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Classiques Garnier

Le Dieu des philosophes dans l’exégèse médiévale

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses
    2019 – 3, 99e année, n° 3
    . varia
  • Auteur : Dahan (Gilbert)
  • Résumé : Le « Dieu des philosophes » a-t-il sa place dans les réflexions des exégètes médiévaux ? Sagesse 13,1-9 et Romains 1,18-23 s’interrogent sur la manière dont les païens ont pu appréhender l’existence d’un Dieu créateur unique : par l’observation de la nature, par leurs propres réflexions, ont-ils saisi autre chose que les caractères extérieurs par lesquels Dieu s’est fait connaître ? Sont-ils même parvenus à percevoir la Trinité, à laquelle les attributs essentiels de la divinité pouvaient mener ?
  • Pages : 375 à 399
  • Revue : Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses
  • Thème CLIL : 4046 -- RELIGION -- Christianisme -- Théologie
  • EAN : 9782406096832
  • ISBN : 978-2-406-09683-2
  • ISSN : 2269-479X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09683-2.p.0045
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 10/09/2019
  • Périodicité : Trimestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Exégèse médiévale, connaissance de Dieu, philosophes païens, Psaume 13 (14), Sagesse, Romains, monde-livre
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Le Dieu des philosophes
dans lexégèse médiévale

Gilbert Dahan

CNRS-EPHE-PSL – LEM / Institut détudes augustiniennes

Évidemment, tout le monde a présente à lesprit lapostrophe de Blaise Pascal dans « lécrit trouvé dans son habit après sa mort » : « Dieu dAbraham, Dieu dIsaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants ». Précisément, le Dieu dAbraham, dIsaac et de Jacob est celui qui se manifeste dans lhistoire, celui à qui lon peut sadresser, celui à qui on peut même prêter des émotions – tout en sachant quIl transcende toutes nos réalités et toutes nos pensées, acceptant tout de même de se faire connaître par Sa présence, quelle soit la shekhinah de la pensée juive ou lIncarnation en la personne du Christ Jésus dans la pensée chrétienne. Le Dieu des philosophes et des savants serait la transcendance même, la réalité au-dessus de toute réalité, lÊtre dans son absolu. Il me semble que lune des meilleures manières dopposer le Dieu de la Bible et le Dieu des philosophes pourrait être dobserver lemploi des genres du participe qui le désignent1 : τὸὄν, « létant », au neutre, est le Dieu des philosophes, ὤν, « celui qui est », au masculin, étant le Dieu de la Bible. A priori, il y a peu de chances de rencontrer dans la Bible le Dieu des philosophes : bien sûr, on peut penser à la fameuse définition donnée à Moïse au buisson ardent (Ex 3,14) אהיה אשר אהיה, ἐγώεἰμιὤν, Ego sum qui sum2. On le sait, il ny a pas daccord entre les interprètes pour y voir une « métaphysique de lExode ». 376Mais je laisserai de côté ce verset auquel le « Centre détude des religions du Livre » avait déjà consacré deux volumes3. Le Dieu des philosophes apparaît dans des textes plus récents, nés dans un milieu saturé de culture hellénique, que ce soit le judaïsme hellénisé dAlexandrie ou les premières communautés chrétiennes, qui connaissent la pensée grecque et en subissent peut-être linfluence4. Je mintéresserai donc aux commentaires médiévaux de deux textes principalement issus de ces deux milieux, un passage du livre de la Sagesse (13,1-9) et un passage de lépître de Paul aux Romains (1,18-23), passages qui présentent beaucoup de points de contact entre eux. Bien entendu, mon propos ne sera pas lexégèse même de ces textes, mais je me demanderai dans quelle mesure les exégètes du Moyen Âge y ont perçu linfluence de la pensée hellénique et comment ils ont pu décrire le « Dieu des philosophes » auquel les deux textes réfèrent. Cependant, dans une sorte de démonstration a contrario, je traiterai brièvement des commentaires dun texte beaucoup plus ancien, le Ps 13 (hébreu 14),1.

Psaume 13 (hébreu 14),1

אמר נבל בלבו אין אלהים

Εἶπεν ἄφρων ἐν καρδίᾳ αὐτοῦ Οὐκ ἔστιν θεός

Dixit insipiens in corde suo Non est Deus.

Dune manière générale et depuis au moins Cassiodore, linsipiens est identifié au juif et lexpression « il ny a pas de dieu » est interprétée en conséquence dune manière relative : « il (cest-à-dire le Christ) nest pas Dieu ». Ce sont évidemment les interprétations absolues qui nous intéressent davantage5 ; là encore on se rappellera un débat ancien, notamment autour du livre de Lucien Febvre sur lincroyance au xvie siècle6 : était-il possible, dans le monde ancien et médiéval, de penser linexistence de Dieu ou des dieux ? Pour le Ps 13 (14),1, les commentateurs anciens qui évoquent cela font de linsipiens un gentil ; mais Augustin souligne la difficulté de cette affirmation absolue :

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Même des philosophes sacrilèges et détestables qui ont sur Dieu des idées perverties et fausses nont pas eu laudace de dire : Il ny a pas de Dieu. Aussi linsensé a-t-il dit cela en son cœur, car personne na laudace de le dire, quand bien même il a osé le penser7.

Gilbert de la Porrée reprend et paraphrase cela, après avoir donné linterprétation voyant dans linsipiens le juif :

L insensé, païen, a dit que Dieu nest pas. Mais il ne la pas dit avec des mots mais seulement dans son cœur. Les philosophes sacrilèges eux-mêmes, qui ont pensé des choses fausses à propos de Dieu, nont pas osé dire « Dieu nest pas ». Il est ajouté dans son cœur, parce que personne nose dire cela, même sil a osé le penser8.

Mais, précisément, quelles sont les « idées sacrilèges et détestables » de ces philosophes ? Quelques commentateurs des Psaumes ont tenté de les caractériser mais généralement sans sattarder sur ce point. Lidolâtrie apparaît dans le commentaire de Bruno de Würzburg : « On dit également que linsensé est un gentil, qui pense que Dieu nest pas ; son esprit est corrompu, lui qui se fait un dieu dun morceau de bois9. » Odon dAsti nous met sur une autre piste : « Les païens ont affirmé quil ny a pas dautre dieu que le hasard et lâme10. » Cela nous mène du côté des Épicuriens. Chez Pierre le Chantre, lidentification reste implicite et est mêlée à dautres choses :

Il n y a pas de Dieu : cest par la fortune, non par Dieu, quest régi le monde, dont on voit quil est composé datomes et de vide, comme le disaient certains. Dautres disaient : « Jupiter est tout ce que tu vois, tout ce qui est mû » et ils se constituaient des dieux divers avec des réalités diverses, les uns vénérant le soleil, dautres la lune, dautres dautres créatures, alors que les uns et les autres peuvent parvenir à la connaissance de Dieu par les réalités visibles11.

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On verra que ce thème est amplement traité dans nos deux textes de référence. Épicure est précisément nommé par Nicolas dAmiens :

Cest le gentil qui a parlé, qui a nié davantage lessence de lêtre que le juif, qui niait que le Christ fût Dieu et non pas que Dieu fût. Ce gentil, ce fut Épicure, qui pensait que tout arrivait par la chute fortuite des choses12.

