Un article de Maurice Leenhardt Relire, cent ans plus tard, les « Notes sur la traduction du Nouveau Testament en langue primitive »
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses
2020 – 1, 100e année, n° 1. varia - Auteur : Rognon (Frédéric)
- Résumé : Un siècle après, l’article publié par Maurice Leenhardt dans la RHPR sur « la traduction du Nouveau Testament en langue primitive », ne laisse pas d’interroger le lecteur. Quoique grevé de lourds présupposés, il marque une étape décisive dans l’itinéraire intellectuel de son auteur, aussi bien que dans l’histoire de l’ethnolinguistique et de la traductologie. Une double mise en contexte permet donc de saisir sa singularité ainsi que ses enjeux.
- Pages : 121 à 136
- Revue : Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses
- Thème CLIL : 4046 -- RELIGION -- Christianisme -- Théologie
- EAN : 9782406103721
- ISBN : 978-2-406-10372-1
- ISSN : 2269-479X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10372-1.p.0121
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 01/04/2020
- Périodicité : Trimestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Traduction, Bible, ethnolinguistique, missiologie, Nouvelle-Calédonie
Un article de Maurice Leenhardt
Relire, cent ans plus tard,
les « Notes sur la traduction du Nouveau Testament
en langue primitive »
Frédéric Rognon
Université de Strasbourg – Faculté de Théologie Protestante (UR 4378)
L’article du missionnaire protestant et ethnologue Maurice Leenhardt, intitulé : « Notes sur la traduction du Nouveau Testament en langue primitive », publié dans la livraison de mai-juin 1922 de la Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses1 (l’un des premiers numéros de la revue après sa fondation en 1921), marque un jalon décisif sur la trajectoire intellectuelle de son auteur, mais aussi dans l’histoire de l’ethnolinguistique et de la traductologie. Nous rendrons compte ici, successivement, de ces deux facettes, avant de nous interroger, en conclusion, sur les enjeux actuels d’un texte centenaire.
L’ARTICLE DE 1922 DANS L’ITINÉRAIRE
DE MAURICE LEENHARDT
Maurice Leenhardt (1878-1954) a été missionnaire en Nouvelle-Calédonie de 1902 à 1926, au cours de trois séjours (1902-1909, 1910-1920, 1923-1926), avant de s’engager dans la voie de la recherche 122et de l’enseignement en ethnologie2. Ces deux dimensions de sa vie professionnelle ne doivent cependant pas être situées dans un rapport d’antécédence et de succession sur une ligne strictement chronologique, mais bien plutôt en relation dialectique3. Maurice Leenhardt a fait œuvre d’ethnologie spontanée, dès les premières années de son apostolat, afin, dira-t-il, « d’être meilleur missionnaire », et inversement l’engagement missionnaire sera conçu par l’intéressé comme une voie d’accès singulièrement précieuse à l’élaboration d’une fine ethnologie, par la sensibilité qu’il présuppose aux facteurs religieux de la société étudiée. Le missionnaire prend en compte le contexte culturel de la société qu’il cherche à évangéliser, afin de formuler le message qu’il veut transmettre en un langage audible par ses récepteurs ; et il récupère les données traditionnelles, sociales comme symboliques, qu’il a collectées lors de son travail missionnaire, pour faire connaître les ressorts de l’altérité culturelle dans le cadre de cette discipline balbutiante en France qu’est alors l’ethnologie. L’entreprise de traduction s’inaugure donc, bien en amont de l’établissement du texte biblique en langue vernaculaire, dans le transfert culturel, d’un univers social et symbolique à l’autre, qu’il met en œuvre dès les débuts de sa rencontre avec le monde kanak en tant que missionnaire : c’est-à-dire en tant qu’agent porteur et diffuseur d’un énoncé chargé de sens destiné à amorcer un changement religieux. Il suffit pour s’en convaincre de lire la lettre que son père Franz Leenhardt, théologien et géologue, professeur de philosophie et d’histoire des sciences à la Faculté de théologie protestante de Montauban, lui envoie le 24 décembre 1902, soit à l’arrivée même de Maurice Leenhardt dans son champ d’apostolat :
Il est probable que tu auras à leur faire une théologie simpliste à leur usage. C’est là qu’il faut aller doucement, et les écouter beaucoup d’abord, et ne répondre que quand tu as compris leur point de vue et leurs préoccupations, même leur métaphysique à laquelle il faut se garder d’opposer la tienne, mais qu’il faut transformer en partant avec eux, de l’Évangile vécu, le nouvel homme dont ils ont fait l’expérience et autour duquel il faut leur faire organiser tout ce qu’ils voient être nécessaire pour le former, le faire apparaître, le maintenir. Ils te diront peut-être des choses étranges, mais écoute d’abord, et tâche de comprendre en traduisant ce qu’ils disent dans ta mentalité : tu verras peut-être alors que ce n’est pas si étrange, mais seulement dans une autre langue que celle qui correspond à notre mentalité4…
