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Classiques Garnier

La vérité, joie de l’agapè (1 Co 13,6b)

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses
    2019 – 1, 99e année, n° 1
    . Qu’est-ce que la vérité ? Hommage à André Birmelé
  • Auteur : Gerber (Daniel)
  • Résumé : Employé une première fois en 1 Co 5,8, le substantif ἀληθεία apparaît encore de façon quelque peu inattendue en 1 Co 13,6b dans ce qui constitue un temps fort de l’éloge de l’ἀγάπη. Si nous ne disposons que de peu d’indices nets pour interpréter ce mot dans ce second contexte en prose rythmée, l’idée singulière que l’ἀγάπη trouve sa joie dans la vérité mérite assurément que l’on s’y arrête.
  • Pages : 33 à 47
  • Revue : Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses
  • Thème CLIL : 4046 -- RELIGION -- Christianisme -- Théologie
  • EAN : 9782406091998
  • ISBN : 978-2-406-09199-8
  • ISSN : 2269-479X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09199-8.p.0033
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 24/04/2019
  • Périodicité : Trimestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Vérité, joie, amour, agapè, Paul, 1 Corinthiens
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La vérité, joie de lAGAPÈ
(1 Co 13,6b)

Daniel Gerber

Université de Strasbourg – Faculté de Théologie Protestante (EA 4378)

La première épître de Paul aux Corinthiens se présente comme une lettre patiemment mûrie, dans lespoir quelle accomplisse la performance escomptée1 et, partant, quelle réoriente la construction pour le moins compliquée de lidentité en Christ des frères et des sœurs de la Colonia Laus Iulia Corinthiensis. Convaincu que Dieu travaille fidèlement à lœuvre commencée quelques mois auparavant dans la cité isthmique2 et informé de ce qui pose problème en ce lieu3, lapôtre livre dans ce courrier quelques précieuses miettes dune christo-théologie appliquée dans lintention de rappeler ce qui fait désormais sens en priorité pour ceux qui, depuis peu, regardent tant bien que mal à « lhorizon de la grâce4 ». Loccasion se prêtait à valoriser entre autres lἀγάπη, « amour », à propos de laquelle il est dit en 1 Co 13,6 : οὐ χαίρει ἐπὶ τῇ ἀδικίᾳ, συγχαίρει δὲ τῇ ἀληθείᾳ, « [lamour] ne se réjouit pas de linjustice, mais il trouve sa joie dans la vérité5 ». Employé une première fois en 1 Co 5,8, le mot ἀλήθεια, « vérité », simposait-il ici comme antonyme dἀδικία, 34« injustice », alors quil nest plus utilisé dans la suite de la lettre6 ? Et surtout, quel sens convient-il de lui donner en ce contexte ? Nous nous emploierons à avancer des éléments de réponse à ces deux questions, non sans avoir jeté au préalable un regard sur lunité de texte qui met indirectement la « vérité » à lhonneur.

La question du genre7 et de la fonction8 d1 Co 13 a fait lobjet de nombreuses hypothèses. Si ce texte puissant aux mots choisis et aux tournures travaillées9 peut être qualifié dencomium ou « éloge10 » – « bâti selon la taxis classique : prooimion (v. 1-3), praxeis (v. 4-7), sunkrisis (v. 8-12) epilogos (v. 13)11 » –, il est également fondé de le tenir pour une digressio12, accroché quil est aux deux chapitres qui lencadrent, en amont par 1 Co 12,31b – καὶ ἔτι καθ ὑπερβολὴν ὁδὸν ὑμῖν δείκνυμι, « et de plus, je vais vous indiquer une voie infiniment supérieure13 » – et en aval par 1 Co 14,1a 35διώκετε τὴν ἀγάπην, « recherchez lamour ». Car il ny a pas de raisons impérieuses pour suspecter une insertion postérieure de ce passage en 1 Co 12–1414 ni, surtout, pour lui dénier une auctorialité paulinienne15, au moins partielle. Pour nous, 1 Co 13 atteste plutôt, comme Ph 2,6-11, que Paul composait occasionnellement de tels « éloges en prose rythmée » ou « exempla16 », sans doute avec le concours de ses compagnons du moment. Que ce texte ait été spécialement composé pour résoudre le problème abordé en 1 Co 12–14 ou quil soit ladaptation circonstancielle dune réflexion paulinienne antérieure sur lἀγάπη, cela importe donc peu17. Ce qui compte au final dans cette hypothèse, cest que chacune des phrases d1 Co 13 – et notamment le v. 6 – traduit bien lintime conviction de lapôtre.

