Luther’s Table-Talk and the Truth of God Les Propos de table de Luther
- Publication type: Journal article
- Journal: Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses
2019 – 3, 99e année, n° 3. varia - Author: Arnold (Matthieu)
- Abstract: In his table-talk at the beginning of the 1530s, Luther illustrated the relation between God and humankind by his own experience as a father: like the father (or the mother) who loves his (or her) children despite their defilements, God is gracious towards the sinner. The absolute confidence which young children place in their father is the image of faith. As for the behaviour of older children, who both “love” and “fear” God, this conforms to what Luther expects of them in his Small Catechism.
- Pages: 401 to 412
- Journal: Journal of Religious History and Philosophy
- CLIL theme: 4046 -- RELIGION -- Christianisme -- Théologie
- EAN: 9782406096832
- ISBN: 978-2-406-09683-2
- ISSN: 2269-479X
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09683-2.p.0071
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 09-10-2019
- Periodicity: Quarterly
- Language: French
- Keyword: Luther, Table-talks, God, father, mother, child, love, faith
Le concret au service
de la vérité de Dieu
Les Propos de table de Luther
Matthieu Arnold
Université de Strasbourg – Faculté de Théologie Protestante (EA 4378)
Dans les cours d’introduction à la théologie qu’il a donnés au début de sa carrière, André Birmelé avait l’habitude de reprendre une comparaison employée par l’exégète Ernst Käsemann (1906-1998) dans ses propres enseignements. Käsemann y comparait l’Écriture à une lettre d’amour : seuls les sentiments qui unissent les deux amoureux donnent sens et autorité à cette missive1. Toutefois, André Birmelé empruntait également des images à son expérience personnelle, celle de père de jeunes enfants. Ces images lui permettaient d’illustrer à la fois l’amour désintéressé de Dieu et la confiance enfantine que les êtres humains doivent accorder au Créateur. En effet, l’amour des parents pour leurs enfants, indépendamment des actions et des mérites de ces derniers, est particulièrement apte à exprimer l’idée du salut par pure grâce. Quant à l’enfant qui, apprenant à marcher, se dirige d’un pas mal assuré vers son père qui lui ouvre les bras, il est l’image de la foi. André Birmelé n’ignorait pas que d’autres théologiens avant lui s’étaient référés aux rapports entre parents et enfants pour parler de la relation entre l’être humain et Dieu : la Bible elle-même emploie cette comparaison. Mais savait-il que Martin Luther, le fondateur du protestantisme, avait abondamment recouru à ces images dans ses Propos de table ? C’est à ce thème que nous voudrions consacrer la présente étude, destinée à honorer André Birmelé à l’occasion de ses 70 ans2.
402La grâce de Dieu, père (et mère)
Lorsque, en 1530, les commensaux de Luther commencèrent de prendre ses propos en note3, le Réformateur et son épouse Catherine avaient deux enfants : Jean, né en 1526, et Madeleine, qui avait vu le jour trois ans plus tard. La petite Élisabeth, née en 1527, était décédée le 5 août 1528, avant l’âge d’un an4. Martin (1531), Paul (1533) et Marguerite (1534) vinrent ensuite compléter la fratrie. Un Propos de table de l’automne 1531 nous apprend que Luther s’attachait à donner une éducation religieuse à ses enfants : chaque jour, est-il rapporté avec peut-être quelque exagération, il étudiait et priait le catéchisme avec Jean et Madeleine, qui étaient alors âgés respectivement de cinq ans et deux ans et demi5.
Toutefois, les Propos de table nous intéressent moins pour les renseignements qu’ils nous fournissent sur Luther en tant que paterfamilias6 que pour leurs discours sur Dieu, Père aimant7. En effet, 403la paternité a influencé le langage théologique du Réformateur8, et cette influence s’exprime tout particulièrement dans ses Tischreden.
En 1532, Luther se demande de manière assez crue en quoi son petit Martin a mérité son affection :
En quoi as-tu mérité que je fasse de toi l’héritier de ce que j’ai, ou pourquoi dois-je t’aimer à ce point ? Est-ce par tes cacas, tes pipis et tes pleurs, et par les cris dont tu remplis la maison afin que je prenne tant soin de toi9 ?
