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Classiques Garnier

Paris 1792-1793 « Vouliez-vous une révolution sans révolution ? »

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Robespierre. Une vie révolutionnaire
  • Pages : 193 à 223
  • Collection : Biographies, n° 4
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406141488
  • ISBN : 978-2-406-14148-8
  • ISSN : 2781-274X
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14148-8.p.0193
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 14/12/2022
  • Langue : Français
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Paris 1792-1793

« Vouliez-vous une révolution sans révolution ? »

Plusieurs semaines après les « massacres de septembre », les armées révolutionnaires ont gagné leur première grande victoire à Valmy, à peine 160 kilomètres à lest de Paris, tout près du lieu où Louis XVI avait été reconnu et arrêté en juin 1791. Alors quarrivait la nouvelle de la victoire, la nouvelle Convention nationale, élue par le suffrage universel masculin, se réunissait dans une capitale hantée par la mémoire du récent carnage dans les prisons et de la menace prussienne imminente. Les réfugiés des régions frontalières au nord et à lest se bousculaient avec les jeunes volontaires, en route vers le front, qui avaient répondu à lappel de la « patrie en danger ». Un mélange de rumeur, doptimisme et de méfiance crépitait dans les rues.

Les 750 députés de la Convention venaient, pour la plupart, de la bourgeoisie ; soixante-dix seulement étaient issus des anciens ordres privilégiés. Ils jouissaient dune expérience solide. Deux cents dentre eux avaient fait partie de lAssemblée législative et plus de quatre-vingts avaient été à lAssemblée nationale en 1789-1791, y compris Robespierre – la plupart des autres avaient été actifs dans des fonctions régionales. Ils étaient aussi démocrates et républicains : dès louverture de la séance, ils abolirent la monarchie et la France fut proclamée république le 22 septembre.

Les militants jacobins étaient dominants à Paris ; Robespierre partageait la rage populaire aussi bien contre ceux qui avaient déchaîné les misères de la guerre que contre les armées dinvasion sur lesquelles il fallait triompher. En réponse, les vitupérations de Brissot et de ses partisans envers Robespierre en particulier, étaient compréhensibles1. Il 194sagissait des chefs politiques qui avaient entonné le chant des sirènes de la guerre pendant lété 1791-1792, rejetant les avertissements discordants de Robespierre, mais dont les garanties de victoire facile sétaient évanouies en un marigot de défaite et de désertion. Les Brissotins étaient vulnérables, furieux et remplis de crainte. Robespierre avait-il tenté de livrer Roland et Brissot à la vengeance des tueurs pendant le massacre des prisons ? Il ne lavait pas fait, mais ils croyaient le contraire.

La présence des troupes de Marseille parmi ceux qui avaient renversé la monarchie le 10 août permit à Robespierre de déclarer que cette seconde révolution était, en effet, une révolution nationale. Le problème de la place de Paris dans les décisions politiques demeurait présent dans les débats politiques, et Paris signifiait bien davantage quune capitale. Pour les Brissotins cela représentait aussi le soulèvement populaire, les menaces aux intérêts commerciaux et à la sécurité personnelle. Leur présentation, auto-proclamée, comme le parti de la France plutôt que celui de Paris était davantage un indice de leur manque de popularité dans la capitale – où seulement un des vingt-quatre députés était en leur faveur – quun reflet de la réalité, car les députés jacobins eux-aussi avaient été élus dans tout le pays.

Robespierre décida, fin septembre 1792, de reprendre son journalisme, qui avait été interrompu quelques semaines par les élections. Le Défenseur de la Constitution avait modifié sa couleur de rouge à gris, et son titre. Le titre complet révèle le programme national de Robespierre, Lettres de Maximilien Robespierre, membre de la Convention nationale de France, à ses commettans. Par ses « commettans » (électeurs), Robespierre indiquait clairement quil parlait de tous les Français, que chacun des députés représentait le peuple entier. Son inclusion de lettres de correspondants de province (par exemple, de Toulouse, dArras et de Manosque) était aussi tout à fait délibérée. Ces lettres critiquaient les Brissotins, il les stigmatisait comme membres dune faction anti-parisienne plutôt que comme des représentants de la volonté nationale2.

Dans le premier numéro, Robespierre débordait de confiance : « que le règne de légalité commence » ; il ny a aucune limite à « létendue 195de la glorieuse carrière que le génie de lhumanité ouvre devant vous ». Lidée directrice était que « le peuple est bon », mais il admettait que lachèvement de « toute sa dignité » était encore assez éloigné. Il répétait que la vertuétait lâme dune république – cest-à-dire, un patriotisme dont les intérêts privés sont subordonnés au bien général. Mais cette vertu pouvait-elle être créée ? Robespierre se préoccupait des changements révolutionnaires accomplis depuis 1789 qui étaient loin dêtre entérinés. Selon lui, les liens civiques devaient sexprimer de manière différente, renforcés par des festivals inspirés de la Grèce antique. Lallégorie classique qui imbiberait largement cette culture politique serait une référence constante pour élever le comportement au-delà de la spontanéité effrénée des festivals populaires3.

Robespierre avait hésité à se ranger aux appels pour une république dans les premiers mois de 1792 car il était certain que les institutions républicaines exigeaient une culture de vertu civique, une société régénérée. Il savait que le peuple était essentiellement bon ; il savait aussi quil avait été corrompu par des siècles de pauvreté et dignorance. Il sentait ainsi quil était trop tôt pour la France de devenir une république, tout comme il avait été trop tôt dans la transformation révolutionnaire de la France pour envisager une guerre démancipation à travers lEurope. À présent, cependant, la République était un fait accompli, il ny avait donc plus que le choix de lancer un projet de régénération civique et éducationnel. Pendant ce temps-là, la guerre devait être une guerre du peuple, menée pour sauver la Révolution. Ainsi, ceux qui se battaient comprendraient pourquoi ils se battaient et comment ils devaient se conduire.

Une nouvelle culture civique ne pouvait immédiatement remplacer le rituel chrétien, ni la foi. Lavocat marseillais Marguerite-Élie Guadet avait accusé Robespierre de propager la superstition au Club des Jacobins en mars 1792, après quil eut remercié la Providence pour la mort de Léopold II dAutriche le 1er mars et, avec elle, loccasion déviter la guerre. Robespierre avait défendu avec passion sa croyance en un « être éternel4 ». À présent, mi-novembre 1792, le Club des Jacobins débattait dune proposition de Joseph Cambon qui désirait abolir tout financement public de lÉglise. Robespierre rappela aux députés que 196leurs responsabilités primordiales devaient « fixer au milieu de nous la liberté, la paix, labondance et les lois » et dêtre « économes et du sang, et des larmes de lor de la nation » :

Sous le rapport des préjugés religieux, notre situation me paroît très-heureuse, et lopinion publique très-avancée. Lempire de la superstition est presque détruit [] et il ne reste plus guère dans les esprits que ces dogmes imposans qui prêtent un appui aux idées morales, et la doctrine sublime et touchante de la vertu et de légalité que le fils de Marie enseigna jadis à ses citoyens.

Ce serait inutilement traumatisant de sattaquer à lÉglise, insistait-il : le peuple « lie au moins en partie le système de ses idées morales5 ».

Leuphorie du 22 septembre était éphémère. À présent que les nouvelles du front étaient plus positives, les dirigeants Brissotins se mirent à accuser Robespierre et dautres dêtre des « septembriseurs » responsables des massacres, tout en niant leur propre rôle dans les tueries. Au cours des jours suivants, Brissot et ses partisans accusèrent Robespierre de chercher à former un triumvirat (avec Danton et Marat) pour gouverner la France. Ils lui imputaient également linfluence indue de Paris et des « anarchistes » qui cherchaient à sattaquer aux droits de propriété6. Le 24, François Buzot demanda de faire appel à une garde départementale durgence pour la protection de la Convention. Le lendemain, Merlin de Thionville exigea que « ceux qui connaissent dans cette Assemblée des hommes assez pervers pour demander le triumvirat ou la dictature mindiquent ceux que je dois poignarder ». Le député marseillais François Rebecqui identifia Robespierre, qui se sentit obligé de répondre avec une justification de ses actions au cours des quatre années précédentes : « sans doute plusieurs citoyens ont défendu mieux que moi les droits du peuple, mais je suis celui qui a pu shonorer de plus dennemis et de plus de persécutions. »

Un député des Deux-Sèvres, Michel Lecointre-Puyraveau, linterrompit : « Robespierre, ne nous entretiens pas de ce que tu as fait dans lAssemblée constituante ; dis nous simplement si tu as aspiré à la dictature et au triumvirat. » Le démenti de Robespierre ne convainquit pas les Brissotins. Un député de Tarn-et-Garonne, Julien Mazade-Percin, écrivit chez lui à Castelsarrasin le 26 septembre que 197lun des deux partis de la Convention « aspire à une dictature tribunitienne ou triumvirale ». « On craint », ajouta-t-il, « que lâme de ce parti dont je viens de vous parler ne soit le citoyen Robespierre, si recommandable dailleurs par les services quil nous a rendus. » Pendant le mois doctobre, Buzot et Languinois réitèrent leur exigence dune garde départementale, en rappelant fermement que Paris ne pouvait plus agir au nom du reste de la nation : la Révolution devait finir. Pour Robespierre cétait une fausse distinction :

comme si les français de Paris étoient dune autre nature que ceux qui habitoient les autres contrées de la France [] ce nétoit point les citoyens de Perpignan ou de Quimper qui pouvoient exercer lheureux ascendant des regards publics sur les opérations dont Paris est le théâtre7.

