Walk in the Truth (Tobit 1:3) Origins and History of an Expression
- Publication type: Journal article
- Journal: Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses
2020 – 2, 100e année, n° 2. varia - Author: Marx (Alfred)
- Abstract: In the Book of Tobit, Tobit introduces himself as “walking in the paths of truth”. This expression is unique in the whole of ancient Greek literature. The present study aims to discover its origin and to follow its development in the Essene-Qumranic literature.
- Pages: 307 to 322
- Journal: Journal of Religious History and Philosophy
- CLIL theme: 4046 -- RELIGION -- Christianisme -- Théologie
- EAN: 9782406106739
- ISBN: 978-2-406-10673-9
- ISSN: 2269-479X
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10673-9.p.0105
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 06-15-2020
- Periodicity: Quarterly
- Language: French
- Keyword: Tobit, truth, Essenism, Qumran, marriage, Iranian influence
« Marcher dans les chemins
de vérité » (Tobit 1,3)
Origine et histoire d’une locution
Alfred Marx
Université de Strasbourg – Faculté de Théologie protestante (EA 4378)
En hommage à Marc Philonenko
à l ’ occasion de son 90 e anniversaire.
Parmi les formules stéréotypées étudiées par Marc Philonenko, plusieurs ont trait à la vérité. La première, « aimer la vérité », avait fait l’objet, en 1998, d’une communication à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres1. La deuxième, « faire la vérité », avait été commentée dans le cadre d’un ouvrage collectif paru en 2002, avec un sous-titre qui indiquait d’emblée au lecteur quel en était le milieu d’origine : « Contribution à l’étude du sociolecte esséno-qoumrânien2 ». Ce même sous-titre éclairait également l’étude de l’expression « élus de vérité3 » ainsi que celle de « maison de vérité en Israël4 ». Marc Philonenko soulignait que ces expressions étaient, pour ce qui est de ces deux dernières, inconnues de la Bible hébraïque, tandis que l’expression « aimer la vérité » n’y apparaît 308qu’une unique fois, en Za 8,195, que, par contre, elles connaissent un usage important dans les écrits esséno-qoumrâniens. Quant à l’expression « faire la vérité », attestée deux fois telle quelle dans la Bible hébraïque6, elle y fait référence à la bienveillance dont a bénéficié Israël de la part de Dieu (Ne 9,33), à l’exercice d’une justice équitable (Ez 18,9 et, en association avec mišpaṭ, Ez 18,8) et, dans l’expression ‘āśāh ḥèsèd we’èmèt, à celle que le héros attend de ses interlocuteurs (Gn 24,49 ; 47,29 ; Jos 2,14 ; 2 S 2,6), des sens bien éloignés de celui qu’elle aura en milieu esséno-qoumrânien. À ces quatre formules stéréotypées on peut en ajouter une cinquième : « marcher dans les chemins de vérité ».
En effet, au tout début du livre de Tobit, celui-ci souligne d’entrée de jeu qu’il a « marché [dans] les chemins de vérité et de justice tous les jours de sa vie », ὁδοῖςἀληθείαςἐπορευόμηνκαὶδικαιοσύνης(Vaticanus, Alexandrinus), ceci à la différence des autres Israélites qui, eux, n’ont pas marché dans la vérité, ἐνἀληθείᾳ (Tb 3,5).
Dans l’Ancien Testament
Sous cette forme, l’expression « marcher dans les chemins de vérité » est unique dans la Bible7. Son correspondant à première vue le plus proche se trouve en Gn 24,48 où le serviteur, envoyé par Abraham dans sa patrie en vue d’y chercher une épouse pour son fils Isaac, déclare que Yhwh l’a conduit bedèrèk ’èmèt (lxx : ἐνὁδῷἀληθείας). Mais ici, « dans le chemin de vérité » ne désigne, en réalité, que la réussite de son entreprise. En dehors de ce passage précis, la locution dèrèk ’èmèt n’est jamais employée dans la Bible hébraïque. Son équivalent grec est, toutefois, attesté plusieurs fois dans la Septante : en Ps 24,10 (en association avec ἕλεος, miséricorde), où ὁδοί traduit l’hébreu ’ārḥôt, sentiers, passage repris en Tb 3,2 ; en Ps 118,151 (Sinaiticus), également au pluriel, où la Septante a ὁδοί là où l’hébreu a miṣwôt, commandements ; avec ὁδός309au singulier, en Ps 118,30, où ἀλήθεια traduit l’hébreu ’èmûnāh, fidélité8 ; enfin, dans les livres qui lui sont spécifiques, en Sg 5,6. On peut également citer Si 37,15, qui recommande à son interlocuteur de supplier Dieu afin qu’il « dirige son chemin dans la vérité », le grec ὁδός correspondant à l’hébreu ṣ‘d, pas (au singulier dans le ms. D, au pluriel dans le ms. B). L’expression « marcher dans la vérité » y est, par contre, attestée une demi-douzaine de fois : en 1 R 2,4 ; 2 R 20,3 // Es 38,3 (dans tous ces cas avec la précision « devant Dieu »), ’èmèt ayant ici le sens habituel de « loyauté », « fidèlité9 » ; à quoi s’ajoutent, la vérité étant rapportée à Dieu (comme aussi en Ps 25,10), Ps 26,3 et 86,11 (cf. Ps 25,5) et s’appliquant à ses commandements. On peut aussi mentionner Pr 28,6 lxx où ἀλήθεια traduit l’hébreu betummô, dans son intégrité. Le parallèle le plus proche de notre expression se trouve en Es 65,2 lxx : là où, dans le texte hébreu, Yhwh critique son peuple qui « marche dans le chemin qui n’est pas bon, lo’ ṭôb », la Septante reformule la phrase et remplace ces mots par ἀληθινός : le peuple est tancé par Yhwh pour « ne pas marcher dans le chemin de vérité ». Reste que, bien que l’expression « chemin de vérité » semble familière aux traducteurs de la Septante, comme le suggère la traduction invariable par ὁδός de termes hébreux différents, celle employée en Tb 1,3 n’y a pas d’équivalent exact. Dans les deux seuls cas où ὁδός y est au pluriel, celui-ci est déterminé par le substrat hébraïque. Elle est inconnue de Flavius Josèphe et de Philon d’Alexandrie10, et, à en croire la concordance électronique, n’est attestée qu’à deux reprises dans la littérature grecque classique, ici encore au singulier, chez Pindare (Troisième pythique 103) et Euripide (Bellérophon fg. 4).