De même, Konrad Cordatus rapporte la scène suivante :
Alors qu’il accueillait un enfant qui le souillait de son caca, il [= Luther] dit : Ah, notre Dieu doit souffrir de nous autres les humains une puanteur bien plus grande que le père et la mère de la part de leurs enfants10 !
Dans un Propos de table prononcé dans un contexte semblable, Luther ne parle pas de Dieu mais il compare de manière ironique l’enfant qui « mérite (verdienen) » sa pitance par ses souillures, ses pleurs et ses cris aux êtres humains qui « méritent le ciel par [leurs] bonnes œuvres11 ». Par là, le Réformateur exprime un thème central de sa théologie : l’inutilité des œuvres humaines pour le salut.
Dans les lettres qu’il adresse à ses amis proches, Luther évoque également les réalités familiales les plus concrètes. Ainsi, le 40419 octobre 1527, il écrit à son ami Justus Jonas, que la peste a chassé de Wittenberg depuis plusieurs mois :
Tu salueras ton enfant par de nombreux baisers de ma part et de la part de mon petit Jean, qui a appris aujourd’hui, en pliant les genoux, à faire caca tout seul dans tous les coins. Plus exactement, il a réellement fait caca dans tous les coins en y mettant une application admirable12.
Toutefois, dans sa correspondance, le Réformateur ne tire aucune leçon théologique des nouvelles très prosaïques qu’il donne de son fils. Certains biographes de Luther associent les souillures de ses enfants à son « déclin », qui aurait été précipité par son mariage avec Catherine de Bora13. Mais dans ses Propos de table, Luther y trouve quant à lui une image propre à illustrer le péché de l’homme et l’amour que Dieu le Père lui témoigne en dépit de ses souillures quotidiennes.
Pour le Réformateur, Dieu ne se comporte pas seulement comme un père, mais il est aussi semblable à une mère14. De même que « l’amour d’une mère est bien plus grand (litt. plus fort, sterker) que la saleté et la teigne de ses enfants, l’amour de Dieu est plus grand (fortior) que notre saleté. C’est pourquoi, malgré nos péchés, nous ne perdons ni notre condition d’enfant ni la grâce [divine]15 ». « Dieu, affirme encore Luther, doit être encore bien plus amical et parler bien plus amicalement avec moi que ma Catherine avec son petit Martin16. »
Signalons en conclusion de cette première partie que, dans un Propos de table de 1532, Luther observe que les parents aiment 405plus fortement leurs enfants les plus jeunes et se soucient d’eux davantage que des aînés :
C’est pourquoi à présent, mon petit Martin est mon trésor le plus précieux, parce qu’il a davantage besoin de mon aide que Jean ou Madeleine, qui savent à présent parler et demander. C’est pourquoi ils n’ont pas besoin d’autant de soins17.
Toutefois, Luther ne tire aucune leçon théologique de l’amour attentionné accordé en priorité aux plus jeunes.
La foi en Dieu, confiance enfantine
Est-ce parce qu’en 1531 Luther étudiait le catéchisme avec Jean et Madeleine que, la même année, il ajouté à son commentaire du Notre Père dans le Petit Catéchisme (1529) une explication des paroles d’introduction, « Notre Père, qui es aux cieux18 » ? On relèvera en tout cas que cette interprétation met l’accent sur la confiance que les enfants doivent placer en leur père :
– Que signifient ces paroles ?
– Dieu veut nous inviter à croire qu’il est vraiment notre Père et que nous sommes vraiment ses enfants, afin que, sans crainte et avec pleine confiance, nous nous adressions à lui comme des enfants à leur père bien-aimé19.
406Toujours dans son Petit catéchisme, qui est destiné à être appris par cœur par les enfants, Luther lie étroitement la crainte de Dieu avec l’amour de Dieu et la foi en lui. En effet, il explique le premier commandement, « Je suis le Seigneur, ton Dieu, tu n’auras pas d’autre dieux face à moi », comme suit : « Nous devons aimer et craindre Dieu plus que tout et mettre en lui notre entière confiance20. » Considérant que le premier commandement régit l’interprétation de tout le Décalogue21, Luther débute ensuite son exégèse de chacun des commandements 2 à 10 par : « Nous devons craindre et aimer Dieu, afin de… ». Enfin, il commente Exode 20, 5-6, « Moi, le Seigneur, je suis un Dieu jaloux… Mais je prouve ma fidélité à des milliers de générations s’ils m’aiment et gardent mes commandements », par des propos qui, à nouveau, unissent crainte et amour de Dieu :
– Que signifient ces paroles ?