Les Brissotins nont pas faibli. Le 29 octobre, la Convention a entendu dautres accusations contre Robespierre de la part de Roland en tant que ministre de lIntérieur, Lanjuinais et surtout Louvet, qui le tenait responsable des massacres de septembre et déclarait que son but était de devenir dictateur. Ce fut un moment de tension. Le jeune William Wordsworth, présent dans les galeries, sest plus tard souvenu dans Le Prélude comment dans les arcades en dehors du Manège, il pouvait entendre « des clameurs discordantes que dominaient le cri aigu des marchands de journaux : “Demandez la dénonciation des crimes de Maximilien Robespierre”. Et une main aussi prompte que la voix lui tendit le discours8. » Le discours était de Louvet : « je taccuse de têtre continuellement produit comme un objet didolâtrie ; [] que tu étois le seul homme vertueux de la France, le seul qui pût sauver la patrie… Je taccuse davoir évidemment marché au suprême pouvoir. » Il a demandé à lAssemblée de passer une loi par laquelle Robespierre serait banni. Danton est intervenu pour sauver un Robespierre profondément interloqué, qui a eu cependant la présence desprit de demander une semaine afin de préparer sa réponse9.

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Le 3 novembre, 600 soldats, issus à la fois de régiments prérévolutionnaires et certains des fédérés de Marseille, marchèrent à travers Paris en demandant « la tête de Marat, de Robespierre et de Danton et de tous ceux qui les défendaient ! Vive Roland ! Pas de procès pour le roi ! » Les Brissotins avaient ouvertement fait appel à un soutien massif venu des provinces et en quelques semaines presque 16 000 hommes parcouraient les rues de Paris et gardaient la Convention10.

Le 5 novembre, les galeries de la Convention étaient bondées. Nombreux étaient ceux qui avaient passé la nuit à camper dehors. On se battait pour obtenir des tickets dentrée. Robespierre partit à lattaque :

Citoyens, vouliez-vous une révolution sans révolution ? [] Les François, amis de la liberté, réunis à Paris au mois daoût dernier, ont agi à ce titre au nom de tous les départemens. Il faut les approuver ou les désavouer tout-à-fait. Leur faire un crime de quelques désordres apparens ou réels, inséparables dune si grande secousse, ce seroit les punir de leur dévouement.

À nouveau, Robespierre déclara quil navait pas su ce quil se passait dans les prisons en septembre et quen tous les cas, la capitulation de Verdun avait terrifié les Parisiens et les avait poussés à croire que Brunswick était sur le point mettre en action ses promesses sanglantes. Le vrai deuil devrait être pour les centaines de milliers de victimes de lancien régime : ceux qui critiquaient la justice populaire daoût-septembre considéraient la prise de la Bastille illégale11.

Ce discours a été un triomphe pour Robespierre : quand Louvet a demandé un droit de réponse, la Convention a décidé de passer à autre chose. Dans la soirée, Robespierre reçut une réception triomphale au Club des Jacobins et son discours fut imprimé et envoyé aux affiliés dans les provinces. Mais ce triomphe lui causa aussi de nouvelles vitupérations. Dès lors, un antagonisme meurtrier créa une division entre Robespierre et ses partisans et les Brissotins. Ils le haïssaient. Leur porte-voix, le Patriote Français, a publié une Réponse à la justification de 199Maximilien Robespierre par Olympe de Gouges, militante des droits des femmes et défenseuse de Louis XVI.

Je te plains, Robespierre, et je tabhorre. [] Auras-tu à ton tour le courage de mimiter ? Je te propose de prendre avec moi un bain de la Seine ; mais pour te laver entièrement des taches dont tu tes couvert depuis le 10 nous attacherons des boulets de seize ou de vingt-quatre à nos pieds à nos pieds, et nous nous précipiterons ensemble dans les flots. [] Ton souffle méphétise lair pur que nous respirons actuellement : ta paupière vacillante exprime malgré toi toute la turpitude de ton âme.

Quelques jours plus tard, elle laccusait de vouloir se hisser au pouvoir par-dessus les corps des partisans de Brissot, en le prévenant que son trône serait léchafaud, « ton supplice, celui des grands coupables12 ».

Mais un grand nombre de Parisiennes admiraient Robespierre. Quand il sest défendu le 5 novembre, le Patriote Français estimait que non seulement 200 hommes, mais quasiment 800 femmes sétaient pressés dans les galeries pour lapplaudir. Ces dernières lassiégeaient tout comme elles le firent au Club des Jacobins. En dépit de son soutien des droits des femmes, le philosophe Condorcet, à présent un Brissotin, expliqua cet engouement en évoquant la vulnérabilité des femmes pour les messies. Dans la Chronique de Paris, il raillait :

Robespierre prêche, Robespierre censure ; il est furieux, grave, mélancolique, exalté à froid, suivi dans ses pensées et dans sa conduite ; il tonne contre les riches et les grands, il vit de peu, et ne connait pas les besoins physiques. Il na quune mission, cest de parler, et il parle presque toujours. [] il a tous les caractères, non pas dun chef de religion, mais dun chef de secte ; il sest fait une réputation daustérité qui vise à la sainteté, il monte sur des bancs, il parle de Dieu et de la Providence, il se dit lami des pauvres et des faiblesple, il se fait suivre par des femmes et les faibles desprit13.

Le médecin écossais, John Moore était daccord pour dire que « léloquence de Robespierre est admirée en particulier par le [beau]200sexe ». Mais en même temps, il remarquait que cet homme acharné avec une « physionomie désagréable » de tigre était reconnu par tous que sa motivation était la popularité et non la cupidité. Cette imagerie trouvait écho chez Louvet, qui était en train de publier une longue et dense version de son discours, attaquant Robespierre personnellement pour son « ambition désordonnée », affirmant quil régnait par la ruse, par la force, par la « terreur », ses yeux parcourant constamment les assistants des réunions du Club des Jacobins14.

La lutte pour la suprématie semait la confusion et la division dans les clubs jacobins à travers le pays, car Roland avait des ressources considérables à sa disposition en tant que ministre de lIntérieur. Robespierre trouva son nom associé à celui de Marat et les affiliés de province le dénonçaient en tant que « misérable » (Cognac), et ses « vomissements » (Villeneuve-sur-Yonne) comme un signe de « fausse vertu » (Dieppe). Nombreux étaient ceux qui demeuraient loyaux à « lIncorruptible », mais à la fin de lannée, le sentiment pro-brissotin avait clairement prévalu dans les clubs Jacobins de province15.

Robespierre était soutenu par ses relations personnelles. Les Duplay lui apportaient les relations familiales dont il navait jamais pu jouir, et il se peut que le couple plus âgé ait pu remplacer ou du moins compenser labsence dAntoine et Charlotte Buissart. Maurice Duplay était un Jacobin engagé et avait gagné un appel doffre pour lentretien de la menuiserie pour lentretien du Manège où débattait la Convention16. Les soirées de Maximilien étaient égayées par des visites damis, politiciens de renom, tels Desmoulins, le fiancé dÉlisabeth Duplay, Philippe Lebas, Saint-Just, lartiste Jacques-Louis David et Couthon. Il y en avait dautres moins connus, tels Lohier, lépicier des Duplay, le docteur de Robespierre, Souberbielle, un cordonnier dArras nommé Calandini et Didier, un serrurier qui vivait juste à côté. Parfois Lebas chantait quelques vers dun opéra italien ou Robespierre récitait un poème favori 201de Corneille ou de Racine ou bien un passage de Rousseau. Il y avait aussi des soirées de temps à autre au Théâtre Français. Maximilien avait ramené son chien Brount dArras en novembre 1791 et avait pris lhabitude de le promener au Champs-Elysées en compagnie de certains membres de la famille Duplay. Il avait de laffection pour le neveu des Duplay, Simon, qui avait été blessé à la bataille de Valmy et boîtait avec sa jambe de bois. Durant ses rares jours de repos, Robespierre emportait un sac de ses oranges favorites et promenait Brount dans la campagne autour de la capitale, souvent avec Françoise Duplay, ou partageait un repas avec des parents de cette dernière près de Choisy17.

Augustin et Charlotte, qui avaient suivi Maximilien dArras, ont dabord vécu avec lui chez les Duplay, où Charlotte sest senti étouffée par la dévotion dévorante des femmes qui entouraient Maximilien. « Je cherchais à lui faire comprendre que, dans sa position, et occupant un rang aussi élevé dans la politique, il devait avoir un chez-lui. » Il a finalement accepté et sest installé avec Charlotte dans un logement avoisinant, rue Saint-Florentin. Cest dans cet appartement que Maximilien est tombé malade après le discours du 5 novembre : il na plus parlé devant la Convention jusquau 30 du même mois. Aucun détail de cette maladie na frappé Charlotte, si ce nest quelle « navait rien de dangereux ». Quarante ans plus tard, elle se souviendrait encore de la scène qui avait éclaté quand Françoise Duplay leur avait rendu visite et lavait trouvé alité. À léternel regret de Charlotte, il céda et sen retourna chez les Duplay : « ils maiment tant, me disait-il, ils ont tant dégards, tant de bontés pour moi, quil y aurait de lingratitude de ma part à les repousser. » Charlotte en a ressenti une grande rancune et les deux femmes sont entrées en lutte pour laffection de Maximilien. Françoise aurait renvoyé les confitures et les fruits confits préparés avec amour par Charlotte, avec un message expliquant quelle ne voulait pas empoisonner le grand homme18.

Robespierre avait également dautres nouveaux amis. En janvier 1792, il avait reçu la lettre dun drapier parisien, François-Pierre Deschamps. 202Avec un éloge flattant le zèle et la probité de lincorruptible homme de loi, Deschamps demanda à Robespierre sil voulait bien accepter dêtre le parrain de son fils, quil allait baptiser du nom de Maximilien. Il y consentit, et, au baptême, se prit damitié pour la famille et la marraine, Rosalie Vincent, qui, tout comme la mère de lenfant Catherine, venait du village de Fontenay-aux-Roses au sud de Paris. En février 1793, Deschamps est devenu membre du Comité de lagriculture et du commerce et reçut un contrat pour lhabillement de larmée. Il utilisa ses gains pour louer une ancienne demeure de seigneur à Maisons-Alfort. Il y installa Catherine et Rosalie et il semble y avoir aussi personnellement reçu Robespierre. Ils firent également des visites aux Duplay, Rosalie lui apportant un pot de lait caillé19.