123Le missionnaire, homme de la parole, était ainsi invité par son père, scientifique soucieux de rigueur académique et d’attention scrupuleuse aux faits qu’il considérait comme « une Parole de Dieu5 », à ne pas parler trop vite, mais à donner priorité à l’écoute et à l’observation : c’est-à-dire à laisser place à la parole et à l’expression de l’autre. C’est à ce prix que Maurice Leenhardt put s’engager dans une immersion culturelle et linguistique prolongée, en se mettant, en quelque sorte, à l’école de ses élèves, futurs pasteurs qu’il formait à la station missionnaire de Do Néva, dans la basse vallée de la rivière Houaïlou, et qui devenaient de facto ses propres maîtres. La stratégie missionnaire de Maurice Leenhardt s’affirmait ainsi comme une inversion des principes classiques de la missiologie : comme une réciprocité hardie des rapports de transmission entre l’évangélisateur et l’évangélisé. En réalité, cette posture audacieuse n’est que le préambule d’une orientation missiologique générale assez originale : celle de la délégation de toute responsabilité aux cadres autochtones dès que cela s’avère possible, et par conséquent celle de la formation d’hommes capables « d’initiatives spontanées », et susceptibles un jour prochain de prendre en charge leur propre Église en toute autonomie.
Afin de mieux situer la rédaction de l’article de Maurice Leenhardt dans le cadre plus large de sa pratique apostolique et de sa réflexion missiologique, il est un autre pilier de l’engagement missionnaire, plus classique, à prendre en compte : la mise à disposition de tous des saintes Écritures, par la traduction du corpus scripturaire dans les langues autochtones, et la scolarisation (à commencer par l’alphabétisation) des indigènes convertis, pour éviter de soumettre la relation du croyant à la révélation biblique au filtre d’une interprétation officielle décrétée par l’Église6. Le geste de Martin Luther, traduisant la Bible en allemand, avait inauguré cette tradition qui sera entretenue en régime protestant. Mais le réformateur, comme à sa suite Lefèvre d’Étaples, Olivétan ou Castellion, traduisait depuis les idiomes bibliques vers sa propre langue – ce qui est aussi la modalité de traduction toujours privilégiée pour les textes profanes. Le missionnaire, pour sa part, doit traduire depuis sa propre langue, en s’appuyant sur sa connaissance de l’hébreu et du grec, vers une langue qui lui est étrangère, et au point de départ totalement inconnue. Il s’agit donc pour lui à la fois 124d’apprendre premièrement la langue vernaculaire, et d’entreprendre la traduction de la Bible en collaboration avec des partenaires autochtones, élèves et maîtres tout aussi bien7. La stratégie adoptée par Maurice Leenhardt est l’instauration de ce qu’il appellera « le culte des ardoises » : le dimanche matin, il prêche en français sur un texte choisi, et l’après-midi, chaque apprenti-pasteur écrit sur une ardoise et dans sa propre langue ce qu’il a compris du sermon ; puis on se rassemble pour commenter et discuter les concepts ; le missionnaire explique le vocable qu’il veut traduire, et enfin une discussion commune permet de parvenir à un accord. Ainsi, raconte Maurice Leenhardt dans notre article,
Il arrivait que, parfois, une expression, une image, un mot, que je ne connaissais pas, formulait justement ce que j’avais voulu expliquer. J’étais ravi, tout le monde d’un coup comprenait, causait, et au second culte l’on résumait l’enseignement de la journée avec un vocabulaire enrichi et plus clair. Il y a peu d’encouragements plus grands pour le missionnaire que d’apprendre de ses catéchumènes et de recevoir quelque chose d’eux8.
Ainsi l’Évangile était-il reformulé avec les termes de la tradition. Le choix de cette stratégie repose sur un présupposé que notre missionnaire eut l’heur de théoriser : celui des « intuitions pré-évangéliques », pierres d’attente de la vérité chrétienne au sein même du paganisme. C’est ce qu’il exprime en ces termes :
Les païens doivent avoir au fond de leurs croyances une obscure révélation de Dieu. C’est un minimum d’expériences sur lequel trouve pied la prédication de l’Évangile. Il ne faut donc pas rejeter tout le fatras de leurs dieux pour leur donner un dieu nouveau avec un nom étranger, mais discerner dans ce fatras où est la vraie souche qui, développée, fleurira ; chercher dans leur langue quel est le mot, même le plus étrange, où pourrait être traduite, visible à l’œil nu, l’expérience de Dieu9.