Dans les écrits esséno-qoumrâniens
C’est dans les écrits esséno-qoumrâniens que se trouvent les parallèles les plus intéressants. Les plus proches se trouvent dans l’Apocryphe de la Genèse 6,2, où Noé déclare que toute sa vie il a 310« marché dans les sentiers, śbyl, de la vérité éternelle », et en I Hénoch 99,10 : sont proclamés heureux et seront sauvés, ceux qui « marchent dans Ses (= Le Très-Haut) chemins de justice », πορεύσονταιἐνὁδοῖςδικαιοσύνηςαὐτοῦ11. Plus loin, en I Hénoch 104,12-13, Hénoch révèle aux justes, saints et sages qu’ils recevront ses livres « pour se réjouir de la vérité » et qu’ils y apprendront « tous leschemins de vérité ». En I Hénoch 91,3, Mathusalem exhorte ses fils à « aimer la vérité et à marcher en elle ». Dans le livre des Jubilés 23,21 est annoncé que, malgré les catastrophes qui viendront s’abattre sur la terre, les rescapés ne reviendront pas vers le « chemin de justice » (texte grec), le « chemin de vérité », via veritatis (version latine). La version araméenne du Testament de Lévi comporte une longue prière de Lévi dans laquelle celui-ci demande à Dieu de lui donner « tous les chemins de vérité », ‘rḥt qšṭ (Testament de Lévi 2,3f = 4Q213a fg. 1, col. i, 12). Dans l’Instruction sur les deux Esprits, qui forme les colonnes 3,18 à 4,26 du Rouleau de la Règle, sont opposés l’Esprit de vérité et l’Esprit de perversité pour lequel « tous les chemins de vérité » sont une abomination (Règle 4,17), passage qui fait écho au tout début de cette Instruction (Règle 3,18-19) où il est dit que Dieu a mis dans l’homme chacun de ces esprits. On retrouve cette même expression, également au pluriel, en 4Q416Instructions, fg. 2 col. iii, 14 et, à propos de Dieu, dans l’Écrit de Damas 3,1512. En 4Q246 col. ii, 5 il est question d’une figure eschatologique dont « tous les chemins sont dans la vérité ». L’unique attestation au singulier dans les écrits qoumrâniens se trouve en 4Q259+319, col. iii, 4 (passage qui correspond à Règle 8,13, mais où drk est construit avec hw’h’, Son chemin), un singulier qui s’explique toutefois par la citation qui suit d’Es 40,3.
Cette métaphore se trouve aussi dans le Livre des Antiquités bibliques du Pseudo-Philon. Dans un discours mis dans la bouche de David, celui-ci déclare à Jonathan que lui et Jonathan « marchent dans la vérité l’un avec l’autre » (LAB 62,7), une formule qui, toutefois, sert ici uniquement à affirmer la loyauté de l’un envers l’autre. De même, dans le targum Neofiti de Genèse 48,15, dans le cadre d’une bénédiction que prononce le patriarche Israël sur les deux fils de Joseph, celui-ci déclare que ses ancêtres, Abraham et 311Isaac, ont « marché dans la vérité », les mots « dans la vérité » ayant été ajoutés par l’auteur du targum.