Les adversaires de Robespierre, ainsi que certains historiens, affirmèrent plus tard quil sétait construit, dans le salon de la maison Duplay, un mausolée de toutes les statuettes, portraits et autres objets qui lui étaient envoyés en hommage. Cette affirmation na pas été faite de son vivant et dautres preuves semble indiquer que sa chambre, au moins, était sobrement meublée et débordait plutôt de livres et de papiers20. Il serait en effet surprenant que Robespierre se soit construit un mausolée à sa gloire étant donné son implication dans le décret du Club des Jacobins contre les bustes des hommes vivants dans sa salle.

Il y avait, toutefois, certains bustes de morts au Club des Jacobins. Les restes de Mirabeau avaient été déposés au Panthéon en avril 1791 à linstigation de Robespierre et son buste était exposé au Club. Les tractations secrètes de Mirabeau avec la cour nont été découvertes quen novembre 1791, et le 5 décembre 1792 la Convention reçut un nombre 203de documents saisis aux Tuileries qui compromettaient encore davantage la mémoire de Mirabeau. Cette soirée-là au Club, Duplay, le logeur de Robespierre, demanda que la Société retire le buste de Mirabeau. Robespierre soutint cette motion et ajouta que lon fit de même pour le buste dHelvétius, le « persécuteur » de Rousseau : « je ne vois de tous ces bustes que ceux de Brutus et de Rousseau qui soient dignes de paraître au milieu de nous. » Les bustes de Mirabeau et dHelvétius ont été arrachés de leurs piédestaux et brisés en mille morceaux. Ce nétait pas la première fois que Robespierre ait pris ombrage à ce quil percevait comme des affronts de la presse – il blâma Louis-Marie Prudhomme, éditeur des Révolutions de Paris, le 15 décembre 1792, davoir rappelé à ses lecteurs que la décision dhonorer Mirabeau au Panthéon avait été prise à son instigation21.

Ce qui loffusquait davantage dans larticle de Prudhomme était la déclaration que les idées de Robespierre nétaient pas si différentes de celles du maire de Paris, Jérôme Pétion. Une année après avoir été ravi de pouvoir dîner avec Pétion, le soir de son retour dArras le 28 novembre 1791, leur amitié était en lambeaux et Pétion dénonçait publiquement son ami. Ne pouvant prononcer un discours quil avait préparé pour soutenir Louvet pendant le débat du 5 novembre, Pétion décida de le publier :

Le caractère de Robespierre explique ce quil a fait : Robespierre est extrêmement ombrageux et défiant ; il apperçoit partout des complots, des trahisons, des précipices. Son tempérament bilieux [] ne pardonnant jamais à celui qui a pu blesser son amour propre, et ne reconnaissant jamais ses torts ; [] voulant par-dessus tous les faveurs du peuple, lui faisant sans cesse la cour [] a pu faire croire que Robespierre aspirait à de hautes destinées, et quil voulait usurper le pouvoir dictatorial22.

Dans son numéro du 30 septembre 1792 de Lettres à ses commettans, Robespierre répondit par une longue critique acerbe du malaise ressenti par Pétion face aux actions révolutionnaires des sans-culottes le 10 août, et déclara que la déception que la popularité de Robespierre inspirait à Pétion avait mené ce dernier à siéger comme député dEure-et-Loir avec Brissot :

204

Plutôt que de souffrir laffront de la priorité accordée à un autre citoyen, vous avez mieux aimé être choisi le troisième à Chartres, que le second à Paris. [] Pour moi, javoue mes torts ; et quoiquau dire de ceux qui sont le plus à portée den juger, je sois aussi facile, aussi bonhomme dans la vie privée, que vous me trouvé ombrageux dans les affaires publiques ; quoique vous en ayiez long-tems fait lexpérience, et que mon amitié pour vous ait survécu long-tems aux procédés qui offensoient les plus mes principes.

Les hommes de la Convention étaient imprégnés par les leçons du passé, surtout celles de lantiquité classique, et Robespierre excellait dans son usage de parallèles historiques. Les grands héros de lhistoire avaient été Agis de Sparte, Caton, Marcus Brutus, Algernon Sidney et « le fils de Marie ». Pétion en revanche était tombé sous lemprise de La Fayette et ne serait jamais un héros : « vous savez combien defforts il vous a fallu pour arracher le bandeau que [lestime] avois mis sur mes yeux. » Lamitié et lalliance politique étaient révolues23.

Lhabitude des députés jacobins de sasseoir ensemble sur le côté gauche des gradins du haut à la Convention leur avait acquis le qualificatif de la « Montagne ». La tension avec les Brissotins – à présent souvent appelés les « Girondins » car certains de leurs personnages clés venaient de Bordeaux – sétait aussi répandue dans les rues. La première, longtemps attendue des Amis des Lois de Jean-Louis Laya au Théâtre Français, le 2 décembre, provoqua des bousculades entre les spectateurs et les agents de la Commune de Paris, déterminés à fermer le théâtre. Dans la pièce, Robespierre y était dépeint comme un malveillant Nomophage (qui rejette la loi) démasqué par un vertueux ancien aristocrate24.

Le lendemain, Robespierre prononçait son premier discours sur le sort de Louis XVI, à présent jugé pour trahison par la Convention. Comme son nouvel ami Saint-Just, il prétendait que la Constitution de 1791, dans laquelle la personne du roi était inviolable, nétait plus valide car Louis XVI lui-même lavait violée, et, que de ce fait, le peuple ayant déjà déclaré Louis XVI coupable, la Convention devait simplement décider de sa punition et ne pas le juger25.

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A quelle peine condamnerons-nous Louis ? [] Pour moi, jabhorre la peine de mort prodiguée par vos lois ; et je nai pour Louis ni amour ni haine ; je ne hais que ses forfaits. Jai demandé labolition de la peine de mort à lassemblée que vous nommez encore constituante [] cette cruelle exception aux lois ordinaires que la justice avoue ne peut être imputée quà la nature de ses crimes. Je prononce à regret cette fatale vérité… mais Louis doit mourir, parce quil faut que la patrie vive.

Le raisonnement de Robespierre avait peu de partisans et lidée directrice de largument jacobin, au cours dun débat dramatique et éloquent, se basait sur le fait quépargner Louis XVI serait dadmettre sa nature sacrée : pour eux, Louis Capet était un citoyen coupable de trahison26. Les Girondins, au contraire, cherchaient à apaiser le reste de lEurope par une sentence dexil ou la miséricorde. Le 27 décembre, les députés girondins proposèrent que la question finale du sort de Louis XVI soit livrée au plébiscite populaire (un appel au peuple) : « Le jugement de la Convention nationale contre Louis Capet sera-t-il soumis à la ratification du peuple ? » Dans son journal, Robespierre attaquait Vergniaud, Gensonné, Brissot et Guadet sur leur proposition de plébiscite : « le peuple sest déjà prononcé deux fois sur Louis. » Étant donné leur passé de méfiance pour la démocratie populaire, les Girondins se retrouvaient en terrain hasardeux en faisant un appel au peuple. Comme Robespierre lavait noté dans une lettre ouverte à ses adversaires en début janvier : « que dis-je ? parodier la souveraineté, en la poussant aux derniers excès de la démocratie absolue ; telle quelle nexista jamais chez aucun peuple, pas même à Sparte ni à Athènes27. » La Convention devait agir pour le peuple.

La tension à la Convention était palpable et quand elle éclatait en une antipathie déclarée, Robespierre en était la cible favorite. Le 6 janvier 1793, les Girondins ont tenté sans succès de faire cesser la permanence des sections parisiennes en tant quinstrument révolutionnaire, qui menaçaient lordre public. Quand Robespierre a tenté de parler, a rapporté la Gazette nationale, il y eut :

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Les cris : À l ordre ! à la censure ! à l Abbaye ! – Plusieurs membres l apostrophent avec violence. – Les sarcasmes, le bruit des altercations particulières, retentissent d un bout à l autre de la salle. – Peut-on traiter ainsi, sécrie un membre, le ministre honnête questime la France ! (Les éclats de rire dune soixantaine de membres de lune des extrémités couvrent cette exclamation.) []Chambon : Ah, Robespierre ! Nous ne craignons pas tes poignards28.

Dans la soirée du 16 janvier, lappel nominal a commencé par la question « Quelle peine sera infligée à Louis ? » Robespierre a été le premier de la délégation de Paris à voter, argumentant à nouveau quil ny avait aucune contradiction entre sa position précédente sur la peine capitale et son vote pour la mort, sans délai29. Le 18, le président proclama le résultat du scrutin : des 749 représentants (dont 28 étaient absents ou nont pas voté), 387 ont voté pour la mort sans conditions, 334 pour dautres sentences. Louis XVI est allé à léchafaud le 21 janvier, avec calme et courage. Son exécution marqua un tournant dans la Révolution : non seulement cela avait créé un gouffre infranchissable entre les républicains et les royalistes, mais lévénement entraina toute lEurope en une guerre avec la France.

Les attaques de la droite sur Robespierre se sont multipliées. Une pièce royaliste a été publiée en mars 1793 en répétant laccusation selon laquelle il avait une parenté avec Damiens. Labbé Claude Fauchet, évêque constitutionnel du Calvados et membre de la Convention, autrefois renommé pour son radicalisme social, mais fermement monarchiste après 1791, sest aussi rangé contre Robespierre : « Qui régnera sur moi ? Est-ce la vipère dArras, le rejeton de Damiens, cet homme que son venin dessèche, dont la langue est un poignard et dont le souffle est du poison30 ? » Dautres étaient en désaccord. En février 1793, Maximilien, Augustin et Charlotte sont allés dîner avec la famille de Marc-Antoine Jullien, un député jacobin de la Drôme. Rosalie Jullien, une admiratrice du journalisme de Robespierre, écrivit à son fils quil :

a été aussi étranger à la journée du dix août quà celle du 2 septembre. Il est propre à être chef de parti comme à prendre la lune avec les dents. Il est 207abstrait comme un penseur, il est sec comme un homme de cabinet mais il est doux comme un agneau et sombre comme [le poète anglais Edward] Young. Je crois quil na pas notre tendre sensibilité et quil veut le bien de lespèce humaine plus par justice que par amour31.