Le commentaire de Thomas dAquin va nous mettre sur une autre piste encore, mais il sagira moins du Dieu des philosophes que dune notion philosophique de Dieu, dont il retrace clairement les origines :

Peut-on penser que Dieu nest pas ? Anselme affirme que personne ne le peut. De même, Jean Damascène13 : « La connaissance de Dieu est donnée naturellement à tous : nul ne peut penser que des choses connues naturellement ne soient pas. » Mais il faut savoir que nous pouvons parler de deux façons de la connaissance de Dieu, en soi ou par rapport à nous. Selon le premier mode, on ne peut certainement pas penser quil ne soit pas []. Qui parle de Dieu en soi dit quIl est, et en soi on ne peut pas penser quIl nest pas, et ainsi laffirmation du Damascène est-elle justifiée : ce qui est naturellement donné est connu dune manière indéterminée, et ainsi <on sait> que Dieu est, mais ce nest pas la même chose pour ce que Dieu est, qui est connu par la foi14.

La reportation est très imparfaite (il nest plus question du second mode), mais nous sommes dirigés vers les deux textes qui jouent au xiiie siècle un rôle majeur dans la réflexion sur la possibilité ou non de penser que Dieu nest pas. Bien entendu, le Proslogion a posé le problème dune manière fondamentale et on se rappelle que le 379verset dont nous parlons sert de point de départ à sa démonstration ; la défense de linsensé par Gaunilon puis la réponse dAnselme à cette défense approfondissent la question15 – mais cela nous éloigne peut-être de notre sujet, qui ne concerne pas lexistence de Dieu ou non mais bien plutôt ce quest le Dieu des philosophes, ce que nous allons retrouver avec les deux péricopes qui constitueront le cœur de cet exposé.

Sagesse 13,1-9

Le livre de la Sagesse (ou Sagesse de Salomon) fait partie des deutérocanoniques ; dès lAntiquité, lattribution à Salomon est considérée comme fausse ; Jérôme, suivi par plusieurs auteurs du Moyen Âge, avance le nom de Philon, ce qui est loin dêtre sot16. Le livre a été rédigé en grec, probablement vers la fin du ier siècle avant lère chrétienne, par un juif dAlexandrie excellent connaisseur de la Bible juive (par la traduction des Septante). Les exégètes contemporains, dont les principaux en français sont Chrysostome Larcher17 et Maurice Gilbert18, ont insisté sur la connaissance que lauteur a de la philosophie grecque et ont mis en relief dans leurs études les allusions à celle-ci, voire ses influences ici et là, notamment le fait que lauteur soit sensible à la beauté des choses. La modération dont il fait preuve à légard des penseurs païens est également remarquable, comme cela apparaît dans la péricope dont nous allons étudier les commentaires médiévaux : les païens dont il parle, qui ne sont pas parvenus à une véritable connaissance de Dieu, « ne méritent quun léger blâme » (Sg 13,6) ; ils sont « vains » certes, mais ne sont pas aussi coupables que ceux qui ont « placé leurs espoirs dans des objets sans vie » (cf. Sg 13,17). Je men tiendrai à la première partie du chapitre, qui concerne ces penseurs 380(et laisserai donc de côté la condamnation de lidolâtrie, v. 10-19 et la suite). Plusieurs expressions sont intéressantes, notamment celle qui désigne la divinité, τὸνὄντα, qui est (13,1), pour laquelle les commentaires renvoient à Ex 3,14 ; ou lArtisan, τὸντεχνίτην, artifex (même verset), ou lauteur de la création, γενεσιουργός, creator (13,5). La tradition dexégèse de la Sagesse est tardive ; même si Augustin utilise assez fréquemment ce livre19, le premier commentaire connu en latin est celui de Raban Maur20 (c. 780-856). Au xiie siècle, outre la Gloseordinaire21, qui utilise surtout Raban Maur, on relève le commentaire de Pierre le Chantre22. Au xiiie siècle, jutiliserai les commentaires de Hugues de Saint-Cher23 et le groupe de quatre commentaires dont fait partie celui de Bonaventure24, dont lattribution nest plus considérée comme certaine : Jean de Varzy25, Guillaume de Tournai26 et Nicolas de Gorran27, puis ceux de Maître Eckhart28 (un peu décevant pour la péricope), Robert Holkot29, Nicolas de Lyre30 et, plus tard, Denys le Chartreux31.

À titre préliminaire, on observera que, dune manière générale, les païens visés par le livre de la Sagesse ne sont pas identifiés précisément dans les commentaires médiévaux : seul Raban Maur attribue aux Stoïciens une sorte de panthéisme : « Le monde entier dont les Stoïciens sefforcent de montrer quil est animé et sage nest pas Dieu32 » ; mais cette suggestion nest pas reprise et les commentateurs parlent vaguement des « philosophes » ou des « philosophes païens », gentiles philosophi. En revanche, on le verra, les commentateurs les plus tardifs appellent certains philosophes à la rescousse de leur démonstration : Aristote (chez Nicolas de Lyre, 381Robert Holkot et Denys le Chartreux33), Avicenne (Robert Holkot34) et Platon (Denys le Chartreux35). Notons aussi que Nicolas de Lyre, toujours préoccupé par le sens littéral, voit dans les païens visés les Cananéens36.

La connaissance de Dieu est possible. Les exégètes médiévaux reprennent lidée de la Sagesse que la connaissance de Dieu est possible, notamment à travers les créatures, leur beauté et leur grandeur. Cependant, ils vont bien mettre en relief le fait que, sil est facile de savoir que Dieu est (quod est), il nest pas possible de comprendre ce quil est (quid est) : le constat est fait ici et là dans les commentaires, mais il est formulé nettement dans une questio qui relève une apparente contradiction entre ce qui est dit en Sg 13,9, quomodo huius Dominum non facile invenerunt, et Sg 9,16, difficile aestimamus quae in terra sunt [] quae autem in caelis sunt quis investigabit ? Voici comment Hugues de Saint-Cher résout le problème :

Il semble que Philon se contredise, puisquau-dessus, en 9.d [16], il a dit : Nous envisageons avec difficulté ce qui est sur la terre, ce qui est dans le ciel qui le recherchera ? Et ici il dit : Comment nont-ils pas trouvé trop facilement le Seigneur <de toutes ces créatures magnifiques> ? Il aurait dû dire trop difficilement : en effet, Dieu est incompréhensible, les créatures sont accessibles à lintelligence. Solution. Cest une chose de comprendre Dieu et une autre de comprendre que Dieu est. Le premier est impossible ou du moins très difficile []. Le second est facile, parce que sous la conduite de la raison chacun peut comprendre que Dieu est, ce qui est affirmé ici37.

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La question figure également chez Bonaventure38 (dont la solution est moins intéressante) et chez Robert Holkot, qui ne part pas de la contradiction avec Sg 9,16 mais arrive à la même conclusion, « cest une chose de comprendre de Dieu quil est et une autre ce quil est39 ». En dehors de cette question, Nicolas de Lyre, à propos du v. 13,1, observe que le vrai Dieu ne peut pas être connu a priori, mais quil est connaissable a posteriori, par les effets de sa création40. Denys le Chartreux commence son commentaire du chapitre en distinguant trois types dhommes selon la connaissance quils peuvent avoir de Dieu :

certains ont non seulement une connaissance naturelle mais aussi théologique et surnaturelle, mais ils nont pas la science de Dieu, qui est un don et qui est toujours liée à la charité (il sagit des mauvais catholiques et des hérétiques) ;

certains ont seulement une connaissance philosophique, ignorant lÉcriture sainte et manquant de foi (les incroyants) ;

certains ignorent quil y a un unique principe au-dessus de tout et sont privés de toute connaissance de la divinité (les idolâtres)41.

Il reprend lidée de Nicolas de Lyre dune connaissance a priori et a posteriori, à propos de Sg 13,5, cognoscibiliter poterit horum creator videri :

Leur créateur, cest-à-dire comprendre que Dieu est la cause de tout. Bien quil soit incompréhensible quant à ce quil est (quid sit) et ne puisse être connu par la cause, cest-à-dire a priori, cependant, il est connaissable parce quil est, a posteriori par ses effets, puisque toute chose causée porte une certaine similitude avec sa cause42.

