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Classiques Garnier

Comptes rendus

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ARTIFEX QUIDAM NOMINE NEWTON.
À PROPOS DE LA SEIZIÈME LETTRE PHILOSOPHIQUE DE VOLTAIRE

Gerhardt Stenger1

La xvie Lettre philosophique « Sur loptique de M. Newton2 » commence par le récit fort abrégé de la révolution scientifique du xviie siècle, la découverte dun « nouvel univers » qui a renversé lastronomie antique et bouleversé de fond en comble le monde dans lequel vivait lhumanité jusqualors3. Grâce aux observations du ciel effectuées par Galilée, lhomme est passé du monde clos de laristotélisme classique à lunivers infini contemplé pour la première fois par le savant pisan à travers sa lunette astronomique. Grâce aux calculs de Kepler – Voltaire pense aux trois lois des mouvements des planètes qui portent aujourdhui son nom et qui serviront de base pour la construction newtonienne de la théorie des forces centrales –, lunivers est devenu une machine ou horloge dont il est devenu possible de connaître les « ressorts » qui la font mouvoir. Grâce aux découvertes de Harvey et de Claude Perrault, dont les noms ne sont pas cités, la physiologie du vivant a elle aussi été assujettie 954aux lois de la mécanique. Enfin, des instruments comme la machine pneumatique ou le télescope ont rapproché les corps ou leur ont donné « une nouvelle manière dexister4 ». Mais le « monde nouveau » qui était, comme dit Voltaire, « dautant plus difficile à connaître quon ne se doutait pas même quil existât », nest-ce pas lidée même dune réalité connaissable par une science rationnelle qui a fait alors son apparition ? Au sortir du Moyen Âge, ce « temps de la plus stupide barbarie5 », il fallait beaucoup de « témérité », et même de la témérité insensée6 », pour « oser seulement songer quon pût deviner par quelles lois les corps célestes se meuvent, et comment la lumière agit » ! Comment ne pas penser ici à lœuvre posthume de Descartes, Du monde, ou Traité de la lumière, dans lequel le philosophe français prétendait expliquer la nature du monde matériel, les grandes lois qui le gouvernent ainsi que les phénomènes les plus curieux de la terre et du ciel, en particulier ceux de la lumière ? Lexplication de la lumière et des couleurs, écrivait Descartes à Mersenne, constitue une clé qui ouvre à lintelligence de toute la physique, et par conséquent de la nature :

Je vous dirai que je suis maintenant après à démêler le Chaos, pour en faire sortir de la Lumière, qui est lune des plus hautes et des plus difficiles matières que je puisse jamais entreprendre ; car toute la Physique y est presque comprise7.

Plus hardi – ou plus téméraire – que ses prédécesseurs, Descartes a décidé de rompre les amarres aristotéliciennes et osé « deviner » la « mécanique des ressorts du monde », cest-à-dire la mécanique céleste et laction mutuelle entre la lumière et les corps8. Pour couronner cette révolution sans équivalent dans lhistoire de lhumanité, les découvertes de Newton en général et dans le domaine de loptique en particulier dépasseront, quelques décennies plus tard, « tout ce que la curiosité des hommes pouvait attendre de plus hardi ».

Une fois posé le cadre épistémologique de la nouvelle science – on disait encore souvent philosophie – qui allait triompher au cours du xviie siècle, Voltaire se focalise sur lopposition entre les principaux antagonistes, Descartes et Newton, développée déjà en détail dans les Lettres XIV et XV. On comprend maintenant que Newton occupe une place à part dans la révolution scientifique, 955il a renversé plutôt quil na achevé le mécanisme classique adopté sur le continent au xviiie siècle sous la forme dun cartésianisme rectifié. Comme le disait si bien le vieux Fontenelle en 1731 :

Le système général de Descartes était le système dominant chez la plus grande partie des philosophes, qui ne laissaient pas cependant de bien sentir les difficultés quil renferme, lorsque M. Newton ou donna plus de force à ces difficultés, ou en proposa de nouvelles, de sorte que les fondements de tout lédifice cartésien parurent absolument renversés9.

La « philosophie » de Newton, estime Voltaire, a remplacé le mécanisme pléniste dinspiration cartésienne par un nouveau mécanisme : les objets sont séparés par du vide ; une force dattraction les enchaîne pour quils ne se séparent pas ; la lumière blanche est un mélange de rayons colorés et se propage dans le vide. Voltaire ignore bien évidemment les travaux alchimistes du père fondateur de la science moderne qui feront dire à léconomiste britannique John Maynard Keynes que Newton was not the first of the age of reason. He was the last of the magicians (« Newton na pas inauguré lère de la raison. Il était le dernier des magiciens »)10. Aux yeux de Voltaire, cest plutôt Descartes qui doit être considéré comme le dernier des magiciens, de ceux qui ont essayé de « deviner » les lois de lunivers en consultant uniquement leur imagination. Cest notamment le cas des tourbillons, que Voltaire soumet à une critique cinglante dans la XVe Lettre11. La belle impartialité dont se prévalait Voltaire au début de la XIVe Lettre était visiblement feinte : alors quil nhésite pas à donner la parole à Newton pour répondre à ses critiques dans la Lettre sur lattraction12, il imagine Descartes rester muet détonnement devant la démolition en règle de son système. Et pourtant, Voltaire na pas manqué de féliciter lauteur de La Dioptrique davoir porté l« esprit de géométrie et dinvention » dans cette branche de la physique « qui devint entre ses mains un art tout nouveau13 ». Descartes et ses successeurs ont mis fin à la vision « naïve » de la lumière et des couleurs telle quelle était exposée, par exemple, au début du xive siècle dans Le Banquet de Dante et qui était probablement encore celle du lecteur moyen en 1734 :

Lusage des philosophes est dappeler « clarté » la lumière en tant quelle est dans son principe jaillissant ; de lappeler « rayon » en tant quelle court à travers le milieu, de la source au premier corps où elle est arrêtée ; de lappeler « splendeur » en tant quelle est réfléchie sur un autre endroit quelle éclaire14.