La convocation d’une métaphore végétale que donne à entendre l’expression d’une « souche » qui « fleurira », ne doit pas laisser croire à une évolution linéaire et sans accrocs du paganisme au christianisme : le regard que pose Maurice Leenhardt sur la société mélanésienne précoloniale évoque au contraire un étau mortifère, une « gangue tribale » ou « ancestrale10 », qui étouffe toute velléité 125d’épanouissement du sujet lui-même, et qu’il s’agit donc de faire éclater par l’annonce de l’Évangile, afin de libérer les intuitions qui y étouffent, et de faire jaillir les virtualités enfermées sous l’écorce. Cette théorie leenhardtienne de la conversion aura des incidences décisives sur les choix pratiques de traduction, comme nous le verrons plus loin.
À l’arrivée de Maurice Leenhardt en Nouvelle-Calédonie en 1902, l’évangile de Matthieu avait déjà été traduit en langue Ajië (langue de la région de Houaïlou), jusqu’au chapitre 23, par des évangélistes originaires de l’archipel des Loyauté : les natas (ce qui signifie « ceux qui racontent » en langue Nengone de l’île de Maré). Les principaux artisans de cet effort liminaire de traduction étaient Mathaïa, originaire de l’île d’Ouvéa, premier nata à venir tenter d’implanter le protestantisme en Grande Terre, en 1894 à Houaïlou11, puis Joané Nigoth, lui aussi nata d’Ouvéa12. En collaboration étroite avec ses élèves13, Maurice Leenhardt terminera ce premier évangile, sans retoucher la version déjà réalisée et en conservant les conventions graphiques fixées par les missionnaires anglais, le publiera en septembre 1903, puis traduira l’ensemble du Nouveau Testament, en quinze années d’intense labeur. Les livres sont diffusés les uns après les autres au fur et à mesure de leur achèvement, et le tout est publié à Paris, par la Société des Missions Évangéliques, en 192214.
126L’article publié dans la RHPR date donc de la même année que l’édition du Nouveau Testament en Ajië. Il s’agit d’une formalisation théorique issue d’une longue et laborieuse expérience. Ce texte assume tout à la fois les statuts d’un « retour d’expérience », de la problématisation d’une pratique, et d’un tremplin vers de nouvelles recherches en ethnolinguistique. C’est le premier article de Maurice Leenhardt publié dans une revue académique, et le premier texte, qui va en inaugurer une longue série, de frappe scientifique. Hormis sa thèse en théologie, éditée en 1902 et rééditée en 197615, la production textuelle de Maurice Leenhardt concerne jusqu’alors des ouvrages et des livrets de littérature missionnaire et d’édification, ou des articles publiés dans des revues ecclésiales ou missionnaires16. Ce type de publication se poursuivra bien entendu, notamment à travers les deux revues de missiologie que notre auteur fondera et dirigera : Propos missionnaires (soixante-dix numéros de 1927 à 1940) et Le Monde Non-Chrétien (sept numéros de 1931 à 1937, puis quatre-vingt-onze numéros de 1947 à 1969 – vingt-huit à la mort de Maurice Leenhardt). Mais l’inflexion est nette, à partir de 1922, vers une production de facture scientifique, ethnographique, linguistique et ethnolinguistique. Parmi les six ouvrages de référence qu’il publie de 1930 à 1947, l’un est une compilation de mythes et de légendes en version originale avec traduction interlinéaire17, un autre est un manuel de vocabulaire et de grammaire de la langue Ajië18, un troisième, un énorme volume de relevé de quelque mille deux cents vocables en chacune des trente-six langues mélanésiennes de Nouvelle-Calédonie19, et les trois autres, des exposés ethnologiques dans lesquels l’analyse de la langue occupe un statut privilégié, sinon hégémonique20. La traduction de la Bible en langue dite « primitive », d’abord expérimentée puis thématisée, aura procuré l’élan requis à une riche carrière d’ethnolinguistique.