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Le moyen de connaître Dieu est donc, comme laffirme le texte de la Sagesse, dexaminer sa création. Tous les commentateurs insistent sur ce point et je ne citerai que deux dentre eux. Tout dabord, Raban Maur, qui emploie lexpression intéressante de fabrica mundi :

La connaissance de Dieu est manifeste à partir de la fabrique du monde. En effet, pour que Dieu, qui est par nature invisible, puisse être aussi connu visiblement, son ouvrage a été fait par lui de manière à manifester son artisan par sa visibilité43.

Le thème de lartifex est important ; on a vu que la Vulgate (en fait une vieille latine) avait traduit le terme grec τεχνίτης par artifex, qui a une consonance plutôt platonicienne ; mais lessentiel est, pour les commentateurs, de passer de louvrage réalisé à son ouvrier. Bonaventure emploie une autre expression significative :

Le monde tout entier est comme un livre dans lequel le Créateur peut être connu par la puissance, la sagesse et la bonté qui se reflètent dans les créatures44.

Cest le thème bien connu du monde-livre, totus mundus est quasi liber quidam, qui est aussi lun des fondements de lexégèse médiévale45.

À partir de leur investigation de la nature, les meilleurs des philosophes sont arrivés à une perception de lexistence dun Dieu unique, créateur de lunivers. Comment peut-on définir ce Dieu ? Déjà Raban énonce les caractères majeurs : à partir des œuvres bonnes, ils [le sujet nest pas explicité] ont pu connaître le bon ouvrier (artifex), qui est au sens propre, qui possède seul limmutabilité, qui habite la lumière inaccessible, qui est éternel, tout-puissant, sans commencement ni fin et régit et gouverne tout46. 384Les exégètes, en sinspirant ou non de Raban, reprennent ces termes mais tentent de définir ce quest Dieu à partir de la mention de qui est au v. 1, à propos de laquelle tous renvoient à Ex 3,14. Voici ce que dit Bonaventure :

Celui qui est, cest-à-dire Dieu, dont lêtre est substantiel et non accidentel. Dont lêtre est toujours présent, jamais passé ou futur []. Dont lêtre est pur, puisque tout ce qui est en lui est lui-même []. Dont lêtre ne vient pas dun autre []47.

Par la suite Bonaventure parle de la toute-puissance, du libre-arbitre, de limmutabilité et de léternité de Dieu. Nicolas de Gorran reprend ce texte, quil illustre par des citations dAugustin et de Jérôme48. Nicolas de Lyre donne une interprétation relative de lexpression : « qui est, cest-à-dire bon par essence49 ». Il en est de même pour Robert Holkot, « Dieu, qui est bon au plus haut point50 ». À propos de qui est, Maître Eckhart renvoie à son commentaire de lExode51.

Un notandum de Nicolas de Gorran permet, par une démarche a contrario, de contribuer à cette définition de Dieu :

Il faut noter quils ne devaient pas prendre les créatures pour des dieux :

– du fait de la composition de leur substance. En effet, Dieu est simple []

– du fait de leur nature corporelle. Dieu est esprit [] Il nest pas représentable []

– du fait de leur puissance déterminée et limitée à certains effets. Dieu est tout-puissant []

– du fait du caractère nécessaire et inévitable des réalités naturelles. Dieu est maître du libre-arbitre []

– du fait du mouvement local. Dieu est immobile, puisquil est le principe de tout mouvement []

– du fait de leur manque déternité. Dieu est éternel, les créatures manquent de léternité52.

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Certes, cest aussi le Dieu des chrétiens qui est ainsi défini ; mais cette caractérisation de la divinité est aussi le minimum commun auquel adhèrent les meilleurs des philosophes.

Précisément, est-il possible daller plus loin et de se rapprocher encore plus du Dieu du christianisme ? Plusieurs commentateurs affirment que la connaissance de la Trinité est accessible également à travers la création. Hugues de Saint-Cher le dit nettement, à propos de 13,5 :

Le créateur de ces réalités pouvait être connu visiblement, cest-à-dire compris. Non seulement Dieu mais toute la Trinité, de sorte que la grandeur réfère à la puissance et ainsi au Père ; la beauté à la sagesse et ainsi au Fils ; la création à la bonté et ainsi à lEsprit saint53.

La Postille de Nicolas de Lyre est plus réservée sur ce point :

Bien que, à travers les créatures, Dieu ne puisse pas être connu quant à la distinction des Personnes divines, on peut cependant le connaître à travers elles quant aux attributs essentiels, la puissance, la sagesse et autres, dans lesquels <Dieu> transcende sans proportion commune toute nature des créatures de ce monde54.

Le fait quil nénumère pas trois attributs essentiels, disant « et autres » au lieu de la bonté, interdit sans doute daller trop loin. Mais il semble bien que la connaissance de la Trinité par les philosophes soit le plus souvent indiquée dune manière implicite : on a repéré ainsi dans le texte de Bonaventure sur le livre-monde les trois attributs majeurs, qui, implicitement, renvoient à la Trinité.

Quelques remarques diverses pour en terminer avec Sg 13,1-9. Les meilleurs philosophes ont pu arriver à une certaine connaissance de Dieu et les commentateurs ont recours à eux pour conforter leurs démonstrations. Aristote apparaît ainsi chez Nicolas de Lyre comme garant de lexistence dun premier moteur immobile (il renvoie au 8e livre de la Physique)55. Chez Robert Holkot, cest le début de 386la Métaphysique qui est cité, à propos de la connaissance par les créatures : les hommes ont commencé à philosopher en sétonnant des merveilles de ce monde ; il cite également Physique III56. Denys le Chartreux reconnaît à Aristote davoir déterminé que la création dépend tout entière dune puissance supérieure57. Le même auteur cite le livre III du De anima, ainsi que le Timée de Platon à propos de lexistence dun créateur (artifex) du monde58. Enfin, je relève chez Robert Holkot un renvoi à la Métaphysique dAvicenne, livre I, à propos de la simplicité absolue et de lunité de lêtre auteur de la création59.

Mais les philosophes nont pas été jusquau bout : les commentateurs se demandent sils sont excusables ou non, nayant reçu ni les Écritures saintes ni le message de Jésus. Ils nont pas su aller au bout de leur réflexion et, pour certains, ont refusé de tirer les conclusions qui simposaient. Cela parce que la science de Dieu saccompagne de la foi ou, plutôt, comme laffirment Hugues de Saint-Cher et dautres, est la foi même60.

Il y aurait beaucoup de richesses à relever encore, notamment dans les commentaires les plus tardifs de la Sagesse. Mais lobjectif était de cerner ce qui concernait le Dieu des philosophes.

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Romains 1,18-23

Ma démarche sera semblable avec Rm 1,18-23, qui décrit les péchés des païens61, notamment à propos de la connaissance quils ont pu avoir de Dieu, et qui est, malgré sa plus grande sévérité à légard des Gentils, un texte parallèle à celui de la Sagesse – le rapprochement a été fait par les commentateurs, aussi bien de la Sagesse que de Romains62. Avec les épîtres pauliniennes, nous sommes encore dans un monde saturé de culture hellénique ; les travaux les plus récents soulignent tout ce qui rapproche saint Paul des philosophes « populaires » de son temps et sefforcent de montrer que la connaissance de la langue grecque en Palestine au premier siècle est bien plus grande que ce que lon pensait autrefois63. La formation rabbinique de Paul nempêche donc absolument pas son ouverture à la culture profane contemporaine.