– Dieu menace de punir quiconque transgresse ces commandements ; c’est pourquoi nous devons craindre sa colère et ne pas agir contrairement à ses commandements. Par contre, il promet grâce et bénédiction à ceux qui observent ces commandements ; c’est pourquoi nous devons l’aimer, nous confier en lui et agir de bon cœur selon ses commandements22.
Aimer Dieu, c’est notamment placer sa confiance en lui. Dans son Petit catéchisme, Luther insiste sur le lien entre l’amour et la confiance par le procédé de l’inclusion (le thème annoncé dans l’interprétation du premier commandement est repris dans l’exégèse des propos qui concluent le Décalogue). Dans le Grand Catéchisme, Luther donne une interprétation développée de « Tu n’auras pas 407d’autres dieux » pour expliquer « qu’avoir un dieu n’est autre chose que croire en lui de tout cœur et, de tout cœur, mettre en lui sa confiance23 ».
Dans ses Propos de table, Luther utilise des exemples tirés de son quotidien pour parler du comportement que Dieu attend des croyants. Le Réformateur met l’accent tantôt sur la déférence, tantôt sur la confiance.
À la fin de 1531 (ou au début de 1532), en lien avec Psaume 2, 11, « Servez le Seigneur avec crainte et réjouissez-vous en tremblant », il cite en exemple son fils Jean, qui le dérange avec tact lorsqu’il travaille :
Mon [fils] Jean est capable de le faire avec moi, mais j’en suis incapable avec Dieu. Mon [fils] Jean, lorsque j’écris ou que je fais quelque chose, commence à me chanter un chant, et lorsqu’il chante trop fort, je le rabroue un peu ; il continue alors de chanter mais plus doucement, avec respect et en faisant attention. De même, Dieu veut que nous soyons sans cesse joyeux, mais en nous montrant déférents24.
Quant à la petite Madeleine, elle est le modèle d’une foi-confiance qui ne s’embarrasse pas de considérations subtiles :
En jouant avec sa fille Madeleine, il l’interrogea : « Petite Madeleine (Lenchen), [quels dons] l’Esprit saint t’offrira-t-il ? » Et il ajouta : « Les enfants pensent au sujet de Dieu qu’il se trouve au ciel et qu’il est leur Dieu et père. Ils ne se cassent pas la tête au sujet de Dieu25. »
Dans un Propos de table plus développé, Luther parle en des termes semblables de son fils Jean :
Mon fils Jean ne tire argument de rien, sinon de sa naissance ; il dit qu’il est mon héritier parce que je suis son père. Ainsi, notre justice est relative : si je ne suis pas juste (frumb), le Christ, lui, demeure juste. 408Ah, les enfants sont les personnes les plus instruites ; ils ont confiance en leur père et disent aussi de Dieu, de la manière la plus simple, qu’il est leur père. Ils se comportent bien et ne se posent pas beaucoup de questions26.
Ce propos est d’autant plus intéressant qu’il a été transmis sous une version un peu différente par Jean Aurifaber :
Mon fils Jean ne tire argument de rien, sinon de sa naissance ; il dit qu’il est mon héritier parce que je suis son père. Ainsi, notre justice est relative et étrangère (aliena, frembde). Si je ne suis pas juste, le Christ, lui, demeure juste. Ah, les enfants sont ceux qui agissent de la meilleure manière ; ils ont confiance en leur père et disent de lui, de la manière la plus simple, qu’il est leur père bien-aimé. Ils ne se posent pas beaucoup de questions et c’est pourquoi ils se comportent pour le mieux27 !
