Aux origines du christianisme : l’événement, la mémoire et la foi II. Les christianismes de Luc et de Jean
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d’histoire et de philosophie religieuses
2020 – 4, 100e année, n° 4. varia - Auteur : Butticaz (Simon)
- Résumé : Faisant suite au premier volet d’une étude qui a mis au jour trois dimensions à l’œuvre dans la construction identitaire du christianisme paulinien – l’événement, la mémoire et la foi – (RHPR 100, 2020, p. 335-362), cette seconde partie élargit l’examen aux christianismes de Luc et de Jean, afin d’en vérifier la présence ailleurs aux origines de l’Église. Enfin, au terme de l’enquête, l’article en déploie les conséquences pour l’étude du Nouveau Testament compris comme discipline scientifique.
- Pages : 467 à 485
- Revue : Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses
- Thème CLIL : 4046 -- RELIGION -- Christianisme -- Théologie
- EAN : 9782406112792
- ISBN : 978-2-406-11279-2
- ISSN : 2269-479X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11279-2.p.0005
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 21/12/2020
- Périodicité : Trimestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Nouveau Testament, exégèse, histoire, mémoire, herméneutique, méthodes, Luc, Jean
Aux origines du christianisme :
l’événement, la mémoire et la foi1
II. Les christianismes de Luc et de Jean
Simon Butticaz
Université de Lausanne –
Faculté de théologie et de sciences des religions
In memoriam François Butticaz (1942–2016).
L’événement, la mémoire et la foi : une constante dans les origines du christianisme ?
Rappels et remarques préliminaires
Dans le premier volet de notre étude, nous sommes partis en quête de ce qui, dans le cadre du christianisme paulinien, était réputé fonder de manière durable et originale l’existence croyante. Trois piliers ont pu être exhumés, dessinant les contours du courant paulinien dans son milieu ambiant de naissance : l’événement, la mémoire et la foi.
468Qu’en est-il ailleurs dans le christianisme des origines ? dans d’autres milieux socioculturels et à une distance temporelle d’une génération ? Peut-on y reconnaître le même triptyque fondationnel ? Deux autres textes-miroir à dater de la fin du ier siècle2 – la préface que Luc situe en tête de son diptyque et la conclusion dont est pourvu l’évangile selon Jean – se prêtent à une démarche de vérification. C’est cette entreprise que nous souhaitons conduire dans cette deuxième partie de notre enquête, avant d’en déployer les incidences épistémologiques et méthodologiques pour l’étude du Nouveau Testament au seuil du IIIe millénaire.
Une fenêtre ouverte sur le christianisme asiate :
la préface de Luc
Démarrons par la préface de Luc :
11 Puisque beaucoup ont entrepris de composer un récit au sujet des faits accomplis parmi nous, 2comme nous les ont transmis ceux qui ont été témoins oculaires à partir de l’origine et sont devenus serviteurs de la Parole3, 3il a paru bon, à moi aussi, après avoir retracé toutes choses jusqu’au début, d’écrire pour toi avec acribie et dans l’ordre, excellent Théophile, 4afin que tu reconnaisses, au sujet des paroles qui ont résonné à tes oreilles, la solidité. (Luc 1,1-4.)
À la lecture de cette préface dont les parentés avec les pratiques littéraires de l’Antiquité ont été soigneusement étudiées par Loveday Alexander4, Knut Backhaus5 et d’autres6, la composante événementielle des origines chrétiennes s’impose comme une évidence7. Le seul terme grec par lequel l’auteur du troisième évangile choisit de nommer le thème des nombreux récits désormais en circulation 469dans les milieux croyants des origines est celui de πράγματα (Lc 1,1), en français courant : des « faits » ou des « événements8 ». Un terme qui, s’il n’a pas aux oreilles d’un Grec de l’Antiquité l’éclat et le prestige héroïques des πράξεις9, les « hauts-faits » des hommes illustres, s’inscrit probablement dans un autre héritage : celui de la Bible grecque des Septante. Totalisant quelque 125 occurrences, le mot πρᾶγμα y rend le plus souvent l’hébreu דבר (davar10). Il n’est dès lors pas exagéré de dire avec François Bovon que :
le pluriel πράγματα est probablement l’équivalent grec du concept sémitique de ῥήματα (דְּבָרִים) “paroles-actes” de Dieu (Ac 5,32), donc événements de l’histoire du salut tels que Luc les conçoit : où Dieu, par sa parole et par le message de ses envoyés, agit avec les humains11.
La courte préface qui chapeaute les Actes des apôtres (Ac 1,1-2)12, suite déclarée de l’évangile selon Luc13, en apporte confirmation. Rappelant le contenu de son premier volume, l’auteur en délimite la matière, dit-il, aux « choses que Jésus a commencé à faire et à enseigner » (Ac 1,1). Dans cette perspective, on en conviendra sans peine, les récits en circulation aux origines de l’Église, auxquels Luc ajoute sa propre production littéraire, concernent la geste de Jésus. Et cela, même si, dans l’esprit de l’auteur lucanien, cette geste semble désormais appeler une continuation, celle précisément dont il entreprend la chronique dans son second tome : les « Actes des apôtres14 ». Indéniable, cette modification n’affecte pas tant l’ancrage événementiel de l’identité croyante que la représentation que le mouvement de Luc se fait de son passé fondateur. Comme l’écrit Daniel Marguerat :
L’écriture d’une œuvre double « Jésus + apôtres » signifie […] que Luc est le premier à formuler le fondement de la foi chrétienne sous l’égide de l’εὐαγγέλιον καὶ ἀποστολικόν, l’Évangile et l’Apôtre. Le premier, il donne à entendre qu’une anamnèse de l’histoire fondatrice du christianisme doit englober Jésus et les apôtres. Le premier, il lie dans la tradition Jésus et Paul. Est-il besoin de dire que le canon du Nouveau Testament ratifiera ce choix théologique15 ?
470En même temps, ces « événements » du passé sont ici, comme dans la première lettre aux Thessaloniciens, accessibles à travers des médiations seulement16. La préface du troisième évangile en signale deux, à commencer par la notion de tradition. En effet : l’auteur lucanien n’est ni un témoin oculaire des origines chrétiennes ni un croyant de la première génération ; il ne fait aucun mystère à ce propos. Au contraire : c’est par le truchement d’une histoire de transmission qu’il situe son rapport à l’« origine », ce qu’il nomme l’ἀρχή (Lc 1,2). Et surtout, une histoire de transmission dorénavant ordonnée à un groupe de porteurs autorisés, ceux que Luc appelle les « témoins oculaires devenus serviteurs de la parole » (Lc 1,2), entendez : la génération des apôtres Pierre, Jacques et Jean. En somme, c’est la genèse d’une tradition apostolique, appelée à réguler l’accès à l’origine, qui se met en place à la fin du ier siècle dans le christianisme éphésien17.