Ici, la tradition dexégèse est abondante et ancienne, puisque lon trouve des commentaires des épîtres (notamment de Romains) dès lépoque patristique, avec Augustin, lAmbrosiaster ou Pélage. Dans le haut Moyen Âge, plusieurs auteurs commentent les épîtres, et cette tradition ne fait que saccentuer au xiie siècle, où les épîtres, tout en continuant à être commentées dans les monastères (Guillaume de Saint-Thierry nous livre lun des commentaires les plus intéressants sur la péricope), constituent lun des textes fondamentaux dans lenseignement des écoles urbaines, le mouvement se prolongeant au xiiie siècle avec lexégèse de luniversité64. Cest dire que je ne pourrai pas prendre en compte lensemble de ce vaste corpus : je me limiterai à une vingtaine de commentaires, dont les plus tardifs sont ceux de Nicolas de Lyre et de Denys le Chartreux.

Lensemble de Rm 1,18-32 constitue donc une condamnation des erreurs des païens : pour navoir pas su rendre hommage au Dieu quils connaissaient, ils sont livrés aux pires passions, notamment 388sur le plan sexuel mais aussi dans leur comportement à légard du prochain – lun des points passionnants étant de savoir pourquoi ces perversions sont une punition de leur méconnaissance de Dieu, le texte insistant bien sur cette conséquence : διό, propter quod, διὰτοῦτο, propterea viennent rythmer le discours. Mais nous ne prendrons en compte ici que la première partie de cette péricope, les v. 18 à 23, où, sans examiner tous les problèmes exégétiques, nous rechercherons uniquement ce qui peut nous aider à trouver une caractérisation du « Dieu des philosophes ».

Car, pour les commentateurs, ce sont bien les philosophes des gentils qui sont visés : presque tous parlent en général des philosophi gentiles. Hatto de Verceil nomme Socrate, Platon, Aristote, Zénon mais aussi les poètes des nations, tels que Virgile, Caton ou Ovide65. Le pseudo-Bruno le Chartreux et le commentaire de Cambridge se réfèrent à Platon, Abélard à Platon et Cicéron66, Gilbert de la Porrée à Hermès Trismégiste67 ; le commentaire de Guillaume de Saint-Thierry comporte toute une partie consacrée à la critique des philosophes68. Encore une fois, Nicolas de Lyre évoque le contexte historique : ce sont les Romains en général (pas seulement les philosophes) qui sont en cause ici, eux qui brillaient par leur raison et leur génie pratique (industria naturalis), qui leur ont permis de dominer le monde plus que la force ou le nombre69. Pour tenter une synthèse des nombreuses informations livrées par les commentaires du passage, je suivrai la divisio textus fournie par Thomas dAquin : 1oquid de Deo cognoverunt, 2oa quo 389cognoverunt, 3oper quem modum – sans pour autant me conformer à ses développements.

1. Quid de Deo cognoverunt. Plusieurs auteurs affirment que les philosophes ont connu Dieu dune connaissance véritable. Cest ainsi le cas de Gilbert de la Porrée :

Les nobles philosophes ont fait des recherches au moyen de la raison naturelle et <du fait de> la beauté de lunivers, comme si cétait une voix qui leur répondait, à partir de lart, ils ont connu lartisan, ex arte artificem cognoverunt70.

Cest un argument qui apparaît souvent. Le commentaire de Cambridge demande si les Gentils ont eu une connaissance véritable de Dieu : oui, dit-il, ils possèdent « cette connaissance que nous avons maintenant de Dieu, de son unité, de sa Trinité71 ». De même, Pierre Lombard estime que les philosophes détiennent une connaissance véritable de Dieu, puisquelle sest spontanément offerte à eux : « Tu as trouvé Dieu, ô toi païen, ô toi philosophe, et tu adores une idole72. » Citons encore Thomas dAquin, qui sinscrit dans la ligne du Lombard :

Ils ont détenu la vérité de Dieu. Il y eut en eux une véritable connaissance de Dieu quantum ad aliquid[] ce qui est connaissable de Dieu par lhomme grâce à la raison, du fait dune lumière intérieure73.

On la vu, le commentaire de Cambridge mentionne la Trinité et pose ainsi la question de ce qui peut être connu du Dieu. Commençons par le plus simple, ce qui ne peut pas être connu. « Multa sunt quae de Deo per naturam sciri non possunt », comme le dit Pierre Lombard. Si Abélard répond que cest lIncarnation et Hervé du Bourg-Dieu 390lIncarnation et la Passion, presque tous saccordent pour parler de la rédemption et de lIncarnation, en se fondant souvent sur un texte de Grégoire le Grand repris dans la Glossa : cest le cas de Pierre Lombard, Thomas dAquin, Pierre de Jean Olieu ou Nicolas de Gorran. Bien sûr, on retrouve aussi le thème déjà rencontré à propos de Sagesse 13 : « dans cette vie présente est ignoré de lhomme ce quest Dieu, quid est Deus », comme le dit Thomas, ou comme le précise Nicolas de Gorran, « ce qui est inconnu de Dieu est la structure (ratio) de sa substance ou de sa nature, qui échappe à toute créature ». Mais on verra quil y a des nuances à apporter.

Cest à propos du terme invisibilia que les commentateurs sont amenés à déterminer ce qui peut être connu et ce qui ne peut pas lêtre – je laisse de côté le problème posé par le pluriel de ce terme, qui semble en contradiction avec la simplicité de Dieu. Rm 1,20 affirme bien que les invisibilia sont perçus au moyen de ce qui a été créé. Haymon dAuxerre reste dans le vague en parlant des secrets (sacramenta) de Dieu74. Dautres commentateurs énumèrent les caractères de la divinité : éternité, puissance (virtus), toute-puissance ; on trouve cela chez Hervé du Bourg-Dieu75 ; Nicolas de Lyre parle des attributs essentiels comme la sagesse, la bonté et autres semblables76. Pierre de Jean Olieu note que par invisibilia « sont désignées les qualités essentielles prises abstraitement, comme le fait que Dieu soit infini, immuable, éternel etc. », en faisant observer que ces termes sont « privatifs » puisque leur connaissance se fait par le mode de la privation (nous dirions de la négation) et du « super-excès77 ». Denys le Chartreux voit dans invisibila « la nature divine incorporelle, simple et indivisible et ses perfections qui peuvent être connues par voie naturelle, sa justice, sa puissance, sa providence etc.78 ». Bruno le Chartreux suggère rapide391ment quil sagirait des invisibilia de lessence divine79 – ce qui semble en contradiction avec limpossibilité de connaître le quid est de Dieu. Mais, comme nous le voyons chez Pierre de Tarentaise80, il ne faut pas surinterpréter cette indication et y voir plutôt une connaissance de lexistence de Dieu et de ses attributs essentiels : « quantum ad essentiam et attributa essentialia », essentia me semble signifier ici lexistence même de Dieu, son esse ; le texte cité de Pierre de Jean Olieu conforte cette interprétation.

Mais à propos encore des invisibilia, les commentaires engagent des développements sur la Trinité. Robert de Melun affirme tout nettement quil sagit des personnes de la Trinité : « que lon ne sétonne pas, dit-il, que lApôtre enseigne que les philosophes des nations ont eu une connaissance de la Trinité », et il relève que saint Augustin la bien montré81. Hugues de Saint-Cher ne le dit pas aussi explicitement, mais il identifie ces invisibilia à la sagesse, la puissance et la bonté, qui sont les appropriations des personnes de la Trinité82. En fait, la discussion sur la Trinité englobe plus généralement lensemble du v. 20, et ce que lon trouve le plus souvent est le schéma suivant, fourni par la Glossa et repris par de nombreux auteurs :

invisibilia > Pater

virtus > Filius

divinitas > Spiritus sanctus

ou bien, schéma que Robert de Melun juge préférable :

invisibilia > Spiritus sanctus (du fait des sept dons invisibles de lEsprit saint)

virtus > Filius

divinitas > Pater83.