La polarisation furieuse des attitudes envers Robespierre personnifiait les divisions plus larges au sujet de la Révolution. Avec lentrée de lAngleterre, puis de lEspagne dans la guerre, qui suivirent lexécution de Louis XVI, la survie de la Révolution elle-même était en jeu. Le directeur de ladministration à Arras, ancien secrétaire de lAcadémie, Ferdinand Dubois, écrivit à Robespierre, en début 1793, au sujet de la lutte terrifiante dans laquelle la liberté et le despotisme étaient impliqués. Robespierre était daccord. Comme il la exprimé dans Lettres à ses commettans :

Le salut de la république tient à deux choses,

1. au triomphe de la liberté au-dedans,

2. aux événemens de la guerre.

Il y a entre lun et lautre de ces deux objets, une relation intime [] Le succès ou la fin de la guerre dépend moins de la grandeur de nos préparatifs et du nombre des soldats que nous mettrons sur pied, que de lesprit du gouvernement et des principes républicains qui règneront sur nous32.

Dans une telle situation les différences politiques sont rapidement prises pour des intérêts de « faction ». Il sagissait dune des accusations les plus sérieuses, car ceux quelle impliquait fragmentaient lunité de la nation. Robespierre insistait sur la liberté de la presse et de lopinion et tentait de faire une distinction entre linimitié personnelle et les questions de principe. Cependant, alors que la situation militaire devenait plus critique, les divisions sur la politique et léconomie se durcissaient en une bataille autour dune décision dont lissue était cruciale : qui serait le représentant de la volonté collective ?

La question des troubles populaires et de ses causes occupait le cœur du conflit entre les Jacobins et les Girondins. En novembre 1792, Robespierre cibla léminent girondin Marc-David Lasource, qui « prétend quune révolution ne doit point coûter une goutte de sang ; et lorsquil 208coule, il impute ce malheur, non aux tyrans, mais aux anarchistes et aux agitateurs ». Le 30 novembre, la Convention entendit un inquiétant rapport, certifié par les administrateurs locaux, concernant la crise agricole en Eure-et-Loir. Ceux-ci étaient soumis à la pression populaire qui leur demandait dimposer des prix fixes. La Convention avait essayé dévaluer quelles pouvaient être les raisons relatives à ces troubles. Sur ces entrefaites Robespierre déclara, le 2 décembre :

nul homme na le droit dentasser des monceaux de bled, à côté de son semblable qui meurt de faim. Quel est le premier objet de la société ? cest de maintenir les droits imprescriptibles de lhomme. Quel est le premier de ces droits ? celui dexister. La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens dexister ; toutes les autres sont subordonnées à celle-là33.

Mais Robespierre ne défendait pas le contrôle unilatéral de lapprovisionnement de céréales ou du marché ; il ne préconisait pas non plus la redistribution forcée de la propriété. Les fermiers devaient non seulement recevoir « le prix de leur industrie », ils devaient aussi pouvoir vendre tout surplus au-delà des besoins sur le marché libre. Avant tout, la manière la plus sûre de garantir la subsistance était de faciliter le libre mouvement des marchandises : « favorisez donc la libre circulation des grains, en empêchant tous les engorgemens funestes ». Néanmoins, les Girondins avaient réussi à convaincre la Convention de rétablir la loi martiale déjà introduite en octobre 1789, puis suspendue en août 1792. Selon les mots de Robespierre, « ils voulaient la liberté illimitée du commerce, et des baïonnettes pour calmer les alarmes ou pour apaiser la faim34. »

Robespierre avait réifié le « peuple » dans lexpression la plus pure du bien général, en dépit des excès daoût-septembre 1792. Sa position ferme et consistante au nom du peuple en 1789-1792 lui avait procuré un soutien profond, voire une adulation, pendant quil se trouvait dans lopposition. Néanmoins, quand les Jacobins sont devenus le pouvoir dominant à la Convention, début 1793, il était devenu plus difficile 209dexcuser toutes les actions populaires contre lautorité. Comme il lavait fait depuis 1789, Robespierre identifiait ceux qui pervertissaient lopinion publique et qui étaient à lorigine de la malveillance de certains troubles populaires. À présent, ceci était évident, même à Paris.

Le 12 février, des pétitionnaires à la Convention ont demandé quune règlementation des prix soit imposée. Robespierre dit au Club des Jacobins cette soirée-là, « il y a dans le cœur du peuple un sentiment juste dindignation. Jai soutenu au milieu des persécutions, et sans appui, que le peuple na jamais tort. » Au même moment, il sinquiétait que les troubles populaires à Paris se concentrent sur les produits de ravitaillement comme le café, le sucre et le savon, à une période où le pain était relativement abondant, et il se demandait si cela ne faisait pas le jeu des aristocrates :

je ne vous dis pas que le peuple soit coupable [] mais, quand le peuple se lève, ne doit-il pas avoir un but digne de lui ? mais de chétives marchandises doivent-elles loccuper ? [] Le peuple doit se lever, non pour recueillir du sucre, mais pour terrasser les brigands.

On demanda à Robespierre de rédiger une lettre aux affiliés de province. Cette fois-ci, il était certain que les forces maléfiques derrière les troubles, en particulier « lor de Pitt » étaient les vrais coupables. Navait-on pas entendu des cris de « Vive Louis XVI ! » résonner ; les fauteurs de troubles navaient-ils pas ciblé les commerçants patriotiques plutôt que ceux en sympathie avec La Fayette35 ?

Mais il était tout aussi préoccupé à cibler ceux qui sétaient servi des troubles pour vitupérer contre lanarchie parisienne, quà reconnaître combien il était important dagir. Pourquoi les Girondins ne critiquaient-ils pas les troubles en province plutôt que ceux de Paris : « est-ce quil a enfanté la République, et conduit le tyran à léchafaud ? eh ! qui peut en douter ? » En tous les cas, il était profondément méfiant sur les motivations de cet « attroupement de femmes, conduits par des valets de laristocratie, par des valets déguisés ». Selon lui, deux solutions se profilaient. Lune était la répression des contre-révolutionnaires, parmi lesquels, il incluait maintenant les « agioteurs ».

210

Le second moyen : cest de soulager la misère publique. Les troubles ne peuvent devenir redoutables, que lorsque les ennemis de la liberté peuvent faire retenir les mots de disette ou de misère aux oreilles dun peuple affamé ou désespéré. [] Faisons des lois bienfaisantes, qui tendent à rapprocher le prix des denrées de celui de lindustrie du pauvre36.

Le pouvoir détenu par Roland en tant que ministre de lIntérieur qui diffusait non seulement des instructions et des nouvelles, mais une interprétation particulière des événements vers les provinces, restait en travers de la gorge de Robespierre et des autres Jacobins. Vers la fin novembre 1792, Robespierre avait critiqué une action de Roland, celle de saisir des documents distribués par la poste. Il considérait cela comme une atteinte à la liberté de la presse. Mais lentrée de lAngleterre et de lEspagne dans la guerre changea la donne – on était dans une guerre européenne à la mort, qui nécessitait des mesures durgence telles que le contrôle sur la liberté de la presse et la liberté dexpression. « Voilà notre état. Quel est le moyen den sortir ? » demandait Robespierre en nommant les éditeurs des principaux journaux royalistes, lAmi du Roi, la Gazette de Paris et Journal Général de la Cour et de la Ville.

Cest de vouer au mépris public tous les fripons que je vous dénonce. Dites-moi dans quelle république on peut usurper le droit de diffamer les patriotes dans le moment où ils sont menacés de toute part ? [] dites-moi sur quel régime, en quel tems ne doivent-ils pas être dénoncés, être punis comme des criminels de lèse-nation ? Mais il était préparé à « braver la faction : elle pourra massassiner37. »

Dès la seconde semaine de mars, la situation militaire dans le nord-est devenait désespérée. La survie de la jeune République était en jeu. Le problème, annonçait Robespierre, était quen une année où il faut « voye périr tous les tyrans ; il faut quelle voye la liberté saffermir sur les débris de toute espèce de tyrannie », leffort de guerre était souvent sapé dans la mère patrie. Mais si les lois durgence créaient la nécessité de cibler des conspirateurs, qui étaient-ils ? Robespierre, largement applaudi, en fit une explication claire aux Jacobins : « ces 211auteurs décrits tendant à désigner les fervents, les vrais amis de la liberté, comme des anarchistes ; écrits propres à semer la guerre civile, à faire élever des forces particulières dans les départemens, à inviter au fédéralisme. » Quelques jours plus tard, la Convention reçut la nouvelle de la défaite de Dumouriez à Neerwinden et Robespierre déclara quil était impératif que la Convention prenne des mesures draconiennes contre les ennemis internes : « le moment est arrivé de sauver lÉtat. [] nous ressemblions trop aux Athéniens légers, indifférens, présomptueux, qui dormoient au son des fers que lon faisait retentir à leurs oreilles38. »

Pendant que Robespierre exprimait publiquement son espoir, que lexécution de Louis XVI serait la dernière exécution capitale prononcée par la Révolution, les dés étaient jetés – Dumouriez était passé à lennemi le 5 avril. Robespierre prescrivait à présent la peine capitale comme juste châtiment pour « tout attentat contre la sûreté générale de lÉtat ; la Liberté, lÉgalité, lunité et lindivisibilité de la République ». Comment la République pouvait-elle sattendre à ce que ses soldats tuent ou soient tués par les ennemis extérieurs de la France pendant que sur le sol de la mère patrie, les ennemis internes pouvaient lattaquer sans impunité ? Une allusion à Dumouriez, qui, avant sa désertion, avait ciblé les sans-culottes et les Jacobins dans une lettre ouverte à la Convention, tout comme ses alliés Girondins le faisait quotidiennement39.