La seconde médiation nommée par Luc est celle de l’écriture : s’il n’est pas un témoin oculaire du ministère de Jésus, Luc n’est pas non plus le premier auteur à composer ce qu’il nomme une diégèse, soit une composition suivie d’événements18. « Beaucoup », dit-il, l’ont précédé dans cette entreprise (Lc 1,1). La critique des sources du troisième évangile reconnaît derrière ces « nombreux » autres l’évangile de Marc, l’hypothétique source des paroles de Jésus ainsi qu’un ensemble de traditions propres au milieu confessionnel de Luc19. Leur emboîtant le pas, le troisième évangéliste souhaite, lui aussi, offrir à l’« excellent Théophile » un récit « ordonné » des « faits advenus parmi nous » (Lc 1,1-4).
La définition de porteurs autorisés d’une tradition tout comme le transfert de l’oral vers l’écrit participent, selon l’égyptologue allemand et sociologue de la mémoire Jan Assmann, d’un même processus : le glissement de ce qu’il nomme une « mémoire communicationnelle », par définition personnelle et quotidienne, en direction d’une mémoire traduite dans un corps défini de textes et de rites ; dorénavant confiée à un collège de spécialistes, cette 471forme du souvenir collectif ressortit, dans la taxinomie d’Assmann, à la « mémoire culturelle20 ».
Tirant de l’oubli les travaux de Maurice Halbwachs sur la « mémoire collective21 », Jan Assmann a soigneusement décrit ce cap décisif que doit négocier tout groupe social lorsque s’éteint la génération de ses mémoires vivantes. Je le cite :
La mémoire communicationnelle embrasse des souvenirs qui se rapportent au passé récent, et que l’homme partage avec ses contemporains. Le cas typique est la mémoire générationnelle, que le groupe reçoit historiquement en partage ; elle naît dans le temps et périt avec le temps, ou plus exactement avec ses propres porteurs. Une fois que ces derniers sont morts, elle cède la place à une autre22.
Et de poursuivre, quelques lignes plus loin :
Il s’agit là de deux modes mémoriels, de deux fonctions du souvenir du passé […] qui doivent être soigneusement distingués […] : celui du souvenir fondateur, qui se rapporte à des origines, et celui du souvenir biographique, qui se rapporte à des expériences propres […]. Le souvenir fondateur se constitue toujours plus institutionnellement que naturellement […] ; pour le souvenir biographique, le ratio est inverse. Contrairement à la mémoire communicationnelle, la mémoire culturelle est une affaire de mnémotechnie institutionnalisée23.
C’est une telle crise et transformation de sa mémoire collective que le christianisme naissant dut affronter au tournant du ier siècle24 : coup sur coup, les grands apôtres, témoins oculaires de l’événement Jésus et garants naturels de sa transmission, disparaissent de la scène de l’histoire, dans des conditions brutales le plus souvent. Comment, dès lors, faire mémoire des origines, en l’absence de ces garants naturels du passé ? Et en quoi ces événements remémorés sont-ils, encore et toujours, porteurs de foi et d’espérance dans le présent ? Loin de s’atténuer avec le temps, c’est à une intensification du travail de mémoire qu’il faut compter au crépuscule du ier siècle, les premiers 472croyants en Jésus empruntant et prolongeant une rhétorique et des pratiques mémorielles attestées ailleurs dans le monde antique25.
Comme nous l’a notamment rappelé Yosef Hayim Yerushalmi, l’impératif zakhor revient pas moins de 169 fois dans la Bible hébraïque, élevant le souvenir du Dieu des patriarches et de l’exode en véritable injonction spirituelle pour l’Israël ancien, alors que l’oubli devient synonyme de péché26. Du côté de la Rome ancienne également, l’art de la mémoire infiltre largement la culture commune, des prétoires à l’espace domestique, en passant par les cérémonies et rites religieux27. C’est, au reste, dans la rhétorique latine que l’historien français Pierre Nora a puisé sa célèbre formule des « lieux de mémoire28 ». Dans cette culture où la mémoire et l’oubli avaient été érigés en véritables institutions publiques, le souvenir du passé participait centralement de l’éducation politique et de la construction morale du citoyen, comme nous le rappelle Plutarque au seuil du iie siècle de l’ère commune29 :
Mais il est possible de civiliser et de corriger ceux d’aujourd’hui en racontant bien d’autres choses au sujet des Grecs de jadis, comme en rappelant, à Athènes, plutôt que les guerres, des faits comme le décret d’amnistie pour les Trente […]. C’est en essayant d’imiter de tels actes qu’il est possible encore aujourd’hui de se rendre semblable aux ancêtres. (Plutarque, Conseils aux politiques pour bien gouverner 1730.)
Revenons à Luc. S’il s’engage à faire mémoire de Jésus et des apôtres, pourquoi donc ? Le diagnostic établi à propos de 1 Thessaloniciens, et reconnu aussi dans le monde méditerranéen de l’Antiquité, se confirme ici : en aucun cas, l’anamnèse des origines chrétiennes et le rapport à l’histoire qui la fonde ne sont motivés par un réflexe d’archiviste ; comme Paul ou les orateurs de la Rome antique, l’ambition de Luc n’est pas muséale31. En témoigne la préface du troisième évangile : c’est pour que Théophile, le dédicataire de son œuvre, reconnaisse la « solidité des paroles entendues » que Luc compose son récit (Lc 1,4). Et cela, à une époque où, je l’ai dit, non le trop peu, mais le trop plein de traditions sur 473Jésus guettait la cohésion de l’Église (cf. Lc 1,1.4) : l’ἀσφάλεια, la « solidité » de rudiments de foi, tel est donc le but que l’instance auctoriale assigne à sa remémoration des origines32. Une nouvelle fois, le projet est confessant : c’est à mettre en scène « tout ce que Dieu a fait avec [les humains] » (Ac 14,2733) que l’auteur lucanien s’engage dans l’écriture de son œuvre double et dont il propose la lecture rassurante au bien-nommé Théophile34.
Au miroir du quatrième évangile :
une église syrienne du ier siècle finissant35
Un regard jeté sur le quatrième évangile, celui que la tradition de l’Église a attribué à l’apôtre Jean36, nous permet de reconnaître une semblable gestion identitaire dans le christianisme de Syrie37. Dans ce cas, c’est au stade de la clôture que l’instance auctoriale ramasse, en quelques mots, son projet d’écriture38 ; citons, en le traduisant, le chapitre 20 aux versets 30 et 31 :
30Certes, Jésus a aussi fait de nombreux autres signes devant [ses] disciples, lesquels n’ont pas été écrits dans ce livre. 31Mais, ceux-là ont été écrits afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et, afin qu’en croyant, vous ayez la vie dans son nom. (Jean 20,30-31.)