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La lumière, invisible par elle-même, rend visibles, par sa présence, les couleurs des corps qui leur appartiennent en propre. En 1604, Kepler écrivait encore : Color igitur rebus inest ipsis realiter, etsi non illustrentur (« Car la couleur existe réellement dans les choses mêmes, même quand elles ne sont pas éclairées »)15. Trente ans plus tard, Descartes fit un grand pas en avant. En séparant les choses de leur couleur, il tenta de formuler, dans La Dioptrique et Les Météores (1637), une théorie mécanique des phénomènes lumineux, cohérente avec son monde. Il compara la propagation du rayon lumineux à une pression exercée par de petites balles qui transmettent la lumière et les couleurs à nos organes sensoriels. La genèse des couleurs dans lœil et les nerfs de lobservateur résultait, dans ce schéma, des différentes vitesses de rotation axiale des balles : le rouge était produit par les balles qui tournent avec plus de vitesse, et le jaune avec celles qui tendent à tourner avec moins de vitesse16. À linstar de Jean le Baptiste, Voltaire annonce alors la venue dun homme qui va renverser toutes ces hypothèses sans fondement expérimental.

Contrairement à la Lettre sur lattraction, pour laquelle Voltaire a puisé dans au moins trois ouvrages différents, il sest contenté ici de sa principale source concernant la science de Newton, A View of Sir Isaac Newtons Philosophy de Henry Pemberton (1728)17. Alors quil avait longuement exposé la démarche de Newton qui lui permit de découvrir la loi de lattraction universelle et les conséquences qui en découlent18, Voltaire est bien plus sobre en ce qui concerne loptique de Newton, qui avait pourtant déclenché lenthousiasme parmi les contemporains, y compris les cartésiens. Les rares explications quil donne ne peuvent sadresser quà des lecteurs familiers des questions traitées.

I. L« anatomie » de la lumière. À lopposé de Descartes qui, aux dires de Voltaire, avait tiré son « roman contradictoire des tourbillons19 » de sa seule imagination, Newton, en bon philosophe expérimental, a pris lobservation comme point de départ de ses découvertes. On se souvient comment Voltaire, avec un sens très sûr de lanecdote signifiante, avait attaché, dans la Lettre XV, 957la genèse de la théorie de lattraction à quelques fruits tombant dun arbre20. Ici cest un autre objet, le fameux prisme de verre, auquel il attribue une part essentielle dans la découverte, par Newton, de la nature de la lumière. Voici lamorce de la future image dÉpinal que la postérité retiendra du savant qui (re)créa la lumière – ou plutôt les couleurs – en un geste aussi simple que grandiose :

Newton, avec le seul secours du prisme, a démontré aux yeux que la lumière est un amas de rayons colorés qui, tous ensemble, donnent la couleur blanche. Un seul rayon est divisé par lui en sept rayons, qui viennent tous se placer sur un linge ou sur un papier blanc dans leur ordre, lun au-dessus de lautre et à dinégales distances21.

Newton aurait-il commandé à la lumière ? « Que la lumière se divise, et elle se divisa22 » ? Plus sérieusement, Newton mit dabord fin à lidée du sens commun traditionnel selon lequel létat primitif de la couleur est le blanc et les couleurs des modifications de cette blancheur. Lorsquun faisceau de lumière rencontre une surface réfractante, comme celle dun prisme de verre, les différents rayons qui le composent sont déviés ou réfractés différemment selon leur couleur : le rayon le plus réfracté est le bleu, le moins réfracté est le rouge, celui du jaune occupant une position moyenne. Lexpérience du prisme montra que la lumière présente des composants ou rayons distincts, dont chacun est responsable de la propagation dune couleur déterminée : chaque rayon élémentaire, déclare Voltaire, « porte en soi ce qui fait sa couleur à nos yeux ». Autrement dit, les couleurs ne sont pas créées par la réfraction de la lumière dans le prisme, elles sont dans la lumière elle-même23.

II. La « cause des couleurs dans la nature ». Voltaire aborde alors la question de lorigine des couleurs des corps ou, en termes plus scientifiques, « la disposition des corps à réfléchir les rayons dun certain ordre, et à absorber tous les autres ». Une surface rouge, par exemple, est une surface qui réfléchit les rayons rouges et absorbe tous les autres, tandis quune surface blanche réfléchit en égale mesure tous les composants de la lumière. Selon Newton, 958cette disposition à réfléchir ou à absorber certains rayons dépend de lépaisseur des surfaces réfringentes, des « petites parties constituantes dont un corps est composé ». On nen saura pas plus ; le lecteur curieux doit se tourner vers les Éléments de la philosophie de Newton afin de mieux comprendre de quoi il sagit. Voltaire y explique que Newton a découvert quil existait une certaine proportion entre « la force des parties constituantes de tous les corps et les rayons primitifs qui colorent les corps ». Ainsi, « le même corps qui était vert, quand il était un peu épais, est devenu bleu, quand il a été rendu assez mince pour ne réfléchir que les rayons bleus, et pour laisser passer les autres24 ». Mais le savant anglais a fait une autre découverte, plus étonnante encore. Alors quon croit communément quun rayon lumineux est réfléchi par un corps opaque parce quil rebondit contre ses parties solides comme une balle contre un mur, Newton a pu démontrer que la lumière est surtout réfléchie par… le vide : « Newton a appris aux philosophes étonnés que la lumière se réfléchit non des surfaces mêmes, mais sans toucher aux surfaces : quelle rejaillit du sein des pores, et enfin du vide même25. » Comment ? Pas plus quavant, Voltaire ne fournit dexplication précise, tout au plus se contente-t-il de présenter comme preuve de ce quil avance un fait dobservation trouvé dans louvrage de Pemberton26 : « Le papier, qui réfléchit la lumière quand il est sec, la transmet quand il est huilé, parce que lhuile remplissant ses pores les rend beaucoup plus petits. » Voltaire na pas voulu ou pu entrer dans les détails fort techniques de lexpérience décrite par Pemberton qui a présidé à la découverte de cet étrange phénomène. Dans les Éléments de la philosophie de Newton27, Voltaire rappellera lapidairement que Newton na pas fait de la recherche des causes une part essentielle de la science : « Il sest contenté des faits, sans rien oser déterminer sur les causes28. »