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Abélard, quant à lui, reprend les attributs classiques potentia, sapientia, benignitas. Cette connaissance naturelle de la Trinité est justifiée par les exemples classiques du sceau et de lâme tripartite (Robert de Melun84). Pierre de Tarentaise pose une question à ce sujet :

La Glossa indique que par les invisibilia on comprend le Père, par la puissance le Fils, par la divinité lEsprit saint. Donc les philosophes ont eu connaissance de la Trinité au moyen des créatures. Ce à quoi soppose une glose sur le chapitre 8 de lExode, dans laquelle Augustin dit que les philosophes nont pas connu la troisième personne de la Trinité, lEsprit saint. Réponse : ils nont pas connu ce qui est propre (propria) aux Personnes mais les appropriations, cest-à-dire la puissance, la sagesse <et la bonté>, et ils ont parlé de ces attributs comme des trois personnes85.

2. A quo cognoverunt. Par qui les philosophes païens ont-ils eu cette connaissance ? La question peut surprendre, mais elle dirige vers la nécessité de laide de Dieu. Je serai rapide sur ce point, il ny a pas énormément déléments à ce sujet dans mon corpus. Le pseudo-Bruno accompagnait son affirmation que « Platon et certains philosophes ont naturellement connu quil y a un seul créateur de tout », de la remarque que « la grâce coopérante de Dieu » (adiutrice gratia) était nécessaire86. Hugues de Saint-Cher mentionne le don de connaissance, donum scientiae87. Pour Pierre de Jean Olieu, la manifestation de Dieu (v. 19) se fait

en donnant <aux Gentils> la lumière naturelle de lintelligence et en leur montrant les effets extérieurs par lesquels ils puissent être conduits par la main (manuduci) vers la connaissance de Dieu, et encore par une providence spécifique dirigeant leurs intellects vers la connaissance de Dieu88.

393

Un point particulier est lié à cela. Il apparaît sous forme de questio chez Pierre de Tarentaise et chez Nicolas de Gorran ; la question est provoquée par la difficulté que nous avons brièvement signalée de ces réalités invisibles qui sont perçues (invisibilia conspiciuntur). Je traduis Nicolas de Gorran :

Les réalités intelligibles sont perçues. Glossa : il y a une vision corporelle, imaginaire et intellectuelle. La perception dont il est question ici est du troisième type. En sens contraire : La vision intellectuelle est le troisième ciel, comme le dit la Glose sur 2 Co 12 [il sagit du « rapt » de saint Paul jusquau troisième ciel]. Donc les philosophes ont été emportés (rapti) jusquau troisième ciel, ce qui est faux. Réponse : vision intellectuelle est pris ici au sens large, cest-à-dire quand une chose est comprise par sa forme extérieure (species) qui demeure dans lintellect. Dune autre manière, on prend lexpression au sens strict quand une chose est comprise par sa propre forme extérieure qui nest pas autre chose que son essence, et ainsi parle-t-on de troisième ciel. Les philosophes nont pas compris ainsi, bien quils aient pu comprendre selon le premier sens89.

Il ne sagit donc pas dune perception directe de lessence mais dune perception médiatisée par les concepts et les représentations mentales. Mais en elle-même la question est intéressante dans la mesure où les commentateurs peuvent aller très loin dans la définition de la connaissance de Dieu que peuvent les philosophes.

3. Per quem modum. Justement, comment les philosophes païens peuvent-ils avoir cette connaissance de Dieu ? Nous ne redirons pas ce qui concerne laide divine et nous ne reprendrons pas le thème de la connaissance par les œuvres – je mentionnerai très rapidement le motif des « vestiges du Créateur » chez Hervé du Bourg-Dieu et celui de la « créature image de Dieu » chez Robert de Melun et Denys le Chartreux90. Je me contenterai de relever 394des listes de moyens de connaître Dieu qui sont données dans les commentaires. Passons rapidement sur le couple per naturam et per rationem, chez Pélage, dans la Glossa ou chez Abélard91. De même, Robert de Melun parle de la raison naturelle et du don de grâce92.

Haymon donne une liste plus importante93 : Dieu peut être connu par la beauté de la création, par lintelligence naturelle et par une recherche poussée ou bien par une inspiration « occulte ». Thomas dAquin donne une liste différente ; Dieu peut être connu de trois façons à partir des créatures :

par la causalité ;

par la voie de lexcellence ;

par la voie de la négation ;

dans les trois cas, la connaissance est acquise grâce à la lumière de la raison qui a été infusée94.

Dans un notandum, Pierre de Tarentaise précise que lon lit que certains sont parvenus à la connaissance de Dieu par de nombreux moyens :

par la raison naturelle ;

par linfusion de la grâce ;

par la considération des créatures ;

par létude des Écritures ;

par les miracles95.

395

Bien sûr, seuls les trois premiers concernent les non-croyants. Il en est de même pour la liste que donne Denys le Chartreux :

Dieu a révélé la vérité aux hommes de différentes manières :

– par linfusion de la sagesse ;

– par une révélation angélique ;

– par linstruction des saints ;

– par la raison naturelle ;

Selon Jean Damascène, la connaissance de lexistence de Dieu est inscrite naturellement chez tous les hommes96.

Je terminerai encore plus rapidement en citant un texte de Guillaume de Saint-Thierry, que je nai guère exploité malgré la richesse et lintérêt de son commentaire :

Ces philosophes, que la renommée place à bon droit au-dessus de tous les autres, ont vu quaucun corps nétait Dieu. Aussi, dans leur quête de Dieu, ont-ils dépassé tous les corps. Ils ont vu que le Dieu suprême nétait rien de ce qui change. Aussi, dans leur quête du Dieu suprême, ont-ils dépassé toute âme et tout esprit sujets au changement. Puis ils ont vu que, dans une réalité changeante, quelle quelle soit, la forme par laquelle elle est ce quelle est, de quelque façon et de quelque nature que ce soit, ne peut être que par celui qui est véritablement, parce quil est sans changement []. Et ils ont compris quen raison de ce non-changement et de cette simplicité, Dieu a fait toutes les choses changeantes, tandis que lui-même na pu être fait par personne97.

De même, Thomas dAquin résume ainsi ce que les philosophes ont connu de Dieu : ils ont connu par la voie de la négation, et à travers des similitudes, les qualités de Dieu (et non son essence) ; sa puissance, par la voie de la causalité ; Dieu comme fin ultime vers laquelle tout tend, par la voie de lexcellence98.

Aussi Hervé du Bourg-Dieu peut-il à bon droit exalter lapport des philosophes :

Certains dentre eux non seulement ont œuvré à linstitution des arts très utiles et à lenseignement des disciplines libérales, mais ils ont tendu leur esprit également à la recherche du bien suprême et ont perçu les 396réalités invisibles de Dieu en les comprenant à travers les choses créées. Mais ils nont pas rendu grâces à Dieu []99.

À leur manière et selon leurs moyens les philosophes des nations ont contribué à faire évoluer la connaissance de Dieu. On est proche de lesprit de la Sagesse. Sans doute faudrait-il poursuivre lenquête et exploiter dautres textes, comme les commentaires de Maître Eckhart, notamment celui de Jean et celui de lExode ; en lisant Maître Eckhart, nous mesurons limportance dun auteur dont il na pas été question dans cette étude, Maïmonide, le Rabbi Moyses des Latins, qui, en voulant guider ceux que lopposition entre lÉcriture et Aristote laissait perplexes, a aussi contribué à introduire dans la pensée théologique (et dans lexégèse) le Dieu des philosophes. Mais ce sont encore dautres pistes à explorer.