Le Tribunal révolutionnaire avait fermé ses portes le 29 novembre, au début du procès du roi. À présent, fin février, Danton demandait sa réintroduction après avoir vu de ses propres yeux létat de la guerre dans le nord-est. Les tribunaux pénaux, avec des jurys établis en 1791, connaissaient une amélioration spectaculaire en ce qui concernait la transparence, léquité et les punitions infligées aux coupables, mais le taux dacquittement dans les procès de délits politiques, y compris les rébellions armées, était très élevé, que ce soit en raison de la sympathie publique pour les accusés, ou la préoccupation que les châtiments obligatoires fussent par trop sévères. Comme la plupart des membres de la Convention, Robespierre hésitait avant daccepter la nécessité 212dun nouveau Tribunal révolutionnaire, où la peine capitale serait le châtiment pour les crimes attentant à la sécurité de létat40. Le fait de soustraire ces procès à la compétence de tribunaux pénaux marquait une réorientation majeure dans les usages révolutionnaires précédents.

Pendant que la situation militaire se détériorait dans le nord-est, Robespierre lança un appel à la Convention pour déléguer un cabinet durgence qui représenterait tous les groupes. Le 25 mars, un Comité de salut public de vingt-cinq membres fut établi et les pouvoirs policiers, délégués à un Comité de sûreté générale. Tous deux devaient être réélus chaque mois41.

Le 24 février, la Convention ordonna la levée de 300 000 hommes. À louest, cela provoqua une rébellion armée et les premiers épisodes sanglants de la guerre de Vendée42. Éclatant comme elle la fait dans des temps désespérés pour la jeune République, linsurrection était considérée par les Jacobins comme un coup de poignard dans le dos au moment où la République traversait sa plus grande crise. Début mai, les progrès accomplis par les insurgés vendéens menèrent la Convention à recruter une armée durgence à Paris. Sous les applaudissements répétés, Robespierre argumenta, au Club des Jacobins que, par ses actions, linsurrection vendéenne était un détachement de larmée autrichienne commandée par le prince de Saxe-Cobourg :

Je déclare quil faut non seulement exterminer tous les rebelles de la Vendée, mais encore tout ce que la France renferme de rebelles contre lhumanité et contre le peuple. [] Il nexiste que deux partis, celui des hommes corrompus et celui des hommes vertueux. Ne distinguez pas les hommes par leur fortune et par leur état, mais par leur caractère. Il nest que deux classes dhommes : les amis de la liberté et de légalité, les défenseurs des opprimés, les amis de lindigence et les fauteurs de lopulence injuste et de laristocratie tyrannique. Voilà la division qui existe en France43.

213

En définitive, les pertes de la guerre civile enlevèrent plus de 200 000 vies des deux côtés, un nombre semblable à celles occasionnées par les guerres extérieures de 1793-1794. La nature particulièrement brutale des tueries perpétrées par les deux côtés devait graver des haines profondes dans les mémoires de tous les participants.

Le 17 avril, on apprit que les troupes espagnoles avaient franchi les Pyrénées et étaient entrées dans le Roussillon et au Pays basque. La jeune République en péril était entourée de toutes parts. La situation militaire de plus en plus désespérée mettait en danger ceux qui avait préconisé la guerre ou attaqué la République. Marie-Antoinette et sa famille étaient particulièrement vulnérables, mais les Girondins létaient aussi, surtout lorsque leur allié Dumouriez déserta pour se joindre à lennemi.

Les Girondins avaient été extraordinairement ineptes, car pendant que la crise militaire empirait de manière dramatique et que les rangs de linsurrection vendéenne grossissaient, devenant de plus en plus menaçante, ils se mirent en quête de boucs émissaires parmi les sans-culottes et dans la capitale elle-même, évoquant les méthodes du duc de Brunswick. Pendant que Pétion en appelait aux Parisiens nantis à sortir « enfin de de votre léthargie et faites rentrer ces insectes vénéneux dans leurs repaires », Robespierre regrettait que le peuple « nest pas encore recueilli les fruits de ses travaux44 ». Les Girondins ont lancé leur campagne contre Robespierre et Marat, attaquant le radicalisme parisien et « lanarchie » au moment le moins opportun. Ainsi, pendant que leurs dirigeants décidaient que Paris était le problème, leur proche allié Dumouriez avait déserté et la Vendée sétait insurgée.

Les Jacobins navaient jamais clairement atteint la majorité à la Convention – les estimations varient entre 215 à 300 des 750 députés – mais dès le printemps, un nombre égal de députés « neutres » (tels Grégoire, Barère et Carnot) ont commencé à les soutenir. Le 5 avril, un nouveau Comité de salut public de neuf membres a entièrement exclu les députés girondins : la Convention avait basculé en faveur des Jacobins. Le Comité agit pour superviser larmée grâce à des « députés en mission ». Il passa des décrets prononçant la mort civile des émigrés, organisant un secours public et plaçant sous contrôle le prix du pain 214(4 mai). Dans les provinces également, le soutien de la majorité avait basculé en faveur de Robespierre et de la Montagne au sein du réseau des Clubs de Jacobins après le procès du roi, la désertion de Dumouriez et le prosélytisme énergique de 82 députés en mission, principalement jacobins, envoyés par la Convention en mars. Dès mai, les trois cinquièmes des clubs de province étaient en faveur des Jacobins, surtout dans le nord, le sud-est et le centre45.

Au milieu de la crise militaire, la Convention avait aussi dû tourner son attention vers lélaboration dune nouvelle constitution républicaine. Elle avait décidé que ceux des députés qui étaient aussi des éditeurs de journaux devaient choisir entre cette profession et leur mandat parlementaire. Dans ce qui serait le dernier numéro de Lettres à ses commettans, Robespierre a publié sa propre version dune nouvelle Déclaration des droits de lhomme et du citoyen quil a lue devant le Club des Jacobins enthousiaste le 21 avril. La Déclaration était marquée par la réaffirmation de son internationalisme – les droits de lhomme était « le code universel de toutes les nations » et « les hommes de tous les pays sont frères, et les différents peuples doivent sentraider » – mais il a prévenu que ceux qui faisaient la guerre pour asservir les autres – cest-à-dire la coalition – devaient être traités comme des « comme des assassins et comme des brigands rebelles46 ».

La Déclaration était lassertion la plus claire de Robespierre sur les fondements dun régime politique républicain, une fois la guerre gagnée :

1. Le but de toute association politique est le maintien des droits naturels et imprescriptibles de lhomme, et le développement de toutes ses facultés.

2. Les principaux droits de lhomme sont ceux de pourvoir à la conservation de lexistence et la liberté.

Tout comme la Déclaration de 1789, elle garantissait « le droit de sassembler paisiblement, le droit de manifester ses opinions, soit par voie de la presse, soit de toute autre manière ». Seulement avec « la présence, ou le souvenir récent du despotisme » pouvait-il être nécessaire de 215restreindre les libertés pour le salut de la nation. En contraste, toutefois, la Déclaration de 1793 définissait un modèle distinctement jacobin de protection sociale et de limites à la propriété :

7. Le droit de propriété est borné comme tous les autres, par lobligation de respecter les droits dautrui. []

10. La société est obligée de pourvoir à la subsistance de tous ses membres, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens dexister à ceux qui sont hors détat de travailler. []

13. La société doit favoriser de tout, son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre linstruction à la portée de tous les citoyens.

La souveraineté populaire devait être lexpression dune volonté générale unifiée, une transformation démocratique du postulat de lancien régime où le roi personnifiait le royaume. Robespierre sétait également donné pour tâche de clarifier la relation entre le peuple souverain et le droit à la révolte, ainsi quentre le peuple et ses représentants, en termes très rousseauistes. Dun côté, les lois devaient être la libre expression de la « volonté du peuple » (article 15) et les citoyens devaient obéir à ceux qui étaient chargés de leur mise en œuvre. De lautre, toutefois, le peuple pouvait non seulement changer de gouvernement mais pouvait aussi rappeler ses représentants (14). Le droit de résister à loppression était garanti, en effet, « lorsque le Gouvernement viole les droits du Peuple, linsurrection est pour le Peuple et pour chaque portion du Peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs (29). »

La Déclaration de 1789 avait comme but ultime la jouissance des libertés individuelles « ímprescriptibles » ; maintenant celle de 1793 voyait comme objectif la jouissance du « bonheur commun ». Bien que les deux déclarations admissent que la mise en œuvre de leur but principal était limitée par le respect des droits légaux des autres, il y avait une différence frappante entre elles. Celle-ci résidait au cœur du projet révolutionnaire de Robespierre et des autres Jacobins. Car le « bien-être général » nétait pas seulement la somme des bonheurs individuels, mais plutôt la santé et lharmonie de la société en général. Au cœur de la nouvelle version de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen et de la Constitution de 1793 était intégrée une réalisation : celle doffrir des occasions sans limites à ceux qui avaient du talent risquait de créer une nouvelle méritocratie pour ceux déjà munis davantages préexistants. Seule la garantie que le peuple aurait les moyens sociaux 216de réaliser ses talents à travers laide sociale et léducation pourrait donner corps à une véritable égalité des chances. Il sagissait-là de la plus grande contribution de Robespierre à la richesse idéologique de la Révolution. Cela ne pouvait être réalisé, argumentait Robespierre de manière répétée, dans une société où résidait un contraste entre les très riches et les très pauvres : cétait la raison pour laquelle le premier de tous les droits était celui de lexistence, et la raison pour laquelle il était hostile à la grande richesse et au capitalisme financier en particulier. Sa société idéale était proche de celle des sans-culottes et des paysans, où les familles vivaient dans un confort modeste basé sur leur labeur en tant quartisans ou agriculteurs. Le rôle de létat – « société » – était dassurer que tous aient la garantie dune juste part grâce à des droits à léducation, à la protection sociale et à la participation. Si la liberté devait être limitée par la nécessité de respecter la liberté dautrui, la propriété le serait aussi, par une taxation progressive, par exemple.

