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Classiques Garnier

Qu’est-ce que la vérité ? Qui est la vérité ? La vérité en question dans l’Évangile de Jean

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses
    2019 – 1, 99e année, n° 1
    . Qu’est-ce que la vérité ? Hommage à André Birmelé
  • Auteur : Grappe (Christian)
  • Résumé : Pour le quatrième évangile, la vérité réside en la personne du Fils, dans la réception de son message, sous-tendu qu’est ce dernier, entre monde de Dieu et monde des hommes, par les deux chaînes de la révélation et du témoignage. Ainsi est remise en question une quête de la vérité conçue comme valeur abstraite et promue une vérité qui résulte de la rencontre avec le Logos et de la relation nouvelle qui s’instaure avec lui, mais aussi, à travers lui et à partir de lui, avec le monde et Dieu.
  • Pages : 13 à 31
  • Revue : Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses
  • Thème CLIL : 4046 -- RELIGION -- Christianisme -- Théologie
  • EAN : 9782406091998
  • ISBN : 978-2-406-09199-8
  • ISSN : 2269-479X
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09199-8.p.0013
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 24/04/2019
  • Périodicité : Trimestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : vérité, évangile de Jean, christologie, révélation, témoignage
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Quest-ce que la vérité ?
Qui est la vérité ?

La vérité en question dans lÉvangile de Jean1

Christian Grappe

Université de Strasbourg – Faculté de Théologie Protestante (EA 4378)

La question de la vérité est assurément lune des plus redoutables pour le théologien et le systématicien car, autant elle constitue lobjet, voire le sujet-même de sa quête, autant, dès lors quelle donne lieu à absolutisation, elle peut devenir enjeu et source dexclusion, de dénégation de lautre et de son point de vue. André Birmelé a été confronté, tout au long de son itinéraire dœcuméniste, au défi consistant à lutter, au sens le plus noble du terme, pour la quête de cette vérité et à accepter pourtant le point de vue de lautre sans le rejeter, mais en essayant toujours à nouveau de laccueillir, den rendre compte et de le comprendre.

En choisissant de traiter de la vérité dans le quatrième évangile, nous voudrions lui exprimer notre reconnaissance tout en jetant un regard sur celui des évangiles qui accorde la plus grande importance, et de loin, au thème de la vérité et qui le fait de manière telle quapparaît à lévidence combien le concept même de vérité peut savérer aussi exigeant et radical que clivant.

En fonction du titre que nous avons retenu, il sagira pour nous daborder la question posée par Pilate en Jn 18,38 : « Quest-ce que la vérité ? », et de la mettre en tension avec le reste de lœuvre.

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Pour ce faire, nous procéderons à une enquête portant sur lensemble des passages du quatrième évangile qui recourent au mot vérité (ἀλήθεια) et à dautres termes de la même famille, quil sagisse des adjectifs « vrai » (ἀληθής) et « véridique » (ἀληθινός) ou de ladverbe « vraiment » (ἀληθῶς)2.

Lenquête menée autour des occurrences de ces différents termes fait apparaître que le motif de la vérité se concentre autour de la figure du Christ, dès lors que le Jésus johannique est tenu à la fois pour le révélateur et lincarnation même de la vérité, au point quil peut proclamer en Jn 14,6 : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. » Cela étant, le Jésus johannique nest pas seul à détenir et à dispenser la vérité. Il œuvre en fait dans un réseau relationnel qui met en jeu tant le monde de Dieu que le monde des hommes et au sein duquel lui revient un rôle dintermédiaire aussi décisif quindispensable3.

Les occurrences des mots de la famille
de « vérité » employés en lien avec le Père,
Jean le Baptiste, le Fils, et le Paraclet

Le réseau relationnel dans lequel sinscrivent
la révélation et la dispensation de la vérité par le Fils

Le Jésus johannique pose lui-même lorigine divine de la vérité, dès lors quil affirme à ceux qui veulent attenter à sa vie en Jn 8,40 quil na rien fait dautre que leur dire la vérité quil a entendue auprès de Dieu. Et à plusieurs reprises, il est affirmé que Dieu est vrai ou véridique, que ce soit par la bouche de Jean le Baptiste (Jn 3,33) ou par celle du Jésus johannique qui fait valoir à deux reprises que celui qui la envoyé est véridique (Jn 7,28) ou vrai 15(Jn 8,26), les deux adjectifs savérant ainsi équivalents, et qui demande à son Père de faire en sorte que ceux quil lui a donnés le reconnaissent en tant que Dieu véridique (Jn 17,3).

Dès ce stade apparaît un phénomène fort intéressant et révélateur du propos du quatrième évangile. Il sagit de ce que nous appellerons ici une transitivité Père-Fils. Au registre de cette transitivité, on pourra inscrire les faits suivants : quand le Fils proclame quil dit la vérité, il ajoute immédiatement que cest pour lavoir entendue auprès de Dieu (Jn 8,40) ; quand Jean le Baptiste affirme que Dieu est véridique, cest en rendant témoignage au Fils qui, venu du ciel (Jn 3,31), témoigne de ce quil a vu et entendu (Jn 3,32) et en précisant que celui qui reçoit ce témoignage du Fils ratifie précisément que Dieu est juste ; quand le Jésus johannique demande au Père que ceux quil lui a donnés le reconnaissent en tant que Dieu véridique, il associe à cette reconnaissance la sienne propre, en tant quenvoyé du Père (Jn 17,3).

