REVUE DES LIVRES

VIENT DE PARAÎTRE

Frédéric Rognon (dir.), Mon corps et moi. N'ai-je de devoirs qu'envers autrui ?, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2017, 178 pages (Chemins d'éthique), ISBN 978-2-86820-541-4, 21 €. Il s'agit d'un ouvrage collectif, issu du Séminaire interdisciplinaire et interfaeultaire « Éthique et droits de l'homme » de l'Université de Strasbourg, qui avait choisi le titre éponyme pour les années académiques 2014-2015 et 2015-2016. L'éthique minimaliste, impulsée par le philosophe Ruwen Ogien (1948-2017), est aujourd'hui un courant incontournable sur la scène intellectuelle. Elle consiste à affirmer que, si nous avons des devoirs envers les autres, nous n'en avons aucun envers nous-mêmes. Le rapport à soi se trouve ainsi exclu du champ de la réflexion éthique. Son unique régulation est la suivante : chacun est libre de faire ce qu'il veut de son existence et de son propre corps, du moment qu'il ne nuit pas aux autres. Ce volume constitue une évaluation critique du minimalisme éthique, grâce à une réflexion de fond (par Nathalie Maillard), suivie de la décli¬ naison de différentes études de cas : l'hygiène (Gilbert Vincent), les conduites à risque (David Le Breton), la mort délibérée (François Galichet), la thanatopraxie (François Michaud Nérard), la manipulation du génome (Marie-Jo Thiel), la pudeur (René Heyer), les formes modernes de l'escla¬ vage (Sylvie O'Dy), la « cosmotique » (Bernard Andrieu), la protection du corps par les droits de l'homme (Jean-Bernard Marie), enfin la gestation pour autrui (Karsten Lehmkuhler). Ce livre est aussi un hommage rendu à Ruwen Ogien, décédé quelques mois après son intervention dans le Séminaire, et qui, par sa provocation, a su stimuler et nourrir les réflexions des contributeurs sur le rapport à soi et à son propre corps. F. Rognon Frédéric Rognon, Maurice Leenhardt. Pour un «Destin commun» en Nouvelle-Calédonie, Lyon, Olivétan, 2018, 216 pages (Figures pro¬ testantes), ISBN 978-2-35479-437-5, 16 €. La collection « Figures protestantes » des éditions Olivétan, déjà riche d'une vingtaine de titres qui présentent au grand public des per¬ sonnages célèbres ou quasiment inconnus, lui offre ici la découverte de

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Maurice Leenhardt (1878-1954), missionnaire qui a séjourné un quart de siècle en Nouvelle-Calédonie (1902-1926), avant de devenir ethnologue (introduit à l'Université par Lucien Lévy-Bruhl, Marcel Mauss et Paul Rivet) et spécialiste de la culture kanak. L'ouvrage commence par une énigme : la population autochtone de Nouvelle-Calédonie a disparu à 90 % dans les cinquante premières années de la colonisation, et sa reprise démographique coïncide rigoureusement avec l'arrivée de Maurice Leenhardt sur la Grande Terre. Y a-t-il là une corrélation ou un pur hasard historique ? Pour tenter d'élucider ce mystère, le livre articule quatre parties : 1. la Nouvelle-Calédonie avant Maurice Leenhardt (les grands traits de la culture traditionnelle, les diverses stra¬ tégies d'évangélisation et les conditions d'un génocide presque réussi) ; 2. l'œuvre missionnaire de Maurice Leenhardt (la formation des pasteurs autochtones, la traduction de la Bible, la lutte contre l'alcoolisme, son rôle dans la rébellion de 1917) ; 3. son œuvre d'ethnologue (la présen¬ tation de ses différents livres, les perplexités qui naissent à la lecture de Do Kama, les aléas d'une ethnologie d'inspiration missionnaire) ; et enfin 4. la Nouvelle-Calédonie après Maurice Leenhardt (les mutations poli¬ tiques, sociales, ecclésiales, et l'évolution de l'ethnologie calédonienne). Les différentes pièces du dossier sont rassemblées et articulées pour étayer l'hypothèse d'un rôle majeur joué par le missionnaire-ethnologue dans le « sauvetage » du peuple indigène. Non sans ambiguïtés, Maurice Leenhardt est devenu Tune des figures tutélaires d'un territoire qui se trouve à la croisée des chemins. À l'occasion du référendum d'autodétermination prévu pour novembre 2018, qui va replacer la Nouvelle-Calédonie à la Une de l'actualité, le lecteur est invité à revisiter l'utopie d'un homme qui rêvait déjà d'un « Destin commun » aux Kanak et aux Européens. Le moindre des paradoxes n'est pas de constater qu'il nourrit l'argumentaire des indépendantistes comme des anti-indépendantistes. Mais au-delà de cette conjoncture politique, l'ouvrage cherche à interroger les tensions entre missiologie et ethnologie, les enjeux d'une inculturation de la foi et les défis de la traduction interculturelle. F. Rognon Jacques Ellul, Les sources de l'éthique chrétienne. Le Vouloir et le Faire, parties IV et V. Introduction et notes de Frédéric Rognon, Genève, Labor et Fides, 2018, 316 pages, ISBN 978-2-8309-1649-2, 24 €. Ce texte, totalement inédit, et redécouvert dans des conditions rocam- bolesques, est la seconde partie de Le Vouloir et le Faire, paru en 1964. 11 présente l'intérêt d'aborder des thématiques que l'A. avait négligées ou n'avait fait qu'effleurer dans le reste de son œuvre : la compréhension de la Bible comme livre de questions et non de réponses ; une approche dialectique de la relation entre Loi et Evangile ; la thèse d'une éthique sans obligation ni sanction ; le motif de 1'« analogie de la foi » comme grille de lecture des textes bibliques en vue d'en dégager une éthique. 11