Voltaire termine la deuxième partie de la Lettre par une autre « merveille » mise en évidence par Newton : celui-ci a « fait voir quon nest point assuré quil y ait un pouce cubique de matière solide dans lunivers ». Pourquoi ? Lexplication fournie par Voltaire est extrêmement lacunaire : chaque partie des corps « ayant ses pores, et chaque partie de ses parties ayant les siens ». Chaque corps est composé de pores : chaque partie du corps est composée dautres parties poreuses composées à leur tour de parties poreuses, et ainsi de suite. Il sensuit selon Newton que la plus petite quantité de matière peut occuper un espace immense si elle est remplie de pores qui en écartent beaucoup les parties infiniment petites par rapport à elles. Cette observation sur lextrême 959porosité des corps, et par conséquent la quasi-absence de particules solides dans le monde, est bien sûr tirée de Pemberton. Celui-ci en conclut que « nous ignorons jusquici quelle est la structure réelle des corps29 », ce que Voltaire traduit plus philosophiquement par : « Tant notre esprit est éloigné de concevoir ce que cest que la matière. » Alors que la Lettre sur lattraction annonce une nouvelle propriété ou qualité de la matière découverte par Newton30, la Lettre sur loptique aborde cette question épineuse par un autre biais : les corps matériels ne sont pas composés de particules solides mais de pores apparemment vides. Quelle gifle pour les tenants du mécanisme classique, qui réduisait la matière à une substance étendue en longueur, largeur et profondeur, infiniment divisible et sans vide ! Les découvertes de Newton, nous avertit Voltaire à la fin de la partie des Éléments consacrée à loptique, doivent « nous rendre extrêmement circonspects dans nos décisions sur la nature et lessence des choses31 ». Il nira pas plus loin : les mésaventures auxquelles la exposé la XIIIe Lettre sur Locke lui ont sans doute servi dexemple.

III. La réfrangibilité. Suivant toujours lexposé de Pemberton, Voltaire revient à lexpérience du prisme pour expliquer larrangement des rayons de couleur à inégales distances après leur réfraction32. À chaque couleur correspond un certain degré de « réfrangibilité ». Cette propriété de la lumière à se réfracter sexpliquerait, selon Newton, par la gravitation et la vitesse des corpuscules dont le rayon lumineux serait composé : quand les corpuscules de lumière sapprochent de la surface de séparation entre lair et le verre, ils sont attirés perpendiculairement à cette surface, ce qui a pour effet de dévier leur trajectoire. Les différences de vitesse expliqueraient pourquoi les corpuscules associés au rouge sont moins déviés que ceux associés au violet33. Voltaire présente la réfrangibilité comme une propriété inconnue de la lumière 960découverte par Newton et conclut que « le même pouvoir cause la réflexion et la réfraction de la lumière ». Lequel ? À la fin de la partie des Éléments de la philosophie de Newton consacrée à loptique, Voltaire déclare sans ambages quil sagit de lattraction :

Avant de passer à lautre partie de la philosophie, souvenons-nous, que la théorie de la lumière a quelque chose de commun avec la théorie de lunivers dans laquelle nous allons entrer. Cette théorie est, quil y a une espèce dattraction marquée entre les corps et la lumière, comme nous en allons observer une entre tous les globes de notre univers34.

IV. Laction de la lumière sur les corps. Arrivé à ce point de la démonstration, tout lecteur non scientifique et normalement constitué commence à fatiguer, mais Voltaire nen a cure. Il a même gardé le meilleur pour la fin : « Tant de merveilles, avertit-il triomphalement, ne sont que le commencement de ses découvertes. » Si lon a le courage de se plonger dans la suite, on saperçoit vite que lauteur semble fatiguer lui aussi, car ces nouvelles merveilles sont à peine détaillées, et ce quil en dit est incompréhensible. Pour masquer lindigence du contenu, Voltaire ponctue sa présentation par des formules qui ne souffrent aucune contradiction et suggèrent une démonstration sans faille : Newton « a trouvé le secret », il a « osé calculer », et enfin : « De toutes ces combinaisons il trouve en quelle proportion la lumière agit sur les corps et les corps agissent sur elle. » Cette action de la lumière sur les corps nest guère plus détaillée dans les Éléments de la philosophie de Newton, où la page qui y est consacrée disparaîtra dailleurs complètement à partir de lédition de 175635. Voltaire était visiblement mal à laise avec le sujet ; en revanche, il termine la Lettre par un long passage sur le télescope à réflexion conçu et construit par Newton, car la théorie newtonienne de la lumière avait une conséquence tout à fait pratique sur la construction des lunettes.

V. Le télescope à réflexion. On savait depuis longtemps que les lunettes astronomiques comme celles de Galilée, constituées de lentilles, étaient sujettes à un défaut de focalisation de limage appelée aberration sphérique. Pour réduire ce défaut, on utilisait des lentilles dont la courbure était la plus faible possible, ce qui augmentait la distance focale et obligeait à construire des lunettes plus longues. En essayant de remédier à ce défaut, Newton découvrit que les lentilles présentaient un autre défaut, laberration chromatique ou achromatisme, un effet qui intervient dans la réfraction mais non dans la réflexion. Cest ainsi quil lui vint à lesprit de construire une lunette sans lentilles : un télescope à réflexion, où les rayons lumineux provenant de lextérieur sont recueillis par un miroir parabolique concave. Celui-ci les réfléchit, en les focalisant, sur un petit miroir plan, qui renvoie limage vers un oculaire monté 961perpendiculairement à laxe du télescope. Ce télescope à réflexion était aussi un témoignage de lextraordinaire habileté technique de Newton, qui avait poli soigneusement le miroir après lavoir fondu dans un alliage conçu par lui-même pour loccasion. La conception et la construction de ce télescope lui permirent dobtenir, en 1669, la chaire lucasienne à Cambridge et dêtre élu, en 1671, à la Royal Society. « Cette nouvelle sorte de lunette, commente Voltaire à la fin de la Lettre, est très difficile à faire, et nest pas dun usage bien aisé ; mais on dit en Angleterre quun télescope de réflexion de cinq pieds fait le même effet quune lunette dapproche de cent pieds36. »