On aura noté que seuls les écrits d’origine esséno-qoumrânienne (à l’unique exception des Jubilés) parlent, de manière systématique, à propos des humains, des chemins (au pluriel) de vérité (unique complément de nom), comme le fait le livre de Tobit, et que les parallèles les plus proches de Tb 1,3 se trouvent en I Hénoch 99,10 et dans l’Apocryphe de la Genèse. Ce constat conforte l’hypothèse énoncée jadis par Dupont-Sommer, reprise et étayée par Marc Philonenko, d’une origine essénienne du livre de Tobit13. C’est d’ailleurs dans ce même livre que se trouve un autre des sociolectes esséno-qoumrâniens étudiés par Marc Philonenko, à savoir « faire la vérité » (Tb 4,6 ; 13,6, ainsi qu’une addition dans la Vetus latina, en 14,7), dont il a relevé une demi-douzaine d’attestations dans les pseudépigraphes de l’Ancien Testament et à Qoumrân14.
La Vérité dans le livre de Tobit
Malgré sa singularité, l’expression n’a guère retenu l’attention des commentateurs du livre de Tobit15. Certains même s’abstiennent de la commenter, tandis que d’autres se contentent, en guise de commentaire, d’une simple paraphrase16. Selon Kosmala, l’expression signifie « agir selon les commandements de Dieu17 ». Pour Helen Schüngel-Straumann, le chemin de vérité et de justice est le chemin de vie, le « Lebensweg » caractérisé par la piété et une conduite irréprochable18. Paul Deselaers comprend « chemin » comme s’appliquant à toutes les relations possibles qui demandent 312fidélité et confiance19, ce qui d’ailleurs correspond au sens habituel de ‘èmèt. Reste que l’on peut se demander pourquoi notre auteur, plutôt que d’employer une expression pleine d’ambiguïté, n’a pas choisi de puiser dans le stock des expressions courantes qu’il aurait pu trouver dans le Deutéronome, telles que « garder les commandements » ou encore « marcher dans les chemins de Dieu », ou reprendre celle que l’on peut trouver dans le livre des Rois, « marcher devant Dieu avec fidélité ».
Dans sa déclaration liminaire, Tobit fait étalage de sa piété :
Moi, Tobit, j’ai marché dans les chemins de vérité et de justice, tous les jours de ma vie, et j’ai fait de nombreuses aumônes, ἐλεημοσύνας, à mes frères et à ceux de mes compatriotes qui sont partis avec moi au pays des Assyriens, à Ninive. (Tb, 1,3.)
Cette déclaration rythme le livre de Tobit. Elle est reprise tout à la fin du livre dans le discours d’adieu qu’il adresse, à la veille de sa mort, à son fils Tobie, et dans lequel il évoque le retour des exilés à Jérusalem et la joie de ceux qui « aiment Dieu en vérité, ἀλήθεια, et en justice, δικαιοσύνη, et qui font des aumônes, ἕλεος, à leurs frères » (Tb 14,7 Vaticanus, Alexandrinus). Ces mêmes trois qualités sont également évoquées dans ce proverbe cité par Raphaël, le compagnon angélique de Tobie : « mieux vaut la prière avec la vérité [le jeûne, dans le Vaticanus et l’Alexandrinus] et l’aumône, ἐλεημοσύνη, avec la justice, que la richesse avec l’injustice20 » (Tb 12,8 Sinaiticus).
Cette déclaration liminaire est suivie, quelques versets plus loin, d’une description détaillée de cette piété : contrairement aux autres membres de sa tribu, et à ceux de toutes les autres tribus du royaume nordique d’Israël, il est le seul à ne pas offrir de sacrifices à Baal ; à l’inverse, il est aussi le seul à suivre les prescriptions rituelles : pèlerinage à Jérusalem à l’occasion des fêtes (voir Ex 23,14-17 ; 34,18-24 ; Dt 16,1-16) ; offrande des prémices de sa récolte (voir Ex 23,19 ; 34,26 ; Dt 18,4 ; 26,1-11) ; prémices de la tonte (voir Dt 18,4) ; dîme (voir Lv 27,32), la dîme du bétail étant attribuée aux prêtres, celle des végétaux, aux lévites21, une deuxième, convertie 313en espèces, dépensée sur place (voir Dt 14,22-2622), une troisième, tous les trois ans, partagée avec les orphelins, les veuves et les immigrés (voir Dt 14,28-29 ; 26,12-15). Par-delà son souci de se conformer strictement aux prescriptions rituelles, Tobit se présente ainsi comme un homme généreux, qui pratique la charité23 (voir aussi Tb 1,16-17 ; 2,2 et encore 4,5-11.16-17 ; 14,2). Plus tard, il sera question du soin qu’il prend des cadavres de ceux de ses compatriotes abandonnées sans sépulture et dont il s’empresse, au risque de sa vie, de donner une sépulture (Tb 1,17-20 ; 2,3-8).
Mais ce qui retient surtout l’attention, c’est le début de cette déclaration dans laquelle Tobit, pour caractériser sa piété, se présente comme marchant dans les chemins de vérité, ἀληθεία, et de justice, δικαιοσύνη, ὁδοῖςἀληθείαςἐπορευόμηνκαὶδικαιοσύνης, une construction qui permet d’éviter de mettre sur le même plan « vérité » et « justice ».