Si la première occurrence dἀγάπη en 1 Co 4,21 a pu passer quelque peu inaperçue lors de la lecture de la lettre devant la communauté, les auditeurs premiers nauront sans doute pas manqué de relever le poids que Paul lui accorde déjà en 1 Co 8,1b où il déclare tout de go : γνῶσις φυσιοῖ, δὲ ἀγάπη οἰκοδομεῖ, « la connaissance enfle, mais lamour construit ». À cet endroit de lépître, lἀγάπη est opposée, par son action constructive, à la « connaissance [qui] enfle », et cest encore en lien avec la construction de la communauté18 que « lexcellence19 » de lἀγάπη est, cette fois, déclinée avec emphase en 1 Co 1320. Et ce ne saurait 36être un pur hasard si Paul la mentionne encore en 1 Co 16,14 pour souligner la place qui lui revient dans lagir ordinaire, ou en 1 Co 16,24, soit dans le mot de la fin de la salutation autographe, pour exprimer ce quil partage de plus vital avec léglise de Corinthe. Aussi peut-on avancer quἀγάπη est un mot essentiel de la lettre, ce qui est encore confirmé, sil en était besoin, par la conclusion de léloge d1 Co 13 : μείζων δὲ τούτων ἀγάπη, « or, la plus grande de ces choses, cest lamour » (1 Co 13,13b). On ne manquera toutefois pas de sinterroger : de quelle ἀγάπη sagit-il dans cet éloge21 ? de qui est-ce lἀγάπη ? Une des subtilités de ce texte est en effet quil laisse la question ouverte, le nom nétant défini que par larticle aux v. 4a.8a.13b22. Car lapôtre regarde en priorité à lessence même de lἀγάπη. Le contexte d1 Co 12–14 invite certes à situer lagir de cet amour au niveau interhumain, mais ce qui importe avant tout à Paul est que les dons de lEsprit, notamment la glossolalie et la prophétie, soient gérés de façon à construire « léglise de Dieu qui est à Corinthe23 » avec un amour qui ne saurait être ramené à un simple sentiment subjectif et labile. Aussi tiendra-t-on ici lἀγάπη pour une dynamique extérieure au « je24 », une dynamique dont lorigine christo-théologique, à défaut davoir été explicitement énoncée, est toutefois sous-entendue25.

Formé de quatre temps, cet éloge de lἀγάπη fait impression à la fois par la construction réfléchie des phrases, par les variations de rythme et par le choix des mots. Il convient de l« écouter » pour percevoir tous les effets recherchés dans lintention de marquer lauditoire au moment de sa lecture devant lassemblée.

Le prooimion (v. 1-3), ce « moment du moi26 », frappe tout dabord loreille par la répétition d« une structure en trois termes : a) une protase simple au v. 1, double dans les deux versets suivants, et particulièrement longue au v. 2 ; b) une clause adversative toujours rigoureusement identique ; c) une apodose très brève dans les v. 2 37et 3 où les protases sont longues, plus longue par contre dans le v. 1 où la protase est brève27 ». Le poids des propositions principales et subordonnées est distribué différemment en ces propos introductifs, qui marquent encore une « gradation [] grâce au contenu28 ». La phrase centrale ἀγάπην δὲ μὴ ἔχω, « mais [si] je nai pas lamour », est en revanche toujours la même. Par sa triple répétition, elle souligne lenjeu dernier de lἀγάπη : « avoir » ou ne pas « avoir » lἀγάπη29 signifie en effet pour Paul rien de moins qu« être ou ne pas être30 » ; être ou ne pas être seulement du bruit (1 Co 13,1), être ou ne pas être fondamentalement31 (1 Co 13,2), être ou ne pas être utile (1 Co 13,3). Limportance cruciale de lἀγάπη pour qui veut « être32 » dans la communauté est ainsi exemplifiée par la négative, et renforcée encore par le recours à lhyperbole33. Soulignant la vanité des actes de qui construit son identité en Christ sans lἀγάπη, lentrée en matière est sciemment formulée de manière à créer un « effet dramatique34 ». Elle doit amener lauditoire à sinterroger sur cet amour dont la carence, au dire de Paul, fait tout simplement passer « du tout [] au rien au plan de lêtre (γέγονα, εἰμι) et de lutilité (ὠφελοῦμαι)35 ».

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Lἀγάπη est alors caractérisée aux v. 4-7 par ses praxeis36, « à travers son faire, en une suite de quinze verbes37 » conjugués au présent, dont le tourbillon est dosé avec art38. Le souffle initial est solennel, les mots des v. 4a.b, qui comptent chacun huit syllabes, étant disposés en chiasme39. Le rythme saccélère ensuite aux v. 4c-6a par la répétition, à huit reprises, de la négation οὐ(κ)40. Brusquement freiné au v. 6b où sinsère lassertion positive συγχαίρει δὲ τῇ ἀληθείᾳ, « mais il trouve sa joie dans la vérité », il est relancé au v. 7 avec la quadruple répétition de πάντα, « tout », alors même quil est progressivement ralenti au fur et à mesure où un verbe à deux syllabes dabord cède la place à deux verbes à trois syllabes, puis pour finir à un verbe à quatre syllabes41. Cest au cœur de cette énumération de praxeis que se situe la construction antithétique du v. 6 qui nous occupe – [ ἀγάπη] οὐ χαίρει ἐπὶ τῇ ἀδικίᾳ, συγχαίρει δὲ τῇ ἀληθείᾳ, « [lamour] ne se réjouit pas de linjustice, mais il trouve sa joie dans la vérité » –, qui comprend la huitième négation, mais dont la fonction est damener par contraste une première caractérisation de lἀγάπη par ce quelle fait positivement42. Lἀλήθεια, mentionnée une première fois sans emphase particulière en 1 Co 5,8 en tant que contraire de πονηρία, « méchanceté », est cette fois bien davantage mise en valeur : les 39projecteurs braqués sur lἀγάπη en 1 Co 13 sarrêtent un cours instant sur la vérité comme antonyme dἀδικία.