À l’identique de la préface des Actes, Jésus est campé en sujet d’un verbe d’action, le verbe grec ποιεῖν : c’est son faire, et non une simple sagesse ou une doctrine, dont il convient de garder la mémoire (v. 30a). Et à l’instar de l’œuvre de Luc toujours, ce travail d’anamnèse se matérialise, désormais aussi, dans un βιβλίον, un « livre » en grec (v. 30b39).
474Un autre passage, rencontré plus haut dans le même évangile, l’atteste explicitement. À propos de la parole de Jésus sur le Temple, le Christ johannique annonçant sa destruction et son redressement en trois jours, le narrateur vient greffer un commentaire explicite, déclarant en Jean 2,2240 :
Quand donc il [Jésus] fut réveillé d’entre les morts, ses disciples se souvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent l’Écriture et la parole dite par Jésus. (Jean 2,22.)
C’est dire si, aux côtés des Écritures juives, se constitue dans le cadre de la mouvance johannique une autre parole autorisée ou, si l’on préfère, scripturaire, dans laquelle se condense désormais la mémoire de Jésus41. Et cela, avec un enjeu assumé42 : favoriser une authentique foi christologique, incarnation et résurrection incluses, le verbe πίστευω totalisant pas moins de 98 occurrences dans le quatrième évangile43. Avec raison, Jean Zumstein reconnaît là un premier « livre de foi » des origines chrétiennes44.
En résumé : dans le cadre original de la tradition johannique souvent localisée en Syrie, un milieu dont on sait les importants écarts tant matériels que théologiques face aux autres évangiles du Nouveau Testament, se reconnaît un même dispositif de fondation ; ancrée dans un passé érigé en mythe45 ou, si l’on veut parler avec l’évangile de Jean, un passé à valeur de « signe » (Jn 20,30), la mémoire – désormais livresque – des premiers chrétiens s’attache à confesser, à travers une sélection narrative de faits rapportés à Jésus, l’agir salutaire de Dieu dans l’histoire46.
475étudier les origines chrétiennes :
l’histoire, l’exégèse et la théologie47
L’événement, la mémoire et la foi : c’est sur ces trois principaux fondements que, à en croire notre brève enquête, s’est édifiée l’Église des origines. Sans nier la pluralité, pour ne pas dire les conflits, qui ont marqué au fer le développement du christianisme à ses débuts48, ces fondements se reconnaissent autant chez Paul que deux générations plus tard, dans le christianisme synoptique ou dans la mouvance rattachée à la mémoire de l’apôtre Jean49. Les passages auto-réflexifs de la secunda Petri, un écrit pseudépigraphe parmi les plus récents du Nouveau Testament50, auraient aussi pu être pris en exemples, sans modifier substantiellement ce constat. Convoquant une prégnante rhétorique mémorielle (1,12-15 ; 3,1-2), l’auteur encourage « ceux qui ont reçu une foi d’égale valeur » (1,1) à persévérer en s’adossant au témoignage rendu non à des « fables savantes » mais à « la puissance et la présence de notre Seigneur Jésus Christ » (1,16) ; avec, dans ce cas aussi, une foi rapportée à un événement passé – représenté par l’épisode de la transfiguration (1,17-18) – et dont l’accès est désormais ordonné à des témoins autorisés (1,16 ; cf. 3,2)51.
Ainsi exhumé et défini, notre objet d’études appelle des outils appropriés pour en analyser les caractéristiques et en décrire les constantes comme les singularités. À commencer par des méthodes adaptées au caractère événementiel du christianisme naissant52. Comme le soulignait l’ancien professeur zurichois Gerhard Ebeling dans un article consacré à l’approche historico-critique en exégèse, le rapport à l’histoire n’est pas en option dans la définition de soi de la religion chrétienne :
Le christianisme tient et tombe en fonction de son lien à son origine historique […] Le christianisme est une grandeur historique. Il procède 476d’un passé historique déterminé et se situe, ce faisant, dans un rapport historique avec ce passé53.
Pour honorer cette composante inhérente à notre objet d’études, la critique historique et la philologie s’imposent comme un passage obligé54. Ou pour le dire avec toute la clarté requise : il ne s’agit pas simplement de sacrifier à une exigence humaniste héritée du siècle des Lumières, mais d’un impératif dicté par la nature même de l’objet en cause. Face aux fondamentalismes de tout poil qui écrasent la contingence du réel55 et face à la désinformation qui se moque de toute dimension référentielle56, l’étude de la religion chrétienne ne peut faire fi d’une approche objectivante de type historique57 : il en va non seulement de sa pertinence sociale et de sa légitimité démocratique, mais de la nature même cette discipline, si elle veut être scientifique58.
En même temps59, contrairement à une illusion positiviste à laquelle l’exégèse du xixe siècle a largement succombé, l’accès au passé n’est pas à penser par démarcation et négation du travail de transmission et de réception qu’il a engendré. Comme on a pu s’en rendre compte, les médiations mémorielles sont à la fois la condition de possibilité et les limites mêmes de l’enquête historienne60.
477Mieux encore : contrairement à une hypothèse aussi spontanée que simpliste, le phénomène de tradition n’est pas une conséquence du canon biblique, mais son présupposé61. Dans les lettres de Paul déjà, les premières communautés fondées par l’apôtre sont les bénéficiaires de traditions sur Jésus qui circulent dans le microcosme ecclésial des origines et en reconstruisent la mémoire en réponse aux besoins du temps présent (1 Co 11,23ab ; 15,1-3b)62. Prendre au sérieux cette composante proprement mémorielle du christianisme s’impose à l’exégète du Nouveau Testament. Pierre Bonnard, professeur dans cette Université après avoir enseigné à la Faculté de théologie libre de Lausanne63, l’avait correctement perçu dans un article fameux intitulé : « L’anamnèse, structure fondamentale de la théologie du Nouveau Testament64 ».
Pour mettre au jour ces jeux de mémoire et d’oubli qui balayent les origines chrétiennes et se cristallisent dans différents « lieux de mémoire65 » – que ce soit des livres, des rites ou des fêtes66 –, là encore, des méthodes et des outils adaptés sont à mobiliser : les différentes approches intéressées aux processus de réception en sont les plus sûrs candidats67, à commencer par les « social memory studies » largement pratiquées de nos jours dans le domaine des sciences humaines et sociales68. Avec comme agenda, déjà au bénéfice de belles réalisations69, l’écriture d’une histoire mémorielle 478du christianisme naissant ou, pour reprendre une catégorie de Jan Assmann, une « mnémo-histoire70 ».