Gustave Lanson a naguère montré que la remarque de la dernière phrase sur la longueur respective de la traditionnelle lunette astronomique et du télescope inventé par Newton provenait dune des nombreuses notes critiques de la traduction anglaise de lÉloge de Newton de Fontenelle publiée dans The Present State of the Republick of Letters de janvier 1728. En revanche, il na pas réussi à découvrir où Voltaire a puisé ses informations sur les inconvénients du nouveau télescope. Il les a dénichées dans louvrage très technique dun savant prémontré, le bavarois Johann Zahn (1641-1707), publié à Würzburg en trois tomes en 1685-1686 sous le titre Oculus artificialis teledioptricus sive Telescopium, ex abditis rerum naturalium et artificialium principiis protractum nova methodo, eaque solida explicatum ac comprimis e triplici fundamento physico seu naturali, mathematico dioptrico et mechanico, seu practico stabilitum. On y lit à la p. 152 du tome III au sujet du télescope de Newton : Verum tam in constructione quam in usu talis alicujus Tubi Anglicani aliqua hic occurrunt, quae praxi multum obsistere videntur (« Mais certains problèmes apparaissent tant lors de la construction que dans le maniement de cette lunette anglaise, qui semblent faire un grand obstacle à son utilisation »)37. La preuve ? Dans le même ouvrage se trouve, une page plus haut, ce syntagme latin qui a tant frappé Voltaire et dont Lanson ignorait également la provenance : Anglus quidam artifex Newtonus nomine, « Un certain artisan anglais du nom de Newton ». Il est vrai quil apparaît seulement cinq ans plus tard dans une première addition à la XVIe Lettre, mais il va prendre de plus en plus dimportance dans les éditions ultérieures38. Lavait-il gardé en réserve ou a-t-il relu louvrage du savant bavarois à loccasion de la préparation des Éléments de la philosophie de Newton ? On ne sait39. Toujours est-il que Voltaire remplace, dans la nouvelle version de 1739, la dernière phrase 962de la première édition, qui ajoute une note négative à la fin de la Lettre, par les lignes suivantes :

Il était encore peu connu en Europe quand il fit cette découverte. Jai vu un petit livre composé environ ce temps-là dans lequel, en parlant du télescope de Newton, on le prend pour un lunetier : Artifex quidam Anglus nomine Newton. La renommée la bien vengé depuis.

Dans cette nouvelle fin de la XVIe Lettre, Voltaire observe avec étonnement que la renommée de Newton, déjà bien établie en Angleterre grâce à son télescope et ses recherches sur la lumière publiées en 1672 et 1675, nétait pas encore parvenue au reste de lEurope, où le jeune savant anglais était effectivement encore un quasi inconnu au moment où Zahn publia son ouvrage40. Celui-ci était cependant loin de traiter l« artisan » en question avec irrespect ou condescendance, comme pourrait le faire croire la formule latine citée par Voltaire. En effet, lauteur précisait que Newton a montré un premier prototype de son télescope à la Royal Society, puis un deuxième prototype au roi dAngleterre. Mais doù tenait-il ses informations ? Il les a tirées ex Gallico libello Bruxellis edito, « dun livre publié à Bruxelles » quun ami lui avait offert quelques années plus tôt. Il sagit, sans aucun doute possible, des Mémoires concernant les arts et les sciences publiés par Jean-Baptiste Denis (ou Denys) à Bruxelles en 167241 et qui contiennent, à la date du 1er mars, une longue « Description dune petite lunette par le moyen de laquelle on voit les objets éloignés aussi distinctement quon peut faire avec les plus grands télescopes, inventée par Monsieur Newton professeur de mathématiques dans luniversité de Cambridge, et communiquée à lauteur de ces Mémoires42 ». Si la gravure du télescope de Newton reproduite dans lOculus artificialis teledioptricus est bien plus détaillée que celle des Mémoires, Zahn a lu trop vite larticle de Denis. Non seulement il a transformé le vénérable professeur de luniversité de Cambridge en « un certain artisan anglais », il lui a également attribué la conception dun autre télescope, celui dont il est question dans les Mémoires à la date du 25 avril. Or ce télescope-là nest pas de Newton mais de Laurent Cassegrain, et sa description a été communiquée à lauteur des Mémoires par 963un certain M. de Bercé de Chartres, qui prétend lavoir reçue de linventeur lui-même. Ce télescope à miroir secondaire convexe est « presque semblable », dit-il, à celui de Newton, auquel il est antérieur, et même « plus spirituel43 ». Le sieur de Bercé ne se doutait pas alors quil « piétin[ait] les plates-bandes dune grande vedette montante de la science44 », qui démolira la solution de Cassegrain dans une réponse publiée le 20 mai dans les Philosophical Transactions. Désormais, plus personne ne confondra Newton avec un simple lunetier.

Revenons à Voltaire. À partir de 1739, lartifex quidam reviendra dans chaque nouvelle version de la XVIe Lettre, et Voltaire se la rappellera encore quarante ans plus tard :

Je me souviens que lorsque Newton, au commencement du siècle, nous montra comment la lumière est faite, ce que personne navait encore vu depuis la création du monde, quelques-uns de nos mathématiciens voulurent faire ses expériences, et les manquèrent ; de là on jugea quun certain ouvrier nommé Newton, artifex quidam nomine Newton, sétait trompé45.

La formule reste (quasiment) la même, mais sa signification change selon le contexte, ou plus précisément elle imprime son cachet à chaque nouveau contexte. En 1739, elle se situe dans le prolongement du débat autour de la gloire des grands hommes lancé au début de la XIIe Lettre philosophique : à la question qui était le plus grand, de César, dAlexandre le Grand, de Tamerlan ou de Cromwell, quelquun répondit que « cétait Newton sans contredit ». « Cet homme avait raison », commente Voltaire, ajoutant : « Cest à celui qui domine sur les esprits par la force de la vérité, non à ceux qui font des esclaves par la violence, cest à celui qui connaît lunivers, non à ceux qui le défigurent, que nous devons nos respects46. » Voltaire na certainement pas oublié que lui aussi connaissait encore fort mal le grand savant qui fut enterré à Westminster « comme un roi qui aurait fait du bien à ses sujets47 ». Alors quil avait fait trois découvertes dont une seule, aux dires de Diderot, aurait suffi à limmortaliser48, Newton était encore un inconnu sur le continent au moment de son décès : artifex quidam, un certain ouvrier… Mais en 1739, les temps ont changé, et Voltaire peut se flatter davoir contribué à la renommée 964dont Newton commence à jouir sur le continent49. Après lexpédition en Laponie (1736-1737), la question de la figure de la Terre est réglée à lavantage de lAnglais50. LAcadémie des sciences commence à bouger et lattraction finit par simposer à ses plus ardents adversaires. Rien ne reste de la science de Descartes, écrivait Voltaire à Maupertuis en 1739 : « On proscrit tous ses dogmes en détail, et cependant on se dit encore cartésien51. » Le lunetier a gagné la partie : « La renommée la bien vengé » !