Ces deux qualificatifs sont ceux-là même dont Kosmala estime qu’ils désignent par excellence la religion des esséniens24. De fait, ils servent aux esséno-qoumrâniens à se définir et à marquer leur spécificité. Ceux-ci, en effet, se qualifient de « fils de (Sa) vérité », bny’mt, une appellation utilisée pas moins d’une douzaine de fois25, d’« hommes de vérité », ’nšy (h)’mt (1QPésher Hab. 7,10 ; Hymnes 6, 2 ; 4Q298, col. iii, fg. 3-4, ii, 6-7 ; cf.Rouleau du Temple 57,8). Ils se considèrent comme « élus de vérité », bḥyry ’mt (4Q418 fg. 69 col. ii, 10). Ils s’estiment appartenir au « lot de la vérité », gwrl ’mt, de Dieu (Règlement de la Guerre 13,12), former la « communauté de (Sa) vérité », yḥd ’mt (Règle 2,24 ; 3,7 ; cf. 8,5), la « maison de vérité », byt h’mt (Règle 5,6 ; voir 8,9), dont Dieu, et le Maître de justice, sont la « fondation de vérité », swd (h)’mt (Hymnes 9,27 ; 10,10 ; 13,9.26 ; 18,4 ; 19,4.9.16 ; 4Q286 fg. 1, col. ii, 7 ; 4Q417 fg.. 2, 314col. i, 8 ; 4Q418 fg. 43-45, col. i, 6), une « plantation de vérité », mṭ‘t ’mt (Hymnes 16,10). De même, ils sont aussi « fils de justice » (Règle 3,20.22 ; 9,14 ; 4Q259, col. iii, 10 ; 4Q286 fg. 1, col. ii, 7 ; 4Q424 fg. 3, 10 ; 4Q502 fg. 1, 10), « élus de justice », bḥyryṣdq (Hymnes 10,13 ; 4Q184 fg. 1, 14 ; 4Q215a fg. 1, col. ii, 2 ; Chants de David A 21) et, à l’instar de Tobit, ils sont supposés marcher dans « les chemins [noter le pluriel] de justice », drky ṣdq (Règle 4,2 ; 4Q184Pièges de la femme fg. 1, 16 ; 4Q420 fg. 1, col ii, 5 ; voir aussi I Hénoch 91,18 // 4Q212 col. ii, 18 ; 94,1 // 4Q212 col. v, 25 ; 99,10), « dans la justice » (4Q416Instructions fg. 2, col. iii, 10), tandis que le livre des Jubilés les décrit comme une « plantation de justice » (Jubilés 16,26 ; 21,4) et que I Hénoch parle à leur propos de « plantation de justice et de vérité » (I Hénoch 10,16). « Vérité » et « justice » sont associées dans cette injonction liminaire du Rouleau de la Règle de « pratiquer la vérité, la justice et le droit sur la terre » (Règle 1,5-6 ; voir aussi 8,2 et cf. 5,3-4). Autant d’éléments supplémentaires qui démontrent le lien étroit entre le livre de Tobit et le milieu esséno-qoumrânien. En présentant son héros comme un homme qui marche dans les chemins de vérité et de justice, l’auteur du livre de Tobit apparaît ainsi, d’une certaine manière, comme un protoessénien26. Les autres traits qu’il s’attribue – son sentiment d’être à part, sa pratique généreuse de l’aumône27, les motifs exclusivement pragmatiques de son mariage – seront radicalisés en milieu qoumrânien et poussés jusqu’à leurs conséquences ultimes : les membres de la communauté qoumrânienne ont une conscience aigüe de la place à part qu’ils occupent au sein d’Israël, qu’ils confortent par de multiples purifications ; ils renoncent à toute richesse personnelle ; et ils refusent le mariage.
Reste la question centrale : qu’est-ce que cette vérité dans laquelle Tobit marche ? Ce concept de vérité semble occuper une place importante dans le livre de Tobit, puisqu’on y trouve, selon les manuscrits28, jusqu’à une quinzaine d’attestations de ἀλήθεια (ceci dans le Sinaiticus), soit autant que dans le livre d’Ésaïe, qui compte plus de quatre fois plus de chapitres. Dans toute la Septante, seul le livre des Psaumes en compte davantage.
315La plupart des emplois de ἀλήθεια sont traditionnels et correspondent aux sens habituels de ’èmèt, tels que « fidélité », « sincérité », « vérité ». De Dieu il est ainsi dit, comme au Ps 24,10lxx, que ses « chemins sont miséricorde et vérité » (Tb 3,2). Et, comme le fait Samuel en 1 R 12,24lxx, Tobit invite sa descendance à « servir Dieu en vérité », mais aussi à « bénir son nom […] en vérité » (Tb 14,8-9 Sinaiticus), juste après avoir évoqué le retour des exilés à Jérusalem, ceux qui « aiment le Seigneur Dieu en vérité » (Tb 14,7) et qui, « se souviennent de Dieu en vérité » (Tb 14,7 Sinaiticus), des expressions du même ordre que celle employée en Ps 144,18lxx, « invoquer Dieu en vérité », autrement dit, avec sincérité. Ce à quoi s’ajoutent des emplois plus banals, où vérité s’oppose au mensonge, comme lorsque Tobit demande à son interlocuteur de lui dire la vérité à son sujet (Tb 5,12, voir aussi 5,14 ; 12,11 la réponse de l’ange29) ou quand le futur beau-père de Tobie lui révèle que les sept maris qu’il avait donnés à sa fille sont tous morts pendant la nuit de noce (Tb 7,10), emplois que l’on trouve, par exemple, en 3 R 22,16.