À partir de l’année 1944, Maurice Leenhardt inaugure un enseignement de la langue Ajië dans un cours de langues océaniennes à l’École des Langues orientales vivantes (futur INALCO), à Paris 127– à l’heure (grand paradoxe de la société coloniale) où cette langue et toutes les autres langues mélanésiennes sont proscrites et sanctionnées dans les cours de récréation de la Nouvelle-Calédonie21. Fruit saisissant d’un quart de siècle d’immersion culturelle et linguistique dans l’univers kanak, depuis son retour en France en 1926, Maurice Leenhardt continue de parler couramment l’Ajië, en famille, dans son appartement du 59 rue Claude Bernard, en plein Quartier latin parisien… L’article publié dans la RHPR se situe donc à la charnière d’une période missionnaire enracinée dans une ethnologie spontanée, et d’une période d’ethnologie académique propulsée et innervée par l’engagement missionnaire et la pratique empirique de traduction de la Bible.
L’ARTICLE DE 1922 DANS L’HISTOIRE
DE L’ETHNOLINGUISTIQUE ET DE LA TRADUCTOLOGIE
Sous le titre : « Notes sur la traduction du Nouveau Testament en langue primitive », notre texte conjugue thèse argumentée et conseils pragmatiques offerts aux traducteurs, et se donne ainsi à la fois pour un article scientifique et pour un manuel pratico-pratique. Les conseils se nourrissent également de vifs encouragements, dans une tonalité singulièrement optimiste malgré la difficulté, nullement dissimulée, de la tâche à accomplir. Cette confiance se trouve justifiée par une interprétation spirituelle du phénomène de l’évolution de la conscience des autochtones, et donc du caractère performatif de la traduction de la Bible, qui s’affirme notamment dans la finale de l’article :
Ainsi le missionnaire se trouve réconforté et récompensé de son dur labeur de traduction. On dit en Europe que l’Évangile est abstrait, métaphysique. Et voici qu’il est compris, éprouvé, pensé par un Canaque ; les faits chrétiens peuvent trouver une formule adéquate dans des intelligences grossières formées uniquement par la vie matérielle. Le missionnaire a fait une fois de plus l’expérience de la puissance de l’Évangile, et voici que les noirs l’amènent à mieux comprendre cette puissance22.
128Nous avons vu que Maurice Leenhardt se représentait le phénomène du changement religieux comme une émancipation laborieuse à l’endroit du carcan du paganisme. Cette conception de la conversion, illustrée par diverses métaphores végétales, se fraie un chemin entre deux autres types de représentations : celui de l’évolutionnisme strict, défendu par les missionnaires britanniques de la London Missionary Society présents aux îles Loyauté, et celui de la dégénérescence, soutenu par la Mission mariste implantée sur la Grande Terre avant l’arrivée de Maurice Leenhardt23. Les missionnaires britanniques en poste sur l’île de Lifou avaient traduit le nom de Dieu en créant un néologisme : « Akötresie », terme acrostiche dont chaque lettre est l’initiale de l’un des attributs divins en langue Drehu : « tout-puissant », « omniscient », « sauveur », etc. Quant aux missionnaires catholiques, ils utiliseront des termes français, en les adaptant éventuellement, mais non nécessairement, au système phonétique vernaculaire, pour désigner les concepts chrétiens ; et d’une façon générale, les efforts de traduction seront bien moins intenses que chez les missionnaires réformés. Maurice Leenhardt préféra, pour la traduction du nom de Dieu en langue Ajië (langue de la région de Houaïlou), avaliser le choix des évangélistes autochtones qui l’avaient précédé, et qui avaient opté pour le terme désignant l’ancêtre, ou plus exactement le mort ancestralisé : « bao ». La décision de traduire ainsi n’était pas sans risque, prêtant le flanc à la tentation du syncrétisme, mais le missionnaire tablait sur l’évolution sémantique du concept, en écrivant bien entendu « Bao » avec une majuscule et au singulier : selon lui, les Mélanésiens avaient l’intuition du vrai Dieu, il était donc superflu d’en importer l’expression avec un nom étranger, à condition d’accompagner, par une vérification continue et un vigoureux enseignement catéchétique, la mutation conceptuelle escomptée.
