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Classiques Garnier

Histoire ancienne

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quelques corrigenda aux volumes antérieurs (vol. 12, p. XXIX ; vol. 13, p. XXVIII). R. Goimelle

II. HISTOIRE ANCIENNE

Guy G. Stroumsa, The Scriptural Universe of Ancient Christianity, Cambridge MA - Londres, Harvard University Press, 2016, 184 pages, ISBN 978-0- 674-54513-7, 35,55 €. Fasciné par le recours au Livre dans le judaïsme, le christianisme et l'islam, ΓΑ. propose dans cet ouvrage (qui est présenté comme une suite de La fin du sacrifice, publié en 2005) une étude portant sur Γ« univers scriptural » du christianisme antique ; en employant cette expression, ΓΑ. entend ne pas se limiter à la formation du canon et aux questions hermé¬ neutiques, se proposant également d'étudier « l'impact religieux du passage (du volumen au codex) », car « plus que tout autre facteur unique, la eonversion du monde romain [au christianisme] peut être attribuée au codex. Cette forme livresque a suscité un mode de mission religieuse et de trans¬ mission culturelle dynamique, lettré et efficace, qui s'est déployé sur de vastes zones géographiques » (p. 3-4). La démonstration se déroule en neuf chapitres, dont sept ont déjà été publiés auparavant et dont certains trouvent leur origine dans des conférences proposées par l'A. Il s'agit plus d'un essai, somme toute assez personnel, que d'une véritable argumentation aeadémique - voir par exemple la réfutation, pour le moins rapide, des thèses d'Harry Gamble, p. 77-78. On notera que l'A. poursuit à juste titre sa déconstruction de l'opposition entre Occident et Orient. Son étude repose toutefois sur une conception du christianisme eomme « religion du Livre » (ou des textes) que l'on aimerait voir davantage problématisée et interrogée. L'ouvrage s'achève sur un index regroupant auteurs et textes anciens, auteurs modernes et thèmes traités. R. Goimelle

Naissance de la Bible chrétienne. Pseudo-Aristée, Lettre d'Aristée à Philocrate, r suivi de Epiphane de Salamine, Traité des poids et des mesures et de témoignages antiques et médiévaux. Textes introduits, traduits et annotés par Laurence Vianès, Paris, Les Belles Lettres, 2017, LVl + 288 pages (La roue à livres), ISBN 978-2-251-44697-4, 25 €. L'élégante eolleetion « La roue à livres » s'est enriehie en 2017 d'un précieux recueil de textes racontant comment les Écritures des Juifs ont été traduites de l'hébreu en grec^ depuis la fameuse Lettre d'Aristée jusqu'à des textes de la fin du Moyen Age. Deux textes sont intégralement traduits et annotés pour commencer : la Lettre d'Aristée et le traité Des poids et des mesures d'Épiphane de Salamine, dont l'A. propose la première version

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française. Suit un impressionnant catalogue de témoignages antiques et médiévaux, grecs, latins, hébraïques, syriaques et arabes, dont les doeuments les plus importants sont intégralement ou partiellement traduits ; pour le constituer, l'A. a utilisé les travaux de Wendland, Pelletier, Mûller et Wasserstein, et les a complétés à l'aide de témoignages byzantins. Ces textes sont préeédés d'une ample introduction (p. i-lv). Tout en présentant elairement les doeuments dont il est question dans ee volume, TA. défend la thèse selon laquelle « la version miraeuleuse des origines de la Septante circulait oralement dès le milieu du premier siècle de notre ère » et soutient qu'elle trouve son origine dans la communauté d'Alexandrie (p. ll) ; la Lettre d'Aristée n'a pas créé cette légende, elle en est Tune des mani¬ festations écrites (p. xlviii). Cet ouvrage met à la disposition du public francophone une très riche collection de textes dont la variété est impressionnante. Mais le catalogue des sources exige une lecture attentive : après un titre de rubrique se limitant au nom de l'auteur ou au titre de l'œuvre, le document qui fait l'objet de la notice est présenté ; suivent, le cas échéant, la traduction, en plus grosse casse, puis le titre de l'œuvre, décalé à droite (et absent dans le cas où le texte n'est pas traduit), parfois quelques notes, puis la référence biblio¬ graphique, en retrait et en petits caraetères, précédée d'un point noir la mettant en valeur, et enfin le résumé du eontenu des textes, qu'ils soient traduits ou non, selon une grille de lecture présentée p. 86. Le résultat de cette répartition est parfois peu clair (cf. par exemple p. 182-183, où il est difficile de savoir à quel texte il est fait référence). Il n'est en outre pas toujours aisé de connaître l'ampleur totale du texte ehoisi, surtout quand une seule portion est traduite ; on peut d'ailleurs regretter que, dans ce cas, aucun signe particulier n'indique que la traduction est partielle. Des renvois plus systématiques au catalogue auraient été appréeiables dans l'introduetion. L'ouvrage s'aehève sur une bibliographie et un index. R. Gounelle