En 1742, Voltaire revient à son texte pour une nouvelle édition. Il supprime les trois derniers paragraphes consacrés au télescope et les remplace par une nouvelle fin, qui ne sera toutefois pas reprise dans les versions ultérieures. Entre-temps, il a été attaqué par le cartésien Jean Banières dans son Examen et réfutation des Éléments de la philosophie de Newton de M. de Voltaire avec une dissertation sur la réflexion et la réfraction de la lumière (Paris, 1739). Celui-ci lui a « fait un crime […] davoir enseigné des vérités découvertes en Angleterre » et est même allé jusquà prétendre que « cest être mauvais Français, que de nêtre pas cartésien52 ». La renommée de Newton est désormais acquise, mais un patriotisme étroit et borné rejette les découvertes du savant anglais pour des raisons mesquines de fierté nationale. Linvention du télescope à réflexion passe désormais à larrière-plan. Ce qui est en cause, cest la gloire de Newton, que certains refusent toujours de reconnaître :

Quand Newton, lan 1675, eut fait, redoublé, constaté ses expériences doptique, un Italien, indigné que de telles découvertes eussent été faites chez des Anglo-Saxons, et chez des hérétiques, écrivait quil était honteux de recevoir la loi dun Anglais. Cest dommage que lInquisition ne sen soit mêlée ; mais depuis laventure de Galilée, ce tribunal nose plus juger les physiciens.

Ce grand homme fut longtemps combattu ou ignoré. Il existe un livre dans lequel on le prend pour un lunetier. Lauteur, en parlant du télescope de réflexion que Newton a inventé, sexprime ainsi : artifex quidam nomine Newton. Un certain ouvrier nommé Newton. La renommée la bien vengé depuis.

La renommée, mais pas la gloire, du moins en France53. La gloire, dira Voltaire en 1757, cest « la réputation jointe à lestime ; elle est au comble, quand ladmiration sy joint54 ». Lui-même, selon les témoignages laissés par 965Condorcet, La Harpe et Ducis, était assoiffé de gloire tout au long de sa vie55. Or le grand homme, et en particulier le « philosophe », est au-dessus des nationalités ; la République des Lettres ne reconnaît que des talents et des vertus. « Est-ce parce quon est né en France, demande Voltaire, quon rougit de recevoir la vérité des mains dun Anglais ? Ce sentiment serait bien indigne dun philosophe56. » Voltaire craint que lodium philosophicum se joigne à lodium theologicum, cette passion de sinistre mémoire qui, selon le mot de Bayle, « trouve des hérésies partout où elle souhaite en trouver57 ». Point de nouvelle guerre de religion entre cartésiens et newtoniens ! sexclame Voltaire. La vérité est une, elle est scientifique et mathématique, et elle transcende les frontières, religieuses autant que philosophiques : « Il ne sagit ici que dexpériences et de calculs et non de chefs de partis58. »

En 1751, la formule latine change à nouveau de signification, car le contexte dans lequel elle sinsère nest plus du tout le même. Dans la nouvelle version de la XVIe Lettre, Voltaire ajoute un long passage après la fin de 1739, dont voici le début (nous reprenons dabord la dernière phrase de laddition de 1739) :

Jai vu un petit livre composé environ ce temps-là dans lequel, en parlant du télescope de Newton, on le prend pour un lunetier : Artifex quidam Anglus nomine Newton. La postérité la bien vengé depuis.

De tous ceux qui ont un peu vécu avec Monsieur le cardinal de Polignac, il ny a personne qui ne lui ait entendu dire que Newton était péripatéticien, et que ses rayons colorifiques, et surtout son attraction, sentaient beaucoup lathéisme. […] Quand on considère que Newton, Locke, Clarke, Leibniz auraient été persécutés en France, emprisonnés à Rome, brûlés à Lisbonne, que faut-il penser de la raison humaine ? […] On a souvent demandé pourquoi ceux que leur ministère engage à être savants et indulgents ont été si souvent ignorants et impitoyables. Ils ont été ignorants parce quils avaient longtemps étudié, et ils ont été cruels parce quils sentaient que leurs mauvaises études étaient lobjet du mépris des sages.

Laffrontement entre les philosophes et leurs adversaires a commencé. Newton est mort depuis longtemps et la « postérité » – qui est plus universelle et durable que la renommée – la définitivement vengé… sauf auprès des « ignorants », que Voltaire vient de brocarder dans les premiers chapitres de Zadig. Ceux-ci sont loin de confondre Newton avec un lunetier, mais, pétris de préjugés, ils lui intentent un procès en athéisme à linstar des « superstitieux » évoqués dans la XIIIe Lettre philosophique, qui reprochaient à Locke de vouloir renverser la religion59. Voltaire se souvient des attaques dont il a été lui-même lobjet, et il sait que le combat va être rude. Au moment où paraît le Discours 966préliminaire de son ami dAlembert, il ne sagit plus de défendre Descartes contre Newton ni la France contre lAngleterre, mais la nouvelle philosophie, dont les hérauts sappellent Newton, Locke, Clarke et Leibniz. Voltaire sait que la partie qui sengage est loin dêtre gagnée, et lhistoire lui donnera raison.