La thèse de l’auteur relève non pas d’un évolutionnisme strict, mais bien davantage d’un évolutionnisme dialectique. Elle peut être formulée de la manière suivante : plutôt que d’introduire des concepts exogènes dans la traduction de la Bible en langue vernaculaire, il est hautement préférable de privilégier des vocables endogènes qui, quoique fort prosaïques et loin de toute abstraction, vont peu à peu évoluer pour signifier la vérité chrétienne. Cette position repose sur deux présupposés : d’une part, la « primitivité » des langues des peuples traditionnels (qualifiés de « sauvages », « les plus primitifs », 129« à l’âge de pierre »…) ; d’autre part, la plasticité, et la dynamique interne, des vocables convoqués en traduction, susceptibles de déplacement et d’enrichissement sémantique. Ces deux présupposés se trouveront développés dans les écrits proprement ethnologiques de Maurice Leenhardt, notamment dans Do Kamo24 : dans la société païenne, le Mélanésien n’a pas conscience de soi, ni de son propre corps, ni de la distance entre sujet et objet ; il se confond avec son environnement, dont il ne peut se dégager. Cette situation, inverse de l’anthropomorphisme, Maurice Leenhardt se propose de la nommer « cosmomorphisme25 » : projection de soi dans le cosmos au point de s’identifier à lui. Le vocabulaire d’une langue primitive, par exemple, emploie le même terme pour désigner le « sang » et la « sève », ou pour l’« écorce » et la « peau26 ». Ce n’est que la conversion au christianisme qui permet d’éveiller la pensée, de faire émerger le sujet en le dégageant de l’objet, de produire le surgissement d’une conscience morale qui va peu à peu, et de plus en plus, s’affirmer. Et ce processus est mû par l’évolution langagière, par la dilatation des notions d’un sens concret et matériel vers un sens abstrait et spirituel.
La structure et le mouvement de notre texte sont explicités dès le début : une classification des types de mots est d’emblée proposée, qui se trouve déclinée tout au long du propos de l’auteur. L’ordre d’exposition choisi pour ces catégories est un ordre croissant de difficultés de traduction, mais aussi un ordre chronologique à suivre, puisque, selon ce « Discours de la méthode du traducteur », il convient d’accompagner ce « mouvement végétal de la pensée », et donc de laisser aux concepts les plus abstraits le temps de l’éclosion. De manière significative, cette métaphore végétale pour exprimer le mouvement de la pensée, trouve des échos tout aussi bien dans la culture mélanésienne que dans la Bible, où le végétal bénéficie d’un statut éminent. La taxinomie exposée est donc, dans l’ordre adopté, la suivante : les mots concrets sans équivalent dans la langue de réception, les mots concrets génériques, les mots abstraits usuels profanes, les mots de la syntaxe, les mots psychiques et philosophiques, et enfin les mots religieux ou de théologie chrétienne. L’évolution de la pensée fait passer chaque vocable d’un sens archaïque, engoncé dans la matérialité et la participation au cosmos, à une acception nouvelle, qui traduit l’émancipation du sujet. En ce qui concerne la 130première classe, celle des mots concrets sans équivalent (tels que cheval, neige ou grenouille), il s’agit de créer de nouveaux mots en adoptant ceux surgis de l’esprit indigène. Pour le second type, celui des mots concrets génériques (tels qu’arbre, corps, cadavre, habit), les mots du vocabulaire autochtone, jusqu’ici singularisés, peuvent devenir génériques. Pour le troisième type, celui des mots abstraits profanes (honneur, sentiment, intelligence), le progrès vers l’abstraction se fait, lentement mais assurément, par le procès de civilisation. La quatrième classe concerne les mots de la syntaxe (duels, triels, pluriel inclusif ou exclusif) ; ceux-ci vont également évoluer du fait de l’acculturation. Les vocables de la cinquième classe, d’ordre psychique ou philosophique (passion, chair, âme), sont des termes concrets qui vont s’approfondir par l’effort de scolarisation. Enfin, le sixième type concerne les mots proprement religieux (Dieu, diable, rédemption, expiation, paix, réconciliation, repentance) ; c’est celui qui est décisif pour la traduction de la Bible. Or, Maurice Leenhardt plaide systématiquement pour l’adoption de termes traditionnels, toujours concrets, mais qui finiront par se spiritualiser. Le cas choisi du concept théologique de « rédemption » s’avère exemplaire :