Tony Burke, Brent Landau (éd.), New Testament Apocrypha. More Non- canonical Scriptures. Volume I, Grands Rapids (MI), W. B. Eerdmans, 2016, l + 585 pages, ISBN 978-0-8028-7289-0, S 75. Le titre de ce recueil de textes apocryphes traduits en langue anglaise et annotés (« apocryphes du Nouveau Testament » et non « apocryphes chré¬ tiens ») ainsi que sa structure, calquée sur celle du NT (évangiles, aetes, épîtres et apocalypses), laisse craindre une approehe conservatrice de la littérature apocryphe chrétienne. Mais l'introduction et le choix des textes traduits montrent que les Éd. défendent plutôt une conception ouverte des apocryphes, dans le sillage du renouveau de la recherche menée ees dernières décennies notamment au sein de l'Association pour l'Étude de la Littérature Apocryphe Chrétienne. Dans leur introduction (p. xl), ils expliquent leurs choix en matière de titre et de structure de l'ouvrage par une fidélité à The Apocryphal New Testament publié par J. K. Elliott en 1993, dont le présent volume se donne eomme une sorte de prolongement et, pour ee qui eoncerne le titre, en alléguant le modèle que constitue la collection The Old Testament

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Pseudepigrapha. More Non canonical Scriptures. Plus de créativité sur ces questions importantes aurait été appréciable. Pour le lectorat francophone qui utilise les volumes à'Écrits apocryphes chrétiens et d'Écrits gnostiques parus dans la Bibliothèque de la Pléiade, l'intérêt de cet ouvrage réside avant tout dans la présenee de textes absents de ces reeueils : Légende d'Aphroditianus, Révélation des Mages (dont curieusement seul un résumé est proposé), Hospitalité de Dysmas, Papyrus Oxyr 210 et 5072, apocryphe de Berlin-Strasbourg (appelé Évangile du Sauveur dans son editio princeps), Discours du Sauveur et Danse du Sauveur, Encomion sur Marie-Madeleine, Encomion sur Jean-Baptiste, Vie et martyre de Jean-Baptiste, Vie de Jean Baptiste par Sérapion, Légende des trente pièces d'argent. Actes du centurion Cornelius, Légende de Jean et du brigand. Histoire de Simon Céphas, Vie et conduite des saintes femmes Xanthippe, Polyxène et Rébecca, Lettre du Pseudo-Denys à Timothée sur la mort des apôtres Pierre et Paul, Révélation (latine) de Jean sur l Antéchrist, Apocalypse de la Vierge, Sibylle Tiburtine et Investiture dAbbaton, Lange de la mort, à quoi s'ajoutent le fragment araméen des Toledot Yeshu et le récit de la mort de Judas par Papias, dont la présenee, dans ce recueil, est très discutable. Le lecteur anglophone, quant à lui, gagnera à utiliser aussi les volumes de la Pléiade, qui contiennent de nombreux textes absents du recueil d'Elliott comme de celui-ci. Le lecteur devra être vigilant quant à la nature des textes figurant dans ce recueil. Il ne s'agit en effet pas nécessairement d'unités littéraires indépen¬ dantes. Ainsi la Légende dAphroditianus semble être l'extrait d'un ouvrage intitulé De gestis in Perside. Il serait bon que, dans le second volume, la question de l'autonomie littéraire des textes traduits et des problèmes méthodologiques qui y sont liés soit abordée dans l'introduetion générale et soit plus clairement traitée dans les introduetions à chaque texte. f Les Ed. de ce recueil américain de qualité ont tenu grand compte de la littérature publiée en français, ce qui est à saluer. Cet ouvrage s'achève sur un index des auteurs modernes ainsi que sur un index biblique et des textes anciens. R. Gounelle

Andrew Gregory (éd.), The Gospel according to the Hebrews and The Gospel of the Ebionites, Oxford, Oxford University Press, 2017, XVlll + 344 pages (Oxford Early Christian Gospel Texts), ISBN 978-0-19-928786-4, £ 115. Les fragments d'évangiles judéo-chrétiens du if siècle conservés consti¬ tuent une énigme difficile à résoudre pour les historiens : à quel texte attri¬ buer quel fragment ? Comment interpréter des fragments souvent très brefs et sortis de leur contexte original ? Comme le rappelle l'A. dans sa riche introduction, la recherche hésite entre deux ou trois évangiles différents, l'hypothèse d'un unique évangile étant dépassée. Après avoir analysé les fragments eonservés, l'A. emboîte le pas à P. Luomanen : les fragments en question peuvent être attribués à deux textes différents, VÉvangile selon les Hébreux (un titre attesté dans l'Antiquité) et VÉvangile des Ébionites (un titre moderne).