Last but not least : c’est autour d’un lexique en particulier, le lexique du « croire » que fonde le radical grec πιστ-, que se sont également fédérées les premières communautés chrétiennes, allant jusqu’à en faire leur nom de ralliement. Pour cette raison, la critique théologique du Nouveau Testament et des traditions chrétiennes anciennes ne peut être tenue pour une quantité négligeable de l’exégèse, un passe-temps à bien plaire71. Car l’examen des discours et des pratiques de foi à l’œuvre dans les différents milieux des origines chrétiennes72 n’est pas un simple desideratum des Églises, l’inféodation du bibliste à un magistère ou à un milieu confessionnel73. C’est, ici aussi, la prise au sérieux de l’objet qui nous fait face74 : un objet à la fois historique, littéraire et religieux75.
479Bibliographie
Textes et sources
Aland, Barbara – Aland, Kurt et al. (éd.), Novum Testamentum Graece, Stuttgart, Deutsche Bibelgesellschaft, 28e éd., 2012.
Plutarque, Conseils aux politiques pour bien gouverner. Traduit du grec et présenté par Franck Lemonde, Paris, Payot & Rivages, 2007.
Littérature secondaire
Alexander, Loveday C. A., The Preface to Luke’s Gospel. Literary Convention and Social Context in Luke 1,1-4 and Acts 1,1, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « Society for New Testament Studies Monograph Series » 78, 1993.
Alexander, Loveday C. A., « Formal Elements and Genre. Which Greco-Roman Prologues Most Closely Parallel the Lukan Prologues ? », Jesus and the Heritage of Israel. Luke’s Narrative Claim upon Israel’s Legacy, vol. 1, éd. David P. Moessner, Harrisburg (PA), Trinity Press International, 1999, p. 9-26.
Assmann, Jan, Das kulturelle Gedächtnis. Schrift, Erinnerung und politische Identität in frühen Hochkulturen, Munich, Beck, 1992.
Assmann, Jan, Moses the Egyptian. The Memory of Egypt in Western Monotheism, Cambridge (MA), Harvard University Press, 1997.
Assmann, Jan, Moses der Aegypter : Entzifferung einer Gedächtnisspur, München, Verlag Carl Hanser, 1998.
Assmann, Jan, Moïse l’Égyptien. Un essai d’histoire de la mémoire. Traduit de l’allemand par Laure Bernardi, Paris, Flammarion, 2003.
Assmann, Jan, La mémoire culturelle. Écriture, souvenir et imaginaire politique dans les civilisations antiques. Traduit de l’allemand par Diane Meur, Paris, Aubier, 2010.
Aune, David E., « Luke 1.1–4 : Historical or Scientific Prooimion ? », Paul, Luke and the Graeco-Roman World. Festschrift Alexander J. M. Wedderburn, éd. Alf Christopherson, Carsten Claussen, Jörg Frey et Bruce Longenecker, Sheffield, Sheffield Academic Press, coll. « Journal for the Study of the New Testament Supplement Series » 217, 2002, p. 138-148.
Backhaus, Knut, « Asphaleia. Lukanische Geschichtsschreibung im Rahmen des antiken Wahrheitsdiskurses », Wahrheit und Geschichte. Exegetische und hermeneutische Studien zu einer dialektischen Konstellation, éd. Eva Ebel et Samuel Vollenweider, Zürich, TVZ, coll. « Abhandlungen zur Theologie des Alten und Neuen Testaments » 102, 2012, p. 79-108.
480Barton, Stephen C. – Stuckenbruck, Loren T. – Wold, Benjamin G. (éd.), Memory in the Bible and Antiquity. The Fifth Durham-Tübingen Research Symposium (Durham, September 2004), Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament » 212, 2007.
Benoist, Stéphane – Daguet-Gagey, Anne – Hoët-van Cauwenberghe, Christine (éd.), Une mémoire en actes : espaces, figures et discours dans le monde romain, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2016.
Bonnard, Pierre, « L’anamnèse, structure fondamentale de la théologie du Nouveau Testament », Id., Anamnesis. Recherches sur le Nouveau Testament, Genève – Lausanne – Neuchâtel, coll. « Cahiers de la Revue de Théologie et de Philosophie » 3, 1980, p. 1-11.
Bovon, François, L’évangile selon saint Luc (1,1–9,50), Genève, Labor et Fides, coll. « Commentaire du Nouveau Testament » IIIa, 1991.
Butticaz, Simon, « “Le récit des événements accomplis parmi nous” (Lc 1,1). Œuvre de Dieu ou actes d’apôtres ? », Revue de Théologie et de Philosophie 148, 2016, p. 607-625 (= 2016a).
Butticaz, Simon, « The Construction of Apostolic Memories in the Light of two New Testament Pseudepigrapha (2 Tim and 2 Pet) », Annali di Storia dell’Esegesi 33/2, 2016, p. 341-363 (= 2016b).
Butticaz, Simon, « Mémoire, fiction auctoriale et construction de l’autorité : l’exemple de la deuxième lettre de Pierre », Études Théologiques et Religieuses 91, 2016, p. 685-701 (= 2016c).
Butticaz, Simon, « The Transformation of “Collective Memory” in Early Christianity as Reflected in the Letters of Paul », in Butticaz – Norelli, 2018, p. 99-131.
Butticaz, Simon, « Israël, Jésus et les apôtres : summa memoriae christiana », Zeitschrift für die Neutestamentliche Wissenschaft, à paraître, 21 pages.
Butticaz, Simon – Norelli, Enrico (éd.), Memory and Memories in Early Christianity. Proceedings of the International Conference held at the Universities of Geneva and Lausanne (June 2–3, 2016), Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament » 398, 2018.
Cadbury, Henry J., « Appendix C : Commentary on the Preface of Luke », The Beginnings of Christianity, vol. 2, éd. F. J. Foakes Jackson et Kirsopp Lake, London, Macmillan, 1922, p. 485-510.
Clivaz, Claire, « La rumeur, une catégorie pour articuler autoportraits et réceptions de Paul. “Car ses lettres, dit-on, ont du poids… et sa parole est nulle” (2 Co 10,10) », Reception of Paulinism in Acts. Réception du paulinisme dans les Actes des apôtres, éd. Daniel Marguerat, coll. « Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium » 229, Leuven – Paris – Walpole, MA, Peeters, 2009, p. 239-259.
481den Boer, Pim, « Loci memoriae – Lieux de mémoire », Cultural Memory Studies : An International and Interdisciplinary Handbook, éd. Astrid Erll et Ansgar Nünning, Berlin, de Gruyter, 2008, p. 19-25.