C’est ainsi qu’un jour, dans une conversation sur le deuxième chapitre de I Corinthiens27, notre vieil interprète employa une expression qui nous surprit. Elle traduit l’acte et l’action exercés par un sacrifice et un arbuste planté, sur des terres maudites de par le sang d’une bataille ou d’autres infortunes des hommes. Jésus était celui qui avait accompli le sacrifice et s’était planté lui-même, comme pour absorber tout le malheur des hommes et enlever au monde ses interdits. L’idée était riche, mais étais-je sûr de la bien comprendre ? Nous traduisîmes ce passage des Corinthiens et l’imprimâmes dans notre petit journal indigène. Oh ! la joie des étudiants quand ils le lurent. Ils causaient entre eux. « Nous avons compris », se disaient-ils. Avant de livrer ce terme à l’impression définitive, je l’ai repris une dernière fois avec un évangéliste calédonien. Et comme il n’arrivait pas à formuler sa pensée entre l’idée incomplète de délivrance, et celle mal comprise de rachat, brusquement il s’interrompit et dit d’autorité : « C’est Nawi qu’il faut mettre » (Nawi était le terme que je discutais). « Pourquoi ? » – « Parce que là il y a un sacrifice, la vie de la plante est prolongement de l’action de ce sacrifice. Jésus s’est donné par ce sacrifice, et sa vie comme celle de la plante prolonge son sacrifice28. »
Maurice Leenhardt cherche ensuite à traduire le terme « Parole », notamment dans le Prologue de l’évangile de Jean : le « Verbe » 131de Dieu qui est à la fois parole et action, parole créatrice, parole en actes, et qui n’est jamais sans effets. Aussi, quelle n’est pas sa surprise de découvrir que la langue Ajië recèle un vocable qui signifie exactement cela :
Les Canaques sont gens d’esprit : je ne les ai jamais entendus prononcer ces mots vides de sens pour eux. Cependant, lorsqu’un Canaque parle français, il traduit sa pensée comme il lui semble le plus adéquat, et il dit couramment pour s’exprimer au sujet d’un homme qui a conçu de belles choses, les a dites, ou les a faites, ou a même accompli ces trois actes à la fois : « La parole de cet homme est bonne ». Pensée, parole, action, sont enfermées pour le Calédonien dans le terme « Parole », traduction très appauvrie du mot No. De même, de l’homme adultère l’on dit : « Il a commis une parole mauvaise » ; ou d’un chef au caractère inconstant, un chef qui ne pense, n’ordonne, ni n’agit droitement : « Sa parole n’est pas bonne ». L’expression « la parole de Dieu », limitée chez nous aux discours ou à la littérature divine, signifie là-bas les pensées et les actes de Dieu : « Dieu dit et ce fut ». N’allons pas chercher ailleurs ; traduisons par No – ce terme si riche que l’indigène tente de transposer en français par le mot « parole » – le Logos des premiers versets de Jean. Le terme équivalent au Verbe prend un sens large, vivant, digne du Dieu dont il doit rendre intelligible la volonté créatrice. C’est de la clarté. L’indigène n’a aucune peine à voir la parole devenir acte, la parole devenir chair, la parole devenir phénomène. Notre regretté collègue Laffay disait : « J’aime mieux lire Jean dans le houaïlou que dans le français29. »
On saisit ici la singularité de la perspective leenhardtienne : un évolutionnisme dialectique, qui choisit de traduire la Bible à partir des termes de la tradition autochtone, en tablant sur l’évolution laborieuse, heurtée, et néanmoins victorieuse de ceux-ci vers une signification chrétienne qu’ils portaient en germe, mais que le paganisme jusqu’alors étouffait.
L’article de Maurice Leenhardt paraît à l’époque de la naissance de la linguistique moderne : six ans après la publication du Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure (1857-1913)30. Notre auteur se démarque nettement de la démarche structuraliste, par trop positiviste, de la nouvelle science linguistique, et se rapproche bien davantage de l’approche phénoménologique d’Antoine Meillet (1866-1936), fondateur de la sociolinguistique et de l’ethnolinguistique, auteur, en 1921, de sa Linguistique historique et linguistique générale31. Maurice Leenhardt opère néanmoins 132une greffe tout à fait originale entre phénoménologie linguistique et missiologie.