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L'ouvrage est logiquement divisé en deux seetions. Chacune d'entre elles est consacrée à l'un de ces deux textes et est structurée de la manière suivante : les témoins ; les questions d'ordre littéraire ; texte, traduction et commentaire des fragments (avec, pour VÉvangile selon les Hébreux, une distinction entre fragments appartenant vraisemblablement à ce texte et frag¬ ments douteux) ; caractéristiques théologiques ; dimension judéo-chrétienne (possible mais non assurée pour aucun de ces deux textes). Plusieurs annexes complètent ce riche et clair panorama. Les deux premières portent sur la difficile question d'un Évangile selon Matthieu en hébreu ; en cohérence avec l'analyse qu'il a faite précédemment des célèbres citations de Jérôme sur le sujet, l'A. plaide pour l'existence d'une version araméenne de Mt. Les deux annexes suivantes ont trait à des témoins de r VEvangile selon les Hébreux que l'A. estime inauthentiques ou dont il juge que l'authenticité est peu vraisemblable - pour la discussion relative à la Prédication de Pierre, une utilisation de l'édition de M. Cambe aurait été appréciable. L'annexe finale est la plus importante : l'A. y discute les témoignages conservés sur les « sectes » des Hébreux, des Ébionites, des Nazaréens/Nazoréens. L'originalité majeure de cet ouvrage réside dans son approche littéraire des fragments conservés. Non seulement l'A. prend pleinement en compte le contexte littéraire dans lequel se situe chacun des fragments, mais encore, pour reprendre ses propres termes (p. 7), il « cherche à les analyser comme des textes fragmentaires, pas nécessairement comme des preuves à utiliser pour reconstruire des mouvements supposés judéo-chrétiens, dont les relations à ces textes peuvent être moins claires et moins directes que d'autres l'ont supposé ». Cette démarche est à saluer, de même que la prudence méthodo¬ logique dont fait preuve l'ensemble de cette étude. L'ouvrage, qui s'achève sur trois index (textes anciens, thèmes, auteurs modernes), est bien présenté. On regrette toutefois les nombreuses fautes dont est émaillé le texte grec du Panarion d'Épiphane de Salamine (proba¬ blement suite à une mauvaise conversion informatique). On peut aussi déplorer l'utilisation de la Patrologie de Quasten (dont le nom est curieu¬ sement absent de l'index des auteurs modernes) pour dater quelques œuvres antiques, alors même qu'elle est dépassée sur de nombreux points. R. Gounelle

Marie-Françoise Basiez, Les premiers bâtisseurs de l'Eglise. Correspondances épiscopales (if-llf siècles), Paris, Fayard, 2016, 303 pages (Histoire), ISBN 978-2-213-67085-0, 20,90 €. Dans cet ouvrage original, FA. souhaite « revisiter les origines chré¬ tiennes en s'interrogeant sur la manière dont le travail missionnaire a maîtrisé l'espace par des modes de communication où [...] les échanges épistolaires jouaient un rôle déterminant et en analysant surtout l'établissement d'une autorité [...], celle de Févêque » (p. 9) - un terme problématique étant donné la période considérée, mais auquel FA. semble tenir. Les précieux fragments de lettres conservés dans VHistoire ecclésiastique d'Eusèbe de Césarée - peu

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analysés en dehors d'une étude stimulante, mais aux résultats contestables, de Pierre Nautin - jouent dans un rôle essentiel dans eette démarehe. Un premier ensemble porte sur les évêques comme « hommes de terrain », « hommes de réseaux » et « ordonnateurs de la ehrétienté loeale » (le choix de « chrétienté », qui semble traduire paroikia, est peu heureux). Suivent deux chapitres abordant la question de la relation entre évêques et charisma¬ tiques et entre évêques et confesseurs, puis des sections consacrées au rôle des évêques : « poser des limites », « exclure ou persuader » et enfin « s'écrire pour bâtir la Grande Église ». L'étude est menée avec les outils de la recherche historique, mais elle n'est pas dénuée d'une orientation théologique définie, l'A. s'intéressant à la façon dont s'est eonstruite une « manière d'être en Église » (par exemple p. 241) et à la manière dont s'est élaboré « un universel : l'Église » (p. 20). Sa thèse pose que, dans ce processus, les correspondances entre responsables de communauté ont joué un rôle important. On peut toutefois se demander si les évêques travaillaient en toute eonscience à bâtir une Église unie par ce veeteur, eomme le laissent entendre certaines expressions ; de fait, ΓΑ. sou¬ ligne que les « hommes de terrain » qu'étaient les évêques agirent surtout pour répondre, au cas par cas, aux défis qui se présentaient â eux. On peut en outre regretter des impréeisions ou des jugements diseutables et non argumentés. Ainsi, p. 107 sq., le terme « eharis » est toujours compris dans le contexte du charismatisme, ce qui est discutable - soit dit en passant, Paul n'emploie pas le terme « glossolalie ». P. 111, l'A. qualifie le mon- tanisme de « religion très individualiste » (p. 111) ; on peut se demander si l'A. ne survalorise pas le passage dans lequel Tertullien évoque, dans ses écrits contre Marcion, la question du charismatisme (p. 122) ; etc. De façon surprenante, les notes ne renvoient qu'à la littérature primaire, et encore de façon non systématique - ainsi, le lecteur ne sait par exemple pas à quel texte renvoie l'A. lorsqu'elle parle d'un « traité anonyme du iv® siècle, qui polémique eontre les diaeres de Rome et défend l'ordre presbytéral » (p. 93). La bibliographie, classée par chapitre (dont les titres ne correspondent pas toujours à ceux de la table des matières), comprend toutefois des études (on notera que, p. 284, l'édition du Liber Pontificalis de Dusehesne est eurieusement indiquée sous le titre « littérature seeondaire »). Deux eartes figurent au dos de la couverture ; deux listes d'évêques sont fournies en annexe. On peut regretter l'absence de tout index. L'ouvrage contient un certain nombre de coquilles (p. 25 : timothée, p. 26 : se sont appropriés, p. 27 : Avercius etc.). R. Goimelle

Marie-Laure Chaieb (éd.). Les Pères de l'Eglise à l'écoute du peuple de Dieu. Sensus fidelium et discours autorisés dans l'Antiquité tardive. Actes du VIF colloque de La Rochelle - 9, 10 et 11 octobre 2015, Royan, Caritas Patrum, 2016, 328 pages, ISBN 979-10-95732-00-6, 32 €. Ce volume traite du rôle joué par le peuple des fidèles dans l'Antiquité, une question importante et relativement peu étudiée. L'analyse est tout sauf simple, puisque la notion de sensus fidelium n'est pas attestée dans l'Antiquité et que