Ce qui intrigue, par contre, est l’emploi de ἀλήθεια en Tb 8,730. Au cours de leur nuit de noce, Tobie et sa femme Sarra se lèvent ensemble pour prier. Après avoir prononcé une doxologie et appelé les cieux et toutes les créatures à bénir Dieu, Tobie évoque plus longuement la création d’Adam et d’Ève (v. 5-6). Dans un premier temps, il rappelle qu’après la création d’Adam, Dieu crée cette dernière pour être une aide pour Adam. Puis il cite les paroles prononcées par Dieu en préalable à cette action. Ce passage fait clairement allusion à Gn 2 : la citation correspond quasiment mot pour mot à Gn 2,18, à ceci près que Tobie rattache directement cette parole – qui, en Gn 2, est prononcée en préalable à la création des animaux – à la création de la femme par l’adjonction de ὅμοιον, semblable, repris du v. 20 où Adam constate que les animaux créés par Dieu ne sont pas semblables à lui. Si on ajoute à cela le contexte dans lequel Tobie prononce cette prière, on voit bien que pour lui il s’agit d’un rappel de l’institution divine du mariage. Une autre modification attire l’attention, à savoir la précision que d’Adam et d’Ève est issu le genre humain. Or, dans le texte biblique, ce n’est qu’après la « chute » que la femme reçoit le nom d’Ève, en relation avec sa vocation d’être la « mère de tous les vivants » (Gn 3,20), et qu’après l’expulsion du jardin d’Éden que le couple donne naissance 316à des enfants (Gn 4,1-2). Ce rapprochement entre la création d’Adam et d’Ève et le constat qu’ils sont les ancêtres de l’humanité donne à penser que, dans la conception de l’auteur du livre de Tobit, la finalité première du mariage est d’assurer la pérennité du genre humain. En faisant ainsi référence à l’institution du mariage et en précisant que ce n’est pas pour la πορνεία, la débauche31, qu’il l’a fait mais ἐπ’ἀληθείας, Tobie semble comme s’excuser de prendre Sarra pour épouse. Les traducteurs ont été gênés pour rendre ce dernier terme. La Bible de Jérusalem traduit « d’un cœur sincère32 », la Traduction œcuménique de la Bible, « le souci de la vérité ». Guillaumont, par contre, en propose dans la Bible de la Pléiade une traduction littérale : « en vérité ». Dupont-Sommer l’interprète dans le sens de « vertu, pureté33 ». Mais quel est le rapport avec le récit de Gn 2 que cite Tobie ? En règle générale, les explications proposées peuvent se répartir en deux groupes. Pour la plupart, ἀλήθεια se réfère à l’obéissance aux commandements divins34. Mais on ne voit pas pourquoi, dans ce cas, l’auteur du livre de Tobit ne se contente pas de renvoyer expressément à ces commandements, plutôt que d’utiliser un terme ambigu, et d’invoquer la Loi de Moïse, comme il l’avait fait en 1,8 ; 6,13 ; 7,13 ; 7,14 Sinaiticus. Sans compter qu’ici encore on ne voit pas le lien qu’il fait avec le récit de la création du couple originel, lequel ne comporte aucun commandement adressé aux humains. Pour d’autres, qui s’appuient sur le rapprochement fait en 4,12 de πορνεία avec l’injonction de 317Tobit à son fils de prendre une femme issue de sa tribu, ἀλήθεια signifie l’interdiction d’épouser une femme étrangère35. Mais une fois de plus, on ne comprend pas le lien que fait l’auteur avec le récit de Gn 2, dont la perspective est, bien au contraire, universelle, et où il n’est fait aucune distinction entre peuples. Sans compter qu’il aurait été préférable, dans cette hypothèse, que l’auteur cite expressément cette interdiction du mariage exogamique, par exemple en étendant à toutes les nations ce qui en Dt 7,1-4 ne vaut que pour les Cananéens, ou, positivement, qu’il évoque, comme l’avait fait son père (Tb 4,12), l’exemple des patriarches.
Plutôt que de fantasmer sur l’opposition débauche-vérité, il faut, pour comprendre le sens de « vérité », inscrire la prière de Tobie dans son contexte immédiat. Il n’est, en effet, pas anodin que celui-ci ait trait expressément à l’institution du mariage en Gn 2, rapprochant la création d’Adam et celle d’Ève, comme secours de l’homme, et la précision, absente du récit biblique, que d’eux est né le genre humain. Par là il laisse entendre que, s’il épouse Sarra, c’est uniquement pour assurer, à l’instar d’Adam, la propagation du genre humain36 et pour se conformer de la sorte à la volonté divine, à l’ordre de la création tel qu’il a été institué par Dieu aux origines. La vérité consiste, dans cette perspective, à se conformer à un ordre supérieur, extérieur au monde humain, et universel, qui s’impose à tous les humains. Tel est sans doute aussi le sens qu’il convient de donner à ἀλήθεια en 1,3.