À ce procédé sen ajoute un autre, celui du « double entendre », qui consiste à parsemer lœuvre de propos qui peuvent donner lieu à une autre compréhension que le sens le plus évident qui est le leur. Ce procédé nest pas sans lien avec le précédent et il permet lui aussi de valoriser la christologie sans pour autant quelle soit jamais autonome par rapport à la théologie dont elle est indissociable et à laquelle elle demeure toujours, ultimement, subordonnée.

Ce procédé de double entendre apparaît dans une parole que nous navons pas prise en compte jusque-là, mais qui relève aussi de celles posant lorigine divine de la vérité. Il sagit de Jn 17,17, passage dans lequel le Fils demande au Père, au profit de ses disciples qui vont, quant à eux, rester dans le monde alors quil laura quitté (Jn 17,11) : « Sanctifie-les par la vérité ; ta parole est [la] vérité (ἁγίασον αὐτοὺς ἐν τῇ ἀληθείᾳ· λόγος σὸς ἀλήθειά ἐστιν). » Cest au Père que le Fils demande de sanctifier les disciples par la vérité, mais dès lors que le prologue (Jn 1,1-18) a célébré, dans sa globalité, le Fils en tant que parole (λόγος) et, au verset 17, comme celui par lequel est advenue la vérité, lexpression « ta parole est [la] vérité » peut revêtir non seulement une dimension théologique mais encore une portée christologique4.

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Au sein de ce réseau relationnel dans lequel sinscrivent la révélation et la dispensation de la vérité par le Fils, Jean le Baptiste occupe une place à part, en raison du rôle à la fois prophétique et proleptique qui est le sien5. Le Jésus johannique fait valoir, en Jn 5,33, dans une section (Jn 5,31-47) qui a pour thème principal le témoignage, et plus précisément les témoignages qui plaident en faveur du Fils6, que le Baptiste a rendu témoignage à la vérité. La formule se prête elle aussi au double entendre dans la mesure où tout invite à linterpréter dans une perspective christologique7, puisque, dès le prologue – on la dit –, le Logos a été associé à la vérité (Jn 1,14) et à sa dispensation (Jn 1,17) et que, dans la suite du chapitre 1, Jean a joué un rôle majeur de témoin de la venue du Fils8. On ne sétonnera donc pas que, plus loin dans la narration, ceux qui se rendent auprès du Jésus johannique après son repli au-delà du Jourdain reconnaissent que le témoignage de Jean était vrai (Jn 10,41), dès lors quils réfèrent ce témoignage à celui auquel ils sadressent et qui nest autre, dans la perspective johannique, que lincarnation même de la vérité.

La façon dont le Jésus johannique est associé
et identifié à la vérité

Le Jésus johannique est à la fois associé et identifié à la vérité.

Tout dabord, son témoignage, comme déjà celui de Jean, est implicitement qualifié de véridique, mais pour une autre raison (Jn 5,31)9. Si celui du Baptiste tirait sa légitimité du fait quil portait sur le Fils (Jn 10,41), celui du Jésus johannique tient sa force du fait quil na pas trait à sa propre personne (Jn 5,31) et quautre est celui qui témoigne à son sujet, un autre qui est assurément le Père10 et dont le témoignage est vrai (Jn 5,32).

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Plus encore, sa parole est assimilée à la vérité, cela dans un passage qui suggère à la fois une équivalence entre la parole du Fils et la vérité, une forme de transitivité de la vérité au bénéfice des disciples et qui assigne à la vérité – et donc au Fils – un pouvoir libérateur :

31 Si vous demeurez en ma parole, vous êtes vraiment mes disciples32 et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres. (Jn 8,31-32.)

Léquivalence entre la parole du Fils et la vérité résulte ici du fait que la connaissance de la vérité trouve son ancrage dans la parole du Fils, une parole qui est sienne (τῷ λόγῳ τῷ ἐμῷ) et que tout assimile à la parole du Père qui est elle-même vérité et présentée comme la parole qui est sienne ( λόγος σός) (Jn 17,17). La transitivité qui sopère au bénéfice des croyants est la conséquence du fait que cest arrimés à sa parole, assimilée elle-même à la vérité, quils sont vraiment disciples. Quant au pouvoir libérateur de la vérité, si sa nature nest pas précisée dans ce verset, il est hautement vraisemblable quil réside dans « limpact sotériologique » de la venue du Fils et que, dans le cadre de lœuvre, il doit sentendre en termes de libération de « laliénation provoquée par le péché, le mensonge, les ténèbres et la mort11 ». Une nouvelle fois, le thème de la vérité est décliné de manière telle que le propos peut être compris dans une perspective christologique en vertu du procédé de double entendre qui pointe ici encore.