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Γ examen des faits et des pratiques ne permet pas toujours de remonter de façon sûre à une argumentation théologique, comme le rappelle P. Mattel (p. 311). Après une remarquable introduction due à M.-Y. Perrin, les contribu¬ tions sont réparties en quatre sections. La première, intitulée «Aux origines du sensus fidelium », comprend des articles de LÉd. sur Irénée de Lyon, de M. Metzger sur les communautés chrétiennes des trois premiers siècles et la participation aux décisions (on relèvera notamment, p. 49, une confusion entre confession et conversion), de D. Dainese sur la notion d'unité dans l'œuvre d'Eusébe de Césarée et de T. Joubert qui propose une très belle contribution à l'étude de l'élection des évêques du iiL au v'' siècle - l'origine de l'adage a clero et populo aurait pu être précisée ; p. 83, la distinction opérée entre clercs et laïcs semble déjà opérationnelle chez Cyprien de Carthage. La deuxième section porte sur « Peuples et pasteurs dans les débats en langue grecque (iv'^ siècle) » et comprend des articles sur la controverse relative à Marcel d'Ancyre (X. Batllo), sur Basile de Césarée (M. Cozic, dont la contribution est théologiquement très orientée), sur Grégoire de Nysse (C. Maalouf), sur le développement de la pneumatologie au iv® siècle (P. Argarate) ; elle s'achève avec une passionnante contribution de P. G. Delage sur le massacre de moines par les fidèles chrétiens qui a eu lieu à Constantinople en 403. En guise d'écho, la troisième partie étudie le « Sensus fidelium en espace latin » ; F. Thélamon y interroge le rôle joué par des chrétiens ano¬ nymes au v'' siècle (noter, p. 173, que les citations ne sont pas référencées) ; A. Pic, dans une contribution qui prend trop peu de distance à l'égard des Confessions, oubliant qu'il s'agit d'une construction littéraire, analyse la figure de Monique ; B. Jeanjean étudie Jérôme, tandis que J. Guyon s'intéresse aux pratiques de dévotion attestées par l'archéologie. La section finale est assez hétéroclite. Il y est question du judaïsme (H.-E. Bokobsa), de documents syriaques (D. Gonnet) et de textes wisigothiques (T. Dewarte). L'ensemble s'achève avec une conclusion due à P. Mattel, qui débute de façon surprenante par des sortes de notes de lecture portant sur les contributions qui précédent. L'ensemble est riche - mais peut-être aurait-il également été utile de s'intéresser aux représentations du peuple dans les récits apocryphes et hagio¬ graphiques - et de qualité assez inégale ; certaines contributions semblent quelque peu éloignées de la ligne directrice du volume. Le ton oral a souvent été conservé, et une relecture plus approfondie des contributions aurait été nécessaire (les fautes de frappe et les guillemets manquants ou mal placés ne sont pas rares ; un blanc surprenant figure p. 90). Il aurait en outre été appréciable, vu le public visé, que les textes en langue étrangère soient systématiquement traduits. R. Goimelle

Michel Fédou, La voie du Christ. III : Evolutions de la christologie dans rOceident latin d'Hilaire de Poitiers à Isidore de Séville (iC-Vif sièele), Paris, Cerf, 2016, 615 pages (Cogitatio fidei 298), ISBN 978-2-204- I09I8-5, 34 €. Jésuite enseignant la patristique et la théologie dogmatique au Centre Sèvres, l'A. a commencé, il y a plus de dix ans, une étude dans laquelle il se propose de « rendre attentif à la genèse et au développement des théologies

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du Christ dans le contexte des traditions culturelles religieuses du monde ancien » (t. I, 2006, p. 16). Ce troisième volume porte sur une matière souvent négligée dans les traités de christologie : la production de l'Occident latin du iv'' au Vll'' siècle. Si les auteurs du début de la période traitée (Hilaire de Poitiers, Ambroise de Milan, Jérôme, Rufin, Augustin - auquel un chapitre de plus de 140 pages est eonsaeré -, Jean Cassien, Prosper d'Aquitaine, Léon Γ') sont fréquents dans les manuels de christologie, ils n'y font toutefois pas souvent l'objet d'un traité aussi complet. Le présent ouvrage se distingue également par le fait de prendre en eompte la question du rapport aux autres religions et d'aborder des auteurs plus tardifs généralement négligés en la matière, ici regroupés selon une logique géographique (Boéce, Cassiodore, Vigile de Thapse, Fulgence de Ruspe, Facundus d'Hermiane, Fauste de Riez, Avit de Vienne, Césaire d'Arles, Grégoire le Grand, Isidore de Séville). La liste des auteurs abordés est bien évidemment plus vaste que celle des têtes de ehapitres qui vient d'être rappelée - l'index en fait foi. On notera toutefois le traitement très bref accordé à l'Ambrosiaster, et le fait qu'Eusébe dit de Gaule, dont les sermons auraient mérité une analyse, n'est mentionné qu'à travers la n. 5 de la p. 478 : son nom n'est d'ailleurs pas porté dans l'index. En présentant ces théologiens, dont il rappelle souvent la biographie, l'A. décrit les évolutions christologiques de l'Occident, dans leur diversité et non sans les situer dans leur contexte historique, ce qui est appréeiable. Il se limite cependant à un cercle théologique restreint, celui de l'orthodoxie - le traitement accordé à Leporius fait exception : l'arianisme n'est pris en compte qu'à travers les réfutations dont il a fait l'objet, et la littérature arienne latine, qui regorge pourtant de propos ehristologiques, n'est pas analysée ; Pélage n'est présenté que sous le prisme augustinien etc. C'est la limite majeure de cette étude, dont peut par ailleurs saluer la clarté et le propos, qui consiste à donner la parole aux théologiens qu'elle aborde. Cet ouvrage s'aehéve sur une bibliographie suceincte et un index dans lequel l'A. distingue de façon surprenante les écrivains chrétiens et les auteurs non chrétiens. R. Goiinelle