Jean Aurifaber28, qui avait commencé à étudier à Wittenberg en 1537 et qui avait habité chez Luther de 1545 à la mort de ce dernier en 1546, publia à Eisleben, en 1566, les Tischreden Oder COLLOQVIA DOCT[oris] Mart[in] Luthers/So er in vielen Jaren/gegen gelarten Leuten/auch frembden Gesten/vnd seinen Tischgesellen gefüret/Nach den Heubtstücken vnserer Christlichen Lere/zusammen getragen. Il n’avait pas pris de propos personnellement en note, mais se fondait sur plusieurs collections de Propos de table – ainsi, celle d’Anton Lauterbach (1502-1569) et celle de Veit Dietrich (1506-1549) et de Jérôme Besold (vers 1520-1562). Il répartit son abondante matière en 80 chapitres, consacrés non seulement à des thèmes théologiques (ainsi, la Trinité, l’Écriture sainte, la Loi et l’Évangile, le baptême…) mais encore à des personnes ou des groupes de personnes (le Pape, les moines, les princes, les Juifs, les Turcs…) ou à des thèmes de la vie chrétienne comme la tentation, la maladie et la mort.
409La manière dont Aurifaber a retravaillé ses sources se caractérise par deux tendances. La première consiste à supprimer tout ce qui, selon lui, pourrait choquer ses lecteurs (ainsi, la recommandation, que Luther adresse à un dépressif, de manger, de boire et de s’égayer à la pensée d’une jeune fille29 devient, sous sa plume, une invitation à se réconforter tout d’abord par la Parole de Dieu30). La seconde consiste à interpoler les Propos du Réformateur et à les amplifier.
Le Propos de table relatif à Jean Luther illustre cette seconde tendance. En effet, Aurifaber a cru bon de préciser ce que Luther entendait par « justice relative (iustitia relativa) », en ajoutant deux termes qui sont plus caractéristiques du lexique théologique du Réformateur, « aliena, frembde ». Cette extrapolation est, il est vrai, fidèle à l’idée de Luther ; la justice des hommes ne leur est pas naturelle, mais elle est bien « étrangère » : elle ne leur vient pas d’eux-mêmes, mais de leur simple condition d’enfants de Dieu31. Le croyant n’a pas à tirer argument d’autre chose – de ses œuvres bonnes, par exemple – que de sa naissance. Dans la seconde partie du Propos de table, qui traite de la confiance simple et enfantine que les croyants doivent placer en leur père, Aurifaber a ajouté les termes « bien-aimé (lieber) ». Quant aux enfants, ils ne sont pas « les personnes les plus instruites », mais ils se comportent vis-à-vis de Dieu « de la meilleure des manières ».
Dans le passé, les quelques Propos de table dans lesquels Luther parle de la sévérité de ses parents ont retenu l’attention de ses biographes et de ses interprètes. Ces derniers ont cru pouvoir expliquer, grâce aux propos se rapportant à Hans Luder, l’angoisse que son fils Martin avait eue en se représentant Dieu en tant que juge. Or, lorsque, dans ses Propos de table, le Réformateur se réfère explicitement à la condition de père, voire à celle de mère, c’est une tout autre conception de Dieu qu’il présente à ses auditeurs. 410Au début des années 1530, comme l’a montré la présente étude, son expérience de père de jeunes enfants lui permet d’illustrer deux grands thèmes de sa théologie : la grâce et la foi. Le Dieu qui fait grâce à l’homme pécheur est semblable au père qui aime ses petits enfants malgré leurs souillures, leurs pleurs et leurs cris. Quant à la confiance absolue que ces enfants placent dans ce père qui répond à leurs besoins les plus concrets, elle est l’image de la foi, réponse humaine à la grâce divine. Plus rarement, lorsque ses enfants grandissent, Luther parle de la crainte respectueuse qu’ils doivent témoigner à Dieu. En se fondant sur son quotidien de père, le Réformateur a trouvé, dans ses Propos de table, un langage non spéculatif pour exprimer sa vérité sur les rapports entre Dieu et l’être humain.
411Bibliographie
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412Lienhard, Marc, Luther. Ses sources, sa pensée, sa place dans l’histoire, Genève, Labor et Fides, coll. « Histoire », 2016.
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1 Birmelé, 2013, cite également cette image à deux reprises, p. 63 et 288s.
2 Nous exprimons notre vive reconnaissance à notre collègue Luc Fraisse (UFR des Lettres, Université de Strasbourg) : ses observations, lors de notre communication au colloque « Parler en mangeant : la tradition des propos de table de l’Antiquité à nos jours » (Strasbourg, 28 février – 1er mars 2019), nous ont suggéré le titre du présent article.