Une première question se pose dès lors : le choix du substantif ἀλήθεια simposait-il ici ? Lantonyme quon opposerait le plus spontanément à ἀδικία, « injustice », serait δικαιοσύνη, « justice ». Il est tentant de penser que le féminin quadrisyllabe ἀλήθεια, dont on ne compte pas moins de vingt-deux occurrences dans la correspondance paulinienne, a été préféré à δικαιοσύνη43 parce quil permettait de créer un effet sonore dans la construction qui oppose44, outre συγχαίρει à οὐ χαίρει, τῇ ἀληθείᾳ à τῇ ἀδικίᾳ45. Mais des considérations dordre rythmique et musical suffisent-elles à expliquer le choix de ce nom ? Il faut sans doute aller plus loin, pour trois raisons au moins. Tout dabord, le couple de termes opposés ἀδικία vs ἀλήθεια, a priori surprenant46, se repère encore en Rm 1,18 : ἀποκαλύπτεται γὰρ ὀργὴ θεοῦ ἀπ οὐρανοῦ ἐπὶ πᾶσαν ἀσέβειαν καὶ ἀδικίαν ἀνθρώπων τῶν τὴν ἀλήθειαν ἐν ἀδικίᾳ κατεχόντων, « en effet, la colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes, qui retiennent la vérité captive de linjustice », ainsi quen Rm 2,8 : τοῖς δὲ ἐξ ἐριθείας καὶ ἀπειθοῦσιν τῇ ἀληθείᾳ πειθομένοις δὲ τῇ ἀδικίᾳ ὀργὴ καὶ θυμός, « mais colère et indignation pour ceux qui, par révolte, se rebellent contre la vérité et se soumettent à linjustice47 ». On remarquera ensuite quἀλήθεια est un nom susceptible dendosser un sens générique, comme ἀδικία qui lui est opposé. Enfin, lunique occurrence de δικαιοσύνη en 1 Co 1,30 – [Χριστὸς Ἰησοῦς], ὃς ἐγενήθη σοφία ἡμῖν ἀπὸ θεοῦ, δικαιοσύνη τε καὶ ἁγιασμὸς καὶ ἀπολύτρωσις, « [le Christ Jésus], qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification et délivrance » – invite encore 40à penser que, dans cette première lettre aux Corinthiens, lapôtre a voulu réserver ce substantif pour désigner un des quatre bénéfices de lœuvre rédemptrice en Christ rappelés en cet endroit. Aussi sommes-nous enclin à croire que le choix sest porté sur ἀλήθεια en 1 Co 13,6b non seulement parce que ce mot crée la performance recherchée pour frapper lauditeur, mais encore à cause du sens quil recèle en tant que tel ; en retenant ce substantif, lapôtre faisait vraisemblablement dune pierre deux coups. Ce qui amène cette autre question, plus délicate quil ny paraît de prime abord : quel est le sens revêtu par le terme ἀλήθεια utilisé avec larticle défini dans ce texte en prose rythmée centré sur lἀγάπη ?

Le mot ἀλήθεια est utilisé absolument en 1 Co 13,6b, ce qui sexplique bien évidemment par le style de tout le passage, mais qui pose une première difficulté. Ailleurs, une détermination précise parfois à qui ou à quoi se rapporte la « vérité » ; on trouve ainsi les expressions () ἀλήθεια τοῦ θεοῦ, « (la) vérité de Dieu » (Rm 1,25 ; 3,7 ; 15,8), ἀλήθεια Χριστοῦ, « vérité du Christ » (2 Co 11,10) ou  ἀλήθεια τοῦ εὐαγγελίου, « la vérité de lÉvangile » (Ga 2,5.14), chacune delles, curieusement, ne figurant que dans une des lettres de Paul. Lapôtre a-t-il forgé ces expressions en les reliant à différents contextes de communication ? Quoi quil en soit, ces génitifs font voir que lidée de vérité sinscrit de façon globale dans le système de convictions de Paul, ce qui laisse supposer quen 1 Co 13,6b, le nom ἀλήθεια est connoté par la vision du monde que lapôtre expose dans son Évangile.

On admettra ensuite que le parallélisme antithétique forgé dans ce v. 6 pour articuler les v. 4c.5 au v. 7 plaide pour une interprétation du v. 6b en lien étroit avec celle du v. 6a48. Lemploi de τὸ κακόν, « le mal » dans la phrase οὐ λογίζεται τὸ κακόν, « il ne pense pas à mal » au v. 5d prépare celui dἀδικία au v. 6a, selon nous49. Mais faut-il pour autant restreindre ce dernier terme, qui napparaît quici dans la lettre, aux actes dinjustices épisodiques commis envers un frère ou une sœur en Christ ? Il est possible 41de tenir le v. 6a pour une récapitulation de tout ce que lἀγάπη ne fait pas, tel que cela est exposé dans le détail aux v. 4c.5 à travers la négation de sept actions. On incline donc à penser quἀδικία est employé à cet endroit dans un sens plus vaste50 ; si on prend encore en considération Rm 1,18.29-3151, on peut sans doute avancer que dans léloge de lἀγάπη comme en Rm 1, le mot ἀδικία désigne une attitude fondamentalement et globalement négative, révélatrice de limpiété – cette ἀσέβεια coordonnée à ἀδικία en Rm 1,1852. Cela a-t-il pour corollaire une acception large, elle aussi, dἀλήθεια ?