Jan N. Bremmer, Thomas R. Karmann, Tobias Nieklas (éd.), The Ascension of Isaiah, Leuven, Peeters, 2016, xvi + 418 pages (Studies on Early Christian Apocrypha 11), ISBN 978-90-429-3199-2, 58 €. y Ascension d'Isaïe, qui a longtemps revêtu le statut d'écrit canonique en Ethiopie et dont de nouveaux témoins éthiopiens ont été récemment déeouverts, constitue un précieux témoin de la prophétie chrétienne antique. La recherche sur ce texte a été considérablement renouvelée ces dernières décennies, grâce, d'une part, au colloque qui s'est tenu à Rome en 1981 (auquel il est plusieurs fois fait référenee de façon sibylline dans ce volume ; ses aetes ont été publiés par M. Pesee, dans Isaia, il Diletto e la Chiesa, paru en 1983 et signalé dans la bibliographie finale) et qui a remis en cause l'idée

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d'une Vorlage ]u\\Q et, d'autre part, aux travaux d'A. Acerbi et d'E. Norelli. Bien des aspeets de eet éerit font toutefois eneore débat, à commencer par son unité textuelle et son contexte de rédaction, la majorité des savants estimant toutefois que ce texte a été composé en Syrie entre 70 et 120 (une fourchette somme toute large) et qu'il est composé de deux parties (1-5, 6-11). Ces questions ont été discutées lors de deux colloques qui se sont tenus à Budapest en 2001 et à Regensburg en 2013. Ce volume constitue les actes de la seconde conférence, enrichis de contributions reprises à la première. Dans l'article d'ouverture, J. Bremmer revient sur la prophétie dans le christianisme antique (on notera l'absence surprenante de Méliton de Sardes). R. Bauckham, l'un des rares défenseurs de l'unité littéraire de VAscension, revient sur la cosmologie du texte, qui est pour lui au centre de cette œuvre ; il estime qu'elle repose sur une exégése créative d'Esaïe et des lettres pauliniennes ; la contribution de L. R. Lanzillotta lui répond, qui cherche à analyser la cosmologie du texte à partir de ce qu'il en dit. J. Knight, auteur d'une thèse de doctorat sur VAscension publiée en 1996, propose une lecture politique du texte. Tenant compte des avancées de la recherche récente, M. Vinzent analyse le récit à la lumière du marcionisme et de divers textes du II® siècle, parmi lesquels VEpistula Apostolorum. R Piovanelli (dont l'article porte un titre fautif) revient sur les liens de VAscension et de la littérature mystique juive. M. Henning et T. Nicklas cherchent à déterminer, à partir de VAscension, la manière dont le groupe qui l'a produit se définissait (l'introduction semble exclure une séparation entre Juifs et chrétiens après le II® siècle). Dans une contribution qui se situe dans le cadre d'une histoire culturelle des mouvements se réclamant de Jésus, A. Destro et M. Pesce cherchent à situer VAscension parmi les textes liés à Jean. De son côté, I. Czachesz se demande si le voyage céleste relaté dans VAscension est une pure tradition littéraire ou s'il reflète une véritable expérience mystique ; à cette question, dont la pertinence paraît discutable, il répond à l'aide des outils de la science cognitive. Quelques articles analysent des passages spé¬ cifiques de VAscension : dans une contribution (au titre fautif) reposant sur une étonnante herméneutique, R. G. Hall s'intéresse à un passage relatif à la colère de Béliar ; J. Verheyden étudie la prophétie de l'Eglise et montre que l'auteur a une vision très pessimiste de cette dernière en tant qu'institution ; L. A. Hogeterp analyse le motif de la descente de Jésus du septième ciel jusqu'aux tréfonds de la création ; Th. R. Karmann étudie le récit de la nais¬ sance de Jésus, dans lequel il voit un témoin très ancien de la virginitas in partu. Enfin, T. Kraus étudie le seul fragment grec conservé de VAscension, le Papyrus Amherst 1. Si la richesse des méthodes mises en œuvre dans ce volume est grande, les problèmes de critique textuelle ne sont guère abordés. Plusieurs contri¬ butions traitent par contre avec une certaine complaisance de questions de méthodologie générale. Cet ouvrage s'achève sur une bibliographie et un index des textes et auteurs anciens - on peut regretter que l'entrée « Ascension of Isaiah » soit, par sa longueur et sa présentation, particulièrement illisible. R. Gounelle