Ce sens de ἀλήθεια n’est pas attesté, il est vrai, en grec classique : les traductions habituellement données dans les dictionnaires de référence sont « vérité » (par opposition à l’erreur ou au mensonge), « véridique », « sincérité », « réalité » (par opposition à l’apparence). Il ne l’est pas davantage dans le grec de la Septante37. Il l’est, par contre, dans le monde perse. De fait, en vieux perse le terme arta a 318à la fois le sens de « vérité » et d’« ordre cosmique ». Dans le lexique du Handbuch des altpersichen de Wilhelm Brandenstein et Manfred Mayrhofer, arta est traduit par « Wahrheit, Recht, Ordnung38 ». Ce terme recouvre une des notions centrales du Zoroastrisme. Comme le note Widengren, « par ses pensées, ses paroles, et ses actes, le Zoroastrien doit monter qu’il vit en accord avec Aša39 », terme que Varenne explique comme suit : « le ‘Bon ordre’ cosmique, la conformité aux desseins du Seigneur, l’ensemble des lois morales, etc.40 » Ce sens s’accorde parfaitement avec l’emploi d’ἀλήθεια en Tb 8,7.
Or on connaît l’importance majeure de l’influence perse sur l’ancien Israël, et ce depuis le vie siècle et jusqu’aux abords de notre ère41. Il n’est donc guère étonnant qu’elle se soit aussi exercée sur l’auteur du livre de Tobit. Il est d’ailleurs significatif à cet égard que son récit se situe pour l’essentiel dans le monde perse, autour d’Ecbatane, capitale des Mèdes (où, à en croire Esd 6,2, se trouve le rouleau sur lequel est inscrit le décret de Cyrus autorisant le retour des exilés) et résidence d’été des rois perses et parthes. Plusieurs traits indiquent, au demeurant, qu’il connaît certains aspects de la religion perse. On peut ainsi citer, parmi d’autres, le nom d’Asmodée donné au démon qui veut empêcher le mariage de Sarra (Tb 3,8), qui évoque aêšma-daêva, une désignation d’un démon caractérisé par la fureur42, ou encore l’image positive donnée au chien (voir Tb 5,17 Vaticanus, Alexandrinus ; 6,1 Sinaiticus ; 11,4 ; voir aussi la Vulgate de 11,9), qui contraste avec le mépris dont il est l’objet dans tout le Proche-Orient43. Cette influence perse sur le livre de Tobit est d’ailleurs reconnue 319depuis au moins le début du siècle dernier44. On ne sait, bien évidemment, rien du degré de connaissance que son auteur a pu avoir de la religion perse. On peut néanmoins penser qu’il avait au moins une connaissance superficielle de ses principales caractéristiques, et en particulier de la nécessité du choix entre le Bien et le Mal, la Vérité, arta, et le Mensonge, drug (voir Yasna 30). Familier qu’il était du Deutéronome45, livre dont il suit rigoureusement les prescriptions en matière de prémices et de dîmes (voir supra p. 313), notre auteur n’aura pas manqué de relever les convergences avec les injonctions faites par Moïse en Dt 30,15-20 (voir aussi Dt 11,26-28) de choisir la vie, et ce, en observant les commandements divins. Or, cette injonction d’observer les commandements divins y est aussi exprimée sous forme métaphorique comme une injonction à « marcher dans les chemins [noter le pluriel !] de Yhwh », métaphore utilisée près d’une dizaine de fois dans le Deutéronome (Dt 8,6 ; 10,12 ; 11,22 ; 13,6 ; 19,9 ; 26,17 ; 28,9 ; 30,16). On peut donc penser à bon droit que notre auteur aura repris cette métaphore, en remplaçant la référence aux commandements divins imposés exclusivement à Israël – « les chemins de Yhwh » – par celle, plus universelle, à la Vérité – « les chemins de Vérité » –, qu’il aura empruntée à la religion perse. Dans cette hypothèse, « marcher dans les chemins de Vérité », Tb 1,3, c’est se conformer à une norme universelle instituée par Dieu dès l’origine, c’est vivre en adéquation avec un ordre supérieur, lequel détermine le destin des humains soit, pour reprendre les termes du Deutéronome, la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Ceux-ci, comme le précise la suite du verset, consistent à pratiquer la justice et l’aumône. Pour l’auteur du livre de Tobit, ce sont là les deux valeurs cardinales, auxquelles tous devraient se soumettre inconditionnellement, comme le fait Tobit – et même si celui-ci restreint leur mise en application aux seuls membres de sa tribu –, la construction de ce verset laissant entendre que pour lui l’exigence de justice vient en tout premier.
Née de la conjonction d’une expression biblique et d’une notion zoroastrienne, notre locution est une illustration supplémentaire de cette rencontre entre ces deux cultures qui a considérablement enrichi la pensée juive.