Que le Fils puisse être identifié à la vérité et sy identifier lui-même, cest ce que montrent les propos quil tient en Jn 14,6 : « Je suis le chemin, la vérité et la vie ; nul ne vient au Père que par moi. » La transitivité Père-Fils, ou plutôt Fils-Père, trouve ici une expression des plus claire en même temps que la christologie est clairement rapportée à la théologie. Laccès au Père passe par le Fils, de même que, comme laffirme le verset qui suit immédiatement, la connaissance du Père passe par le Fils. Et le lecteur qui aborde Jn 17,17, dont nous avons déjà parlé, est pleinement fondé à se demander si la vérité dont il y est question nest pas le Fils en personne, toujours en vertu du recours au procédé du double entendre : « Sanctifie-les par la vérité ; ta parole est [la] vérité. »

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Le quatrième évangile fait encore valoir que le Fils est empli de vérité et lincarne en quelque sorte. Tel est le cas dès le prologue, où il est célébré en tant que Logos qui « est devenu chair et a établi sa tente parmi nous » si bien que « nous avons contemplé sa gloire, gloire comme celle dun fils unique [venant] dauprès du Père, plein de grâce et de vérité » (Jn 1,14). Nous avons proposé déjà dans cette revue la thèse selon laquelle, au sein de ce verset qui célèbre lincarnation du Fils, il peut être conçu comme « le lieu où se révèlent Présence, Gloire, Grâce et Vérité, et celui qui, par son caractère unique, transcende les figures et les institutions – ici représentées par le Temple – les plus prestigieuses du passé12 ». Plus précisément, dès lors que « grâce et vérité » sont non seulement associées à Dieu en Ex 34,6 et en Ps 86,15, mais encore conçues, en 11Q5 26,9-12, comme environnant sa face, et ainsi tenues pour deux réalités participant de son être même, on peut envisager que, dans le prologue, elles contribuent puissamment à suggérer la nature divine non seulement du Fils (Jn 1,14) mais encore des biens qui adviennent à travers sa venue puisque, précisément, grâce et vérité adviennent à travers lui, alors que Moïse navait fait que donner la Loi (Jn 1,17)13. Dans un jeu subtil déchos à Jn 1,17, Jn 6,32 donne loccasion au Jésus johannique daffirmer : « Moïse ne vous a pas donné le pain du ciel, mais cest votre Père qui vous donne le véritable pain du ciel14. » Ici encore, le véritable pain du ciel est indissociable de celui qui va se présenter un peu plus loin comme le pain de vie (Jn 6,35), et un procédé de double entendre christologique est à prendre en compte, ce que corrobore déjà Jn 6,33. Et quand le Jésus johannique affirme, en Jn 6,55, dans ce qui constitue un ajout et « une parenthèse eucharistique15 », que sa chair est vraie nourriture (ou vraiment nourriture) et que son sang est vraie boisson (ou vraiment boisson)16, son propos revêt, en 19écho notamment à Jn 6,35, une teneur telle quil fait apparaître que lui seul est à même de combler à jamais toute faim et détancher à jamais toute soif17, cela aussi en tant que véritable pain du ciel, révélateur et incarnation de la vérité.

Outre quil fait office de véritable pain du ciel, le Jésus johannique est aussi la lumière véritable, ce que le lecteur apprend dès le prologue (Jn 1,9a), après quil lui a été indiqué que Jean nétait pas lui-même la lumière, mais avait vocation à témoigner en sa faveur (Jn 1,8). Et ce que le Logos a vocation à faire en tant que véritable lumière, cest « éclairer tout homme venant dans le monde » ou « éclairer tout homme en venant dans le monde » (Jn 1,9b), le grec, non ponctué dans les manuscrits les plus anciens, rendant les deux lectures possibles, toujours selon le procédé du double entendre.

Le Jésus johannique proclamera encore quil est la véritable vigne (Jn 15,1) en usant dune formule qui laisse elle aussi apparaître que sa fonction est au bénéfice des humains quil est venu rejoindre.

On peut observer par ailleurs que, des attributs que sassocie le Jésus johannique dans ses discours de révélation – « Je suis le pain de vie » (6,35 et 6,48), « Je suis la lumière du monde » (8,12), « Je suis la porte » (10,9), « Je suis le bon berger » (10,14), « Je suis la résurrection et la vie » (11,25), « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (14,6), « Je suis la véritable vigne » (15,1) –, trois, en loccurrence les deux premiers et le dernier, sont soit présents auparavant dans la narration et précisés alors par ladjectif « véritable » dans une formule qui sapplique en fait au Fils (Jn 1,9a ; 6,32), soit accompagnés demblée par ce qualificatif (Jn 15,1). Si lon ajoute que la vérité est, par ailleurs, lun de ces attributs, on voit combien le registre de la vérité contribue à dépeindre et à caractériser le Fils.

Il nest pas étonnant, dans ces conditions, que, en Jn 7,18, le Jésus johannique proclame quil est véridique : « Celui qui parle de lui-même cherche sa propre gloire, mais celui qui cherche la gloire de celui qui la envoyé est véridique (littéralement : vrai) et il ny a en lui pas de fraude. »

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On ne sétonnera pas davantage que, au chapitre 8 et en écho au prologue qui a déjà fait valoir que grâce et vérité sont advenues par lui (Jn 1,17), le Jésus johannique affirme dire la vérité, une vérité quil entendue dauprès du Père (Jn 8,40), tout en déplorant que son message ne suscite pas le croire (Jn 8,45.46). Une chaîne de la révélation apparaît ainsi une nouvelle fois, qui relie le Fils au Père en tant quagent divinement autorisé de la vérité18.

Dans la sphère19 de la vérité,
chaîne de la révélation et chaîne du témoignage

La chaîne de la révélation qui relie le Fils au Père se trouve complétée en Jn 16,7, où le Jésus johannique, en une nouvelle formule se prêtant au double entendre, dit : « Moi, je vous dis la vérité : il vaut mieux pour vous que je men aille, car si je ne men vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; mais si je men vais, je vous lenverrai. » Si le Jésus johannique dit vrai, il révèle en même temps une vérité qui relève du mystère même de la présence de Dieu au monde20. Son départ va permettre la venue du Paraclet, un Paraclet quil va envoyer, si bien quun rôle de pivot revient à ce Paraclet dans la révélation de la vérité21. Tout comme le Fils, il nagira pas de son propre chef ; il dira à son tour tout ce quil aura entendu (Jn 16,13). La chaîne reliant le Père au Fils se prolonge ainsi en direction du Paraclet, dans un mouvement clairement orienté – du Père au Paraclet en passant par le Fils, même sil débouche ultimement sur une parfaite transitivité, tout cela dans « lunité infrangible de la révélation22 ».