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Vie d'Abercius. Vie de Polycarpe. Deux biographies légendaires d'évêques du if siècle. Textes introduits, traduits et présentés par Pierre Maraval, Paris, Les Belles Lettres, 2017, 158 pages (La roue à livres 82), ISBN 978- 2-251-44-713-1, 23 €. Deux biographies légendaires de responsables de communautés chré¬ tiennes asiates du \f siècle ont attiré l'attention de l'A. : celle de Polycarpe et celle d'Abercius, connu par une célèbre inscription, citée à la fin de sa bio¬ graphie ; les auteurs qui ont raconté leur vie deux siècles plus tard en ont fait des évêques, retraçant leur biographie au prisme de réalités institutionnelles quelque peu anachroniques. Ces textes intéresseront donc davantage les historiens des ΐν®-ν® siècles que ceux du if siècle. Les deux textes, traduits pour la première fois en français dans ce volume, sont étonnamment suivis du Martyre de Polycarpe, selon la version primitive reconstituée par O. Zwierlein, alors même que l'A. exprime de fortes réserves à l'égard de l'existence d'un Corpus Polycarpianum. Ils font l'objet de généreuses introductions et d'une annotation, parfois rédigée sous forme télégraphique et ici ou là peu claire (par exemple p. 128 n. 57 ; cf. aussi p. 134 n. 122 : la doxologie s'adresse-t-elle bien à Jésus ?). Du point de vue formel, on peut regretter l'utilisation de titres abrégés alors que la bibliographie est présentée sous forme de rubriques, ce qui rend malaisée la recherche des titres complets ; les renvois à des textes antiques sont parfois peu cohérents. La question des sources de ces biographies reste ouverte. L'A. reste à juste titre prudent dans son introduction à ces textes, mais ici ou là il laisse entendre qu'il juge plausibles certains renseignements fournis par les bio¬ graphes (ainsi p. 116 n. 53, où il part du principe qu'Abereius a effec¬ tivement écrit un « livre d'enseignement » ; voir aussi les notes de la Vie de Polycarpe dans lesquelles des parallèles - inégalement pertinents, comme p. 129 n. 65 - sont proposés avec des textes du iL siècle). L'ouvrage s'achève sur une bibliographie et des index. R. Gounelle

Grégoire de Nysse, Lettre canonique, Lettre sur la pythonisse et six homélies pastorales. Texte grec (GNO III, 2 ; III, 5 ; IX ; X, 2). Introduction, tra¬ duction et notes [de] Pierre Maraval, Paris, Cerf, 2017, 290 pages (Sources chrétiennes 588), ISBN 978-2-204-12206-1, 42 €. Ce volume présente un ensemble de textes permettant de saisir le travail pastoral de Grégoire de Nysse. La Lettre canonique, adressée à l'évêque Letoios, est relative à la pénitence ; celle Sur la pythonisse, destinée à un certain Théodore, a trait à 1 S 28 et vise à montrer que Samuel n'est pas vraiment apparu à la pythonisse. Les homélies pastorales portent sur « ceux qui retardent le baptême », sur « les fornicateurs » (avec les difficultés que pose ce terme, un problème discuté p. 29-30 et dans des notes), sur les fidèles qui « supportent mal les remontrances » et les procédures d'exclusion de la communauté, et enfin sur la pauvreté, abordée dans trois sermons de Carême. Certaines de ces homélies, bien que probablement retravaillées par Grégoire, conservent des traces de leur contexte d'élocution (ainsi, Sur la bienfaisance, 2, p. 185).

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Dans l'introduction, brève mais précise, VA. discute les datations proposées notamment par J. Daniélou, J. Bernardi et J. Dattrino, mais sans toujours tran- eher, faute d'éléments dirimants (par exemple p. 31) ; il eommente brièvement le texte et en souligne, ça et là, l'originalité. La traduction est élégante et pourvue de quelques notes. Ce volume s'aehéve sur un index seripturaire. R. Gounelle

Grégoire de Nysse, Réfutation de la profession de foi d'Eunome. Texte grec de W. Jaeger (GNO II). Introductions et notes [de] Raymond Winling. Traduetion [de] Miehel Van Parys. Précédée de la Profession de foi d'Eunome. Texte grec de R. P. Vaggione. Introduction, traduction et notes [de] Raymond Winling, Paris, Cerf, 2016, 334 pages (Sources chré¬ tiennes 584), ISBN 978-2-204-11641-1, 42 €. Ce volume des « Sources chrétiennes » met à disposition du public fran¬ cophone deux textes importants pour l'histoire des doetrines chrétiennes : tout d'abord la Profession de foi d'Eunome, un théologien souvent elassé parmi les anoméens, rédigée sur demande de l'Empereur en 383 (une date qui aurait pu être précisée p. 11-12), et la réfutation qu'en a proposée Grégoire de Nysse - et à laquelle l'un des tradueteurs, M. Van Parys, a eonsaeré sa thèse de doctorat, soutenue en 1968. Ces deux textes, iei traduits pour la première fois en français, complètent les volumes déjà consacrés à VApologie d'Eunome (SC 305) et au Contre Eunome de Grégoire de Nysse (SC 521,524,551). Les introductions abordent les eirconstanees de la rédaction des deux textes et analysent leurs traits principaux ; la présentation de la tradition manuserite et des éditions modernes de ces deux éerits aurait pu être plus développée. On gagnera à confronter systématiquement les traductions au texte grec figurant en regard. Ainsi, dans le seul prologue de la Profession de foi d'Eunome, on peut relever un usage surprenant du futur, une inconsistanee dans la traduction du verbe grec homologein, l'ajout d'un pronom absent du grec et une précision étonnante (« tous », ajouté entre parenthèses). On note en outre ici ou là de regrettables ambiguïtés pour le lecteur francophone ; ainsi p. 67, « nous n'avons rien omis par honte ou par peur de ce que... » où « de ce que » peut, en français, dépendre du couple honte/peur, alors qu'en grec il se rapporte clairement à « rien ». Les exemples de ce type sont assez nombreux et invitent à utiliser avec prudence les traductions publiées dans ce volume. La bibliographie est eurieusement eentrée sur le traité de Grégoire de Nysse, alors que la note de la p. 43 affirme qu'elle se foealise sur la Pro¬ fession de foi d'Eunome. L'ouvrage comprend un index biblique de chacun des deux textes édités et traduits dans ce volume. R. Gounelle