L’article publié dans la RHPR est également contemporain de l’émergence de l’hypothèse dite « Sapir – Whorf », qui sera abondamment et vivement discutée tout au long des années 1920 et 1930. Edward Sapir (1884-1939), professeur d’anthropologie et de linguistique générale à l’Université de Chicago puis à Yale, publie Language en 192132 ; son élève et disciple Benjamin Lee Whorf (1897-1941) rédige une série d’articles à partir de 1931, qui seront publiés après sa mort prématurée sous le titre : Language, Thought and Reality (1956)33. Leur hypothèse, qui s’affirme peu à peu, surtout chez Benjamin Lee Whorf, comme une thèse à teneur dogmatique, est la suivante : la façon dont on perçoit le monde découle du langage, les représentations mentales de tel peuple locuteur dépendant de ses catégories linguistiques. Benjamin Lee Whorf tend à radicaliser la position de son maître, en affirmant que le rapport entre langage et Weltanschauung est une relation de stricte détermination mécanique. Il est donc quelque peu abusif, d’une part, de parler d’une hypothèse, et d’autre part, d’associer trop étroitement Sapir à Whorf. Maurice Leenhardt a-t-il eu connaissance de leur pensée, et celle-ci l’a-t-elle influencé ? Il n’est pas aisé de répondre à cette double question, notre auteur ne citant jamais Sapir ni Whorf. L’année 1922 semble un peu précoce pour qu’il en ait déjà pris connaissance, mais, à partir de 1924, la présence, à l’École des Langues orientales et à l’École Pratique des Hautes Études, du linguiste Marcel Cohen (1884-1974), grand lecteur de Sapir et de Whorf, coauteur avec Antoine Meillet de la somme intitulée : Les langues du monde34, a très certainement servi de passerelle entre Maurice Leenhardt et l’hypothèse en question. Très proche de la perspective de Benjamin Lee Whorf, au point d’établir une forte corrélation entre structures grammaticales et représentations du monde, Maurice Leenhardt s’en distingue néanmoins en s’inscrivant dans une perspective historique, ou plus précisément dialectique, qui invalide finalement les présupposés de l’hypothèse « Sapir – Whorf », par trop fixistes et essentialistes, et confinant au principe de l’intraductibilité35.
133RELIRE MAURICE LEENHARDT AUJOURD’HUI
On le sait bien : Traduttore, traditore. Mais si la paronomase, qui fonctionne aussi bien en français qu’en italien, recèle un fond de vérité, elle n’empêche aucunement la mise en œuvre de cette « équivalence sans identité » qu’évoque Paul Ricœur36 : théoriquement impossible, pratiquement nécessaire, la traduction ne fait que gagner à assumer empiriquement ses apories. Tel est le prix de « l’hospitalité langagière37 ».
C’est pourquoi l’article centenaire de Maurice Leenhardt ne présente pas seulement un intérêt historique, comme l’expression de l’état de la recherche à un moment donné de son histoire. Ses enjeux sont bien plus larges : par-delà tous les présupposés sur lesquels il est construit (primitivisme, finalisme historique, justification de l’entreprise missionnaire si ce n’est de la conquête coloniale38), ce texte offre encore au lecteur une perspective originale, stimulante, et même novatrice. Même si les ethnolinguistes qui ont labouré par la suite le champ calédonien n’en ont guère fait grand cas39, il ne laisse pas d’impressionner les traducteurs et les traductologues par son effectivité. Le fait que des milliers de Mélanésiens protestants lisent aujourd’hui la Bible dans la traduction dont rend compte l’article publié par la RHPR n’en est peut-être pas la moindre des preuves.
134Bibliographie
Clifford, James, Person and Myth. Maurice Leenhardt in the Melanesian World, Berkeley, University of California Press, 1982. Réédition : Durham, Duke University Press, 1992. Traduction française : Maurice Leenhardt. Personne et mythe en Nouvelle Calédonie, Traduit de l’américain par Geneviève et Raymond Leenhardt, Paris, Éditions Jean-Michel Place, coll. « Les Cahiers de Gradhiva » 1, 1987.
Guiart, Jean, Maurice Leenhardt, le lien d’un homme avec un peuple qui ne voulait pas mourir, Nouméa, Le Rocher-à-la-Voile, coll. « Cahiers pour l’intelligence du temps présent » 1, 2003.
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Leenhardt, Maurice, Le mouvement éthiopien au Sud de l’Afrique de 1896 à 1899, Cahors, 1902 ; 2e éd., Paris, Académie des sciences d’Outre-mer, 1976.
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1 Cf. Leenhardt, M., 1922d. Cet article a été réédité dans : Leenhardt et alii, 1951, p. 149-178.