397

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1 Voir Gilbert, 1973, p. 43.

2 Voici quelques traductions françaises : Bible du Rabbinat, « Je suis lÊtre invariable » ; Bible de Jérusalem, « Je suis celui qui est » ; Nouvelle Bible Segond, « Je serai qui je serai » ; Traduction œcuménique de la Bible (2010), « Je suis qui je serai » ; H. Meschonnic, « je serai que je serai ».

3 Dieu et l être, 1978 ; Celui qui est (Libera – Zum Brunn, 1986).

4 Voir notamment Malherbe, 1989.

5 Jutiliserai ici les résultats de mon étude, Dahan, 1990.

6 Febvre, 1962.

7 Augustin, Enarrationes in Psalmos, éd. et trad. fr. Dulaey, 2009, p. 504-505 : « Nec ipsi enim sacrilegi et detestandi quidam philosophi, qui peruersa et falsa de Deo sentiunt, ausi sunt dicere : Non est Deus. Ideo dixit in corde suo, quia nemo hoc audet dicere, etiam si ausus fuerit cogitare. »

8 Ms. Troyes 488, fol. 16r : « Insipiens gentilis dixit quod deus non est. Sed hoc non uerbis sed tantum in corde dixit. Neque ipsi sacrilegi philosophi qui falsa de Deo senserunt ausi sunt dicere : Non est Deus, et ideo adiunctum est in corde suo, quia hoc nemo audet dicere, etiamsi ausus fuerit cogitare. »

9 PL 142, 81 : « Insipiens etiam gentilis dicitur, Deum non esse putans, qui corruptus est mente, lignum sibi deum faciens. »

10 PL 165, 1172 : « Gentiles alium deum non esse affirmaverunt nisi fortunam et animam. »

11 « Non est Deus : fortuna non Deo regitur mundus, qui constat ex athomis et inani, ut quidam dicebant. Alii dicebant : “Iupiter est quodcumque uides, quodcumque mouetur”, et diuersos diuersis sibi constituebant deos, alii solem, alii lunam, alii alias creaturas uenerantes, cum tamen tam hii quam illi per uisibilia ad cognitionem Creatoris possint pertingere » (Dahan, 1990, p. 26).

12 Ms. Alençon 22, fol. 22vb : « Dixit gentilis, qui plus negavit essentiam esse quam iudeus… Iste gentilis fuit Epicurus, qui ex fortuito rerum casu omnia contingere putabat. »

13 De fide orthodoxa I, 3 ; cf.PG 94, 793-796 ; Jean Damascène, La foi orthodoxe, éd. Ledrux, 2010, p. 142-145.

14 Thomas dAquin, Expositio in Iob et in primam Davidis quinquagenam, éd. de Naples, 1857, p. 186 : « Sed numquid potest cogitari Deum non esse ? Anselmus dicit quod nullus potest. Item Damascenus. Cognitio Dei naturaliter omnibus est inserta ; naturaliter cognita nullus potest cogitare non esse. Sed sciendum quod de cognitione Dei dupliciter loqui possumus, scilicet secundum se vel quoad nos. Si primo modo sic procul dubio non potest cogitari non esse []. Ergo qui dicit Deum secundum se, dicit ipsum esse, et ideo secundum se non potest cogitari non esse, et verbum Damasceni solvitur : quia quod naturaliter insertum est, indeterminate scitur, scilicet quod Deus sit, sed non idem quod Deus <est>, sed per fidem habetur. »

15 Anselme de Cantorbery, Proslogion, chap. 4, éd. et trad. fr. Corbin, 1986, p. 246-249.

16 Prologue Iungat epistola, Biblia sacra, 1994, p. 957 : « [] Secundus [liber = Sapientia] apud Hebraeos nusquam est, quin et ipse stilus graecam eloquentiam redolet ; et nonnulli scriptorum veterum hunc Iudaei Filonis adfirmant. »

17 Larcher, 1969.

18 Gilbert, 1973. – Pour des commentaires plus récents, voir Winston, 1979 ; Hübner, 1999 ; Albrecht, 2015. Je remercie Christian Grappe de mavoir communiqué ces références.

19 Cf. La Bonnardière, 1970 (p. 302-303 pour les utilisations du chap. 13).

20 PL 109, 671-762.

21 Jutilise la réimpression de lédition de Strasbourg, 1480-1481, Turnhout, Brepols, 1992.

22 Ms. Paris, BnF lat. 15565, fol. 126ra-135rb.

23 Hugues de Saint-Cher, 1669, t. III, fol. 139ra-171rb.

24 Bonaventure, 1893, p. 107-233.

25 Ms. BnF lat. 14259, fol. 226ra-306rb.

26 Ms. BnF lat. 14260, fol. 133ra-204vb.

27 Ms. BnF lat. 14251, fol. 318ra-365va.

28 Voir Théry, 1928 et 1929-1930.

29 Robert Holkot, 1506.

30 Biblia sacra, 1634, t. III, col. 1895-1986.

31 Denys le Chartreux, 1989, p. 451-562.

32 PL 109, 731 : « Quod si neque coelum neque terra neque mare, quae mundi partes sunt, dii esse possunt, ergo nec mundus quidem totus Deus est, quem ipsi Stoici et animantem et sapientem esse contendunt []. »

33 Biblia sacra, 1634, t. III, col. 1955 : « Cum igitur omnes creaturae visibiles sint mutabiles aliquo modo, potuerunt venire ex illis ad cognitionem primi motoris omnino immobilis, sicut Philosophus deducit 8. Physic. » Robert Holkot, lectio 155, 1506, fol. 144vb : « Sicut etiam Aristoteles per viam motus nisus est probare unum primum mouens esse impartibile et infinitum, nullam habens magnitudinem corporalem, viii. Phisicorum. »Cf. Denys le Chartreux, 1898, p. 530.

34 Robert Holkot, lectio 144, 1506, fol. 142vb : « Cum enim viderent creaturas esse bonas, potuerunt arguisse ad unum per se bonum deveniendum, sicut arguit Auicenna i. sue methaphisice []. »

35 Loc. cit.

36 Biblia sacra, 1634, t. III, col. 1951 : « Haec est pars incidentalis in qua occasione idololatriae Chananaeorum tractat generaliter de idololatria gentium. »

37 Hugues de Saint-Cher, 1669, t. III, fol. 161vb : « Sed videtur quod Philo sibiipsi sit contrarius ; supra enim 9.d dixit : Quae in terris sunt difficile aestimamus, quae in caelis sunt, quis inuestigabit ? Hic dicit : Quomodo huius Dominum non facilius inuenerunt ? Imo deberet dicere difficilius. Deus enim incomprehensibilis est, creaturae vero comprehensibiles intellectu. Solutio. Aliud est comprehendere Deum, aliud est comprehendere quod Deus est. Primum impossibile vel nimis difficile est. Et de hoc dictum est supra 9. Secundum facile est, quia ductu propriae rationis potest quilibet comprehendere quod Deus est, hoc dicitur hic. »

38 Bonaventure, 1893, p. 194 : « Sed contra : Difficile aestimamus quae in terra sunt, quae autem in caelis sunt, quis investigabit ? Dicendum quod non vult dicere quod facilius potuerunt cognoscere Deum esse horum auctorem simpliciter, sed ipsum potius esse Deum quam ea quae colebant. »

39 Robert Holkot, lectio 156, 1506,fol. 144va : « Dicunt doctores quod aliud est comprehendere de Deo quia est et aliud quid est. »

40 Biblia sacra, 1634, t. III, col. 1953 : « Attendentes agnoverunt quis esset artifex, scilicet Deus verus, qui licet a priori non possit cognosci, cognoscibilis tamen est a posteriori, scilicet ab effectibus. »