En 1756, alors quil vient de sinstaller aux Délices, Voltaire modifie les lettres sur Newton une dernière fois, et de façon radicale. Il remplace les XVe, XVIe et le début de la XVIIe Lettre par un court morceau intitulé sobrement « De Newton », qui réduit la version originale de 1734 à environ un sixième. Toute la partie scientifique est supprimée. Face au triomphe du newtonianisme en France, Voltaire estime probablement que ses explications ne font plus le poids60. Le début du morceau renoue avec la VIIe Lettre : Newton, rapporte Voltaire, sest risqué dans lhérésie arienne, allant jusquau rejet de la doctrine trinitaire, mais il nétait pas socinien comme beaucoup dautres savants en Europe (cest Voltaire qui le dit) ; plusieurs dentre eux, affirme-t-il, « réduisent leur système au pur déisme, accommodé avec la morale du Christ ». Les recherches chronologiques de Newton, qui occupaient en 1734 lessentiel de la XVIIe Lettre, sont remplacées par un commentaire sur sa traduction de lApocalypse, que Voltaire met désormais au même plan que sa métaphysique, à moins que ce ne soit linverse. Car cest seulement lorsquil travaillait « les yeux ouverts à ses mathématiques », déclare-t-il, que « sa vue porta aux bornes du monde ». Voltaire a commencé à prendre ses distances avec la « métaphysique » de Newton, attitude qui saccentuera dans les années qui vont suivre61. Les trois découvertes de Newton sont ramassées dans un court paragraphe, puis Voltaire passe à linvention du télescope à réflexion, à laquelle il accorde deux fois plus de place quau calcul infinitésimal, à lattraction et à la lumière. Cest ici que nous trouvons la formule de Zahn, devenu jésuite entre-temps, pour la dernière fois :

Ce fut à loccasion de son nouveau télescope quun jésuite allemand prit Newton pour un ouvrier, pour un faiseur de lunettes : artifex quidam nomine Newton, dit-il dans un petit livre. La postérité la bien vengé depuis. On lui faisait en France plus dinjustice, on le prenait pour un faiseur dexpériences qui sétait trompé ; et parce que Mariotte se servit de mauvais prismes, on rejeta les découvertes de Newton.

Maintenant que la pomme et le prisme ont disparu, ce qui reste, cest louvrier Newton, le faiseur de lunettes, artifex quidam. Erreur somme toute légère, excusable par la renommée encore inexistante du savant anglais sur le continent au moment où le prémontré allemand publia son « petit livre » – un in-quarto de 181 pages tout de même. Linjustice commise par les Français à lencontre de Newton est bien plus grave. Un faiseur de lunettes exerce un 967métier honorable et difficile, tandis quun faiseur dexpériences – le mot faiseur, rappelle le Dictionnaire de lAcadémie, quand il ne désigne pas quelquun qui « fait quelque ouvrage », se dit ordinairement par mépris – est tout juste un amateur peu digne de confiance, surtout quand il se trompe. Dans les Éléments de la philosophie de Newton, Voltaire rappelait cruellement la résistance des cartésiens français à la réfrangibilité de la lumière découverte par Newton62 : même quand elle fut prouvée par dautres expériences, « le préjugé a subsisté encore au point, que […] on nie hardiment ces mêmes expériences, que cependant on fait dans toute lEurope63 ». Puis, après sêtre rendu à lévidence, on a « chicané » sur les mots réfrangibilité et attraction employés par Newton ; pour couronner le tout, on a reproché à sa physique de réintroduire laristotélisme et, insulte suprême quand on connaît les profondes convictions religieuses du savant, de conduire à lathéisme64. Ces reproches sont réitérés avec force dans le morceau sur Newton de 1756 : Voltaire y reprend le passage sur le cardinal de Polignac et les inquisiteurs de laddition de 1751, puis termine le chapitre par une pirouette : ce nest pas son mérite qui a contribué à la renommée de Newton, mais les charmes de sa nièce, Mme Conduitt : « Elle plut beaucoup au grand-trésorier Halifax. Le calcul infinitésimal et la gravitation ne lui auraient servi de rien sans une jolie nièce. »

Alors que Voltaire a consacré, dans la première version de 1734, pas moins de trois lettres aux grandes découvertes de Newton, mentionnant comme en passant son invention du télescope à réflexion, cette invention acquiert de plus en plus dimportance dans les versions ultérieures grâce à limmortelle formule dun prémontré bavarois : Anglus artifex quidam nomine Newton. De 1739 à 1756, ce syntagme latin revient avec insistance, mais la signification symbolique dont il est chargé change selon le contexte. Témoin éclatant en 1739 des caprices de la renommée, il symbolisera par la suite lantagonisme entre un pays ouvert à la nouveauté et un pays figé dans ses certitudes, le nationalisme borné des scientifiques français incapables de reconnaître la vérité, et enfin la lutte qui sannonce entre les philosophes des Lumières et leurs adversaires. Voltaire avait le don de repérer et dexploiter le détail qui fait mouche : après la pomme et le prisme, lartifex quidam de Zahn sest taillé une place de choix dans limaginaire scientifique voltairien.

1. Université de Nantes.

2. Loptique, comme chacun sait, désigne létude des propriétés et du comportement de la lumière. Nous citons les Lettres philosophiques daprès notre édition : Lettres philosophiques, suivies des Derniers écrits sur Dieu, Paris, Flammarion, « GF », 2006 (ci-après LP). La XVIe Lettre et les modifications que Voltaire y a apportées après 1734 sy trouvent p. 166-172 et 292-295. Les Éléments de la philosophie de Newton sont cités daprès lédition de R.L. Walter et W.H. Barber parue au tome 15 des Œuvres complètes de Voltaire (Oxford, Voltaire Foundation, 1968-2020 ; ci-après OC). Ils seront désormais désignés par le sigle ÉPN. Les références aux lettres de Voltaire renvoient à lédition Th. Besterman de la Correspondance, t. 83-135 de cette édition ; la lettre D (definitive edition) est suivie du numéro que porte la lettre citée. Nous avons partout modernisé lorthographe des citations.

3. Voir LP, p. 166. En 1739, Voltaire développera quelque peu ce récit dans les paragraphes introductoires quil mettra en tête de la XVe Lettre (LP, p. 163-165).

4. Inventée par von Guericke et perfectionnée par Boyle, la machine pneumatique ou pompe à air a permis de mieux connaître la pesanteur des corps. Grâce à cette machine vidée dune grande partie de son air, rapporte Voltaire, on a pu démontrer « quil faut quil y ait une force qui fasse descendre les corps vers le centre de la Terre, cest-à-dire, qui leur donne la pesanteur, et que cette force doit agir en raison de la masse des corps » (ÉPN, p. 412), ce qui réduisit à néant le vide et les tourbillons cartésiens. Voltaire possédait lui-même une machine pneumatique avec laquelle il a refait lexpérience du prisme newtonienne (voir ibid., p. 286-287).