Mais une autre chaîne se dessine également qui conduit, prospectivement, de Jean à Jésus, et, rétrospectivement, du Paraclet à Jésus, et qui va, par ailleurs, de Jésus au Père. Cest celle du témoignage.

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Jean a rendu témoignage à la vérité, vérité qui peut être interprétée, nous lavons vu, en fonction de la figure du Fils23. Le Paraclet lui-même aura vocation à témoigner au sujet du Fils (Jn 15,26) et, lors de lentretien qua Jésus avec Pilate, il apparaît que le Fils a été engendré et est venu dans le monde dans le but même de rendre témoignage à la vérité (Jn 18,37). En loccurrence, cette vérité sapparente ultimement à « la réalité de Dieu24 », selon un procédé de double entendre qui, cette fois, na pas une visée christologique, mais théologique, les deux se trouvant cependant liées dès lors que cest le Fils qui rend témoignage à cette vérité.

Au sein de la double chaîne découte et de témoignage ainsi réalisée, qui correspond au double mouvement danabase et de catabase établi, à travers la venue du Fils, entre le monde des hommes et le monde de Dieu, il nest pas surprenant que le Paraclet, dont Jn 15,26 indique à la fois quil provient dauprès du Père et quil témoignera au sujet du Fils25, soit conçu comme Esprit de vérité ou Esprit de la vérité (Jn 14,17 ; 15,26 ; 16,13). De fait, il témoigne au sujet du Fils (Jn 15,26), ce qui serait déjà suffisant puisquil témoigne ainsi de la vérité, et il révélera à son tour tout ce quil aura entendu (Jn 16,13), comme on la vu plus haut. Laspect globalisant de Jn 16,13, qui fait valoir à la fois que le Paraclet guidera les disciples dans toute la vérité (ἐν τῇ ἀληθείᾳ πάσῃ) et dira tout ce quil entendra (ὅσα ἀκούσει λαλήσει), montre que, remplaçant en quelque sorte le Fils qui ne laissera pas les disciples orphelins (Jn 14,18), le Paraclet nen est aucunement un pâle substitut. Bien au contraire, il est même profitable pour les disciples quil prenne le relais du Fils comme révélateur de la vérité, ce quexprime, nous lavons déjà vu, Jn 16,7. Cest que lEsprit-Paraclet assurera après Pâques la présence intérieure de la vérité en les disciples26. Cest 22aussi, peut-on dire en récapitulant les données que nous venons dénumérer, quil a vocation à promouvoir activement la vérité dès lors que, provenant du Père (Jn 15,26) et envoyé par le Fils (Jn 16,7), dont le rôle de pivot se trouve ainsi maintenu, il restitue ce quil a entendu et peut dès lors guider27 activement les disciples dans toute la vérité (Jn 16,13), les faisant accéder de la sorte à une forme de souveraine liberté (Jn 8,32).

Ayant ainsi passé en revue les différentes occurrences des mots de la famille de « vérité » qui, dans le quatrième évangile, sont employés en lien avec le Père, le Fils et le Paraclet, il nous reste à voir à qui et à quoi sappliquent les autres occurrences.

Les autres occurrences des mots
de la famille de « vérité »
dans le quatrième évangile

Dune manière qui ne peut surprendre, il apparaît que le diable est, pour sa part, extérieur au circuit de la vérité. Le verdict du Fils à son égard est sans appel : « [] il est homicide depuis lorigine et il ne sest pas maintenu dans la vérité parce quil ny a pas de vérité en lui. Quand il dit le mensonge, cest de son propre fonds quil sexprime, parce quil est menteur et père du mensonge » (Jn 8,44). Il lui est notamment reproché, on le voit, de sexprimer « de son propre fonds », au contraire du Fils et du Paraclet, qui, quant à eux, ne sexpriment pas deux-mêmes (Jn 5,31-32 ; 7,18 ; 16,13), mais sinscrivent dans la double chaîne de lécoute et du témoignage.

À linverse du diable, lauteur implicite du quatrième évangile sinscrit pour sa part dans la chaîne du témoignage, et il est souligné à deux reprises, dans le corps de lœuvre et dans la finale, que son témoignage est vrai ou véridique : « Celui qui a vu a rendu témoignage et véridique est son témoignage et il sait quil dit vrai 23afin que vous aussi vous croyiez » (Jn 19,35) ; « Celui-ci est le disciple qui témoigne de ces choses et qui les a écrites et nous savons que vrai est son témoignage » (Jn 21,24)28. On comprendra que la véracité et la véridicité de son témoignage résident au premier chef dans le fait quil rend compte de la venue du Fils et quil a pour objet de conduire au croire vers lequel avait déjà vocation à mener, sans forcément y parvenir, lenseignement du Jésus johannique (Jn 8,45-46). Sachant que déjà le message et le témoignage de Jean le Baptiste et de Jésus ont été qualifiés de vrais (respectivement en Jn 10,41 et en Jn 5,31-32), il va de soi que lauteur implicite, qui nest autre que le disciple témoin, sinscrit pleinement dans la chaîne vertueuse du témoignage29 et dans la sphère de la vérité.