320Bibliographie
Brandenstein, Wilhelm – Mayrhofer, Manfred, Handbuch des altpersichen, Wiesbaden, Harrassowitz, 1964.
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1 Philonenko, 1998.
2 Philonenko, 2002.
3 Philonenko, 2005.
4 Philonenko, 2006. Ces différentes contributions ont été réunies dans un recueil d’articles intitulé Histoire des religions et exégèse (1955-2012), Paris, AIBL, coll. « Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres » 50, 2015, vol. 2, respectivement p. 621-633, 697-703, 781-784 et 785-787.
5 Cette expression se retrouve toutefois dans la traduction de la Septante, en Ps 50,8 (« aimer » traduisant l’hébreu « désirer », ḥpṣ) et, précédé de ἕλεος, en Ps 83,12 (où l’hébreu a un texte différent).
6 Voir aussi Es 26,10 lxx, qui diffère sensiblement du texte massorétique.
7 Sur la métaphore du chemin dans l’Ancien Testament, voir Zehnder, 1999. Son enquête se limite, toutefois, à la seule Bible hébraïque.
8 Traduction fréquente dans le livre des psaumes, et quasi systématiquement pour ce qui est des psaumes 87, 88, 91, 95, 97,99, 118 (= numérotation LXX).
9 Sur ce terme, voir Jepsen, 1973, col. 333-341.
10 On peut, tout au plus, renvoyer au De migratione Abrahami § 146 où Philon, en référence à Nb 20,17, parle de la voie royale « qui conduit à la vérité »
11 L’expression « chemins de justice » se retrouve à Qoumrân, voir infra p. 314.
12 Voir aussi Commentaire du psaume 37, dont les lignes 23 et 24 sont appliquées au Maître de justice dont Dieu « a aplani son chemin vers la vérité » (4Q171 col. iii, 17).
13 Dupont-Sommer, 1968, p. 414-426 ; Philonenko, 2015, p. 701.
14 Philonenko, 2015, p. 697-703. Voir aussi Si 27,6, avec le verbe ἐργάζομαι.
15 Une exception semble, à première vue, être l’article d’Engel, 1993. Mais son titre, qui est une citation de Tb 1,3, est trompeur, l’expression ne faisant l’objet d’aucun commentaire !
16 Ainsi, notamment, Moore, 1996, p. 106.
17 Kosmala, 1959, p. 194. Voir déjà notamment Schumpp, 1933, p. 11, l’un des rares à commenter en détail ce passage, qui cite à l’appui Ps 25,5 ; 26,3 ; 119,35 ; Si 51,15 où, toutefois, l’expression n’est pas utilisée, ou encore Stummer, 1950, p. 8, en référence à Ps 119,30 et, plus récemment, Zappella, 2010, p. 38.
18 « Fromme Gesinnung », « untadeliges Wandeln », Schüngel-Straumann, 2000, p. 56. Cf. Reusch, 1857, p. 5, n. 3 : le chemin de vérité est le chemin de la vertu.
19 Deselaers, 1982, p. 63. Voir aussi Fitzmyer, 2003, p. 102, qui renvoie à 3 R 2,4 ; 3,6.
20 Cf. le témoignage de Flavius Josèphe sur les Esséniens dans la Guerre juive aux § 134 (à propos de la pratique de la charité) et § 139 (les postulants doivent jurer, entre autres, de pratiquer la justice).
21 Les Écritures auxquelles se réfère Tobit n’envisagent pas de remise de dîme aux prêtres (mais voir Jubilés 32,15 !). Celle-ci y revient tout entière aux lévites (Nb 18,21-24).
22 Cette disposition n’est envisagée que dans le cas où le fidèle est trop éloigné du sanctuaire (Dt 14,24-25). L’auteur s’inscrit dans la fiction de son récit qui fait de son héros un Israélite du royaume du nord, et donc éloigné de Jérusalem. Sur cette deuxième dîme, voir aussi Jubilés 32,9-14.
23 Cette caractéristique, attribuée à Job (voir notamment Jb 29,12-17 ; 31,16-20), sera largement développée dans le Testament de Job (voir notamment les titres qui lui sont attribués en 53,2-3). Elle apparaît comme un des traits de l’homme pieux (voir Si 4,1-10 ; 7 32-36 ; 29,8-13 ; Testament de Zabulon 6-7).
24 Kosmala, 1959, p. 372 cite à ce propos Rouleau de la Règle 4,24 et l’Écrit de Damas 20,29-30.
25 Règle 4,5.6 ; Rouleau de la Guerre 17,8 ; Hymnes 14,29 ; 15,29-30 ; 17,35 ; 18,27 ; 19,11 ; 4Q266 fg. 11, 7 ; 4Q270 fg. 7, col. i, 20 ; 4Q416 fg. 1, 10 ; 4Q491 fg. 11, col. ii, 15.