Ebeling, Gerhard, « Die Bedeutung der historisch-kritischen Methode für die protestantische Theologie und Kirche » [1950], Id., Wort und Glaube, tome 1, Tübingen, Mohr, 1960, p. 1-49.
Ehrman, Bart D., Jésus avant les évangiles. Comment les premiers chrétiens se sont rappelé, ont transformé et inventé leurs histoires du Sauveur. Traduit par Jean-Pierre Prévost, Paris, Bayard, 2017.
Faillet, Caroline – Ezrati, Marc O. (avec la coll. de), Décoder l’info : comment décrypter les « fake news » ?, Paris, Bréal, 2018.
Fitzmyer, Joseph A., The Gospel according to Luke. Vol. 1, Garden City (NY), Doubleday, coll. « Anchor Bible » 28, 1981.
Frey, Jörg, « Zum Problem der Aufgabe und Durchführung einer Theologie des Neuen Testaments », Aufgabe und Durchführung einer Theologie des Neuen Testaments éd. Cilliers Breytenbach et Jörg Frey, Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament » 205, 2007, p. 3-53.
Frey, Jörg, « The Gospel of John as a Narrative Memory of Jesus », in Butticaz – Norelli, 2018, p. 261-284.
Frey, Jörg – Rothschild, Clare K. – Schröter, Jens (éd.), avec la collaboration de Bettina Rost, Die Apostelgeschichte im Kontext antiker und frühchristlicher Historiographie, Berlin – New York, de Gruyter, coll. « Beihefte zur Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft » 162, 2009.
Frey, Jörg – Rothschild, Clare K. – Schröter, Jens – Watson, Francis, « An Editorial Manifesto », Early Christianity 1, 2010, p. 1-4.
Fusco, Vittorio, Les premières communautés chrétiennes. Traditions et tendances dans le christianisme des origines. Traduit de l’italien par Noël Lucas, Paris, Cerf, 2001.
Gangloff, Anne, « Rapport introductif. Discours, image et rhétorique de la mémoire », in Benoist – Daguet-Gagey – Hoët-van Cauwenberghe, 2016, p. 213-223.
Gisel, Pierre, Croyance incarnée. Tradition – Écriture – Canon – Dogme, Genève, Labor et Fides, 1986.
Grappe, Christian, « Du rapport aux textes fondateurs en théologie protestante », RHPR 98/4, 2018, p. 377-392.
Halbwachs, Maurice, Les cadres sociaux de la mémoire, postface de Gérard Namer, Paris, Albin Michel, 1994 [1925].
Halbwachs, Maurice, La mémoire collective, Paris, PUF, 1968 [1959].
Hedrick Jr., Charles W., History and Silence : The Purge and Rehabilitation of Memory in Late Antiquity, Austin, University of Texas Press, 2000.
Horbury, William, « The Remembrance of God in the Psalms of Salomon », in Barton – Stuckenbruck – Wold, 2007, p. 111-128.
482Huebenthal, Sandra, « Pseudepigraphie als Strategie in frühchristlichen Identitätsdiskursen ? Überlegungen am Beispiel des Kolosserbriefs », Studien zum Neuen Testament und seiner Umwelt. Serie A 36, 2011, p. 61-92.
Huebenthal, Sandra, Das Markusevangelium als kollektives Gedächtnis, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, coll. « Forschungen zur Religion und Literatur des Alten und Neuen Testaments » 253, 2e éd., 2018.
Kaestli, Jean-Daniel, « Mémoire et pseudépigraphie dans le christianisme de l’âge post-apostolique », Revue de Théologie et de Philosophie 43, 1993, p. 41-63.
Keith, Chris, « Prolegomena on the Textualization of Mark’s Gospel : Manuscript Culture, the Extended Situation, and the Emergence of the Written Gospel », in Thatcher, 2014, p. 161-186.
Keith, Chris – Bond, Helen K. – Jacobi, Christine – Schröter, Jens (éd.), The Reception of Jesus in the First Three Centuries, 3 vols., Londres, T&T Clark, 2020.
Kelber, Werner, « The Works of Memory : Christian Origins as Mnemo-History – A Response », in Kirk – Thatcher, 2005, p. 221-248.
Kirk, Alan, Art. « Traditionsbruch », The Dictionary of the Bible and the Ancient Media, London, Bloomsbury – T&T Clark, 2017, p. 429-430.
Kirk, Alan – Thatcher, Tom (éd.), Memory, Tradition, and Text. Uses of the Past in Early Christianity, Brill, Leiden – Boston, coll. « SBL – Semeia Studies » 52, 2005.
Koester, Helmut – Robinson, James M., Trajectories through Early Christianity, Philadelphia, Fortress Press, 1971.
Löning, Karl, « Paulinismus in der Apostelgeschichte », Paulus in den neutestamentlichen Spätschriften. Zur Paulusrezeption im Neuen Testament, éd. Karl Kertelge, Freiburg et al., Herder, coll. « Quaestiones Disputatae » 89, 1981, p. 202-234.
Marguerat, Daniel, « À quoi sert l’exégèse ? Finalité et méthodes dans la lecture du Nouveau Testament », Revue de Théologie et de Philosophie 37, 1987, p. 149-169.
Marguerat, Daniel, La première histoire du christianisme, Paris – Genève, Cerf – Labor et Fides, coll. « Lectio Divina » 180, 2e éd., 2003.
Marguerat, Daniel, « Luc, pionnier de l’historiographie chrétienne », Recherches de Science Religieuse 92/4, 2004, p. 513-538.
Marguerat, Daniel, « L’évangile selon Luc » et « Les Actes des apôtres », in Marguerat, 2008b, p. 105-126 et p. 127-150, respectivement (= 2008a).
Marguerat, Daniel (éd.), Introduction au Nouveau Testament. Son histoire, son écriture, sa théologie, Genève, Labor et Fides, coll. « Le Monde de la Bible » 41, 4e éd., 2008 (= 2008b).
483Marguerat, Daniel, « Pierre Bonnard (1911 – 2003). La force du texte et le risque de l’interprétation », Aufbruch und Widerspruch. Schweizer Theologinnen und Theologen im 20. und 21. Jahrhundert, éd. Angela Berlis, Stephan Leimgruber et Martin Sallmann, Zurich, TVZ, 2019, p. 98-109.
Michel, Otto, art. « μιμνῄσκομαι κτλ. », ThWNT 4, 1942, p. 678-687.
Morgan, Teresa, Roman Faith and Christian Faith. Pistis and Fides in the Early Roman Empire and Early Churches, Oxford, Oxford University Press, 2015.
Mount, Christopher, « Luke-Acts and the Investigation of Apostolic Tradition : From a Life of Jesus to a History of Christianity », in Frey – Rothschild – Schröter, 2009, p. 380-392.