41 Denys le Chartreux, 1898, p. 529.

42 Ibid., p. 530 : « Cognoscibiliter poterit creator horum videri, id est Deus omnium causa intelligi. Quamvis incomprehensibilis sit, quantum ad quid est nec cognosci possit per causam, id est sciri non possit a priori, tamen cognoscibilis, quia est, et a posteriori per suos effectus, cum omne causatum sit quaedam similitudo suae causae. »

43 PL 109, 732 : « Notitia Dei manifesta est ex mundi fabrica. Ut enim Deus, qui natura invisibilis est, etiam visibilis possit sciri, opus factum ab eo est, quod opificem visibilitate sua manifestaret []. »

44 Bonaventure, 1893, p. 193 : « Totus mundus est quasi liber quidam in quo Creator potest cognosci per eius potentiam, sapientiam, bonitatem, relucentes in creaturis. »

45 Voir Curtius, 1956, p. 390-399 ; Brinkmann, 1980 ; Dahan, 2009.

46 PL 109, 731 : « Ex bonis operibus enim potuerunt cognoscere bonum artificem, qui proprie est, quia semper immutabilis est, qui solus habet immortalitatem et lucem habitat inaccessibilem, qui semper idem est et cuius anni nunquam deficient, qui aeternus est et omnipotens sine initio et sine fine semper in se manens, secundum voluntatem suam regit ac gubernat omnia. »

47 Bonaventure, 1893, p. 192 : « eum qui est, id est Deum, cui esse est substantiale, non accidentale. Item cui esse semper praesens est, nunquam praeteritum aut futurum []. Item cuius esse purum est, quia quidquid in eo est ipse est []. Item cuius esse ab alio non est []. »

48 Ms. BnF lat. 14251, fol. 359va.

49 Biblia sacra, 1634, col. 1952 : « Non potuerunt intelligere eum, qui est, scilicet bonus per essentiam. »

50 Robert Holkot, lectio 154, 1506, fol. 142vb : « Eum qui est, id est Deum qui est summe bonus. »

51 Théry, 1928, p. 337-338.

52 Ms. BnF lat. 14251, fol. 359vb : « Notandum quod non debuerunt creaturas putare deos : 1o propter substantie compositionem ; Deus enim simplex est []. »

53 Hugues de Saint-Cher, 1669, t. III, fol. 161va : « Cognoscibiliter poterit Creator horum videri, id est intelligi, non solum Deus, imo tota Trinitas, ut magnitudo referatur ad potentiam, et ita ad Patrem ; species ad sapientiam, et sic ad Filium ; creatio ad benegnitatem, et sic ad Spiritum sanctum. »

54 Biblia sacra, 1634, t. III, col. 1954 : « [] licet per creaturas non possit cognosci Deus quantum ad distinctionem personarum diuinarum, potest tamen per eas cognosci quantum ad essentialia attributa, scilicet potentiam, sapientiam et huiusmodi, in quibus improportionabiliter transcendit omnem naturam creaturarum mundi. »

55 Texte cité supra n. 33. Cf.Phys. VIII, notamment chap. 10, 267b 6-17.

56 Robert Holkot, lectio 155, 1506,fol. 143va : « Igitur si virtutem et opera eorum [corpora celestia] mirati sunt (quia propter mirari ceperunt homines philosophari, i. Metha.) []. »Cf.Métaph. I, 2, 982b 12. Voir aussi texte cité supra n. 33.

57 Denys le Chartreux, 1898, p. 530 : « Aristoteles ait : Oportet hunc mundum esse contiguum lationibus superiorum, ut tota eius virtus inde gubernetur. »Cf.Météorologiques A 2, 339a 21-23, Aristote, 1982, p. 3-4. Voir aussi la traduction de Guillaume de Moerbeke, éd. Vuillemin-Diem, 2008, p. 10.

58 Ibid. : « In primo Timaei Plato inducit opificem universi []. Aristoteles quoque tertio de Anima solem appellat patrem virorum ac deorum. »

59 Robert Holkot, lectio 154, 1506,fol. 142vb : « Cum enim viderent creaturas esse bonas, potuerunt arguisse ad unum per se bonum deveniendum, sicut arguit Avicenna i. sue Metha. »

60 Hugues de Saint-Cher, 1669, t. III, fol. 161rb : « Scientia Dei, id est scientia de Deo, id est fides qua Deus agnoscitur. Et bene dicitur subest, quia fides est fundamentum totius aedificii spiritualis. » Raban Maur, PL 109, 730, ajoute la crainte : « Scientia Dei, hoc est timor et reverentia Dei » ; de même Robert Holkot, lectio 154, 1506, fol. 142vb.

61 La péricope Rm 1,18-31 a été étudiée lors de la quinzième « journée biblique » organisée par lEA 4378 (Faculté de théologie protestante, Strasbourg) et lUMR 8584 (Laboratoire détudes sur les monothéismes / Institut détudes augustiniennes). Jutilise quelques éléments de ma propre communication, mais la perspective est différente.

62 Gilbert 1973, p. 1-2 ; Romaniuk, 1967-1968.

63 Malherbe 1989 ; Lieberman, 1994.

64 Affeldt, 1969 (p. 256-285, liste des commentaires de Rm jusquà Nicolas de Lyre) ; Dahan, 2009.

65 PL 134, 140 : « Obscuratum est insipiens cor eorum []. His verbis denotat Apostolus philosophos et redarguit poetas gentium, Socratem, Platonem, Aristotelem, Zenonem, Virgilium, Catonem, Ovidium Nasonem et caeteros qui divinitatis honorem mortuis hominibus impendebant. »

66 Pseudo-Bruno, PL 153, 24 : « Plato et quidam philosophi naturaliter cognoverunt esse unum Creatorem omnium, non tamen sine adiutrice gratia Dei » ; Commentarius Cantabrigiensis, 1937, p. 21 : « Per hanc suam picturam, id est mundum, a philosophis cognitus est <Deus>. Unde Plato noym et mentem a Deo natam et animam omnia replentem predicabat » ; Abélard, PL 178, 804 : « Unde et Plato ipse, cum de genitura mundi ageret, in tantum divinae potentiae et sapientiae bonitatem extulit, ut astrueret Deum nullatenus potuisse mundum meliorem facere quam fecerit []. Tullius in primo Rhetoricae suae mundum ipsum providentia non fortuitu regi valida ratione monstravit []. »

67 Ms. BnF lat. 12028, fol. 5ro : « Nam Hermes Trimegistus ait quod sicuti summus Deus aliquos ad similitudinem sui deos fecit eternos, sic homo deos suos ex sui cultus similitudine figuravit. »

68 Guillaume de Saint-Thierry, éd. Verdeyen, 2011, p. 156-163.

69 Biblia sacra, 1634, t. VI, col. 23 : « Ostendit per hoc quod Romani vigebant ratione et industria naturali []. »

70 Ms. BnF lat. 12028, fol. 4vo : « Quia nobiles philosophi per naturalem rationem quesierunt et omnium rerum speciem tanquam uoce sibi respondente, ex arte artificem cognouerunt. »

71 Commentarius Cantabrigiensis, 1937, p. 21 : « Veramne de Deo notitiam habuerunt ? Revera. Quia, quod notum est Dei, id est illa notitia quam modo de Deo habemus vel de unitate vel de trinitate, sed de incarnatione nichil. »

72 PL 191, 1326 : « Invenisti enim Deum, o tu gentilis, o philosophe, et colis idolum []. »

73 Thomas dAquin, éd. Cai, 1953, p. 21-22 : « Veritatem Dei detinuerunt <sapientes gentilium>, fuit enim in eis quantum ad aliquid vera Deo Dei cognitio, quia quod notum est Dei, id est quod cognoscibile est de Deo ab homine per rationem, manifestum est in illis, id est manifestum est eis ex eo quod in illis est, id est ex lumine intrinseco. »

