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Classiques Garnier

Avertissement de l’auteur

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Avertissement de lauteur1

Ce livre, écrit il y a trente ans, ouvrait un champ détudes musicologiques, qui a été, depuis, largement exploré et retourné par des équipes dhistoriens et de musiciens, au premier rang desquels je nommerai MM. Angelo Solerti, Hugo Goldschmidt, Henry Prunières, Luigi Torchi, H. Leichtentritt, Edward J. Dent, Lionel de La Laurencie, Jules Écorcheville, André Pirro, Henry Expert, etc.2 Les maîtres musiciens, dont alors ressurgissaient les noms dans locéan doubli, nont pas seulement depuis, fait lobjet détudes historiques. Leurs compositions ont été publiées et exécutées dans les concerts. Monteverdi a repris sa place dans la vie musicale daujourdhui, et, après trois siècles de disparition presque complète, il a de nouveau exercé son charme, peut-être son influence, sur la sensibilité de lépoque de Claude Debussy. Une société sest constituée en Italie, pour publier ses œuvres complètes. Et la France a entrepris, sous limpulsion de Henry Prunières, une grande édition critique de lœuvre entière de Lully.

Lauteur de ce livre, sil avait à le récrire aujourdhui, aurait à tenir compte de ces trente ans de travaux ; et son ouvrage en serait modifié 36sur certains points, et sur tous enrichi. Mais les éditeurs ayant désiré conserver à cette collection son caractère original, qui garde un intérêt historique, je me contenterai de signaler au lecteur les principaux travaux par lesquels jai moi-même complété mes premières recherches.

Cest, particulièrement pour le chapitre iii, le long essai publié dans mon livre : « Musiciens dautrefois » (Hachette, 1907), sur « lopéra avant lopéra ». Jy raconte les premières expériences du mariage de la poésie et de la musique, au théâtre, dans les Sacre Rappresentazioni de Florence, au temps des Médicis, dans les comédies latines de la Renaissance italienne, et les Pastorales en musique, où le Tasse fut le génial annonciateur et « lanimateur » poétique de deux siècles dopéra, de Monteverdi à Gluck, sub invocatione dArmide.

Le chapitre viii a été entièrement renouvelé par mon essai dans le même ouvrage, sur le « premier opéra joué à Paris, lOrfeo de Luigi Rossi ». La grandeur de ce bel artiste y est mise en lumière, ainsi que linfluence prépondérante exercée sur notre théâtre musical par les princes Barberini exilés de Rome et par le cardinal Mazarin.

Jai, de plus, consacré à « Lully », dans « Musiciens dautrefois », une étude assez considérable, qui montre comment le Florentin a cherché les modèles de son récitatif dans la déclamation de la tragédie de Racine.

Dautre part, jai récrit entièrement, sous une forme abrégée, mais précise, et en laccompagnant de nombreux exemples musicaux, toute lHistoire de lOpéra au xviie siècle, en Italie, en France, en Allemagne et en Angleterre, dans lEncyclopédie de la Musique et Dictionnaire du Conservatoire, publiés sous la direction dAlbert Lavignac dans les années qui ont précédé immédiatement la guerre (librairie Delagrave).

Je prie donc le lecteur de se reporter à ces ouvrages, qui complètent et illustrent, par un choix de fragments musicaux, lhistoire esquissée ici de cette « nativité » florentine dune forme dart dramatique, nouvelle et singulière, dont léclat a fasciné trois siècles de lEurope et pâlit à peine aujourdhui.

Romain Rolland.

Mars 1931

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Je me permets dadresser tous mes remerciements à ceux qui, au cours de ma mission en Italie, mont facilité, par leurs conseils ou par leurs collections, ces recherches artistiques ; à M. le professeur Riccardo Gandolfi, bibliothécaire du R. Istituto musicale de Florence ; au Revdmo Padre Priore Dom Ambrogio Amelli, supérieur du Mont-Cassin ; à S.E. le prince Chigi. Jai une reconnaissance toute spéciale à M. le cavalier Berwin, le savant directeur de la bibliothèque S. Cecilia, à Rome, dont jai mis si souvent à contribution lérudition sûre et lobligeance infatigable.

Jajouterai un regret : cest davoir pu constater dans trop de bibliothèques, un esprit étroit et hostile au travail, qui nest plus de notre temps. Entre toutes, je nommerai celle du Conservatoire de Naples.

Février 18943.

1 [NdÉ] Présentation du volume : Fascicule soixante et onzième. Les Origines du Théâtre lyrique moderne. – Histoire de lopéra en Europe avant Lully et Scarlatti, par Romain Rolland, ancien élève de lÉcole normale supérieure et de lÉcole française de Rome, Paris, Ernest Thorin, éditeur. Libraire des écoles françaises dAthènes et de Rome, du Collège de France, de lÉcole normale supérieure et de la Société des études historiques 4, rue Le Goff, 4, 1895.

2 [NdÉ] Outre la dette reconnue envers les musicologues italiens, allemands et anglais, cette phrase représente un hommage au développement de la musicologie en France depuis le début du xxe siècle. Lionel de La Laurencie (1861-1933) fut lun des fondateurs et le premier président de la Société française de musicologie ; Jules Écorcheville (1872-1915), mort au champ dhonneur, fondateur du Bulletin de la S.I.M., réalisa le premier catalogue du fonds ancien de la Bibliothèque nationale ; André Pirro (1869-1943) fut lun des successeurs de Romain Rolland à la chaire dhistoire de la musique à la Sorbonne ; Henri Expert (1863-1952) fit connaître par ses publications monumentales la musique de la Renaissance française ; enfin, Henry Prunières (1886-1942) réalisa sa thèse (1913) sous la direction de Romain Rolland, fonda en 1920 la Revue musicale et fut léditeur de la première édition des œuvres de Lully.

3 [NdÉ] Les remerciements datés de février 1894 ont été supprimés dans la réédition de 1931.