Bien que les opinions de Robespierre concernant la démocratie sinspiraient fortement de Rousseau, et en particulier du Discours sur lorigine et le fondement de linégalité parmi les hommes et du Contrat social, sa vision de la politique, de la société et des impulsions nécessaires pour réaliser lidéal rousseauiste était également fortement influencée par sa lecture de lidéal spartiate. Il était influencé par son admiration pour Sparte et son idée de lÊtre suprême, lapplication limitée de la peine capitale plutôt que lopprobre publique, et labsence de récompenses en dehors de lhonneur de laccomplissement47. En dépit de sa fascination pour la description de Plutarque de la Sparte de Lycurgue et de son égalité forcée sur la propriété terrienne, il était néanmoins intransigeant dans son opposition à la « loi agraire », appliquée à la propriété rurale ou à la restriction de la manufacture ou du commerce. Les contrôles de léconomie étaient essentiels à leffort de guerre et pour assurer une sécurité aux pauvres, mais les nantis ne pouvaient être pénalisés par la loi que si leurs activités se révélaient antisociales ou illégales. Il ne voulait pas « jeter la République française dans le moule de Sparte ». Comme il le disait, « il sagit bien plus de rendre la pauvreté honorable, que de proscrire lopulence ; la chaumière de Fabricius na rien à envier 217au palais de Crassus. » Le comportement vertueux devait à la fois créer et soutenir la République idéale et non la vente en gros par saisie de la propriété et la redistribution. Sur cette question, il y avait une tension continue avec les plus militants des sans-culottes, quelle que soit la similitude générale de leurs perspectives sociales48.

Seules les institutions républicaines pouvaient assurer la régénération du peuple et le protéger de la tyrannie de ceux dont le pouvoir et la richesse était disproportionnés, quils soient fonctionnaires, employés ou politiciens. Même la chambre à la Convention devait être plus « démocratique ». Robespierre regrettrait que le Manège ne permette la présence de quelques centaines de spectateurs seulement, et avait proposé un endroit susceptible daccueillir 12 000 personnes, de plain-pied avec les députés. Le 10 mai, la Convention transféra ses séances du Manège à la vaste « salle des Machines » du théâtre des Tuileries. Il ne sagissait plus dune chambre de débats à deux côtés, mais plutôt un amphithéâtre en demi-lune construit pour abriter quatre mille personnes. Ceci était loin de lidéal de Robespierre, et de plus, lacoustique rendait un discours en public quasiment impossible49. Ses alliés dans la presse et son réseau de correspondants étaient plus essentiels que jamais.

Le 10 mai 1793, la Convention adopta le préambule et lArticle 1 de la nouvelle Constitution : « La République française est une et indivisible. » Robespierre prononça ensuite un discours majeur sur le contexte et les objectifs de cette nouvelle charte, se faisant lécho de Rousseau. « Lhomme est né pour le bonheur et pour la liberté, et partout il est esclave et malheureux, » regrettait-il. Sil y avait une cause majeure pour la lutte qui avait incité la Révolution à changer la société, elle résidait dans un préjudice social endémique : « faut-il donc sétonner se tant de marchands stupides, si tant de bourgeois égoïstes conservent encore pour les artisans ce dédain insolent que les nobles prodiguaient aux bourgeois et aux marchands eux-mêmes50 ? »

218

Arrivé début mai 1793, Robespierre ressentait à nouveau les effets physiques et mentaux liés à une surcharge de travail et de stress. En écrivant à son ami François-Victor Aigoin à Montpellier, il admettait que :

Jai été à la fois indisposé et extrêmement occupé. [] Gardez-vous, mon ami, de douter jamais de ma tendre amitié. Après la patrie, je naime rien autant que les hommes qui vous ressemblent. [] Aiés courage, et que votre civisme même vous console des persécutions quil vous a attirés. Comtés sur mon tendre dévouement, mais aiés quelquindulgence pour létat de lassitude et daccablement où mes pénibles occupations me mettent quelques fois51.

Mais cétait sans répit, car les sans-culottes militants prétendaient à présent – comme dans la version de la Déclaration des droits de Robespierre – quils avaient le droit de rappeler les députés non-patriotes. Ils désiraient une vengeance contre les dirigeants girondins.

Comme les députés montagnards étaient les plus à même dêtre absents de la Convention, dêtre en mission militaire ou autre, il était possible aux Girondins dutiliser la Convention à leurs fins dès quils le pouvaient. Le 12 avril, lors dun débat sur la libération de ceux incarcérés pour non-paiement de dettes, le ministre de la Justice, Pétion, avait dévié du sujet en menaçant quil « est tems que les traîtres et les calomniateurs portent leurs têtes sur léchafaud ; et je prends ici lengagement de les poursuivre jusquà la mort, » incluant Robespierre de toute évidence. Quand ce dernier a interjeté en lui demandant « réponds aux faits ! », Pétion a promis que « cest toi que je poursuivrais ». En réalité, Marat était la cible des Girondins ce jour-là : ils votèrent à 226 voix contre 93 pour laccuser. Trois jours plus tard, la Convention fut interrompue par les délégués des sections de Paris avec une pétition en représailles, dénonçant la conduite de vingt-deux députés girondins notoires52.

Fin décembre 1792, Robespierre intervint dans le débat de la Convention sur limmunité des députés, en réponse à la demande populaire parisienne que les députés anti-patriotiques girondins soient remplacés53. Pour 219Robespierre, seul le « peuple » pouvait rappeler les députés et seulement après une procédure établie ; la Convention elle-même ne pouvait pas renvoyer des députés : « chaque député appartient au peuple, et non à ses collègues ». En conséquence, il sétait dûment opposé à laccusation de Marat par la Convention en avril. En mars et en avril, Robespierre était catégorique : une insurrection contre les députés girondins – quelle que soit la colère légitime du peuple à leur égard – risquait dexposer « la représentation populaire » et la rendre vulnérable.

Après la manifestation organisée par les Girondins le 1er mai, où les cris de « Vive le roi ! » étaient mêlés, soi-disant, à des cris de « Vive la loi ! », les discussions dans les sections sur une pétition de masse contre les « mandataires malfaisants » sétaient durcies, selon les rapports de police, en un désir « dinsurrection imminente » contre eux54. Arrivé fin mai, Robespierre en était finalement venu à se mettre daccord avec les militants, comme il lavait fait le 10 août 1792. Une motivation immédiate lui fut fournie par la lecture au Club des Jacobins le 26 mai des lettres que Vergniaud avait écrites au peuple de Bordeaux et dans lesquelles il les enjoignait de le venger sil en venait à mourir : « hommes de la Gironde ! Tremblez-vous devant des monstres altérés de sang, dont la scélératesse égale la lâcheté ? Si vous restez dans lapathie, le crime règnera et la liberté sera anéantie ». Aussi inconfortable que Robespierre se soit senti de laisser les sections de Paris régenter lexpulsion des principaux girondins en tant que « mandataires du peuple », il légitimait laction des dîtes sections comme une expression de la « volonté générale » et aussi comme la seule manière de briser limpasse où stagnait la Convention55.

Pendant ce temps-là, les Girondins sétaient embarqués dans une campagne législative et judiciaire pour briser le pouvoir des sections. Le 28 mai, les Girondins avaient encore suffisamment de votes (279 contre 239) pour établir une Commission extraordinaire des Douze pour lancer une investigation sur linsurrection imminente. Pour Robespierre et les autres Jacobins, la question était à présent dévincer les dirigeants girondins sans les expulser tous, en transformant la Convention nationale en une foire 220dempoigne prêtant le flanc à la Commune de Paris. En conséquence, Robespierre sétait opposé au ciblage de tous ceux qui avaient voté contre la mort du roi plutôt que contre les « grands coupables56 ».

Le 31 mai, Barère, au nom du Comité du salut public, présenta un projet de loi mettant les forces armées à la disposition de la Convention et abolissant la Commission extraordinaire des Douze. Les pétitionnaires des quarante-huit sections ont alors envahi la Convention, sasseyant sur les bancs de la Montagne, à lindignation des Girondins. Pendant que Robespierre répondait au projet de Barère, Vergniaud lui lança vertement : « concluez donc ». Robespierre a rétorqué :

Oui, je vais conclure, et contre vous ; contre vous qui, après la révolution du 10 août, avez voulu conduire à léchafaud ceux qui lont faite ; contre vous qui navez cessé de provoquer la destruction de Paris [] contre vous qui avez poursuivi avec acharnement les mêmes patriotes dont Dumouriez demandait la tête [] Eh bien ! ma conclusion, cest le décret daccusation contre tous les complices de Dumouriez et contre tous ceux qui ont été désignés par les pétitionnaires57.

La Convention nationale, grâce à un soutien massif et menaçant, força les députés girondins cités à donner leur démission ou à être expulsés. Finalement, le 2 juin, la Convention vota larrestation de vingt-neuf députés et de deux ministres. Robespierre ne dit rien une fois que les sans-culottes entourèrent la Convention, et se garda dintervenir, plusieurs jours plus tard, sur le nombre de députés à expulser.