À cette incertitude liée au sens exact dἀδικία sajoute lambiguïté du verbe composé συγχαίρω, qui réunit le verbe « se réjouir » et la préposition grecque σύν, dont le sens courant est « avec53 ». Ce verbe composé exprime-t-il une joie partagée avec dautres, non explicitement nommés54 ? Induit-il une per42sonnification de lἀλήθεια, avec qui lamour se réjouirait55 ? Ou marque-t-il tout bonnement une insistance, par rapport au verbe simple χαίρω utilisé dans la première partie du verset, de manière à souligner davantage encore lopposition signifiée par la conjonction adversative δέ ? Il nous semble que cette dernière solution est à privilégier. Mais en ce cas, pourquoi ne pas avoir renoncé au préverbe « avec » et opposé simplement χαίρει δὲ ἐπὶ τῇ ἀληθείᾳ à οὐ χαίρει ἐπὶ τῇ ἀδικίᾳ, pour mieux faire apparaître le parallélisme antithétique, en gardant, qui plus est, le même nombre de syllabes dans les deux membres de phrase ? Toujours est-il que loption retenue nous amène à rendre συγχαίρω par « trouver sa joie dans56 ».

Ces hésitations au sujet de lacception dἀδικία et de συγχαίρω ayant été signalées, quelles sont en définitive les connotations possibles dἀλήθεια en 1 Co 13,6b ? Le contexte de cet éloge de lἀγάπη pousse certainement à opter pour un sens non seulement « théorique », mais également « pratique57 » du terme. Car cest dans une vérité qui engage et se traduit concrètement en action que lἀγάπη trouve fondamentalement sa joie. Aussi ne saurait-on réduire ici lἀλήθεια à un concept seulement ; elle est une logique qui entraîne vers des choix prenant le contre-pied de tout ce qui est caractérisé par lἀδικία58. Malgré lemploi de larticle, on définira donc également cette vérité par les actes constructifs quelle suscite au sein de la vie ecclésiale59 ; si elle a indéniablement partie liée avec lœuvre de Dieu manifestée en Christ, elle demande encore 43à sincarner en des comportements spécifiques dans le quotidien de la communauté60.

De laspect concret de lἀλήθεια, il a déjà été question en 1 Co 5,7b.8, dans les justifications données pour lexclusion hors du groupe ecclésial de lhomme qui vivait avec sa marâtre : καὶ γὰρ τὸ πάσχα ἡμῶν ἐτύθη Χριστός. ὥστε ἑορτάζωμεν μὴ ἐν ζύμῃ παλαιᾷ μηδὲ ἐν ζύμῃ κακίας καὶ πονηρίας ἀλλ ἐν ἀζύμοις εἰλικρινείας καὶ ἀληθείας, « car le Christ, notre Pâque, a été immolé. Célébrons donc la fête, non pas avec du vieux levain, ni du levain de méchanceté et de perversité, mais avec des pains sans levain : dans la pureté et dans la vérité ». Là, le vieux levain, « vicié et mauvais », est opposé aux pains azymes pétris, quant à eux, de « limpidité et de vérité ». Tirée du rituel de la Pâque juive, limage suggère que, pour construire collectivement son identité en Christ, la communauté doit obligatoirement être un lieu « limpide » où transparaît cette « vérité » liée au fait que « Christ, notre Pâque, a été immolé ». Aussi lἀλήθεια engage-t-elle, selon Paul, à une responsabilité partagée ou à des choix éthiques pour que la communauté « soit » effectivement ce quelle « est » grâce à lappel de Dieu61.

Récapituler dun mot tout ce à quoi acquiesce et semploie une ἀγάπη douée dune « immense patience62 » et dun singulier détachement de soi : telle était donc lintention de Paul lorsque son choix sest porté sur le substantif ἀλήθεια en 1 Co 13,6b. Dans un courrier ultérieur adressé aux mêmes destinataires, il déploie le sens dἀλήθεια sur un mode plus personnel, mais tout aussi concret, en plaçant la « vérité » au cœur de sa propre activité missionnaire. Il y déclare, dune formule également bien frappée impliquant ses plus fidèles collaborateurs : οὐ γὰρ δυνάμεθά τι κατὰ τῆς ἀληθείας ἀλλ ὑπὲρ τῆς ἀληθείας, « car nous sommes sans pouvoir contre la vérité, nous nen avons que pour la vérité » (2 Co 13,8). Lapôtre érige ainsi « la vérité » en principe de son action, une action quil mène selon 2 Co 4,2 en vue de la pleine « manifestation de la vérité ». On ne sétonnera donc point que la « vérité » qualifie, en définitive, la prédication même de Paul, son annonce quil présente comme une « parole de vérité63 », assurant avoir toujours « parlé de tout avec vérité64 ».

