Roger Francillon (1938-2019)

Daniele Maggetti

Roger Francillon, décédé à Lausanne en juin 2019, a été pendant plus d’un demi-siècle une des figures marquantes de l’enseignement de la littérature française en Suisse romande. Né en 1938 dans le canton de Vaud, il y entreprend des études de lettres couronnées par une thèse de doctorat soutenue en 1972, portant L’Œuvre romanesque de Madame de La Fayette et dirigée à l’université de Lausanne par le professeur et romancier Jacques Mercanton. L’Âge classique et les Lumières resteront un des axes de ses recherches, jalonnées par des publications sur Robert Challe, Molière, Voltaire ou Benjamin Constant. Professeur à l’université de Zurich de 1979 à 2003, il y met son talent pédagogique au service de la littérature française des xviie au xxe siècles : ses cours sur le théâtre classique, Diderot, Stendhal, Gide ou Proust transmettent à une génération d’étudiants en majorité germanophones le goût de la lecture et le sens de l’analyse. Professeur charismatique, il fonde et dirige par ailleurs au Romanisches Seminar la « Troupe de la Rosée », qui met en scène des pièces d’auteurs français – Molière, Marivaux, Labiche, Giraudoux, Genet, parmi d’autres – et qui, en initiant les étudiants au jeu théâtral, améliore leur pratique de la langue.

C’est dans le contexte zurichois que Roger Francillon prend conscience de la frontière culturelle qui sépare les langues en Suisse, et qu’il consacre ses premiers travaux à la littérature francophone de son pays. Celle-ci occupe également une partie de son enseignement, et le pousse à développer des activités de médiation littéraire très appréciées, entre autres en invitant régulièrement des écrivains romands, souvent en partenariat avec l’Alliance française. Cet engagement sans faille aboutira à la mise sur pied de l’Histoire de la littérature en Suisse romande (Payot, 1996-1999 ; rééd. Zoé, 2015), entreprise d’envergure pour laquelle Roger Francillon convie et oriente des spécialistes suisses et étrangers. Ce grand chantier à peine achevé, il s’attelle à une autre réalisation éditoriale 248majeure, en codirigeant les Œuvres complètes en 29 volumes de C. F. Ramuz (Slatkine, 2005-2013), un des auteurs qui ont retenu son attention de critique.

En 2001, Roger Francillon signait Jean Rousset ou la passion de la lecture (Zoé, 2001) ; il y présentait l’œuvre d’un devancier dont il appréciait la rigueur et la finesse. Le titre de cette monographie sonne comme une déclaration pro domo : personnalité rassembleuse à l’enthousiasme communicatif, c’est par amour de la littérature et des livres que Roger Francillon a œuvré sa vie durant, avec une générosité dont on se souviendra.