Nicolet, Valérie, « De Rudolf Bultmann à Judith Butler : intégrer les approches théoriques dans l’exégèse biblique », in Approches et méthodes en sciences bibliques : quoi de neuf ?, éd. Chen Bergot et Luc Bulundwe, en collaboration avec Simon Butticaz, Genève – Lausanne – Neuchâtel, coll. « Cahiers de la Revue de Théologie et de Philosophie », à paraître, 24 pages.
Nora, Pierre, « Entre mémoire et histoire : la problématique des lieux », Les lieux de mémoire. Vol. I : « La République », dir. Pierre Nora, Paris, Gallimard, 1984, p. xvii–xlii.
Nora, Pierre, « From Lieux de mémoire to Realms of Memory : Preface to the English-Language Edition », Realms of Memory : Rethinking the French Past, vol. I, dir. Pierre Nora, éd. anglaise Lawrence D. Kritzmann, traduction Arthur Goldhammer, New York, Columbia University Press, 1996, p. xv-xxiv.
Norelli, Enrico, « La notion de “mémoire” nous aide-t-elle à mieux comprendre la formation du canon du Nouveau Testament ? », in The Canon of Scripture in Jewish and Christian Tradition. Le canon des Écritures dans les traditions juive et chrétienne, éd. Philip S. Alexander et Jean-Daniel Kaestli, Prahins, Éditions du Zèbre, coll. « Publications de l’Institut romand des sciences bibliques » 4, 2007, p. 169-206.
Norelli, Enrico, Comment tout a commencé. La naissance du christianisme, Trad. par Viviane Dutaut, Paris, Bayard, 2015.
Olick, Jeffrey K. – Robbins, Joyce, « Social Memory Studies : From “Collective Memory” to the Historical Memory of Mnemonic Practices », Annual Review of Sociology 25, 1998, p. 105-140.
Räisänen, Heikki, Beyond New Testament Theology. A Story and a Programme, London – Philadelphia, SCM Press – Trinity Press International, 1990.
Ricœur, Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000.
Schlosser, Jacques, « La deuxième lettre de Pierre », in Marguerat, 2008b, p. 461-469.
484Schmidt, Daryl D., « Rhetorical Influences and Genre. Luke’s Preface and the Rhetoric of Hellenistic Historiography », Jesus and the Heritage of Israel. Luke’s Narrative Claim upon Israel’s Legacy, éd. David P. Moessner, Harrisburg (PA), Trinity Press International, 1999, p. 9-26.
Schneider, Gerhard, art. « ἀσφάλεια κτλ. », Exegetical Dictionary of the New Testament I, 1990, p. 175-176.
Schröter, Jens, Erinnerung an Jesu Worte. Studien zur Rezeption der Logienüberlieferung in Markus, Q und Thomas, Neukirchen-Vluyn, Neukirchener, coll. « Wissenschaftliche Monographien zum Alten und Neuen Testament » 76, 1997.
Schröter, Jens, « Memory and Memories in Early Christianity : The Remembered Jesus as a Test Case », in Butticaz – Norelli, 2018, p. 79-96 (= 2018a).
Schröter, Jens, « Geschichtshermeneutische Reflexionen zur Jesusforschung », Jesus, quo vadis ? Entwicklungen und Perspektiven der aktuellen Jesusforschung, éd. Eckart David Schmidt, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, coll. « Biblisch-Theologische Studien » 177, 2018, p. 115-153 (= 2018b).
Schwartz, Barry, « Social Change and Collective Memory : The Democratization of George Washington », American Sociological Review 56/2, 1991, p. 221-236.
Schwartz, Barry, « Christian Origins : Historical Truth and Social memory », in Kirk – Thatcher, 2005, p. 43-56.
Senft, Christophe, « Vérité historique, vérité révélée », Revue de Théologie et de Philosophie 97, 1964, p. 129-139.
Sibuet, Linda, Faire mémoire pour croire. Une exégèse socio-narrative du récit du lavement des pieds (Jn 13,1-20). Mémoire de Maîtrise universitaire en théologie – Nouveau Testament, sous la direction du prof. Andreas Dettwiler, Université de Genève, s. n., février 2019.
Spicq, Ceslas, Lexique théologique du Nouveau Testament, Fribourg – Paris, Éditions universitaires – Cerf, 1991.
Sterling, Gregory E., Historiography and Self-Definition : Josephos, Luke-Acts and Apologetic Historiography, Leiden – New York – Köln, Brill, coll. « Supplements to Novum Testamentum » 64, 1992.
Thatcher, Tom (éd.), Memory and Identity in Ancient Judaism and Early Christianity. A Conversation with Barry Schwartz, Atlanta, SBL Press, coll. « Semeia Studies Series » 78, 2014.
Theissen, Gerd, La religion des premiers chrétiens. Une théorie du christianisme primitif. Traduit de l’allemand par Joseph Hoffmann, Paris – Genève, Cerf – Labor et Fides, 2002.
Theobald, Christophe, « Éditorial. Repenser “l’événement” », Recherches de Science Religieuse 102/1, 2014, p. 5-8.
Trebilco, Paul, Self-designations and Group Identity in the New Testament, Cambridge, Cambridge University Press, 2012.
485Vouga, François, Les premiers pas du christianisme : les écrits, les acteurs, les débats, Genève, Labor et Fides, coll. « Le Monde de la Bible » 35, 1997.
Wolter, Michael, « Die anonymen Schriften des Neuen Testaments. Annäherungsversuch an ein literarisches Phänomen », Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft 79, 1988, p. 1-16.
Wolter, Michael, Das Lukasevangelium, Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « Handbuch zum Neuen Testament » 5, 2008.
Wolter, Michael, « Die Proömien des lukanischen Doppelwerks (Lk 1,1–4 und Apg 1,1–2) », in Frey – Rothschild – Schröter, 2009, p. 476-494.
Yates, Amelia, The Art of Memory, Chicago, University of Chicago Press, 1966.
Yerushalmi, Yosef Hayim, Zakhor. Jewish History and Jewish Memory, Seattle, University of Washington Press, 1989.
Zumstein, Jean, L’évangile selon saint Jean (13–21), Genève, Labor et Fides, coll. « Commentaire du Nouveau Testament » IVb, 2007.
Zumstein, Jean, « L’évangile selon Jean », in Marguerat, 2008b, p. 367-394.
Zumstein, Jean, L’évangile selon saint Jean (1–12), Genève, Labor et Fides, coll. « Commentaire du Nouveau Testament » IVa, 2014.
Zumstein, Jean, La mémoire revisitée. Études johanniques, Genève, coll. « Le Monde de la Bible » 71, Labor et Fides, 2017.
Zumstein, Jean, « La mémoire créatrice des premiers chrétiens », in Butticaz – Norelli, 2018, p. 313-325.