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Pour finir, nous poserons une question trop souvent négligée : comment les destinataires corinthiens ont-ils interprété spontanément, à la première écoute, cette ἀλήθεια qui, au dire de Paul, fait la joie de lἀγάπη ? Il faut en effet supposer que lencyclopédie personnelle des frères et des sœurs de la cité isthmique nétait de loin pas la même pour tous les membres de la communauté. Quils aient été de culture juive ou gréco-romaine, quils aient eu accès à une instruction ou non, quils aient appartenu à une strate sociale plus basse ou plus haute, quils aient été ou non victime dune injustice, quils soient arrivés à lÉvangile par Paul ou par Apollos : tout cela et bien dautres choses encore ont pu exercer une influence sur leur compréhension des mots employés par lapôtre. Si tant est que la rupture de rythme imprimée en 1 Co 13,6 par le parallélisme antithétique leur a fait prêter attention au couple de mots contraires ἀδικία vs ἀλήθεια, étaient-ils préparés à comprendre ces termes au sens où Paul les a utilisés ? La possibilité quil y ait eu un certain décalage entre ce que Paul cherchait à faire entendre et ce qui était compris nest pas à exclure. Lapôtre ne fait-il pas ouvertement état dune mécompréhension de son dire dans le correctif quil apporte en 1 Co 5,9-11 ? À cet égard, on signale simplement que lusage dἀδικία est bien attesté dans les papyri du ier siècle en tant que terme juridique désignant communément soit l« injustice » ou le « tort », soit le « préjudice » ou le « dommage65 ».

Au moment de conclure, nous avons conscience que lexégèse d1 Co 13,6b na que peu déléments stables à offrir au systématicien. Mais lidée singulière dune « vérité » à la fois christo-théologique et pratique dans laquelle lἀγάπη trouve foncièrement sa joie lui inspirera peut-être quelques pages que nous aurions grand plaisir à lire…

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Wischmeyer, Oda, Der höchste Weg. Das 13. Kapitel des 1. Korintherbriefs, Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus Mohn, coll. « Studien zum Neuen Testament » 13, 1981.

Zeller, Dieter, Der erste Brief an die Korinther, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, coll. « Kritisch-exegetischer Kommentar über das Neue Testament » 5, 2010.

1 Pour lanalyse de la performance des lettres pauliniennes, voir Oestreich, 2012.

2 Placé en asyndète à la fin de laction de grâce ouvrant lépître, et débutant par le syntagme πιστὸς θεός, « fidèle est Dieu », le propos énoncé avec force en 1 Co 1,9 ne saurait échapper à lattention de lauditeur/lecteur.

3 On en a donné connaissance à Paul de vive voix (1 Co 1,11 ; 5,1 ; 11,18) ou par lettre (1 Co 7,1).

4 Nous reprenons le titre de Birmelé, 2013. Par ces quelques pages insérées dans ce numéro de mélanges, nous voudrions exprimer très simplement notre profonde gratitude à celui qui a été particulièrement présent à plusieurs des moments-clés de notre parcours universitaire.

5 Nous suivons le plus souvent la traduction de la TOB.

6 Les 22 occurrences dἀληθεία se répartissent comme suit dans la correspondance paulinienne : Rm 1,18.25 ; 2,2.8.20 ; 3,7 ; 9,1 ; 15,8 ; 1 Co 5,8 ; 13,6 ; 2 Co 4,2 ; 6,7 ; 7,14 (deux fois) ; 11,10 ; 12,6 ; 13,8 (deux fois) ; Ga 2,5.14 ; 5,7 ; Ph 1,18.

7 Cf. Sigountos, 1994. Wischmeyer, 1981, p. 205, sinterroge ainsi : « Enkomion, Ekphrasis, Priamel, Hymnus, Aretalogie, Psalm, Bekenntnisreihe, Predigt, Lehre, Diatribe, Lehrpsalm – welche dieser Formen beschreiben nun 1 Kor 13 angemessen ? » Focant, 1996, p. 213-214, note à propos d1 Co 13 : « La discussion oppose surtout ceux qui en soulignent le caractère poétique et parlent, avec plus ou moins de netteté, dun hymne [] à ceux qui sont sensibles à son caractère rhétorique. »

8 Cf. Focant, 2009, p. 106-118 ; Aletti, 2009, p. 257-258.

9 Weiss, 1970, p. 311, observe : « Die Schönheit des Stückes liegt in der Wahl der Worte, im Bau der Sätze und den rednerischen Figuren, in der Anordnung des Ganzen. »

10 Sigountos, 1994, p. 248, relève : « Encomia are usually written about people, but other subjects may be praised using the same τάξις. Paradoxical encomia, such as Lucians Encomium of a Fly, are examples of this. Most importantly, Greek rhetoricians used the encomium form to praise virtues. [] The basis τάξις of the encomium involves five elements : prologue, birth and upbringing, acts (πράξεις), comparison (σύγκρισις), and epilogue. Of these the second division, which includes discussion of lineage, birth, and upbringing, is not relevant to a virtue, and may be omitted. »

11 Focant, 1996, p. 211. Jacon, 2006, p. 280, retient cette autre division « en quatre parties : 1 Co 13,1-3.4-7.8-13 et 14,1a ».

