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Classiques Garnier

Liminaire

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Le 9 avril 2019, une journée détudes donnait loccasion de présenter, au Palais Universitaire de Strasbourg et devant un parterre relevé au sein duquel on notait la présence du professeur Pierre Braunstein, président du Cercle Gutenberg, de M. Gérard Bellito, secrétaire général du Cercle Gutenberg, et du professeur Irene Dingel, directrice du Leibniz-Institut für Europäische Geschichte (Mayence), le bilan des travaux menés dans le cadre du projet « La Réforme protestante et les Juifs ». Ce projet avait été soutenu par le Programme Gutenberg de Chaires dexcellence, financé par la Région Grand Est et lEuro-métropole de Strasbourg. Après que le titulaire de la Chaire Gutenberg pour lannée universitaire 2017-2018 eut exprimé ses remerciements à la Faculté de Théologie protestante de Strasbourg pour son hospitalité, son accueil chaleureux et son soutien, plusieurs contributions dintervenants de Strasbourg ou venus de plus loin (Paris, Mayence, Tübingen et Nanterre) ont fait le point sur différents aspects du projet tout en ouvrant de nouvelles perspectives de recherche.

La discussion sest focalisée sur deux axes : la figure du réformateur de Nuremberg Andreas Osiander ; la Réforme à Bâle et à Wittenberg et les Juifs.

Je suis particulièrement heureux que trois des contributions de cette journée puissent être publiées dans le présent numéro de la RHPR. (Celle de mon assistant strasbourgeois, Sebastian Molter, intitulée « Entre Osiander et Bucer : La Réforme et les Juifs », avait déjà été publiée en allemand dans la revue suisse Judaica 73, 2017, p. 175-196.) Il sagit tout dabord de la contribution de ma collègue Annie Noblesse-Rocher. Cest elle qui a initié notre coopération relative à lhistoire de la Réforme dans ses rapports avec les Juifs en lançant le projet dune édition critique et commentée du texte dOsiander « Est-il vrai et crédible que les Juifs tuent en secret les enfants chrétiens et utilisent leur sang ? Une réfutation des accusations de crime rituel ». Lédition de ce texte – le seul à lépoque de la Réforme qui, à ma connaissance, plaide en faveur des Juifs de 6manière univoque et en tout point – a représenté le premier fruit des travaux menés dans le cadre de la Chaire Gutenberg. Elle a paru en 2017 à Genève, aux éditions Labor et Fides. Dans la contribution qui paraît dans le présent cahier, Annie Noblesse-Rocher évalue lattitude dOsiander envers les Juifs dans le contexte des premières décennies du xvie siècle, en fonction de sa biographie et du développement de la Réforme à Nuremberg. Cest une question que ma propre contribution évoque dun autre point de vue en effectuant une comparaison avec les propos anti-juifs de Luther.

La troisième contribution que nous publions ici est due à Hubert Guicharrousse, germaniste à lUniversité de Nanterre domicilié à Berlin. Jai eu le plaisir de coopérer avec lui pour proposer, dans le cadre des travaux de la Chaire Gutenberg, une traduction commentée du texte de Luther Du Shem Hamephorash et de la généalogie du Christ, qui a paru en 2019 à Paris, aux éditions Honoré Champion. Cette collaboration nous a permis de discuter de la relation de Luther avec dautres minorités de son pays et de son temps, entre autres les Wendes ou Sorabes (minorité slave en Basse-Lusace, probablement également présente au xvie siècle en Saxe). Hubert Guicharrousse présente ici une étude sur la réédition en 1528, par Luther, du Liber vagatorum (publié vers 1510), ouvrage populaire qui met en garde contre la mendicité abusive. Proposant un glossaire de largot des truands, qui comprend de nombreux mots hébreux, cette republication doit être replacée dans le contexte des relations de Luther avec les Juifs et le judaïsme de son temps.

Matthias Morgenstern