Venons-en à ce qui est dit plus généralement des disciples ou des destinataires du message et de leur rapport à la vérité.

Parmi eux, la figure de Nathanaël est la première à entrer en ligne de compte.

Il est salué demblée par le Jésus johannique en ces termes : « Voici vraiment (ἀληθῶς) un Israélite en lequel il ny a pas de ruse » (Jn 1,47) ; il ne tarde pas à reconnaître en Jésus le Fils de Dieu et le roi dIsraël, parvenant ainsi à ce que son interlocuteur authentifie comme un croire (Jn 1,50) ; il reçoit dans la foulée la promesse suivante : « Vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de lHomme » (Jn 1,51). Le fait que cette promesse lui soit adressée à la deuxième personne du pluriel et non pas du singulier montre que Nathanaël intervient dans la narration comme une figure corporative, ce que son identification initiale en tant que véritable Israélite corrobore. Quant au contenu même de cette promesse, qui fait écho à la vision de Jacob à Béthel en Gn 28,12, le Fils de lHomme venant se substituer à léchelle de Jacob pour faire communiquer le monde de Dieu et le monde des hommes, il consiste non pas en quelque événement ponctuel, mais en « toute la narration qui suit, de Cana à la croix », dès lors que « toute lactivité publique du Jésus johannique doit être saisie comme la période durant laquelle “les cieux sont ouverts”30 ». Cest que le Jésus johannique devient en fait le lieu de communication entre ciel et terre, le véritable Beth-El, la véritable maison de Dieu, 24ce qui correspond fort bien à la christologie du Temple que déploie le quatrième évangile31.

Par-delà la figure paradigmatique de Nathanaël, dautres personnages sont, en eux-mêmes ou de par leur démarche, associés à la vérité.

En Jn 3,21, il est indiqué que « quiconque fait la vérité vient à la lumière afin que soit manifesté que ses œuvres sont œuvrées en Dieu ». Comme le remarque très justement Jean Zumstein, « les œuvres (ἔργα) accomplies par celui qui “fait la vérité” se révèlent être des œuvres faites par Dieu lui-même (ἐν θεῷ εἰργασμένα)32 ». Il savère ainsi que « les œuvres de “celui qui va vers la lumière” [] ont leur origine en Dieu33 » et que faire la vérité est conditionné en fait par la nouvelle naissance sur laquelle porte précisément lentretien entre Jésus et Nicodème34.

En Jn 4,23-24, dans le cadre de lentretien avec la Samaritaine, le Jésus johannique fait la proclamation suivante :

23 Lheure vient et cest maintenant, où les véritables adorateurs adoreront le Père en Esprit et vérité, car le Père cherche de tels adorateurs. 24 Dieu est Esprit et ceux qui ladorent doivent adorer en esprit et en vérité.

Cette annonce superpose eschatologie future et eschatologie réalisée dans une dynamique où ladoration du Père en Esprit et en vérité, qui se substitue désormais au culte en un lieu défini (Jn 4,20), devient possible. Lassociation Esprit et vérité permet de conjoindre lEsprit de Dieu, dont la rencontre entre Jésus et Nicodème a montré quil peut seul permettre la régénération de lêtre humain (Jn 3,1-21), et « la réalité divine manifestée en Jésus-Christ », en laquelle consiste ici la vérité35.

Après qua été ainsi fourni en quelque sorte un cadre au croire adéquat et véritable et quont été évoqués à la fois les perspectives et les privilèges insignes que ce croire ouvre (Jn 1,51), ce qui le conditionne (Jn 3,1-22) et la façon nouvelle de le vivre (Jn 4,23-24), une série de passages illustre diverses manières de parvenir à une véritable confession. Les Samaritains reconnaissent que Jésus est vraiment (ἀληθῶς) le Sauveur du monde après lavoir entendu par 25eux-mêmes et non plus seulement par la voix de la Samaritaine (Jn 4,42). En Jn 6,14, les témoins du signe de la multiplication des pains sont amenés à dire que Jésus est vraiment (ἀληθῶς) le prophète qui vient dans le monde. En Jn 7,26, des hommes de Jérusalem se demandent si leurs chefs, dès lors quils ne rétorquent rien à son enseignement public et franc (παρρησίᾳ λαλεῖ), nauraient pas reconnu que Jésus est vraiment (ἀληθῶς) le Christ. Un peu plus loin, à la suite du discours de révélation de Jn 7,37-39, des gens de la foule reconnaissent que Jésus est vraiment (ἀληθῶς) le Prophète (Jn 7,40). En Jn 8,31, le Jésus johannique explique à ceux qui ont cru en lui que cest en demeurant en la parole qui est la sienne quils seront vraiment ses disciples. Enfin, en Jn 17,8, dans un contexte où il rend grâce au Père de ce que les humains que le Père lui a donnés ont gardé sa parole (Jn 17,6) et ont reconnu que tout ce que le Père lui a donné vient de lui (Jn 17,7), résonne le propos suivant : « Je leur ai donné les paroles que tu mas données, et ils (les) ont reçues et ils ont reconnu vraiment (ἀληθῶς) que je suis sorti dauprès de toi et ils ont cru que cest toi qui mas envoyé. » Dans tous les cas, cest ladverbe vraiment (ἀληθῶς) qui revient pour caractériser une connaissance ou une reconnaissance véritable et, à chaque fois, lenjeu est christologique, ce qui confirme que la question de la vérité tourne, dans le quatrième évangile, autour de la reconnaissance de ce que le Fils, envoyé par le Père et remonté vers lui, rend possible laccès au Père.