3 Sur les Propos de table, voir notamment Junghans, 2001 et 2013, Beyer, 2005, et Bärenfänger, 2013. Sur la transmission des Propos de table, voir Schäufele, 2013. Sur les Propos de table comme sources pour la biographie de Luther, voir Arnold, 2007, et Leppin, 2013.
4 « Defuncta est mihi filiola Elisabethula ; mirum quam aegrum mihi reliquerit animum paene muliebrem, ita misericordia eius moveor ; quod nunquam credidissem antea, sic paternos animos mollescere in prolem. » (WA Br no 1303 : 4, 511, 3-6 ; à Nicolas Hausmann, le 5 août 1528.)
5 « Ego quidem quanquam magnus doctor nondum excessi puerilem doctrinam decalogi et symboli et orationis dominicae, sed adhuc quotidie illa disco et oro mit mit meinem Hansem vnd meinem Lenichen. » (WA Tr no 81 : 1, 30, 26–31, 2 ; copie de Veit Dietrich, automne 1531.)
6 À l’occasion, Luther se montre d’ailleurs un père sévère. Voir par exemple WA Tr no 6102 : 5, 498, 8-11 : « Martinus Lutherum filium suum Ioannem toto triduo noluit in gratiam recipere, quamvis humiliter supplicasset scripto, intercedentibus matre [= Catherine de Bora], D[octore] Iona [= Justus Jonas], D[octore] Crucigero [= Caspar Cruciger] et Philippo [= Melanchthon]. Quibus respondit : Ich weis lieber einen todten son denn einen ungetzogenen haben. » (Collection d’Anton Lauterbach, propos non daté, mais Jean devait sans doute être un adolescent à cette époque.) – Voir WA Tr no 4353 : 4, 251, 31-35, propos de février 1539 dans lequel Luther se plaint des enfants corrompus par l’indulgence coupable de leurs parents ; c’est pourquoi, poursuit-il, il ne plaisante pas beaucoup avec Jean et avec sa fille [Madeleine]. Les deux enfants étaient alors âgés respectivement de douze et neuf ans.
7 Sur l’amour de Dieu dans la théologie de Luther, voir Lienhard, 2016, p. 285-286.
8 Voir Stolt, 2001.
9 « Wie hastus [ = hast du es ] verdienet, oder warumb sol ich dich sol lieb haben, das ich dich zum erben mache illius, quod habeo ? Mit scheissen, binckeln, weinen vnd das du das gantze hause mit schreien erfullest, das ich so sorgfeltig mus fur dich sein ? » (WA Tr no 1004 : 1, 505, 9-12 ; collection de Georg Rörer, début des années 1530.) // WA Tr no 3141 : « Quam mihi causam dedisti, ut adeo te diligam ? Et unde meruisti haeres esse bonorum meorum ? Ja, mit scheissen, seichen verdinstus [= verdienst du es], das man auff dich sorge mus haben, kindermagd bestellen, den zitz einhengen ! Vnd das alles wilstu fur recht haben oder fullest das gantz haus mit geschrey. » (3, 186, 31-35 ; collection de Konrad Cordatus, mai 1532.)
10 « Cum ad se accepisset infantem qui percacabat eum, dicebat : Ach, vnser H [ err ] G [ ott ] mus gar viel grosser gestanck leiden von den menschen den [ = denn ] vater vnd mutter von yhren kindern. » (WA Tr no 3203a : 3, 219, 24-26 // 3203b : 2, 219, 28-31 « […] so manchen gutten stanck vnd vnflat von uns leiden murmurando et blasphemando, viel mer den [= denn] eine mutter von einem kinde » ; collection de Konrad Cordatus, mai 1532.) – Voir WA Tr WA Tr no 1615 : « Doctor nam sein kind zu sich, da schiß es auf in [= ihn], da sagt er : Ah, wie muß vnser Herr Gott so manche gutt murmurationes vnd gestanck von vns leiden, anderst denn ein mutter von irem kind. » (2, 152, 22-25 ; copie de Johannes Schlaginhaufen, 31 mai 1532 ; l’éditeur des Tischreden dans l’édition de Weimar identifie cet enfant au petit Martin Luther, né en 1531 ; voir ibid., note 9.)