74 PL 117, 374 : « Invisibilia sacramenta omnipotentis Dei a creatura mundi, id est ab homine maximeque a philosophis gentium, per ea quae facta sunt sunt visibilia, intellecta sive percepta et cognita conspiciuntur, non oculis corporeis, sed oculis mentis intelliguntur []. »

75 PL 181, 610 : « Nam invisibilia ipsius, id est aeternitas, virtus, divinitas et omnipotentia conspiciuntur a creatura mundi[]. »

76 Biblia sacra, 1634, col. 24 : « Quod notum est Dei, id est in conditionibus divinis per rationem naturalem cognitis, cuiusmodi sunt essentialia attributa, ut sapientia, bonitas et similia. »

77 Pierre de Jean Olieu, éd. Boureau, 2010, p. 56 : « Possunt etiam per hoc significari diversa, ut per invisibilia designentur essentialia in Deo abstracte sumpta, ut quod Deus est infinitus, immutabilis et eternus et consimilia ; hec autem convenienter designantur per nomen privativum [] quia istorum notitia valde exigit modum cognitionis qui est per privationem et superexcessum. »

78 Denys le Chartreux, 1901, p. 15 : « Invisibilia ipsius, id est divina natura incorporea, simplex et invisibilis et perfectiones eius quae naturaliter sciri possunt, videlicet iustitia, potentia, providentia etc. »

79 PL 153, 24 : « Nam invisibilia ipsius divinae essentiae conspiciuntur a creatura mundi, nec obscure sed lucide intellecta, per illa quae facta sunt. »

80 Pierre de Tarentaise, 1617, p. 18 : « Invisibilia enim ipsius etc. Uno modo de cognitione Dei quantum ad essentiam et attributa essentialia. Alio modo quantum ad personas. »

81 Robert de Melun, éd. Martin, 1938, p. 24 : « Invisibilia enim. Personarum Trinitas secundum quasdam glosas hic distinguitur. Et non mireris si Apostolus docet philosophos Gentium noticiam habuisse Trinitatis [] cum Augustinus in libro Confessionum et in libro De civitate Dei propriis auctoribus eos de cognitione Trinitatis convincat. »Cf.Conf. VII, 9 ; De civ. Dei VIII, 10-11.

82 Hugues de Saint-Cher, 1669, t. VII, fol. 13ra : « Invisibilia Dei, id est Deus invisibilis, vel id est sapientia, potentia, bonitas. »

83 Robert de Melun, éd. Martin, 1938, p. 25 (cite dabord le schéma habituel, puis le sien, « quod melius est »).

84 Robert de Melun, éd. Martin, 1938 p. 26 : « Sunt enim in eadem anima tria hec : mens, sapientia, gaudium, quemadmodum in essentia divina tres persone » ; p. 27 : pour limage du sceau. Abélard donnait quant à lui limage dune statue de bronze (PL 178, 804).

85 Pierre de Tarentaise, 1617, p. 20 : « Glossa : per invisibilia Pater, per virtutem Filius, per divinitatem intelligitur Spiritus sanctus ; ergo philosophi per creaturas cognoverunt Trinitatem. Contra, Exod. 8, glossa Augustini quod Philosophi non cognoverunt tertiam personam in Trinitate, id est Spiritum sanctum. Resp. : Non cognoverunt propria personarum sed appropriata, scilicet potentiam et sapientiam <et bonitatem>, et de his tribus attributis quasi de tribus personis sunt locuti. »

86 Cf. supra n. 66.

87 Hugues de Saint-Cher, 1669, t. VII, fol. 13ra : « Philosophi cognoscunt Deum per donum scientiae sive intellectus []. »

88 Pierre de Jean Olieu, éd. Boureau, 2010, p. 56 : « Deus enim illis manifestavit, dando scilicet eis naturale lumen intellectus et exhibendo exteriores effectus per quos possent in Dei noticiam manuduci, et item per specialem providentiam dirigendo intellectus eorum ad noticiam Dei. »

89 Ms. BnF lat. 15277, fol. 9ra : « Intellecta conspiciuntur. Glossa : Est visio corporalis, ymaginaria et intellectualis ; de tercio genere est visio ista, quam hic commemorat apostolus. Contra : Visio intellectualis est tercium celum, ut dicit Glosa II. Cor. xii. Ergo philosophi rapti fuerunt usque ad tercium celum, quod falsum est. Responsio : Visio intellectualis hic accipitur large, quando scilicet aliquid intelligitur per speciem suam relictam in intellectu. Alio modo accipitur stricte secundum quod aliqua res intelligitur per speciem suam que non est aliud quam essencia rei, et sic apellatur tercium celum, et isto modo non intellexerunt philosophi, licet primo modo intelligere potuerunt. »

90 Hervé du Bourg-Dieu, PL 181, 610 : « Vestigia quippe Creatoris sunt mira opera invisibilis creaturae, quoniam per haec quae ab ipso sunt, imus ad ipsum » ; Robert de Melun, 1938, p. 26 : « Omnis enim creatura imago Dei est in agnitione sui resultans : quelibet enim creatura suum creatorem demonstrat » ; Denys le Chartreux, 1901, p. 15 : « Cum omnis creatura sit quidam radius sui creatoris []. »

91 Pélage, éd. Souter, 1926, p. 14 : « Cognouerunt Deum siue per naturam siue per facturae rationem » ; Glossa interlin. : « Qui cum cognovissent] per naturalem rationem et creaturae revelationem » ; Abélard, PL 178, 802 : « [] etiam sine scripto a gentibus per naturalem legem Dominum antea notum fuisse, ipso eis de seipsis per rationem quam dederat, hoc est legem naturalem []. »

92 Robert de Melun, éd. Martin, 1938, p. 24 : « Duobus modis veritatem Dei detinebant, scilicet naturalem ratione [] et dona gratie. »

93 PL 117, 373-374 : « Ex pulchritudine visibilium operum cognitio opificis et maiestas innotuit philosophis []. Sive per naturale ingenium et rationum donum atque acumen studii, sive per occultam inspirationem revelavit Deus eis quia non hoc est Creator quod creatura, quia Creator est Deus, creatura vero est factura Dei. »

94 Thomas dAquin, éd. Cai, 1953, p. 22 : « Potest tamen homo ex huiusmodi creaturis Deum tripliciter cognoscere [] per causalitatem [] per viam excellentiae [] per viam negationis. »

95 Pierre de Tarentaise, 1617, p. 18-19 : « Notandum quod multis modis leguntur aliqui pervenisse in Dei cognitionem. Per naturalem rationem []. Per gratiae infusionem []. Per creaturarum considerationem []. Per Scripturarum inspectionem []. Per miraculorum operationem []. »

96 Denys le Chartreux, 1901, p. 15 : « Pluribus modis Deus revelavit hominibus veritatem, videlicet per sapientiae infusionem, per angelicam revelationem, per Sanctorum instructionem, per naturalem rationem. Secundum Damascenum quoque omnibus naturaliter inserta est cognitio existendi Deum. »

97 Guillaume de Saint-Thierry, éd. Verdeyen, 2011, p. 158-159.

98 Thomas dAquin, éd. Cai, 1953, p. 21-24.

99 PL 181, 612 : « Cum quidam eorum non solum ad instituta utilissimarum artium et doctrinam liberalium disciplinarum sed etiam ad inquisitionem summi boni aciem mentis intenderint, et invisibilia Dei per ea quae facta sunt, intellecta conspexerint, non agentes tamen gratias Deo []. »