La question de Pilate
« Quest-ce que la vérité ? »

Venons-en à présent à la question que pose Pilate en Jn 18,38. Elle sinscrit dans un dialogue entre lui et Jésus, qui porte sur la question de savoir si Jésus est le roi des Juifs (Jn 18,33-38a). En Jn 18,36, le Jésus johannique déplace le débat en affirmant : « Mon royaume nest pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient lutté afin que je ne sois pas livré aux Juifs ; mais maintenant, ma royauté nest pas dici. » Cest alors que survient un échange dans lequel intervient la question cruciale de la vérité :

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37 Pilate lui dit alors : “Tu es donc roi ?” Jésus répondit : “Toi, tu dis que je suis roi, mais je suis né et je suis venu dans le monde pour la raison suivante : afin de rendre témoignage à la vérité.” 38 Pilate lui répondit : “Quest-ce que la vérité ?” (Jn 18,37-38a.)

Pilate sort alors à la rencontre des Juifs en leur disant quil ne trouve contre Jésus aucun grief (Jn 18,38) et leur propose donc de libérer le roi des Juifs (Jn 18,39), mais ils refusent et réclament la libération dun autre, Barabbas, brigand de son état (Jn 18,40).

Comme on le constate, le Jésus johannique délivre, à destination de Pilate, un discours de révélation, certes concentré, auquel ce dernier nadhère pas. En demandant ce quest la vérité alors quil a face à lui celui qui est la vérité (Jn 14,6) et qui vient de lui indiquer quil est là précisément pour rendre témoignage à la vérité, Pilate nentre pas dans la dynamique de révélation inhérente au discours de son vis-à-vis. Il en reste à une compréhension abstraite et non pas personnelle et divine de la vérité36. Il ignore la nature transcendante de Jésus, présupposée pourtant par laffirmation selon laquelle il est venu dans le monde, un monde auquel il appartient par ailleurs pleinement puisquil est né (Jn 18,37b)37. Il ne veut pas entendre que, dans le Jésus pleinement humain quil a face à lui, « se manifeste la venue de Dieu38 » et la quintessence de la vérité39. Sa déclaration « est à comprendre comme une dérobade, plus précisément comme un refus du témoignage de Jésus40 ».

La suite du récit le montre certes en train de mettre tout en œuvre, en apparence, pour relâcher Jésus, mais il le fait en sen remettant à dautres, en leur laissant la responsabilité de décider et en restant, pour sa part, à une compréhension de Jésus en tant que roi des Juifs dont ce dernier lui avait pourtant révélé linsuffisance. Il est finalement pris à son propre piège au terme dun scénario qui illustre que « la haine du monde contre la vérité est plus forte que la justice41 ».

Confronté à la vérité, il a éludé la question parce quil na pas su voir en son interlocuteur le révélateur, lexpression et lincarnation mêmes de la vérité.

27

Au terme de litinéraire,
quelques réflexions adressées
au systématicien

Le quatrième évangile propose finalement une conception très cohérente de la vérité dès lors que cette vérité réside en la personne même du Jésus johannique, dans la juste prise en compte de ses signes et dans la réception de son message, sous-tendu quil est, entre le monde de Dieu et le monde des hommes, par les deux chaînes de la révélation et du témoignage.

La conception johannique de la vérité est ainsi fondamentalement christologique, voire exclusivement christologique. Cela étant, dès lors que la vérité est conçue ou comprise de manière isolée, elle peut alimenter à son tour une forme dexclusivisme qui peut aboutir à lexclusion de quiconque naccède pas au croire. On pourrait certes soutenir, pour conjurer ce risque, que lexclusivisme christologique est, en soi, de nature à enrayer lexclusion et le fanatisme dans la mesure même où la vérité est, en loccurrence, une personne et que, dès lors que lon ne peut faire main basse sur une personne, on ne peut prétendre détenir la vérité. Cela étant, le dualisme johannique, qui fait valoir que, en le Fils, le Père se manifeste dans le monde, un monde qui, de par son attitude envers celui qui est vérité, lumière, vie, savère mensonge, ténèbres, mort, invite à demeurer à la fois circonspect et prudent. Certes, comme le remarque Jean Zumstein en une belle formule : « Ce dualisme nest pas ontologique, mais historique : il est provoqué par la venue du Fils42. » Il nen demeure pas moins que laffirmation principielle, « Dieu a tant aimé le monde quil a donné son fils unique » (Jn 3,16a), est suivie immédiatement par la précision selon laquelle cest « afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle » (Jn 3,16b). Le don que le Fils fait de sa vie a ainsi pour but que ceux qui croient en lui accèdent à la vie éternelle. Et si Jn 3,17 précise : « Dieu na pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui », Jn 3,18 ajoute que, si « celui qui croit en lui nest pas jugé, celui qui ne croit pas en lui est déjà jugé », précisément « parce quil na pas cru en le nom du Fils unique de Dieu ». Dans 28la perspective johannique, lamour du Père pour le monde requiert donc, pour être sauveur, tant la reconnaissance de celui en lequel cet amour sexprime et se manifeste ultimement, le Fils qui est la vérité, que la foi en lui. Cela étant, dans le quatrième évangile, le Fils accepte de mourir pour que la vérité ne soit pas trahie par le recours à la violence et pour quelle triomphe avec la vie à laquelle elle donne accès. Ce thème est illustré notamment par le motif du bon berger qui donne sa vie pour ses brebis (Jn 10,11), ou encore du révélateur qui, sachant que son heure est venue de passer de ce monde au Père, aime les siens qui sont en ce monde et les aime jusquau bout, cest-à-dire à la fois jusquà la mort et jusquà la forme la plus absolue de lamour, en se dessaisissant précisément de sa vie pour eux (Jn 13,1). Tout en manifestant son amour pour le monde, il agit pour les siens, et, ce faisant, il ne condamne personne, même si, dans la perspective johannique, ceux-là même qui ne le reconnaissent pas et ne croient pas en lui se condamnent eux-mêmes. Cest sans doute en semployant à conjuguer ces deux lignes de force du quatrième évangile que sont, dune part, la manifestation de lamour du Père en le Fils et sa nécessaire reconnaissance en vue de laccès à la vérité et à la vie et, dautre part, le renoncement à toute forme de contrainte pour quadvienne cette reconnaissance de lamour du Père dans le don quopère le Fils de sa vie, quil est possible de témoigner de la vérité sans que cette dernière débouche sur quelque forme dexclusion que ce soit.