5. XIIe Lettre philosophique (LP, p. 127). En 1756, Voltaire précisera : « de la barbarie scolastique ».

6. Cest la leçon de lédition de Londres qui est à la base de toutes les éditions ultérieures.

7. Lettre du 23 décembre 1630, dans Œuvres philosophiques, éd. F. Alquié, Paris, Bordas, « Classiques Garnier », 1988, t. I, p. 287.

8. Le traité Du monde, qui contient une attaque en règle, sans réel équivalent dans le reste du corps cartésien, contre les concepts centraux de la physique scolastique, fut abandonné en 1633 suite à la condamnation de Galilée, Descartes préférant « vivre en repos » (Lettre à Mersenne davril 1634, dans Œuvres philosophiques, op. cit., t. I, p. 495).

9. Fontenelle, « Sur la résistance de léther au mouvement des corps », dans Histoire de lAcadémie royale des sciences. Année 1731, Amsterdam, P. Mortier, 1735, p. 92.

10. J.M. Keynes, « Newton, the man », dans Royal Society Newton Tercentenary Celebrations 15-19 July 1946, Cambridge University Press, 1947, p. 27.

11. Voir LP, p. 152-153.

12. Voir LP, p. 161-163.

13. Lettre XIV, LP, p. 150.

14. Dante, Œuvres complètes. Tr. fr. A. Pézard, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 417 (III, 14). Cette conception remonte à Aristote, De lâme, 418a-419b (II, 7).

15.. J. Kepler, Ad Vitellionem Paralipomena, Francfort, 1604, p. 32.

16.. Cette théorie des couleurs, exposée dans le Discours VIII des Météores, est assez fidèlement résumée par Voltaire dans les Éléments de la philosophie de Newton : « Si vous demandez aux philosophes ce qui produit les couleurs, Descartes vous répondra que les globules de ses éléments sont déterminés à tournoyer sur eux-mêmes outre leur tendance au mouvement en ligne droite, et que ce sont les différents tournoiements qui font les différents couleurs » (ÉPN, p. 349).

17. La traduction française parut en 1755 sous le titre Éléments de la philosophie newtonienne. Pour la commodité du lecteur, nous citons louvrage de Pemberton daprès cette version. Voltaire suit pas à pas les chapitres i à iv de la IIe partie, de la décomposition de la lumière jusquau télescope à réflexion.

18. Voir notre article « Quand Voltaire expliquait lattraction newtonienne aux Français (à propos de la quinzième Lettre philosophique) », Revue Voltaire, 13, 2013, p. 167-181.

19. Réponse à toutes les objections principales quon a faites en France contre la philosophie de Newton (1739), ÉPN, p. 735.

20. Voir LP, p. 155. On sait que Voltaire a été le premier à faire connaître en Europe cette célèbre anecdote quil tenait de la nièce même de Newton, Mme Conduitt.

21. Il sagit en réalité dune série dexpériences qualifiée dexperimentum crucis, car elles étaient destinées à trancher de manière décisive entre des théories concurrentes sur la nature de la lumière. L« expérience cruciale » consistait à arranger deux prismes de manière que seul lun des rayons colorés produits par la première réfraction soit réfracté une deuxième fois. Le récit de cette découverte, rédigé par Newton dans sa célèbre lettre à Henry Oldenburg présentée à la Royal Society le 8 février 1672 et publiée le 19 dans les Philosophical Transactions, constitue le véritable texte fondateur de la théorie newtonienne de la lumière et des couleurs et restera, jusquà la publication de LOptique en 1704, le seul exposé complet de sa pensée. Voltaire le résuma au chapitre x de la deuxième partie des Éléments de la philosophie de Newton (ÉPN, p. 353-361).

22. Dans la version de 1756, Voltaire écrira sans plaisanter : « Il a dit : “Que la lumière soit connue”, et elle la été. »

23. Dans les Éléments de la philosophie de Newton, Voltaire précise que les couleurs ne sont pas dans les rayons mais quelles sont rubrifiques ou jaunifiques, « cest-à-dire excitant la sensation de rouge, de jaune » (ÉPN, p. 358).

24. ÉPN, p. 378 et 377.

25. XVIe Lettre philosophique, édition de 1739.

26. Voir Henry Pemberton, Éléments de la philosophie newtonienne, Amsterdam et Leipzig, 1755, p. 415-416.

27. ÉPN, p. 379-383. À partir de lédition de 1756, la dernière partie de la démonstration assez laborieuse de Voltaire disparaît tout simplement.

28. ÉPN, p. 384-385.

29. Op. cit., p. 432. On lit dans loriginal anglais : Though what is the real structure of bodies we yet know not (Henry Pemberton, A View of Sir Isaac Newtons Philosophy, Londres, 1728 p. 356). Lorigine de cette remarque se trouve dans LOptique de Newton (II, III, 9).

30. Voir LP, p. 161 (« qualité inhérente ») et 162 (« nouvelle propriété »). Dans sa réponse aux critiques de Banières, Voltaire se défendra en 1739 contre laccusation davoir fait de la force de gravitation une propriété essentielle de la matière : « Lauteur des Éléments a dit à la vérité avec tous les bons philosophes, que la pesanteur, la tendance vers un centre, la gravitation est une qualité de toute la matière connue, laquelle lui est donnée de Dieu, et qui lui est inhérente ; le terme dinhérent est bien éloigné de signifier essentiel, il signifie ce qui est attaché, comme adhésion signifie ce qui est attaché extérieurement ; lessence dune chose est la propriété, sans laquelle on ne peut la concevoir, mais on peut très bien concevoir la matière sans pesanteur. » (Réponse à toutes les objections principales quon a faites en France contre la philosophie de Newton, OC, t. 15, p. 739).

31. ÉPN, p. 395.

32. La réfraction est la courbure du rayon de lumière qui passe dun milieu transparent à un autre, par exemple de lair au verre (prisme).

33. Voir aussi les Éléments de la philosophie de Newton, ÉPN, p. 550-551 (éd. de 1738) et 359-360 (éd. de 1741). Signalons en passant que premièrement, Voltaire ne tient pas compte de lhypothèse de la nature ondulatoire de la lumière proposée par Huygens, et deuxièmement que la théorie des couleurs acceptée aujourdhui ne conçoit pas la lumière blanche comme un mélange de rayons de couleurs différentes. Voir Michel Blay, Lumières sur les couleurs. Le regard du physicien, Paris, Ellipses, « LEsprit des sciences », 2001.