11 Voir WA Tr no 1438 : 2, 100, 29–101, 2 (copie de Johann Schlaginhaufen, entre le 7 avril et le 1er mai 1532).
12 « Salutabis tuum Dictative multis basiis, vice mea et Iohanelli mei, qui hodie didicit flexis poplitibus solus in omnem angulum cacare, imo cacavit vere in omnem angulum mire negotio. » (WA Br no 1160 : 4, 269, 25-28.) Sur les nouvelles que Luther donne de sa famille dans sa correspondance, voir Arnold, 1996, p. 67-79.
13 « Lui-même, Luther, il s’assied dans la vie. Assez pesamment. […] Il lui vient des enfants. […] Installé dans son ancien couvent que l’Électeur lui a donné comme résidence, il y vit banalement, au milieu des cris, des tracas, des langes qui sèchent et des souillures d’enfants. » (Febvre, 1928, p. 278.) Sur la biographie de Febvre, voir Lienhard, 1997 ; Arnold, 2017, p. 467-470.
14 C’est ce qu’avait déjà relevé Stolt, 2001, p. 19 : « Nicht nur die väterliche, auch die mütterliche Liebe wird unmittelbar auf Gott bezogen. »
15 « Mutter lieb ist vil sterker denn der trek vnd der grind am kind ; sic Dei dilectio erga nos fortior est quam nostrae sordes. Quanquam igitur simus peccatores, tamen filiatum non adimit stercus nec excidimus a gratia propter peccatum. » (WA Tr no 437 : 1, 189, 21-24 ; début de 1533, copie de Veit Dietrich.) Luther compare souvent les couches puantes des petits et le péché « puant » des grands. Voir Stolt, 2001, p. 19.
16 WA Tr no 1237 : 2, 4, 29s. (1531).
17 « Tanta est amoris efficicia ac sollicitudo parentum erga pueros, ut quo sunt egentiores ope et auxilio parentum, hoc tuentur et fovent eos diligentius. Ideo ist Martinischen itzt mein liebster schatz, quia plus eget opera mea quam Iohannes vel Magdalena, qui nunc loqui et postulare possunt, ideo non tanta cura opus habent. » (WA Tr no 1032 : 1, 520, 23-27 ; collection de Georg Rörer.) En reprenant ce propos dans sa collection, Cordatus n’a pas identifié l’enfant dont parlait Luther (« mein jungst kind [ist] mein groster schatz ») et il a ajouté des paroles se rapportant au sacrifice d’Isaac (« Hinc intelligi potest das hertzpochen Abrahams, cum iret, ut occideret unicum filium, etc. ») ; voir WA Tr no 2754a : 2, 634, 40–635, 1 (entre le 28 septembre et le 23 novembre 1532).
18 Stolt, 2001, p. 18-19.
19 « Vater unser der du bist im himel. Was ist das ? Antwort : Gott wil da mit uns locken, das wir gleuben sollen, Er sey unser rechter Vater und wir seine rechte kinder, auff das wir getrost und mit aller zuversicht jn bitten sollen, wie die lieben kinder jren lieben Vater. » (WA 30/1, 369, 4–370, 2.) Traduction Birmelé – Lienhard, 1991, § 505, p. 308. – Stolt, 2001, p. 18, souligne à juste titre que, dans son introduction à la Messe allemande (1526), lorsque Luther interprète les termes « Vater unser ym hymel », il souligne la distance entre ce père céleste et les créatures (voir WA 19, 76, 24-27).
20 « Wir sollen Got über alle ding fürchten, lieben und vertrauen. » (WA 30/1, 285, 2-3.) Traduction Birmelé – Lienhard, 1991, p. 304, § 490. – Sur la crainte de Dieu dans les Catéchismes de Luther, voir Dietz, 2009, p. 281-285, qui souligne le lien indissoluble que Luther établit entre les verbes craindre (fürchten), aimer (lieben) et (se) confier (vertrauen) : « Im Vertrauen auf Gott werden die Anfechtungen des Weltverhältnisses wahrgenommen, können angenommen und bewältigt werden. » (P. 285.)
21 « Wie kein Ausleger vor ihm hat Luther das erste Gebot über alle anderen Gebote gestellt, ja im ersten Gebot Gottes gesamtes Handeln an der Menschheit wie in einem Brennspiegel zusammengefaßt gesehen. » (Peters, 1990, p. 109.) – On trouve un procédé semblable dans son interprétation du deuxième article du Credo : « Je crois en Jésus-Christ… notre Seigneur », puisque Luther interprète l’ensemble du second article à partir de l’idée que Jésus-Christ est Seigneur, c’est-à-dire Rédempteur. Voir Arnold, 2012, p. 736-737.