2 Cf. Clifford, 1982 ; Guiart, 2003 ; Rognon, 2018.
3 Cf. Rognon, 2018, p. 49-148.
4 Leenhardt, F., 1955 ; Leenhardt, M., 1947 (2e éd., 1971, p. 7).
5 Clifford, 1987, p. 25.
6 Cf. Rognon, 2018, p. 65-71.
7 Cf. Leenhardt, R., 1954 ; Sauvageot, 1954 ; Sauvageot, 1955.
8 Leenhardt, M., 1922d, p. 217.
9 Leenhardt, M., 1978, p. 17 (lettre à son père, 22 octobre 1913).
10 Cf. Leenhardt, M., 1963.
11 Mathaïa est évoqué anonymement dans l’article publié dans la RHPR.
12 Leenhardt, R., 1976.
13 Voici la liste de ces collaborateurs de Maurice Leenhardt, premiers pasteurs de la Grande Terre, ses élèves et ses maîtres tout à la fois (cf. Guiart, 2003, p. 68-69) : Jules et Auguste Wabealo de Bako (Koné), Elia Rhisaibwawi de Ni (Bourail), Peoroi Rhai de Poé (Houaïlou), Bwesou Eurijisi et Poindi Kare de Nerhöghakwea (Houaïlou), Towa Mwereosee et Joseph Aramiu de Monéo (Houaïlou), Kaku Neporo de Nekwe (Houaïlou), Lema Euribwa et Acoma Nerhon de Nejewê (Houaïlou), Toni et Eleisha Nebay de Napwewimien (Poindimié), Willy Vujo de l’îlot Koniène (Pouembout), Salomona Kaviwioro et Mataio Sari de Bwa (Houaïlou), Tabi de Yejeban (Poum), Mika Poro de Nakety (Canala), Philippe Gorodé de l’Embouchure (Ponérihouen), Apu Pwacili Hmaè de Tiéta (Voh), Söne Bwerhöghau de Gondé (Houaïlou), Varho de Wena (Kouaoua), Milo Gwa de Wujo (Voh), Duclair Weovè Gwê è de Néavin (Ponérihouen), Mika Kamoiami et Pukac de Wélis (Témala à Voh), Tusi Wase de Wase (Canala), Pwêrêpwea de Ponérihouen, Téin Wimyê de Tiparama (Poindimié). L’anthropologue Patrice Godin estime que Maurice Leenhardt cite trop peu les noms de ses collaborateurs, sans lesquels il n’aurait pu réaliser ni ses investigations ni ses traductions (cf. Patrice Godin, « Qui est l’ethnographe, le pasteur ou l’indigène ? », communication au Colloque « Maurice Leenhardt, contexte et héritages », Université de Nouvelle-Calédonie, 27-28 septembre 2019). Cette liste indique à tout le moins que la traduction du Nouveau Testament en langue Ajië fut une entreprise intégralement collégiale.
14 Cf. Peci Arii, 1922. L’un des tout premiers pasteurs mélanésiens qu’il a formés, Towa Mwereosee, de la tribu de Monéo à Houaïlou, est venu passer six mois chez Maurice Leenhardt à Montpellier, en 1921-1922, pour corriger les épreuves du Nouveau Testament avec lui.
15 Cf. Leenhardt, M., 1902.
16 Cf. Leenhardt, M., 1909 ; 1921 ; 1922a ; 1922b ; 1922c.
17 Cf. Leenhardt, M., 1932.
18 Cf. Leenhardt, M., 1935.
19 Cf. Leenhardt, M., 1946.
20 Cf. Leenhardt, M., 1930 ; 1937 ; 1947.
21 L’abrogation de cet interdit date de 1984 ; encore en 1969, on relève une condamnation pour publication de tracts en langue mélanésienne sans traduction.
22 Leenhardt, M., 1922d, p. 218.
23 Cf. Rognon, 1986 ; 2018, p. 24-31, 61-62.
24 Cf. Leenhardt, M., 1947.
25 Cf. Leenhardt, M., 1947 (2e éd., 1971, p. 121).
26 Cf. ibid., p. 61-70.
27 Il s’agit probablement de 1 Corinthiens 1,30.
28 Leenhardt, M., 1922d, p. 216.
29 Ibid., p. 211-212.
30 Cf. Saussure, 2016 [1916].
31 Cf. Meillet, 2015 [1921].
32 Cf. Sapir, 2001 [1921] ; cf. aussi Sapir, 1991 [1949].
33 Cf. Whorf, 1969 [1956].
34 Cf. Meillet – Cohen, 2000 [1924].
35 C’est le principal grief que lui adresse Paul Ricœur : cf. Ricœur, 2004, p. 27.
36 Cf. Ricœur, 2004, p. 60, 62.
37 Cf. ibid., p. 19-20, 43.
38 Cf. Frédéric Rognon, « Les présupposés théologiques et philosophiques du discours leenhardtien », communication au Colloque « Maurice Leenhardt, contexte et héritages », Université de Nouvelle-Calédonie, 27-28 septembre 2019.
39 Cf. La Fontinelle, 1976 ; Rivierre, 1980 ; Lercari, 2002.