Le 6 juin, Barère présenta un rapport sur les journées du 31 mai au 2 juin et sur la manière dont la Convention devait communiquer avec les départements dont les députés étaient en détention, car les principes de souveraineté populaire, si ce nest ceux de la démocratie révolutionnaire, avaient été enfreints. Robespierre nétait pas dhumeur conciliante avec une contre-révolution qui « plonge le fer dans le sein des meilleurs citoyens » et prit la défense de laction des sections. La Convention a subséquemment approuvé la motion de Georges Couthon le 22113 juin, de déclarer à la nation que la Commune de Paris et ses sections avaient effectivement sauvé « la liberté, lunité et lindivisibilité de la République ». Robespierre demanda quun scrutin soit immédiatement lancé et une « large majorité » se montra favorable58.

Buzot, Pétion, Barbaroux et Louvet faisaient partie des dirigeants girondins entrés en clandestinité. La plupart des députés girondins placés en résidence surveillée fuirent la capitale pour rejoindre leurs départements, dont les administrations rejetaient ouvertement lautorité de la Convention nationale et du Comité de salut public59. À ce moment critique de lhistoire de la Révolution, la coïncidence de la défaite militaire sur les frontières et de lexpansion de linsurrection vendéenne signifiait que les actions girondines étaient nécessairement considérées comme contre-révolutionnaires. Non seulement la coalition étrangère massacrerait les révolutionnaires et mettrait fin à la Révolution, mais les Girondins, à présent connus sous le nom de « Fédéralistes », lui livreraient une nation qui sétait désintégrée. Les révoltes fédéralistes ont été considérées comme la preuve ultime de la trahison girondine.

Lun de ceux les plus impliqués dans la purge de la Convention était labbé Jacques Roux, une tête brûlée dont la rhétorique lui a valu lépithète de « prêtre rouge » parmi les militants nommés les « Enragés ». Robespierre navait aucune amitié pour labbé, quil considérait comme animé de vindicte acharnée. Roux parla à la Convention le 25 juin, ciblant « laristocratie commerciale » : « la liberté nest quun vain fantôme quand une classe dhommes peut affamer lautre impunément. » Il fut dénoncé par Robespierre. Roux avait du soutien au sein du Club des Cordeliers et, le 30 juin, Robespierre et Collot dHerbois étaient parmi ceux qui furent délégués par les Jacobins pour assister à une séance du club. Ils ont dû se montrer persuasifs, car Roux et son allié Leclerc ont été expulsés des Cordeliers sur le champ, Collot les accusant du « fanatisme, du crime et de la perfidie60 ». Ce fut une rencontre critique car Robespierre et ses confrères les plus proches insistèrent clairement que la Convention et 222le Comité de salut public, tous deux dominés par les Jacobins, seraient dorénavant les initiateurs de la politique menée : ni le mercantilisme anti-parisien des Girondins, ni les avis sur la redistribution présentés par les Enragés menaçants ne seraient tolérés.

Depuis juin 1789, les révolutionnaires avaient dû faire face au défi crucial de toutes les révolutions : à quel point linsurrection violente qui avait créé, généré et légitimé le changement abrupt devait-elle cesser dêtre lexpression de la volonté générale contre ses oppresseurs ? En dépit de son horreur personnelle de la violence de la révolte, Robespierre avait argumenté quelle était intrinsèque à la révolution : en effet, la Constitution de 1793 garantissait celle-ci comme un droit, voir même un devoir. La conséquence de la purge des dirigeants girondins était pour lui le fait que la Convention et la volonté populaire étaient à présent en accord et que la menace dinsurrection populaire nétait plus nécessaire. Le 8 juillet, Robespierre se sentit capable dinformer le Club des Jacobins que :

La Convention nationale actuelle ne ressemble plus à cette assemblée pervertie, abusée par des hypocrites, des traîtres, que la liberté ne ressemble pas à lesclavage et la vertu au crime. Depuis que je lai vue enfin délivrée des espions de police, des Brissot, des Guadet ; je soutiens que la Montagne est la majorité de la Convention.

Au moins pour la durée de crise, Robespierre avait conclu que la Convention et ses comités étaient lexpression fidèle de la « volonté générale » et que ceux qui prétendaient agir contre eux au nom du peuple étaient, au mieux, induits en erreur et, au pire, en ligue avec lennemi61. Lénigme centrale de la façon dont Robespierre percevait la démocratie – lalignement de la volonté populaire avec les intérêts nationaux – avait à présent été résolue, du moins à sa propre satisfaction.

Moins dune semaine après lexpulsion des Girondins, Hérault de Séchelles avait rédigé une version de la nouvelle Constitution au nom du Comité de salut public. Dans sa préoccupation des libertés démocratiques, 223de la protection sociale et de léducation, elle reflétait la Déclaration des droits de Robespierre. Bien que ses espoirs concernant les limites de la propriété privée naient pas été satisfaits et quil ait échoué à obtenir que les titres des décrets et des lois soient changés de « République française » à « Peuple français », il était enchanté du document. Il se réjouissait à lavance du temps où la Convention ne voudrait :

trop gouverner : laissez aux individus, laissez aux familles le droit de faire ce qui nuit point à autrui ; laissez aux communes le pouvoir de régler elles-mêmes leurs propres affaires, en tout ce qui ne tient point essentiellement à ladministration générale de la république. En un mot, rendez à la liberté individuelle tout ce qui nappartient pas naturellement à lautorité publique62.

Mais quand est venu le moment où la Constitution devait être votée par la Convention le 24 juin, la République et la nation elle-même étaient en danger de seffondrer de lintérieur et dêtre vaincue à lextérieur : le salut public devait prendre la préséance sur de telles libertés individuelles.

1 Il ny avait aucun parti politique dans lacception moderne du terme pendant la Révolution ; aussi lidentification des tendances politiques et sociales au sein de la Convention a depuis longtemps été lobjet des débats : voir Soboul (éd.), Girondins et Montagnards ; Patrick, Alison, The Men of the First French Republic : Political Alignments in the National Convention of 1792, Baltimore, MD, Johns Hopkins University Press, 1972 ; Sydenham, Michael, The Girondins, London, Athlone Press, 1961 ; et le forum in FHS, vol. 15, 1988, p. 506-548.

2 Par exemple, Œuvres, t. V, Lettres à ses commettans, nos 3 et 9. Il y avait vingt-deux numéros des Lettres entre le 30 septembre 1792 et le mi-avril 1793.

3 Œuvres, t. V, p. 15-19. Voir Ozouf, La fête révolutionnaire, chap. 4.

4 Œuvres, t. VIII, p. 233-234 ; Tallett, « Robespierre and religion », p. 96-97.

5 Œuvres, t. V, p. 116-121.

6 Œuvres, t. IX, p. 13-14 ; Dorigny, « Violence et révolution ».

7 Œuvres, t. IX, p. 13-22 ; 31-40 ; Jacob, Robespierre vu par ses contemporains, p. 123. Les clubs jacobins en province étaient divisés : voir Kennedy, The Jacobin Clubs in the French Revolution : the Middle Years, p. 302-307.

8 Le Prélude, X, in Louis, Émile, La jeunesse de William Wordsworth, 1770-1798 : étude sur le « Prélude », Paris, G. Masson, 1896, p. 223.

9 Œuvres, t. IX, p. 62-65 ; Louvet de Couvray, Jean-Baptiste, Accusation contre M. Robespierre, Paris, Imprimerie nationale, 1792. Voir Scurr, Fatal Purity, p. 213-217.

10 Bertaud, Jean-Paul, La Révolution armée. Les soldats-citoyens et la Révolution française, Paris, Robert Laffont, 1979, p. 96.

11 Œuvres, t. IX, p. 77-78, 86-91. Plus tard, le 10 avril 1793, il a décrit les massacres de septembre comme « salutaires et actes de bienfaisance » : Œuvres, t. V, p. 322. Cf. Edelstein, Dan, « Do We Want a Revolution without Revolution ? Reflections on Political Authority », FHS, vol. 35, 2012, p. 269-289.

12 Œuvres, t. IX, p. 78 ; Gouges, Olympe de, Écrits politiques 1792-1793, Paris, Côté femmes, 1993, p. 164-173.

13 Jacob, Robespierre vu par ses contemporains, p. 126 ; Bouloiseau, Marc, « Robespierre daprès les journaux girondins », in Soboul, Albert (éd.), Actes du colloque Robespierre. XIIe Congrès international des sciences historiques, Paris, SÉR, 1967, p. 12-13 ; Dingli, Robespierre, p. 431-448 ; Shusterman, Noah C., « All of His Power Lies in the Distaff : Robespierre, Women and the French Revolution », P&P, no 223, 2014, p. 129-160 ; Guillon, Robespierre, p. 77-115.

14 Moore, Journal of a Residence in France, p. 150, 330, 369 ; Louvet de Couvray, Jean-Baptiste, À M. Robespierre et à ses royalistes, etc. Paris, Imprimerie du Cercle social, 1792, p. 36.

15 Sur la guerre de propagande de Roland, voir Bernardin, Jean-Marie Roland, p. 387, 515-519 ; Gough, Hugh, The Newspaper Press in the FrenchRevolution, Chicago, IL, Dorsey Press, 1988, p. 90-92 ; Kennedy, The Jacobin Clubs in the French Revolution : the Middle Years, p. 302-303, Appendix F.

16 AN F13 281A. Duplay était lun des quatorze commerçants sous contrat et il a reçu 22 460 livres.

17 AN W 501 ; Fleischmann, Robespierre et les femmes ; Stéfane-Pol [Paul Coutant], Autour de Robespierre : le conventionnel Le Bas, daprès des documents inédits et les mémoires de sa veuve, Paris, E. Flammarion, 1901, chap. 5, p. 107 ; Thompson, Robespierre, p. 177-187 ; Hamel, Histoire de Robespierre, t. 3, p. 281-299. Il est possible que « Brount » était le chien que Mlle Duhay avait élevé pour lui à Béthune.