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/ \ Evagre le Pontique, A Euloge. Les vices opposés aux vertus. Introduction, texte eritique, traduetion et notes [de] Charles-Antoine Fogielman, Paris, Cerf, 2017, 534 pages (Sources ehrétiennes 591), ISBN 978-2-204-12617- 5, 54 €. Ce volume, issu d'une thèse de doctorat soutenue en 2015, propose l'édition de deux traités d'Evagre le Pontique : le Discours au moine Euloge {Euloge /), qui constitue une introduction à la vie monastique rédigée peu avant 394, et le Discours sur les vices opposés aux vertus (Euloge II), adressé au même destinataire - l'Ed. ne semble pas préciser sa date de rédaction. Ces deux œuvres ont eireulé sous le nom de Nil d'Ancyre, mais leur authenticité semble très probable aux yeux de l'Éd., qui la défend dans deux passages de l'introduction situés à des endroits surprenants (p. 16-17 ; on aurait attendu que eette seetion préeède eelle sur la date de composition ; p. 213, au début de la section consacrée aux manuscrits grecs, sans sous-titre spécifique). Elles sont au bénéfice d'une abondante tradition manuscrite, aussi bien en grec que dans des langues orientales. L'Éd. propose une édition à nouveaux frais de ces deux traités, dans laquelle on peut regretter la normalisation des quelques soi-disant barbarismes attestés dans la majorité des manuserits (p. 27), et ee d'autant plus qu'Évagre reeourt à des construetions grammaticalement surprenantes et à des néolo- gismes (l'accentuation de la forme restituée au chap. 16, 1. 13 nous semble fautive). L'apparat est négatif, avec les qualités (économie de place) et défauts (manque de elarté) attendus. L'Éd. a choisi de faire droit à la diversité de la tradition textuelle - ce que l'on peut saluer - et fournit ainsi en annexe des textes variants. L'édition à'Euloge II est partieulièrement eomplexe, plusieurs formes textuelles étant transmises par la tradition manuscrite. L'Éd. a choisi de rendre visible ees états avec des crochets hauts (hélas peu visibles) et un changement de taille de caractères. La fin de ce texte pose des problèmes particuliers, et les explications données par l'Éd. à ce sujet ne nous ont pas semblé très claires. P. 214, il distingue une finale A, dite « eourte », une version A2, interpolée, et une version B, plus longue, qui contient des ^outs par rapport à A « avant même la mutilation finale », sur laquelle l'Éd. ne donne pas vraiment d'explieations (p. 215). Ce tableau, déjà eomplexe, devient eneore plus diffi- eile à lire lorsque l'on prend eonnaissance des p. 436-437 où il est question d'une version Al « mutilée » (= A mutilé ? mais en ce cas, où trouve-t-on A ?), et où A2 est dite « refaite », sans que ce terme soit expliqué. Quoi qu'il en soit, l'Éd. estime que Β constitue le « bon texte », de tonalité évagrienne. Est-ce à dire que Β représente le texte rédigé en premier lieu par Évagre ? 11 semble que oui, car cette version est qualifiée d'« originale » (p. 431 n. 2) ; mais s'il « figure dans les manuscrits de la branche lambda » (p. 214), il est aussi attesté en partie par le syriaque, qui remonte à l'ancêtre de cette famille ; tous les éléments de Β ne semblent pas originaux, ee qui est indiqué, dans l'édition, par un jeu sur la taille des caractères. À ces dif¬ ficultés s'ajoute le fait que, dans l'édition et la traduction, le début des variantes de la finale est indiqué très discrètement p. 431 n. 2 et n'est pas marqué typographiquement ; si l'on n'a pas repéré cette note, il est impos¬ sible de savoir à quoi se rattachent les textes Al et A2 édités et traduits aux p. 436-437.

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L'édition est accompagnée d'une traduction annotée de qualité - peut-être l'Ed. aurait-il toutefois pu être plus attentif aux termes placés en début de phrase dans les sentences et garder davantage leur valeur de « mots-clefs ». Elle est précédée d'une ample introduction, dans laquelle l'Éd. présente les deux œuvres, leurs sources et leur contenu, avant d'analyser en détail leur tradition manuscrite (il aurait été utile de mettre en valeur la richesse des p. 17-29 par des sous-titres). L'ouvrage - où on notera p. 159 un interlignage inégal - s'achève sur un index scripturaire, un index des manuscrits grecs et un important index des principaux mots grecs (p. 465-528). R. Gounelle