26 Le livre est généralement daté entre le milieu du iiie siècle avant notre ère et la crise maccabéenne.
27 Cf. Flavius Josèphe, Guerre juive II, 134 souligne, à propos des esséniens, leur charité et leur compassion.
28 Voir l’édition critique de Hanhart, 1985, ainsi que les synopses polyglottes de Wagner, 2003, et de Weeks – Gathercole – Stuckenbruck, 2004.
29 Tous ces passages figurent dans le Sinaiticus.
30 La principale étude de ce passage est due à Mazzinghi, 2008.
31 Sur ce terme, voir Mazzinghi, 2008, p. 89-91. Mazzinghi note que la πορνεία tend à être considérée comme le péché le plus grave, comme le montrent I Hénoch 6,1- 7, 6 ; Jubilées 33,18 ; Testament de Ruben 2,8-9 ; 3,3 ; 5,1-5 ; de Siméon 5,3 et Écrit de Damas 4,12-18.
32 Voir de même notamment Zimmermann, 1996, p. 94 : « intentions honorables » ; Moore, 1996,p. 238 : « dans de nobles intentions » ; Schüngel-Straumann, 2000, p. 132 : « pour des motifs sincères » ; de même Fitzmyer, 2003, p. 246 ; Milla, 2011, entre autres p. 28, 47-48, 90, 125, à savoir respecter la volonté de son père ; Di Pede, 2014, p. 82, où « vérité » est défini comme « des intentions solides, nourries de fidélité, de confiance et de droiture, mais peut-être encore plus fondamentalement […] la loyauté envers les coutumes matrimoniales d’Israël que son père lui a rappelées ».
33 Dupont-Sommer, 1968, p. 425. Voir aussi Helen Schüngel-Straumann, 2000, p. 132 « lautere Absicht », dans une intention pure.
34 Ainsi Schumpp, 1933, p. 173, qui explique qu’il s’agit de la loi mosaïque, laquelle inclut les exigences de la loi naturelle ; Deselaers, 1982, p. 151 ; Rabenau, 1994, p. 142 ; Moore, 1996, p. 238 ; Mazzinghi, 2008, p. 88 et 89 ; Zappella, 2010, p. 97 et déjà Scholz, 1889, p. 71, à la suite de la version syriaque qui traduit : « selon la loi de Moïse ». D’autres pensent plus précisément à la loi de Nb 27,1-11 et 36,1-12 qui envisage le mariage léviratique, ainsi Stummer, p. 23 ; Zappella, p. 97.
35 Rabenau, 1994, p. 142 ; Milla,2011, p. 51-52 (sur le mariage de Tobie, voir p. 139-158).
36 De même Reusch, 1857, p. 90 ; Schulte, 1914, p. 108, conformément à la Vulgate qui traduit : « sed sola posteritatis dilectione ». Sur cette justification du mariage, voir aussi Flavius Josèphe, Guerre juive II, 160-161 : ceux des esséniens qui se marient ne le font pas pour avoir du plaisir, ἡδονή, mais uniquement pour perpétuer l’espèce humaine. Voir aussi Guerre juive II, 121, de même Contre Apion II, 24, 199 ; Philon, De Abrahamo 137 ; De Josepho 43 ; De vita Mosis 1, 28. Dans ces deux derniers écrits, Philon oppose la volonté de procréation à la recherche du plaisir sexuel, ἡδονή. L’Ěcrit de Damas 7,6-7 laisse entendre, de même, que la finalité du mariage est la procréation.
37 Voir Lust – Eynikel – Hauspie, 1992 qui en proposent les traductions suivantes : « truth, truthfulness, fidelity, faithfulness ».
38 Brandenstein –Mayrhofer, 1964. Ces mêmes auteurs signalent que Plutarque, au ier-iie siècle de notre ère (dans son De Iside et Osiride 47) rend arta par ἀλήθεια et que Al-Bīrūnī, au xe-xie siècle le traduit par « vérité » (p. 97) ce qui, évidemment, ne prouve rien pour ce qui est de l’auteur du livre de Tobit, mais montre, pour le moins, qu’il existe, sur ce point, une longue tradition.
39 Widengren, 1968, p. 107. Aša est l’équivalent en iranien de l’est de arta (ibid., p. 100).
40 Varenne, 1996, p. 48. Voir aussi Mahony, 1987 : ṛta (l’équivalent sanscrit de arta) désigne « the cosmic law that allows the universe to run smoothly, the dynamic structure in which every object and all actions have their proper place and in which all parts support and strengthen the whole in a flowing symbiosis » (p. 480).
41 Voir notamment Philonenko, 1995, p. 163-211 (= Philonenko, 2015, vol. 2, p. 491-534).
42 Voir Widengren, 1968, p. 97-98 : « l’un des plus dangereux adversaires des Puissances bonnes ».
43 Voir Widengren, 1968, p. 130 qui évoque le « vieil attachement, bien iranien, au chien, et […] le respect qu’on porte à cet animal ».
44 Moulton, 1900, où l’on trouvera d’autres exemples.
45 L’influence du Deutéronome sur l’auteur du livre de Tobit a été tout particulièrement soulignée par DiLella, 1979.