18 Robespierre, Charlotte, Mémoires, p. 52-56 ; Fleischmann, Robespierre et les femmes.

19 Dupuy, Sabine, « Du parrainage dun enfant du peuple aux conciliabules de Charenton : itinéraire dune amitié chez Robespierre », in Jessenne, Deregnaucourt, Hirsch et Leuwers (éd.), Robespierre, p. 117-124.

20 Fleischmann, Robespierre et les femmes. Sur le plan détage de la maison Duplay, voir Sardou, Victorien, préface à Stéfane-Pol, Autour de Robespierre. Cf. Hamel, Histoire de Robespierre, t. 3, p. 281-299. Sur le décor, voir, par exemple, les allégations de Jones, Colin, The Fall of Robespierre.24 Hours in Revolutionary Paris, Oxford, Oxford University Press, 2021, p. 119 ; Scurr, Fatal Purity, p. 10, 207. Paul Barras, qui avait toutes les raisons de ternir limage de Robespierre, sest plus tard souvenu en détail dune visite quil avait faite avec Fréron dans son logement, sans mentionner le moindre buste : Mémoires de Barras, membre du Directoire : Ancien régime-Révolution, Paris, Hachette, 1895, t. 1, p. 147-151. Ceux qui ont plus tard fouillé ces mêmes pièces ne lont pas fait non plus : AN F7/4774/94-dossier Maximilien Robespierre.

21 Œuvres, t. III, p. 155-157 ; t. IX, p. 142-145.

22 Jacob, Robespierre vu par ses contemporains, p. 127.

23 Œuvres, t. V, p. 97-115, 140-159.

24 Nadeau, Martin, « La politique culturelle de lan II : les infortunes de la propagande révolutionnaire au théâtre », AHRF, no 327, 2002, p. 57-74 ; Maslan, Revolutionary Acts, p. 61-64.

25 Œuvres, t. IX, p. 120-130. Sur le procès, voir Soboul, Albert, Le procès de Louis XVI, Paris, Julliard, 1966 ;Patrick, The Men of the First French Republic.

26 Cf. Edelstein, Dan, « Terreur et droit naturel », in Audren, Frédéric, Halpérin, Jean-Louis et Stora-Lamarre, Annie (éd.), La République et son droit (1870-1930), Actes du colloque international de Besançon, 19-20 novembre 2008, Annales Littéraires de lUniversité de Franche-Comté, t. 885 (Série historiques, no 35), 2011.

27 Œuvres, t. III, p. 159, t. V, p. 189-204.

28 Œuvres, t. IX, p. 212-215.

29 Ibid., p. 228-229.

30 Louis XVI tragédie en vers et en cinq actes, mars 1793, Acte 1 ; Bouloiseau, « Robespierre vu par les journaux satiriques », p. 7-8. Sur Fauchet, voir Charrier, Jules, Claude Fauchet, évêque constitutionnel du Calvados, Paris, Honoré Champion, t. 2, 1909, p. 196-198, 232.

31 Duprat, Annie, « Les affaires dÉtat sont mes affaires de cœur » : Rosalie Jullien, une femme dans la Révolution. Lettres, 1773-1810, Paris, Belin, 2016, p. 23. Voir aussi Palmer, R. R. (éd), From Jacobin to Liberal : Marc-Antoine Jullien, 1775-1848, Princeton, NJ, Princeton University Press, 1993, p. 28.

32 Œuvres, t. V, p. 243-264 ; Hamel, Histoire de Robespierre, t. 2, p. 598.

33 Œuvres, t. V, p. 83, 86 ; t. IX, p. 106-118.

34 Œuvres, t. IX, p. 111-117 ; Gauthier, Florence, « Robespierre critique de léconomie politique tyrannique et théoricien de léconomie politique populaire », in Jessenne, Deregnaucourt, Hirsch et Leuwers (éd.), Robespierre, p. 235-243.

35 Œuvres, t. IX, p. 274-275, 286-287. Voir Burstin, Haim, Une Révolution à lœuvre : le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), Seyssel, Champ Vallon, 2005, p. 778-780.

36 Œuvres, t. V, p. 343-344.

37 Ibid., p. 75-77 ; t. IX, p. 295-299, 327. Dans le feu de la dispute Robespierre a soutenu la décision de réduire au silence les journalistes qui « pervertissaient » le peuple : Œuvres, t. IX, p. 490.

38 Œuvres, t. IX, p. 307-317, 332-333. Robespierre faisait référence à Démosthène.

39 Œuvres, t. IX, p. 315-316, 376-409, 418 ; Forrest, « Robespierre : la guerre et les soldats » ; Goulet, Jacques, Robespierre, la peine de mort et la Terreur, Pantin, Castor Astral, 1983.

40 Allen, Robert, Les tribunaux criminels sous la Révolution et lEmpire, 1792-1811, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.

41 Les milliers de cas devant le Comité de sûreté générale 1792-1795 se trouvent dans 348 cartons aux AN F7 4577-4775. Sur les réponses à la crise militaire, voir Brown, Howard G., War, Revolution, and the Bureaucratic State : Politics and Army Administration in France, 1791-1799, Oxford, Clarendon Press, 1995, chap. 3.

42 Sur les origines de linsurrection, voir Dupuy, Roger, La République jacobine. Terreur, guerre et gouvernement révolutionnaire. Paris, Seuil, 2005, chap. 3-4.

43 Œuvres, t. IX, p. 487-494 ; t. IX, p. 513-515.

44 Bouloiseau, Marc, La République jacobine, 10 août 1792 – 9 thermidor an II, Paris, Le Seuil, 1972, p. 74.

45 Kennedy, The Jacobin Clubs in the French Revolution : the Middle Years, p. 378-381 ; Brunel, Françoise, « Les députés montagnards », in Soboul (éd.), Girondins et Montagnards, Appendix ; Patrick, The Men of the First French Republic.

46 Œuvres, t. V, p. 360-363 ; t. IX, p. 455-456. Voir Thompson, Robespierre, p. 351-366 ; Matharan, Jean-Louis, « Salut public et sentiment national », in Jessenne, Deregnaucourt, Hirsch et Leuwers (éd.), Robespierre, p. 337-347.

47 Voir Fichtl, La radicalisation de lidéal républicain, p. 167-218 ; Rosso, « Les reminiscences spartiates » ; Mossé, Lantiquité dans laRévolution française, chap. 4.

48 Œuvres, t. IX, p. 459-462. Voir Gross, Jean-Pierre, Égalitarisme jacobin et droits de lhomme, 1793-1794. La grande famille et la Terreur, Paris, Arcantères, 2000 ; Theuriot, Françoise, « La conception robespierriste du bonheur », AHRF,vol. 40, 1968, p. 207-226. Linterprétation marxiste classique met en lumière les différences fondamentales de programme social entre les sans-culottes et Robespierre : voir, par exemple, Soboul, Albert, Comprendre la Révolution : problèmes politiques de la Révolution française, 1789-1797, Paris, Maspero, 1981, chap. 2-3.

49 Maslan, Revolutionary Acts, chap. 3 ; Œuvres, t. IX, p. 502-503.

50 Œuvres, t. IX, p. 495-510.

51 Œuvres, t. III, p. 167-168. Un banquier et Jacobin, Aigoin a donné à son fils les prénoms Guillaume-August Maximilien Robespierre : voir Mathiez, Albert, « Robespierre et Aigoin : lettres inédites », Annales révolutionnaires, vol. 12, 1920, p. 33-59.

52 Œuvres, t. IX, p. 416-421, 433-434. Robespierre a renoncé à rejoindre Desmoulins et les cinquante autres Montagnards qui ont ouvertement soutenu Marat, lui valant plus tard le reproche quil jalousait la notoriété de Marat : Coquard, « Marat et Robespierre », p. 164-165.

53 Œuvres, t. V, p. 169-170.

54 Voir les rapports de police dans AN AF IV 1470. Les rapports manquent du 15 mai au 7 juin.

55 Œuvres, t. IX, p. 524-527 ; Rose, R. B., The Enragés. Socialists of the French Revolution ?, Melbourne, Melbourne University Press, 1965 ; Guérin, Daniel, Bourgeois et bras-nus. Guerre sociale durant la Révolution française, 1793-1795, Paris, Libertalia, 2013.

56 Œuvres, vol IX, p. 370-371, 526, 541 ; Monnier, « Robespierre et la Commune », p. 134-137 ; Friedland, Paul, Political Actors : Representative Bodies and Theatricality in the Age of the French Revolution, Ithaca, NY, Cornell University Press, 2002, p. 282-287 ; Slavin, Morris, The Making of an Insurrection : Parisian Sections and the Gironde, Cambridge, MA, Harvard University Press, 1986, p. 21-22.

57 Œuvres, t. IX, p. 539-541.

58 Ibid., p. 544-547, 554-555.

59 Voir Hanson, Paul R., The Jacobin Republic under Fire : the Federalist Revolt in the French Revolution, University Park, PA, Pennsylvania State University Press, 2003, chap. 3 ; Oliver, Bette W., Orphans on the Earth : Girondin Fugitives from the Terror, 1793-1794, Lanham, MD, Lexington Books, 2009.

60 Œuvres, t. IX, p. 606.

61 Ibid., p. 612-615. Voir Jaume, Le discours jacobin et la démocratie, Part 1, chap. 3 ; Gauchet, Robespierre, chap. 2 ; Pouthier, Tristan, « La révocation populaire des élus dans la théorie constitutionnelle jacobine, de Robespierre à Louis Blanc : itinéraire dune procédure introuvable », in Sénac, C.-E. (éd.), La révocation populaire des élu-e-s, Mare&Martin, p. 33-58, 2022, hal-03227625.

62 Œuvres, t. IX, p. 501-502, 566. Voir Catalano, Pierangelo, « “Peuple” et “citoyens” de Rousseau à Robespierre : racines romaines du concept démocratique de “République” », in Vovelle, Michel (éd.), Révolution et République : lexception française, Paris, Éditions Kimé, 1994, p. 27-36.