque des apparatchiks qui cautionne une contre-révolution qui avance sous le masque débonnaire dun despote géorgien. Rappelons, par ailleurs, que dans « Reportage oder Gestaltung ? » Lukács nest guère plus tendre avec lœuvre dIlya Ehrenbourg qui, à partir des mêmes options esthétiques quOttwalt et Tretiakov, aboutira à une forme de roman-reportage au diapason de la propagande soviétique. Ehrenbourg échappera ainsi au filet de la censure et aux purges staliniennes.

16 Cf. G. Lukács, Ontologie de lêtre social. Lidéologie. Laliénation, trad. J.-P. Morbois rév. par D. Renault, Paris, Éd. Delga, 2012.

17 Voir, à ce propos, M. Löwy et R. Sayre, Révolte et Mélancolie. Le romantisme à contre-courant de la modernité, Paris, Payot, 1992 et Esprits de feu. Figures du romantisme anti-capitaliste, Paris, Éd. du Sandre, 2010 ainsi que M. Löwy, Pour une sociologie des intellectuels révolutionnaires. Lévolution politique de Lukács (1909-1929), Paris, PUF, 1976.

18 Voir J.-M. Lachaud, Bertolt Brecht, Georg Lukács, questions sur le réalisme, Paris, Éd. Anthropos, 1981.

19 Löwy et Sayre remarquent dans leur article « une faute assez cocasse » du traducteur Jean Clairevoye qui rend « Wer rettet uns vor der westlichen Zivilisation ? » (G. Lukács, « Vorwort », Die Theorie des Romans, Neuwied, Luchterhand, 1971, p. 5), cest-à-dire : « Qui nous sauvera de la civilisation occidentale ? » par son exact contraire : « Qui sauvera la civilisation occidentale ? » (G. Lukács, « Avant-propos » (1962), La Théorie du Roman, op. cit., p. 5). « Cest tout simplement, commentent les auteurs, la différence entre deux visions du monde, le libéralisme bourgeois dune part, le romantisme anticapitaliste de lautre… » – Notons par ailleurs que la version française escamote curieusement le sous-titre de La Théorie du roman : « Ein geschichtphilosophischer Versuch über die Formen der großen Epik » (Une recherche historico-philosophique sur les formes de la grande narration).

20 Cf. P. Rusch, LŒuvre-monde. Essai sur la pensée du dernier Lukács, Paris, Klincksieck, 2013.

21 G. Perec, L.G., une aventure des années soixante, Paris, Éd. du Seuil, 1992.

22 Cf. « Cher, très cher, admirable et charmant ami ». Correspondance Georges Perec-Jacques Lederer (1956-1961), éd. J. Lederer, Paris, Flammarion, 1997.

23 « Bienheureux les temps pour lesquels le ciel étoilé est la carte des chemins praticables et à parcourir et dont les chemins sont éclairés par la lumière des étoiles » (G. Lukács, La Théorie du roman, trad. J. Clairevoye, Paris, Gonthier, 1975, p. 19, traduction modifiée) ; « Selig sind die Zeiten, für die der Sternenhimmel die Landkarte der gangbaren und zu gehenden Wege ist und deren Wege das Licht der Sterne erhellt » (G. Lukács, Die Theorie des Romans, Darmstadt, Neuwied, Luchterhand, 1977, p. 21).

24 Voir R. Menasse, Sinnliche Gewißheit, Reinbeck, Rowohlt, 1988 ; Selige Zeiten, brüchige Welt, Salzbourg, Vienne, Residenz, 1991 (La Pitoyable Histoire de Leo Singer, trad. Ch. Lecerf, Paris, Verdier, 2000) ; Schubumkehr, Salzbourg, Vienne, Residenz, 1995 (Machine arrière : roman, trad. Ch. Lecerf, Paris, Verdier, 2003).

25 Ce dialogue de 1912 a été réédité dans : G. Lukács, Die Seele und die Formen, Bielefeld, Aisthesis Verlag, 2011, p. 234-248. Cf. G. Lukács, De la pauvreté en esprit. Un dialogue et une lettre, suivi de La légende du roi Midas, trad. J.-P. Morbois, Bordeaux, Éd. la Tempête, 2015.

26 M. Merleau-Ponty, Les Aventures de la dialectique, Paris, Gallimard, 1955, p. 103-104.