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est aussi roccasion d'un débat critique avec différents philosophes et théologiens : Paul Ricœur sur le rapport entre relations longues et rela¬ tions courtes ; Luther et Calvin sur la tension entre Loi et Evangile ; Reinhold Niebuhr sur le statut de l'amour dans l'éthique ; et surtout Karl Barth et les barthiens sur la casuistique, le conformisme, le rapport dogmatique/éthique, la relation des chrétiens à l'État et Vanalogia entis. Ce volume est sans doute, paradoxalement, à la fois le plus barthien des livres de l'A. et le plus critique à l'endroit de Karl Barth (et non seulement des barthiens de gauche). L'édition du texte a consisté, d'une part, à restaurer le contenu du tapuscrit ; d'autre part, à l'équiper d'environ trois cents notes en bas de page (l'A. cite de nombreux auteurs, mais il n'intégrait les notes en bas de page que lorsqu'il était certain de la publication) ; et enfin à le munir d'une introduction (p. 7-52) qui interroge les raisons, passablement énig- matiques, de sa non-publication du vivant d'Ellul et qui expose les grands axes de l'ensemble de son œuvre éthique, afin d'insérer le présent volume dans le corpus global. Après examen des différentes pièces du dossier, le statut de ce texte inédit semble bien être celui d'un chaînon manquant au sein de l'œuvre ellulienne (entre la première partie de Le Vouloir et le Faire et les deux volumes de VEthique de la liberté). F. Rognon Frédéric Rognon (dir.). Penser le suicide. Actes du Colloque international et interdisciplinaire tenu à Strasbourg les 17 et 18 novembre 2016, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2018, 252 pages (Chemins d'éthique), ISBN 978-2-86820-540-7, 23 €. Nous sommes tous touchés, de près ou de loin, par le phénomène suicidaire : dans le monde, une personne tente de mettre fin à ses jours toutes les trois à quatre secondes, et une y parvient toutes les quarante- cinq secondes. Mais l'universalité du suicide entre en tension avec sa dimension d'intimité, de singularité absolue. Car, au-delà de cette ampleur statistique, le fait suicidaire est foncièrement subjectif, irréductible à toute autre histoire : il concerne la décision que je prends de me suicider (ou non). Ainsi, si chaque suicide est absolument unique, comment pouvons-nous tenter de le penser ? Les auteurs de ce volume, issu d'un Colloque international, se sont heurtés à cette aporie, à cet obstacle épistémologique et heuristique, et ont tenté de relever le défi. Dix-huit contributeurs proposent au lecteur une pluralité de regards - parfois contradictoires, le plus souvent complémentaires. Regards disci¬ plinaires : anthropologique (David Le Breton), psychologique (Marie- Frédérique Bacqué), philosophique (Daniel Frey), sociologique (Baptiste Coulmont), théologique (Karsten Lehmkûhler), islamologique (Jason Dean). Mais aussi regards sur le suicide des adolescents (Vincent Berthou), des actifs (Florence Bègue), des détenus (Brigitte George), sans oublier l'accompagnement des personnes endeuillées suite à un suicide (Dolores Angela Castelli Dransart). Regards, enfin, en tension, sur le suicide assisté

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et l'euthanasie (François Galichet, Pascal Hintermeyer), ainsi que sur les soins palliatifs (Michèle Zeisser). L'ouvrage se termine par des ouvertures éthiques et spirituelles : pourquoi choisir la vie, malgré tout ? (Marie-Jo Thiel, Jean-Daniel Causse, Lytta Basset). Frédéric Rognon pose la pro¬ blématique dans une introduction au livre, et Gilbert Vincent offre une synthèse des travaux. Une bibliographie des auteurs sur cette thématique complète le volume. F. Rognon

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ETUDES D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES Collection dirigée par Matthieu ARNOLD

DERNIERS VOLUMES PARUS Aux Presses Universitaires de France, Paris : 79. Nicole De Laharpe, Image de Vautre et image de soi. Les stéréotypes nationaux dans les Tischreden de Luther^ 2001. 80. Martin Greschat, Martin Bueer (1491-155}), Un réformateur et son temps, traduit de l'allemand par M. Arnold, 2002. 81. Francis Guibal, Approches d'Emmanuel Levinas. L'inspiration d'une écriture, 2005. 82. René Heyer, La condition sexuée, 2006. 83. Daniel Frey, L'interprétation et la lecture chez Ricœur et Gadamer, 2008. 84. Anne-Marie Heitz-Mueeer, Femmes et Réformation à Strasbourg (1521-1549), 2009. 85. Martin Greschat, Philippe Melanchthon : théologien, pédagogue et humaniste (1497-1560), traduit de Fallemand par M. Arnold, 2011. Aux éditions Classiques Garnier, Paris : 86. Marc vlal, Pour une théologie de la toute-puissance de Dieu. L'approche d'Eberhard Jûngel, 2016. 87. Matthieu ARNOLD, Les femmes dans la correspondance de Luther, édition revue, 2017.

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