Cyrille d'Alexandrie, Contre Julien. Tome II (Livres III-V). Introduction et annotation [de] Marie-Odile Boulnois. Texte grec [de] Christoph Riedweg (GCS NE 20). Traduction [de] Jean Bouffartigue, Marie-Odile Boulnois, Pierre Castan, Paris, Cerf, 2016, 663 pages (Sources chrétiennes 582), ISBN 978-2-204-11754-8, 59 €. Après une interruption de plus de trente ans, la publication du Contre Julien de Cyrille d'Alexandrie dans la collection « Sources chrétiennes » reprend, ce qui est une nouvelle d'autant plus réjouissante qu'il s'agit d'une des deux premières traductions de ce traité dans lequel Tévêque d'Alexandrie réfute le Contre les Galiléens de celui que la tradition nomme 1'« apostat ». Ce volume comprend des livres portant sur des questions théologiques. Comme le précise la table des matières, dont le caractère détaillé est très utile pour s'orienter dans ce traité, ces deux livres abordent plusieurs thèmes principaux : la Bible est-elle un texte mythologique ? le Dieu des Hébreux est-il un dieu national, et la conception hellénique de Dieu est-elle supérieure à la représentation chrétienne ? En lien avec ces questions sont abordés le problème de la diversité des nations, l'interprétation du récit de Babel et de l'histoire de Phinées (Nb 25), ainsi que le Décalogue. Cyrille répond de façon souvent véhémente aux remarques de Julien, mais ces dernières le conduisent parfois à des questions nouvelles ou encore peu étudiées dans la tradition exégétique antérieure. Ce n'est pas là l'un des moindres intérêts de ce texte, au-delà des précieuses citations qu'il a préservées de l'oubli. Une longue introduction (p. 1-126) présente la structure et l'argumentation du traité, puis commente les deux grands thèmes de ce livre, avant d'analyser les sources et citations de Cyrille ; on peut regretter qu'elle commence in médias res, sans même rappeler brièvement le contexte de rédaction ni la date de composition de ce traité. Après la bibliographie d'usage, vient la traduction, dont on saluera la qualité et les choix, en particulier celui de traduire de la même façon un même terme, qu'il se trouve sous la plume de Cyrille ou d'un auteur profane qu'il cite (noter que, p. 419, la ponctuation est fausse après « considérations ») ; l'utilisation, complexe, des guillemets (expliquée p. 127) complique toutefois la lecture de la traduction. Cette dernière est pourvue de notes infrapaginales et de notes complémentaires, rejetées en fin de volume, justifiant des choix textuels, identifiant des pro¬ blèmes de traduction et commentant le texte.

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Par son ampleur et son contenu, ce volume - qui s'achève sur un index scripturaire, un index des sources, un index des auteurs anciens cités dans l'apparat scientifique et un index des fragments du Contre les Galiléens de Julien - fait honneur à la collection qui l'accueille. R. Gounelle

Michel Corbin, La doctrine augustinienne de la Trinité, Paris, Cerf, 2016, 480 pages, ISBN 978-2-204-11182-9, 34 €. Œuvre d'une grande richesse, le De Trinitate d'Augustin autorise divers types de lecture et d'interprétation. Celle de ΓΑ. est assurément personnelle et assumée comme telle. Au nom de sa conception de la théologie comme « "science critique" devant repérer les dérives historiquement advenues pen¬ dant les deux millénaires qui nous séparent de l'Événement originaire de la foi» (sic, p. 17^ et conformément à sa volonté d'être «plus fidèle [que l'évêque d'Hippone] aux Écritures de la Vérité » (ibid.), ΓΑ. critique le De Trinitate, en particulier parce que, selon lui, le théologien latin y « met entre parenthèses la mort et la résurrection de Jésus » et « parce qu'il s'en tient à l'œuvre de la création » (p. 31). Il cherche ainsi à dénoncer la « dérive sans appui scripturaire » qu'est une conception de la Trinité, attestée dans le Tome à Damase et dans le De Trinitate, selon laquelle les trois personnes sont égales. La démonstration se déploie sous la forme d'un commentaire inégale¬ ment bienveillant de l'œuvre d'Augustin, dans lequel on s'étonne de ne pas voir cités des théologiens comme Tertullien et Marins Victorinus, ou des textes ariens. R. Gounelle

Pseudo-Denys l'Aréopagite, Les noms divins (chapitres I-IV). Texte grec [de] B. R. Suchla (PTS 33). Introduction, traduction et notes [d'JYsabel de Andia, Paris, Cerf, 2016, 546 pages (Sources chrétiennes 578), ISBN 978- 2-204-10465-4, 55 €. Pseudo-Denys l'Aréopagite, Les noms divins (chapitres V-Xlll). Texte grec [de] B. R. Suchla (PTS 33). Traduction et notes [d'JYsabel de Andia. La théologie mystique. Texte grec [d'JA. M. Ritter (PTS 36). Introduction, traduction, notes et index [d'JYsabel de Andia, Paris, Cerf, 2016, 460 pages (Sources chrétiennes 579), ISBN 978-2-204-10790-7, 49 €. La publication, dans la collection « Sources chrétiennes », de l'œuvre du moine syrien qui se cache derrière le nom de Denys l'Aréopagite a débuté par un volume consacré à la Hiérarchie céleste, datant de 1958. Ces deux épais tomes en constituent une impressionnante suite, due à Ysabel de Andia, directrice de recherche au CNRS. Consciente de la difficulté de ces œuvres, la traductrice a choisi de les doter d'un important appareil scientifique destiné à en faciliter la compré¬ hension : le premier volume comprend une introduction de plus de deux cents pages, présentant l'auteur, le but et le plan du traité Sur les noms divins, discutant l'origine, la nature, la célébration, la langue et la traduction des

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