12 Aletti, 2004, p. 53, rappelle : « Le procédé a [] pour fonction de répondre aux questions en passant par lailleurs, en élargissant le débat et en portant les lecteurs à un niveau de réflexion plus radical. » Dans ce sens, entre autres, Standaert, 1983a, p. 29 ; Focant, 1996, p. 205 ; Cuvillier, 2000, p. 353. Oestreich, 2012, p. 183, précise : « Unter Performanz-Gesichtspunkten wird deutlich, dass Kapitel 13 eine [] Überleitungsfunktion hat. Während in Kapitel 12 der Gegensatz zwischen denen, die Geistesgaben vorweisen, und denen, die das nicht können, besteht, verschiebt sich der Gegensatz in Kapitel 14 zu anderen Gruppen, nämlich den Zungenrednern und den Propheten. »

13 Standaert, 1983b, p. 127, commente : « La tournure [] annonce un superlatif vraiment mystérieux, qui ne devait pas manquer de piquer la curiosité. »

14 Cétait par exemple lhypothèse de Héring, 1959, p. 115 : « Lidée du ch. 13 [] est tout à fait hors du sujet traité aux ch. 12 et 14. [] On peut donc admettre comme certain que le ch. 13 noccupait pas primitivement la place quil a dans cette épître. » Senft, 1990, p. 165-166, se montre plus nuancé : « Le chap. 13 [] est accroché au contexte, tant bien que mal, par 12,31b et 14,1a. [] Faiblement relié à son contexte, le chap. 13 fait limpression – aussi par son style – dune unité de texte primitivement autonome et, au point de vue formel, imparfaitement intégrée. »

15 Lauthenticité paulinienne de 1 Co 13 a été mise en question par Titus, 1959, p. 299-302, et plus récemment par Walker, 1998 et 2001. Pour les contre-arguments, voir Corley, 2004.

16 Aletti, 2009, p. 257.

17 On ne peut exclure que les v. 1-3 et 8-12 aient fait lobjet dune réécriture au moment dadapter un texte composé précédemment par lapôtre à la fonction qui lui est prêtée à lintérieur d1 Co 12–14.

18 On compte en 1 Co 14 trois emplois dοἰκοδομέω, « construire », et quatre dοἰκοδομή, « construction ».

19 Quesnel, 2018, p. 315.

20 Les 47 emplois dἀγάπη sont distribués comme suit dans les lettres pauliniennes : Rm 5,5.8 ; 8,35.39 ; 12,9 ; 13,10 (deux fois) ; 14,15 ; 15,30 ; 1 Co 4,21 ; 8,1 ; 13,1.2.3.4 (trois fois) ; 8.13 (deux fois) ; 14,1 ; 16,14.24 ; 2 Co 2,4.8 ; 5,14 ; 6,6 ; 8,7.8.24 ; 13,11.13 ; Ga 5,6.13.22 ; Ph 1,9.16 ; 2,1.2 ; 1 Th 1,3 ; 3,6.12 ; 5,8.13 ; Phm 5.7.9.

21 Weiss, 1970, p. 312, fait la remarque suivante : « Eine unerledigte Frage ist, ob P. hier mit ἀγάπη die Bruderliebe oder die Liebe zu Gott meint. » Et davancer : « Richtiger ist es wohl, die Frage überhaupt nicht zu stellen []. Er denkt weniger an das Objekt als an das Subjekt. »

22 Avec Conzelmann, 1981, p. 273 : « [Es sind] keine spezifischen Bestimmungen der Liebe zu suchen. »

23 Cest ainsi que Paul désigne les destinataires corinthiens en 1 Co 1,2.

24 Standaert, 1983b, p. 130, définit cette ἀγάπη comme « une force tout autre, un principe qui vient [] dailleurs ».

25 Collins, 1999, p. 480 : « For Paul, love is the power of God. »

26 Combet-Galland, 2003, p. 192.

27 Focant, 1996, p. 217. Standaert, 1983b, p. 128, note ceci : « La structure de la phrase comme la figure dexpression employée, à savoir lhyperbole, rappelle un passage du Livre de la Sagesse (9,6) : “Quelquun en effet, serait-il parfait parmi les enfants des hommes, sil lui manque la sagesse qui vient de toi, on le comptera pour rien.” »

28 Standaert, 1983b, p. 129. Lauteur ajoute : « La tension paradoxale est en effet la plus forte dans la troisième proposition : aller jusquà “livrer son corps aux flammes”. »

29 Lexpression ἀγάπην ἔχω, « jai lamour », est encore utilisée en 2 Co 2,4 et Ph 2,2. Elle désigne une attitude active, non un seul avoir passif. Lἀγάπη est « fruit de lEsprit » selon Ga 5,22.

30 Garland, 2003, p. 614, renvoie non à Shakespeare, mais à Descartes : « One could alter Descartess famous axiom to read, “I love, therefore I am”. »

31 Paul écrit en 1 Co 13,2 : οὐθέν εἰμι, « je ne suis rien ». Standaert, 1983b, p. 130, souligne que l« expression [est] très forte en raison du thēta » qui remplace ici le delta de οὐδέν, le mot habituel signifiant « rien ». Lindemann, 2000, p. 284, interprète ainsi le verset : « Es geht generell um den äussersten Grad der Nichtigkeit. »

32 Pour Schrage, 1999, p. 289, « das starke und in dieser Form bei Paulus singulären οὐθέν εἰμι negiert zunächst das Sein des Christen als Christen, seine christliche Identität und Authentizität ».