Lexclusivisme christologique de la conception de la vérité déployée par le quatrième évangile, pour lequel le Christ est le chemin, la vérité et la vie (Jn 14,6), doit ainsi demeurer inséparable du radicalisme christologique de sa conception de lamour, un amour qui est prêt à se résigner à la mort et à lendurer parce quil na plus rien à en craindre dans la relation vivante instaurée par le croire et laccès à la vérité et à la vie que ce croire permet43. Cest ainsi sans doute aussi quil convient de comprendre Jn 8,31-32 : « Si vous demeurez en ma parole, vous êtes vraiment mes disciples et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres44. »

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1 Je tiens à exprimer ma gratitude à Marc Vial pour la relecture quil a bien voulu effectuer de cet article et pour ses remarques qui mont incité à en développer la dernière partie.

2 La notion de vérité dans le quatrième évangile a fait lobjet de nombreuses études parmi lesquelles nous rappellerons ici, dans lordre chronologique, quelques-unes des plus fouillées ou des plus marquantes : Büchsel, 1911 ; Bultmann, 1933 ; Blank, 1963 ; Aalen, 1964 : Goppelt, 1965 ; Ibuki, 1973 ; de la Potterie, 1977 ; Landmesser, 1999 ; Söding, 2001 ; Kee, 2003 ; Kowalski, 2008 ; Landmesser, 2009 ; Zumstein, 2017.

3 Les deux grandes parties qui seront les nôtres dans cette étude pourront rappeler celles de louvrage dI. de la Potterie, 1977.

4 Nous rejoignons ici lanalyse de Zumstein, 2007, p. 178-179, qui fait valoir, en dautres termes, que les deux notions de « vérité » et de « parole » « trouvent leur expression dans la personne du Christ » (p. 179). Voir déjà, dans le même sens, Bultmann, 1941, p. 389-390 ; Barrett, 1962, p. 426 ; Brown, 1970, p. 765.

5 Voir déjà Jn 1,7-8.15.

6 Il sagit successivement de celui dun autre qui ne peut être que le Père (Jn 5,31-32), de celui de Jean (Jn 5,33), du sien propre, supérieur à celui du Baptiste (Jn 5,34-36), de celui du Père – à nouveau – (Jn 5,37-38), et enfin de celui des Écritures (Jn 5,39-47).

7 En ce sens, notamment, Barrett, 1962, p. 220, et Zumstein, 2014, p. 199.

8 Jn 1,19.32.34 – Theobald, 2009, p. 410, insiste, fort justement selon nous, sur ce point.

9 Le Jésus johannique naffirme pas explicitement que son témoignage est véridique. Il raisonne par labsurde et affirme que, sil portait sur lui-même, son témoignage ne serait pas véridique. Dès lors que la suite de son discours de révélation fait valoir que toute une série de témoignages, culminant dans celui du Père, laccrédite, on peut considérer que le raisonnement par labsurde en question ne fait que renforcer la véracité de son témoignage.

10 Ainsi, notamment, Barrett, 1962, p. 220 ; Brown, 1966, p. 224, qui fait valoir que cette exégèse remonte jusquà Cyprien ; Theobald, 2009, p. 409, et Zumstein, 2014, p. 198, n. 112. Le verset 34 exclut quil puisse sagir dun homme, et donc du Baptiste.

11 Zumstein, 2014, p. 297.

12 Grappe, 2000, p. 167.

13 Grappe, 2000, p. 162-163. – Comme le note Goppelt, 1965, p. 92, Jn 1,17 suggère du même coup que la Loi de Moïse nest pas la vérité et que cest Jésus qui lapporte.

14 Ce jeu subtil est reconnu notamment par Barrett, 1962, p. 240, qui fait valoir que la Loi est visée de façon métaphorique à travers le pain et qui écrit : « Le pain donné par Moïse nétait pas le vrai pain, et la Loi donnée par Moïse nétait pas la vraie Loi bien que toutes deux aient été paraboles de la vérité. Le vrai pain et la vraie Loi, cest-à-dire la vie éternelle, cest le Fils de lHomme que Dieu donne (vv. 35, 47-51, et al.) » (nous traduisons). Theobald, 2009, p. 462, tient un raisonnement similaire en interprétant la manne en fonction de la parole de Dieu et de la Sagesse divine.