Zumstein, Jean, « Mémoire, histoire et fiction dans la littérature johannique », New Testament Studies 65/2, 2019, p. 123-138.
1 Cette étude contient le texte révisé de ma leçon inaugurale donnée à l’Université de Lausanne (Unil) le 19 septembre 2019 à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des cours de la Faculté de théologie et de sciences des religions. Je profite de cette note pour remercier le prof. Christian Grappe de son attentive relecture de l’étude : notre étude a bénéficié de ses stimulants commentaires de lecture et de ses révisions formelles. Ma gratitude va aussi à Mme Anaïs Reichard, assistante-étudiante à l’Institut romand des sciences bibliques (Unil), qui a mis l’article aux normes de la revue éditrice. Enfin, dans l’ensemble de l’étude, le texte grec du Nouveau Testament est cité et traduit à partir de la 28e édition critique de Aland – Aland, 2012. Sauf indications contraires, la traduction des citations bibliques est nôtre.
2 Pour les questions d’introduction (auteurs, destinataires, datation, localisations, sources, genre, etc.) entourant le quatrième évangile, l’on se reportera à Zumstein, 2008. S’agissant du diptyque de Luc, on consultera pour ces mêmes questions : Marguerat, 2008a, p. 105-126 (pour l’évangile de Luc) et p. 127-150 (pour les Actes des apôtres), respectivement.
3 Pour la justification grammaticale-syntaxique de notre traduction du v. 2, voir Wolter, 2008, p. 63.
4 Alexander, 1993.
5 Backhaus, 2012.
6 Cadbury, 1922 ; Schmidt, 1999 ; Aune, 2002 ; Wolter, 2009.
7 Voir, par exemple, les judicieuses remarques de Christophe Theobald en tête d’un volume thématique que la revue Recherches de Science Religieuse a consacré à la notion d’événement : « À lire le prologue de Luc (Lc 1,1), on se convainc aisément de ce que les “événements” sont l’élément le plus propre des Écritures juives et chrétiennes et ce qui les a suscitées. » (Theobald, 2014, p. 5.)
8 Dans ce sens, voir aussi Alexander, 1993, p. 112, ainsi que Bovon, 1991, p. 37.
9 Cf. Alexander, 1999, en particulier p. 22-23.
10 Voir Butticaz, 2016a, p. 613-614.
11 Bovon, 1991, p. 37.
12 À ce propos, voir Wolter, 2009, p. 490-494.
13 Cf. Marguerat, 2008a, p. 127-150.
14 À ce sujet et pour ce qui suit, voir déjà Butticaz, 2016a.
15 Marguerat, 2003, p. 65.
16 À ce sujet et pour ce qui suit, avec Wolter, 1988, p. 13-15 ; Clivaz, 2009, p. 241, 251-253 ; Butticaz [à paraître].
17 Avec Sterling, 1992, p. 311-389 et, moyennant une datation basse des Actes des apôtres, avec Mount, 2009, p. 380-392 (pour la datation de l’œuvre lucanienne à l’époque de Papias : ibid., p. 386, note 13). Pour une localisation du mouvement de Luc dans le christianisme post-paulinien d’Éphèse, voir Löning, 1981, en particulier p. 203-209.
18 Cf. Fitzmyer, 1981, p. 292 ; Bovon, 1991, p. 37.
19 À ce sujet, les références données supra en note 2.
20 Assmann, 2010, p. 43-51.
21 Halbwachs, 1994 [1925] ; Halbwachs, 1968 [1959].
22 Assmann, 2010, p. 45 (italiques originaux).
23 Assmann, 2010, p. 46-47 (italiques originaux).
24 Cela a été bien démontré, à l’usage des catégories susnommées de Jan Assmann ainsi qu’à partir de sa notion de « Traditionsbruch » (inter alia), par Kelber, 2005, surtout p. 234-244, et Keith, 2014. Cf. aussi Norelli, 2007 ; Huebenthal, 2011 ; Butticaz, 2016a ; Huebenthal, 2018 ; Butticaz [à paraître]. Pour la notion assmanienne de « Traditionsbruch », voir Assmann, 1992, p. 32, 157, 218, 293-294. Ce qui suit s’adosse à ces différentes études.
25 Cf. Michel, 1942 ; Hedrick Jr., 2000 ; Benoist – Daguet-Gagey – Hoët-van Cauwenberghe, 2016 ; Schröter, 2018a.
26 Yerushalmi, 1989. Cf. aussi Horbury, 2007.
27 Cf. Benoist – Daguet-Gagey – Hoët-van Cauwenberghe, 2016.
28 Sur cet emprunt, voir Nora, 1996, ici p. xv. Nora, lui-même, renvoie à l’étude de Yates, 1966. Sur les différentes acceptions de la formule, on lira den Boer, 2008.
29 Cf. Gangloff, 2016.
30 Cité à partir de Plutarque, 2007, p. 102-103 (trad. Lemonde).
31 Cf. aussi Zumstein, 2018, p. 315-318.
32 Pour l’ensemble de notre propos (notamment, les enjeux et l’intention de la double œuvre lucanienne, à l’examen de Lc 1,1-4 et de la notion d’ἀσφάλεια usitée en Lc 1,4), voir : Schneider, 1990 ; Spicq, 1991, p. 220-227, 806-808 ; Clivaz, 2009 ; Backhaus, 2012.
33 Au sujet de la sémantique de l’« événement » dans l’œuvre lucanienne, on lira Butticaz, 2016a.
34 Sur l’écriture confessante de Luc, voir : Marguerat, 2004.
35 Pour l’ensemble de cette section, voir aussi le texte publié de l’allocution présidentielle de Jean Zumstein donnée dans le cadre du congrès annuel de la SNTS qui se tenait à Athènes en août 2018 : Zumstein, 2019, p. 123-138 ainsi que, désormais, Linda Sibuet, février 2019.
36 Cf. Zumstein, 2007, p. 319-320.
37 Cf. Zumstein, 2018, p. 317-318.
38 Pour l’exégèse de ce passage, nous renvoyons à Zumstein, 2007, p. 294-297.
39 À propos de cette transformation à l’œuvre dans le milieu johannique, on lira Zumstein, 2017, p. 101-127.
40 Pour l’exégèse de ce texte, voir Zumstein, 2014, p. 100-107.
41 Ici et après, avec Zumstein, 2017, p. 101-127. Ce dernier a également reconnu l’avènement, dans le milieu johannique, de porteurs qualifiés du souvenir collectif : Zumstein, 2018, p. 323-325.