33 Sigountos, 1994, p. 252, précise avec finesse : « The comparisons are heightened by an extensive use of hyperbole. [] The following structure results : A – Realistic gift/action ; A – Hyperbole ; B – Negative condition (agapèn de mè echô) ; C – Negative result. »

34 Focant, 1996, p. 218.

35 Focant, 1996, p. 218.

36 Standaert, 1983b, p. 130, signale : « Il y a asyndète avec ce qui précède, ce qui produit une forte démarcation. »

37 Combet-Galland, 2003, p. 192. Weiss, 1970, p. 315, observe : « Die Fülle des Ausdrucks ist ein Zeichen, wie der Ap. sich nicht genug tun kann, diesen Edelstein in allen Lichtern und Farben spielen zu lassen » ; pour Garland, 2003, p. 616, « the Greek verbs [] create a kaleidoscopic effect [] revealing [] boundless capacities that can never be captured in a word or two ».

38 Cf. Patterson, 2009, p. 90 qui relève « the high rhetorical style of v. 4-7 ».

39 Standaert, 1983b, p. 130, commente lusage fait ici des deux verbes μακροθυμεῖ, « il prend patience » (v. 4a) et χρηστεύεται, « il est serviable » (v. 4b) : « Il y a [] asyndète entre les deux verbes [], ce qui en raison de la disposition chiastique de la phrase, les rapproche intensément. On peut les lire lun dans lautre : la patience reflue sur la bonté, et la bonté ou serviabilité est pénétrée de patience. »

40 Collins, 1999, p. 478, parle de « staccato effect » ; pour Standaert, 1983b, p. 131, « linsistance ne peut manquer de frapper. Quelque chose à besoin dêtre nié pour que lagapè se manifeste dans sa qualité spécifique. »

41 Combet-Galland, 2003, p. 201, analyse : « Le tout, en quatre fois, compense les sept “ne pas” qui lui préparaient le chemin et qui sont ainsi menés à laccomplissement » ; Standaert, 1983b, p. 131, note que « la force de cette finale ne frappe pas moins que la beauté de louverture. Notons lallitération et lanaphore, le jeu insistant des p (7x – la consonne ressentie comme la plus expressive aux oreilles des anciens), lhomoioteleuton en ei (4x), et linclusion de stegei avec hypomenei. »

42 Avec Collins, 1999, p. 478 : « The last of the eight negatives clauses is highlighted by a contrast focusing on the absence and presence of joy. »

43 Cf. Rm 6,13 où lexpression ὅπλα ἀδικίας τῇ ἁμαρτίᾳ, « armes de linjustice au service du péché », est opposée à ὅπλα δικαιοσύνης τῷ θεῷ, « armes de la justice au service de Dieu ». En Rm 3,5, le contraste oppose ἀδικία ἡμῶν, « notre injustice », et θεοῦ δικαιοσύνη, « justice de Dieu ».

44 La conjonction δέ employée en 1 Co 13,6b est adversative.

45 Les autres emplois pauliniens dἀδικία se trouvent en Rm 1,18 (deux fois).29 ; 2,8 ; 3,5 ; 6,13 ; 9,14 ; 2 Co 12,13.

46 Cest ce que note Weiss, 1970, p. 317 : « Sehr lehrreich ist der Gegensatz ἀδικίαἀλήθεια zunächst als Beispiel für die rednerische Neigung des P., eine Antithese gelegentlich überraschend, ausweichend zu gestalten. »

47 Le couple ἀδικία vs ἀλήθεια apparaît aussi dans les épîtres non authentiques de Paul, en 2 Th 2,12 ; 2 Tm 2,18.19. Si ἀδικία est coordonné seulement à ἀσέβεια, « impiété », en Rm 1,18, la liste des termes qui lui sont associés en Rm 1,29-31 est impressionnante. Le mot ἀλήθεια, quant à lui, est opposé à ψεῦδος, « mensonge », en Rm 1,25, à ψεῦσμα, « mensonge », en Rm 3,7 et à πρόφασις, « prétexte », en Ph 1,18.

48 Avec Collins, 1999, p. 481 : « The antithetical structure of v. 6 together with the parallelism of the following verse suggests that v. 6b is to be read with v. 6a. » Fee, 2014, p. 708 est moins affirmatif : « However, since it is balanced by its opposite, [] it is probable that they are to be understood together, as two sides of the same reality. »

49 Dans ce sens va aussi Weiss, 1970, p. 316 : « οὐ λογίζεται τὸ κακόν [] heisst jemandem eine Schuld gewissermassen aufs Konto schreiben, ihm sie gedenken [] ; von hier ist der Übergang sehr leicht zu V. 6. »

50 Heinrici, 1888, p. 382, estime ceci : « Gerade die Allgemeinheit dieses Gedankes macht ihn recht geeignet, den Schlussstein aller jener negativen Aussagen zu bilden ; denn in ihm [] laufen sie alle zusammen. »

51 Pour Collins, 1999, p. 481, « [ἀδικία] is a major theme in Pauls letter to the Romans (1,18.29 ; 2,8 ; 3,5 ; 6,13 ; 9,14) ».