34. ÉPN, p. 394.

35. Voir ÉPN, p. 381-385.

36. Voltaire écrit de et non à réflexion.

37. Le titre du tome III a légèrement changé : Pro practice construendo et elaborando Oculo artificiali teledioptrico, sive Telescopio, fundamentum III practico-mechanicum. Toutes nos citations proviennent des pages 151-152. Ce volume a fait lobjet dun compte rendu circonstancié dans la Bibliothèque universelle et historique du mois de décembre 1686 (p. 411-423).

38. Rappelons à cette occasion que Voltaire a révisé et complété le texte original des Lettres philosophiques en 1739, 1742, 1746, 1748, 1751, 1752 et 1756. Voir notre édition, p. 69-70.

39. Il nest pas impossible que Voltaire ait consulté louvrage de Zahn, lun des pionniers de la lanterne magique, lorsquil divertissait à Cirey Mme Du Châtelet et leurs invités en improvisant des contes à laide de marionnettes ou dune lanterne magique, au point de sy brûler la main un soir. Voir la lettre de Madame de Graffigny à Devaux du 11 décembre 1738 (D1681).

40. On sait que Newton a refusé tout contact avec le monde scientifique après avoir essuyé les critiques de Hooke et de Huygens. Ce nest quen 1687, un an après la parution de lOculus artificialis teledioptricus de Zahn, quil consentit à publier les Principes mathématiques de la philosophie naturelle.

41. En 1672, les Mémoires de Denis, lun des inventeurs de la transfusion du sang, font directement concurrence au Journal des savants qui languissait alors sous la direction de labbé Gallois. Voir J. Sgard (dir.), Dictionnaire des journaux 1600-1789, Paris, Universitas, 1991, notice 1177.

42. Mémoires concernant les arts et les sciences présentés à Monseigneur le Dauphin, Bruxelles, Henry Fricx, 1672, p. 75-85. Le volume publié à Bruxelles est une contrefaçon de lédition parisienne éditée par Frédéric Léonard. Une autre version de la « Description » fut publiée simultanément par le Journal des savants dans son numéro du 29 février.

43. Mémoires concernant les arts et les sciences, op. cit., p. 210.

44. A. Baranne et F. Launay, « Cassegrain : un célèbre inconnu de lastronomie instrumentale », Journal of Optics, 28, 1997, no 4, p. 160. M. de Bercé était le pseudonyme de lami de Cassegrain, Claude Estienne (1640-1723), chanoine de la cathédrale de Chartres et prieur de Bercé. Nous remercions Françoise Launay pour cette information.

45. Lettre à Jean Devaines du 30 mars 1776 (D20037). Voltaire télescope deux événements. LOptique de Newton parut en 1704, mais lexpérience du prisme fut refaite sans succès par Edme Mariotte peu de temps après sa publication en 1672.

46. LP, p. 124.

47. XIVe Lettre philosophique, LP, p. 147. Voltaire a sans doute entendu parler de Newton vers 1724 dans lentourage de Bolingbroke. Voir Paolo Casini, « Briarée en miniature : Voltaire et Newton », Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 179, 1979, p. 65-66.

48. Essai sur les règnes de Claude et de Néron, dans Œuvres complètes, éd. Dieckmann-Varloot, t. XXV, Paris, Hermann, 1986, p. 185 (I, 102).

49. Après la publication des Éléments de la philosophie de Newton, Voltaire écrivit non sans fierté à Thieriot le 23 juin 1738 : « Je suis après tout le premier en France qui ai débrouillé ces matières, et jose dire le premier en Europe car s Gravesande na parlé quaux mathématiciens et Pemberton a obscurci souvent Newton » (D1531).

50. « À Paris, vous vous figurez la Terre faite comme un melon ; à Londres, elle est aplatie des deux côtés », écrivait Voltaire dans la XIVe Lettre (LP, p. 146).

51. Lettre de M. de Voltaire à M. de Maupertuis, sur les Éléments de la philosophie de Newton, ÉPN, p. 699 (D1622).

52. Réponse à toutes les objections, ÉPN, p. 733.

53. En Angleterre, la gloire fut acquise à Newton dès son vivant, comme en témoigne lépitaphe latin gravé sur son tombeau et traduit par Voltaire dans ses carnets : « La gloire du genre humain » (OC, t. 86, p. 510).

54. Article Gloire, glorieux, glorieusement, glorifier de lEncyclopédie, OC, t. 33, p. 124 (larticle parut au t. VII, p. 716).

55. Voir J.R. Iverson, « La gloire humanisée ? Voltaire et son siècle », Histoire, économie et société, 20, 2001, no 2, p. 217.

56. Éléments de la philosophie de Newton, ÉPN, p. 359.

57. Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique, Amsterdam, Leyde, La Haye et Utrecht, 1740, t. I, p. 421 (art. Baius, rem. C). Dans la lettre à Maupertuis de 1739, Voltaire se refusait encore à croire que lodium philosophicum puisse jamais passer en proverbe. Voir ÉPN, p. 718.

58. Réponse à toutes les objections, ÉPN, p. 734.

59. Voir LP, p. 133 et 139-140.

60. Il sen explique dans un N.B. : « On a retranché les chapitres qui regardaient lattraction et la lumière ; on les retrouve dans le tome de la Philosophie, qui est leur véritable place. » (Collection complète des œuvres de M. de Voltaire, [Genève, Cramer,] 1756, t. IV, p. 185).

61. Nous nous permettons de renvoyer à lintroduction à notre édition des Lettres philosophiques, LP, p. 50-57.

62. La réalité est bien sûr moins simple : lexpérience du prisme, simple dans son principe, était délicate à réaliser dans les conditions où elle fut dabord faite. Cette difficulté explique les controverses auxquelles elle a donné lieu pendant une cinquantaine dannées, en France mais aussi en Angleterre et en Italie. Voir L. Verlet, La Malle de Newton, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », 1993, chap. ii à iv.

63. ÉPN, p. 357.

64. Voir ÉPN, p. 358-359.