42 Cf. Zumstein, 2018, p. 317-318.
43 Cf. Trebilco, 2012, p. 114-117.
44 Zumstein, 2017, p. 120.126-127.
45 Sur cette mythification du passé, voir Assmann, 2010, p. 47 : « Pour la mémoire culturelle, ce n’est pas l’histoire factuelle qui compte, mais l’histoire telle qu’on s’en souvient. On pourrait dire aussi que la mémoire culturelle transforme l’histoire factuelle en objet du souvenir et, par là, en mythe. Le mythe est une histoire fondatrice, une histoire qu’on raconte pour éclairer le présent à la lumière des origines. »
46 Voir, pour de plus amples détails, l’étude de Frey, 2018, p. 261-284.
47 Cf. aussi : Grappe, 2018.
48 Cf. Vouga, 1997.
49 Voir aussi, sur ces différents courants distincts composant le christianisme des origines, Theissen, 2002, p. 400-413.
50 Pour l’état de la question et les problèmes d’introduction entourant cette lettre, l’on se reportera à Schlosser, 2008.
51 Pour de plus amples détails, voir Kaestli, 1993 ; Butticaz, 2016b ; Butticaz, 2016c.
52 Cf. aussi Frey – Rothschild – Schröter – Watson, 2010.
53 Ebeling, 1960, p. 12-13 (la traduction française est nôtre).
54 Cf. aussi Marguerat, 1987, p. 155-156.168. Avant lui, et en appui à son propos, Ebeling, 1960 et Senft, 1964.
55 Grappe, 2018, p. 377-392.
56 Faillet – Ezrati, 2018. Nous nous adossons à la saine recommandation lue dans les lignes de ce petit opuscule : « L’enseignement de la rhétorique renforce la vigilance à l’égard des discours, celui de l’esprit scientifique permet la vérification ou réfutation rigoureuse. » (Ibid., p. 115.)
57 Dans sa leçon inaugurale datée du 22 octobre 1985, Daniel Marguerat voyait déjà dans l’approche fondamentaliste de la Bible un oubli fautif de l’histoire (Marguerat, 1987, p. 157). À ce piège, s’est, de nos jours, ajouté l’inquiétant phénomène des contre-vérités dont nous submergent les médias sociaux : Faillet – Ezrati, 2018, p. 9-62. Cf. aussi Nicolet [à paraître].
58 Voir, dans ce sens, les valeurs énoncées dans la charte de l’Université de Lausanne : https://www.unil.ch/central/fr/home/menuinst/organisation/documents-officiels/charte-unil.html (dernier accès : 23 février 2020).
59 Ici et pour ce qui suit, avec Marguerat, 1987, p. 160-163 ; Frey – Rothschild – Schröter – Watson, 2010, p. 1-2.
60 C’est à Maurice Halbwachs, l’ancêtre des travaux sur la mémoire sociale, que revient le mérite de nous avoir rendus attentifs à ces contraintes mémorielles que sont « les cadres sociaux de la mémoire » : Halbwachs, 1994 [1925]. Sur cette dialectique féconde entre histoire et mémoire, voir aussi Ricœur, 2000. Cette dépendance (à la fois positive et critique) de l’histoire à la mémoire a été récemment reconnue et valorisée dans la recherche sur le Jésus historique. Ainsi, par exemple : Schröter, 1997, p. 459-486 ; Schröter, 2018b, p. 115-153. Sur le cadre mémoriel, traversé de traditions chrétiennes multiples (cf. Lc 1,1.4), de l’écriture historienne de Luc dans sa double œuvre, sur les possibilités et limites induites par ce cadre sur son historiographie (cf. Lc 1,1.4) et sur le traitement critique par l’auteur lucanien de cette mémoire partagée dans son milieu de communication (cf. Lc 1,3-4), voir Clivaz, 2009, en particulier p. 251-253.
61 Dans ce sens, aussi : Marguerat, 1987, p. 163. Dans une perspective de théologie systématique, voir Gisel, 1986, en particulier son chapitre 4.
62 Cf. Fusco, 2001, p. 61-151 ; Norelli, 2007 ; Butticaz, 2018a. Sur cette dialectique entre passé et présent dans le travail de mémoire, voir, outre les études de Halbwachs (supra, notes 21 et 60) et de Assmann (2010) déjà nommées, Schwartz, 1991, p. 221-236 ; Schwartz, 2005, p. 43-56.
63 À son sujet, voir Marguerat, 2019.
64 Bonnard, 1980. Voir aussi l’étude de détail entreprise par Fusco, 2001.
65 Nora, 1984, p. xvii–xlii.
66 Cf. Assmann, 2010, p. 51-55. En application à l’œuvre de Luc, voir Butticaz [à paraître].
67 Cf. Räisänen, 1990, p. 103-104 ; Fusco, 2001, p. 17.
68 Sur cette catégorie et pour un état de la question à ce propos, on lira Olick – Robbins, 1998. En application aux origines chrétiennes, voir notamment Kirk – Thatcher, 2005 ; Barton – Stuckenbruck – Wold, 2007 ; Thatcher, 2014 ; Butticaz – Norelli, 2018.
69 Dans ce sens, voir Kelber, 2005 et, surtout, Schröter, 1997 ; Norelli, 2015 ; Ehrman, 2017, ainsi que Keith – Bond – Jacobi – Schröter, 2020. Avant eux, sans l’usage des « memory studies », voir Koester – Robinson, 1971 et Fusco, 2001.
70 Assmann, 1997 (voir, singulièrement, le premier chapitre intitulé : « Mnemohistory and the Construction of Egypt » ; ibid., p. 1-22) ; dans la traduction française, il est question d’« histoire de la mémoire » : Assmann, 2003, par exemple p. 15. Dans la version allemande, il est question de « Gedächtnisgeschichte » : Assmann, 1998, p. 26ss. Nous faisons donc le choix d’une traduction mot à mot de la version anglaise.
71 Ici et après, avec Zumstein, 2017b, p. 70-72.
72 De toute évidence, la foi des premiers chrétiens ne fut pas une simple abstraction religieuse, comme nous l’a notamment rappelé Morgan, 2015. De ce point de vue, une approche de nature théologique ne se cantonnera pas aux seuls discours sur Dieu, mais intègrera dans son champ d’analyse les expressions éthiques et rituelles de la foi. Avec Theissen, 2002. Maintenant, c’est précisément une conception strictement discursive/idéelle de la théologie qui a conduit Theissen à lui préférer une approche de sciences des religions plus à même, selon lui, d’inclure les composantes pratiques du christianisme dans son périmètre d’étude, en plus de ses dimensions mythologiques : Theissen, 2002, p. 11-43.
73 Contra Räisänen, 1990, p. 93-100.
74 Cf. aussi Frey, 2007, p. 9.42-45.
75 C’est là, déjà, l’approche du Nouveau Testament retenue dans Marguerat, 2008b.