52 Commentant Rm 1,18, Gignac, 2014, p. 115, considère que « la formule πᾶσαν ἀσέβειαν καὶ ἀδικίαν ἀνθρώπων [“toute impiété et injustice des hommes”] [] est [] un hendiadys qui confirme la corrélation entre le non-respect du Créateur et le désordre éthique : impiété envers Dieu (v. 19-28) et injustice envers les autres (v. 29-31) sont les deux faces dune même médaille. » Thiselton, 2000, p. 1054, signale : « Several writers insist that ἀδικία in Paul has its full theological sense of unrighteousness rather than moral injustice (cf. Rm 1,32). But along with virtually every other declaration in these verses, Paul probably alludes to a situation of contrast in Corinth. This could either be (i) the sense of inflated self-importance and complacency (πεφυσιωμένοι [1 Co 5,2]) with which people at Corinth viewed the wrongdoing of the incestuous men in 5,1-5 [] ; or (ii) the tacit or overt approval of the injustice entailed in seeking to use the manipulative machinery of a local Gentile magistrates court for the acquisition of property rights (see above on 6,1-11) ; or (iii), more broadly, to the competitive, status-seeking culture at Corinth which would encourage taking pleasure at the loss of esteem suffered by another if their complicity or involvement in some wrongdoing came to be exposed. »

53 Bauer, 1988, col. 1546, traduit ainsi : « Sie freut sich nicht über die Ungerechtigkeit, sie freut sich vielmehr über die Wahrheit » ; Paul emploie encore ce verbe composé en 1 Co 12,26 et Ph 2,17.18.

54 Ainsi le comprend, entre autres, Zeller, 2010, p. 413, pour lequel « συγχαίρειν kann zwar an sich auch statt des Simplex stehen oder eine intensive Freude meinen, aber weil die Wahrheit entweder im Rechtbekommen oder in der rechten Tat des Nächsten aufleuchtet, wird hier das Mitempfinden angezielt sein ». Il traduit donc : « [Sie] freut sich mit über die Wahrheit » ; Schrage 1999, p. 300, ne fait quenvisager cette interprétation : « Doch ist ungewiss, ob dem Kompositum hier nicht doch gegenüber dem Simplex eine besondere Nuance im Sinne der Mitfreude zukommt. »

55 Dans ce sens, Henrici, 1888, p. 383 : « Die ἀλήθεια ist personificiert. » Pour Weiss, 1970, p. 317, « ist [es] pedantisch, συγχαίρειν als ein “sich mit der personifizierten Wahrheit freuen” zu fassen. Das συν- bezeichnet nur die sympathische Hinneigung, und ἀληθείᾳ ist wie ἀδικίᾳ das Objekt » ; Fee, p. 708, n. 353, est moins affirmatif : « It is doubtful that σύν is intended to go with “thruth”, as though the latter were personified. More likely it means something like Barretts translation, “joins in rejoicing at (or in) the truth”. »

56 La TOB traduit ainsi. Combet-Galland, 2003, p. 190, propose la traduction suivante : « [Agapè] accorde sa joie à la vérité. »

57 Avec Lindemann, 2000, p. 288 : « τῇ ἀληθείᾳ ist direktes Obj. [] und zwar nicht theoretisch, sondern im praktischen Handeln (vgl. 2 Kor 13,8). »

58 Weiss, 1970, p. 317, donne au mot le même sens dans lemploi qui en est fait en Rm 2,8 : « Rm 2,8 [] zeigt, dass ἀλήθεια [] nicht nur die neue religiöse oder metaphysische Weltanschaung des Ev. ist, sondern das zugleich religiöse und ethische Prinzip, dem es sich zu beugen, zu gehorchen gilt (Ga 5,7). »

59 Dans ce sens, Thiselton, 2000, p. 1056 : « The definite article with the abstract noun, τῇ ἀληθείᾳ, does not commit us to the translation the truth, although admittedly it cannot be excluded. If the article is translated, it probably denotes the truth in this or that situation rather than gospel truth as such. »

60 Bultmann, 1933, retient prioritairement le sens de « Rechtschaffenheit » pour lemploi dἀλήθεια en 1 Co 13,6b.

61 Cf. Gerber, 2016.

62 Standaert, 1983b, p. 131.

63 2 Co 6,7 : ἐν λόγῳ ἀληθείας, « par la parole de vérité ».

64 2 Co 7,14 : ἀλλ ὡς πάντα ἐν ἀληθείᾳ ἐλαλήσαμεν ὑμῖν, « mais, comme nous vous avons toujours dit la vérité ».

65 Papathomas, 2009, p. 172-174. Lauteur précise, p. 174 : « Die den Begriff bezeugenden Belege zeigen, dass Paulus hier einen im Bewusstsein seiner Leser fest etablierten juristischen Begriff mit langer Tradition und langem Nachleben verwendet. Der darin ausgedrückte Verhaltensvorwurf war seinem Adressatenkreis aus Alltag wie Rechtspraxis sicherlich mehr als geläufig. »