[Introduction de la deuxième partie]
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Rituels de la vie publique et privée du Moyen Âge à nos jours
- Pages : 79 à 80
- Collection : POLEN - Pouvoirs, lettres, normes, n° 27
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- EAN : 9782406114895
- ISBN : 978-2-406-11489-5
- ISSN : 2492-0150
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11489-5.p.0079
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 13/07/2021
- Langue : Français
Annoncé comme moribond dans les années 1970, le mariage apparaît plus que jamais comme une institution fondamentale, ce qu’a montré récemment en France le débat autour du « mariage pour tous », revendiqué d’un côté par la communauté homosexuelle au nom de l’égalité, mais aussi de l’indifférenciation sexuelle de l’amour, condamné de l’autre côté par des groupes plus ou moins nombreux voyant en lui une grave menace pour la famille et, parfois même, pour un ordre social qui serait fondé sur une loi naturelle. Ce débat a fait ressurgir toute la complexité d’une institution qui engage bien davantage que deux individus et qui, au-delà de l’intime et du privé, parfaitement reconnus d’ailleurs, met en jeu des éléments qui relèvent de la structure sociale et des assises culturelles de la collectivité entière : sexualité, procréation, parentalité et filiation, entre autres questions récurrentes et brûlantes. Questions anciennes aussi, mais qui n’épuisent pas la complexité d’une institution dont la fonction sociologique de reproduction sociale, longtemps primordiale, tend à être désormais rejetée au-dehors du champ des perceptions, en tout cas en Occident, lequel s’est ingénié à faire du mariage d’amour un modèle d’accomplissement, au terme d’un mouvement que l’Église a en partie initié en assortissant la sacralisation de l’union conjugale de la nécessité du consentement mutuel des époux.
Comme toutes les institutions, le mariage possède ses rituels, dont le sens ou la symbolique sont étroitement liés à l’une ou l’autre de ses dimensions, mais également des rituels afférents et parallèles. Jean-Patrice Boudet étudie le fameux bal des Ardents, charivari qui tourne mal, au détriment du plus grand nombre de ses participants, qui meurent par le feu, mais dont réchappe de peu le jeune roi Charles VI. Le rituel populaire, transposé dans l’espace semi-public de la cour, devient dans le récit du Religieux de Saint-Denis une pratique plurivoque où le rite d’« introduction » relève aussi de l’exorcisme et de la danse démoniaque, et dont le sens est surdéterminé par la folie naissante du monarque et la personnalité inquiétante d’un de ses instigateurs.
Avant d’être un état, le mariage est une union et cette union est l’objet d’une ritualisation plus ou moins développée, selon les temps et les lieux, les nations et les religions, mais aussi les milieux sociaux et 80culturels. Gabriele Vickermann-Ribémont s’intéresse au mariage comme rituel dans la comédie – genre du mariage par excellence – en France et en Angleterre à la fin du xviie et au cours du xviiie siècles : en raison de leur publicité partagée mais de leur performativité propre, scène théâtrale et cérémonie de mariage sont de fait incompatibles, ce qui explique soit l’exclusion du mariage de la représentation, soit la représentation de rituels de substitution, lesquels révèlent alors les enjeux juridiques et sociaux d’une institution de plus en plus sécularisée.
Aïcha Salmon aborde quant à elle la délicate question de la nuit de noces, dans le cadre du mariage bourgeois au xixe siècle, nuit de noces qui constituait aussi un moment délicat pour les époux, et plus encore pour la jeune épousée, qui y était bien souvent non préparée. Alors que dans les milieux ruraux la nuit de noces était accompagnée d’une ritualité collective à visée préparatoire à la sexualité, le mariage bourgeois, au nom de la discrétion et du bon goût, réduit la nuit de noces à la seule intimité des époux, ce qui n’est pas sans conséquences négatives, le développement du voyage de noces, autre rituel matrimonial bourgeois, ne constituant pas une alternative véritable à la question posée par la première union charnelle des époux.
Dans le dernier chapitre, Anne Verdet étudie les conditions et la finalité du bal public dans le Lot sous l’Occupation : prohibé par Vichy, le bal ne disparaît pas mais devient secret et clandestin ; acte de résistance, il devient espace d’émancipation. Si le rituel se maintient, son déplacement de l’espace public et ouvert à un espace fermé, ni public ni privé mais réservé, s’accompagne d’une mutation profonde de sa fonctionnalité sociale, à une période charnière de l’histoire rurale de la France.