15 Zumstein, 2014, p. 233.

16 Le verset pose un problème de critique textuelle : certains manuscrits ont deux fois ἀληθής (« vrai »), dautres deux fois ἀληθῶς (« vraiment »), tandis que dautres encore ont dabord ἀληθής (« vrai ») puis ἀληθῶς (« vraiment »). Le choix effectué quant à la leçon à retenir varie dun exégète à lautre (Barrett, 1962, p. 247, et Theobald, 2009, p. 55, retiennent le double ἀληθῶς ; Brown, 1967, p. 283 ; Becker, 1979, p. 197, et Zumstein, 2014, p. 237, privilégient le double ἀληθής, alors que Bultmann, 1941, p. 176, n. 3, hésite entre les deux solutions), mais il ne change rien quant à la teneur résolument christologique du propos.

17 Ainsi, notamment, Léon-Dufour, 1990, p. 166, et Zumstein, 2014, p. 237.

18 Kee, 2003, p. 256, fait ainsi valoir que le quatrième évangile le présente « as the Divinely Empowered and Embodiment of the Truth ».

19 La notion de sphère a été introduite dans le débat relatif à la notion de vérité dans le quatrième évangile par Bultmann, 1933, p. 249. Il faisait valoir que la sphère dans laquelle il convient de comprendre la notion de vérité est la sphère divine. La contribution de Blank, 1963, insiste sur le fait que ce point de vue peut rester trop vague dans la mesure où la vérité ny est jamais immédiatement disponible et lest seulement par lintermédiaire du Christ (p. 173). Celle dAalen, 1964, conclut dans le même sens (p. 23).

20 Dans le même sens, Zumstein, 2007, p. 130.

21 On voit là lintérêt et la pertinence de la précision apportée par Blank, 1963, à la thèse de Bultmann, 1933.

22 Note de la TOB à propos de Jn 16,14.

23 Voir supra, p. 16-20.

24 Zumstein, 2007, p. 227.

25 On retrouve ainsi le double mouvement de catabase (provenance dauprès du Père) et danabase (« il témoignera du Fils »). Il est intéressant de relever la tension avec Jn 16,7 où il est indiqué que cest le Fils qui lenverra. Il ny a cependant pas contradiction, le Fils, lui-même envoyé du Père, étant parfaitement à même denvoyer à son tour ce (ou celui) qui provient en définitive du Père et qui va prendre sa suite auprès des siens. On notera à cet égard tout lintérêt de la formulation de Jn 15,26 qui fait alterner les désignations du Paraclet au masculin ( παράκλητος ; ἐκεῖνος) et au neutre (τὸ πνεῦμα τῆς ἀληθείας ; ), procédé qui contribue à accentuer « la dimension de personne du Paraclet » (Zumstein, 2007, p. 121, n. 62).

26 Nous paraphrasons ici lun des intertitres de la contribution de Kee, 2003, p. 259 : « Through Jesus the Inner Presence of the Truth is Provided for the People of God : The Spirit. »

27 On se souviendra ici que le verbe guider (ὁδηγέω) est, en grec, de la même famille que le mot « chemin » (ὁδός) et que lon peut considérer dès lors que le guidage dont il est question consiste précisément en une actualisation du chemin que représente précisément aussi le Jésus johannique (Jn 14,6 : « Je suis le chemin, la vérité et la vie »). Voir en ce sens Ibuki, 1972, p. 302.

28 À propos de ce verset et de sa portée, voir Zumstein, 2017.

29 On notera cependant quil ne sinscrit pas dans celle de la révélation qui reste le monopole du Père, du Fils et du Paraclet.

30 Zumstein, 2014, p. 91.

31 Nous paraphrasons ici Theobald, 2009, p. 196-196. – Sur la christologie johannique du Temple, voir notamment Jn 1,14 ; 2,18-22…

32 Zumstein, 2014, p. 124.

33 Ibid.

34 Ibid.

35 Zumstein, 2014, p. 156.

36 Ainsi Kowalski, 2008, p. 226.

37 Dans le même sens, Zumstein, 2007, p. 226.

38 Ibid.

39 La Potterie, 1977, p. 1012, écrit ainsi : « [] elle [la vérité] est, dans lhomme Jésus, léclat de la présence du Fils et du Père. »

40 Zumstein, 2007, p. 227.

41 Zumstein, 2007, p. 226.

42 Zumstein, 2008, p. 389.

43 Les considérations que nous proposons ici rejoignent à leur manière celles de Söding, 2001, p. 343-344.

44 Voir déjà supra, p. 17. – On notera que le Jésus johannique prononce cette parole dans un contexte où se manifeste une résistance à la révélation quil apporte et où il déplore que lon cherche à le faire mourir alors même quil exprime la vérité quil a entendue de Dieu (Jn 8,40). – De son côté, Zumstein, 2014, p. 297 commente ainsi Jn 8,32 : « La connaissance existentielle de la réalité divine manifestée en Jésus est créatrice de liberté (ἐλευθερώσει). De quoi le croyant est-il libéré ? Même si le texte demeure muet sur ce point, il faut penser à laliénation provoquée par le péché, le mensonge, les ténèbres et la mort – ce sont des harmoniques de la révélation christologique qui ont été développés jusquici. » – On pourra consulter par ailleurs, sur Jn 8,32, Landmesser, 1999, p. 252 ; Landmesser, 2009.