22 « Was ist das ? Gott drewet zu straffen alle die diese gebot ubertretten, darumb sollen wir uns fürchten für seinem zorn und nicht widder solche gebot thun. Er verheisset aber gnade und alles guts, allen die solche gebot halten, darumb sollen wir yhn auch lieben und vertrawen und gerne thun nach seinen geboten. » (WA 30/1, 291, 24-31 ; 293, 1-2.) Traduction Birmelé – Lienhard, 1991, p. 305, § 500.
23 Ibid., § 587, p. 338. Pour l’ensemble de l’interprétation, §§ 587-608, p. 338-342.
24 « Mein Hans kan es thun gegen mir, ab(e)r ich kan es nicht thun gegen Gott. Mein Hans, wenn ich schreyb, thu etwas, so singet er mir ein liedcha daher, und wenn ers zu laut wil machen, so fahr ich ihn ein wenig an, so singt er gleich wol fort, machts aber heimlicher, cum reverentia quadam et sollicitudine. Item vult Deus : Wir sollen stets frolich sein, sed cum reverentia. » (WA Tr no 148 : 1, 70, 4-9 ; copie de Veit Dietrich, décembre 1531-janvier 1532.)
25 « Ludens cum filia sua Magdalena interrogavit eam : Lenichen, was wirt dir der Heilige Geist beschern ? – Et addit : Die khindlen haben so feine gedancken de Deo, quod sit in coelo, et quod sit illorum Deus et Pater. Non enim habent cogitationes de Deo. » (WA Tr no 2302b : 2, 412, 4-7 ; collection de Konrad Cordatus, peu avant Noël 1531.) Voir aussi no 2303a : 2, 411, 29-30 ; no 4027 : 4, 86, 29-32.
26 « Meus Ioannes nihil allegat quam nativitatem, ideo dicit se esse haeredem, quia ergo sum pater illius. Sic nostra iustitia est relativa : bin ich nicht frumb, so bleibt Christus frumb. Ah, die Kinder sein die aller glersten ; die vertrauen irem vater vnd sagen auch von Gott fein einfeltiglich, das er ir vatter sei. Sie faren auch wol vnd disputirn nicht uil. » (WA Tr no 1712 : 2, 190, 15-20 ; copie de Johannes Schlaginhaufen, entre le 12 juin et le 12 juillet 1532.)
27 « Mein Johannes wendet nichts mehr für, und zeuhet nur an die Geburt, sagt, er sei mein Erbe, weil ich sein Vater bin. Also ist unser Gerechtigkeit relativa et aliena, frembde. Bin ich nicht fromm, so bleibt doch Christus fromm. Ah, die Kinder sind am Besten dran, die vertrauen ihren Vätern und reden von ihnen fein einfältiglich, daß er ihr lieber Vater sei, disputiren nicht viel ; darüm fahren sie auch am Besten ! » (Ibid., 191, 10-14 ; Aurifaber ; c’est nous qui mettons les différences en italiques.)
28 Voir Junghans, 2013, p. 7-11.
29 « [ … ] dann iß, trinke, gehe in Gesellschaft. Wenn du dich mit Gedanken an ein Mädchen erfreuen kannst, tue dies. » (WA Tr no 122 : 1, 49, 27–50, 4 ; 30 novembre-14 décembre 1531).
30 « [ … ] derselbige halte sich erstlich an den Trost des göttlichen Worts, danach so esse und trinke er, er trachte nach Gesellschaft und Gespräch gottseliger und christlicher Leute, so wirds besser mit ihme werden. » (Ibid., 52, 2-4.)
31 Dès l’introduction aux scolies de son cours sur l’épître aux Romains (1515-1516), Luther avait écrit : « Deus enim nos non per domesticam, Sed per extraneam Iustititiam et sapientiam vult saluare, Non que veniat et nascatur ex nobis, Sed que aliunde veniat in nos, Non que in terra nostra oritur, Sed que de celo venit. Igitur omnino Externa et aliena Iustitia oportet erudiri. » (WA 56, 158, 10-14.)