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Classiques Garnier

XVIe siècle - XVIIIe siècle

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Dans le chap. 7, ΓΑ. poursuit son enquête en présentant 23 missives composées cette fois-ci par des hommes, mais adressées à des femmes ou bien traitant de femmes chrétiennes. Malheureusement, ΓΑ. ne donne ni le texte grec ni sa traduction ; le lecteur se contentera d'une description commentée de leur contenu. Ces documents nous disent très peu sur la vie religieuse des chrétiennes d'Egypte au iv® siècle. Le chap. 8 est consacré à l'étude de 8 lettres concernant des femmes ascètes : pour chaque texte, l'A. donne l'édition critique, la traduction et un bref commentaire. Le chap. 9 porte sur les papyri magiques. Suit une conclusion générale, dont les résultats sont particulièrement stimulants, même si nous estimons que les documents étudiés donnent moins accès à la vie religieuse (et encore moins à la théologie) qu'à différents aspects de la vie sociale (qu'il s'agisse, au sens large, de la société ambiante ou, plus spécifiquement, de la communauté chrétienne) des croyantes égyptiennes. Ce n'est certes pas un hasard si les conclusions les plus significatives de cette étude concernent les femmes ascètes et les relations avec le clergé. La bibliographie, un index des papyri et un index thématique closent le volume. On regrette l'absence d'un index biblique ainsi que celle d'un index des textes et des auteurs anciens. G. Aragione II. XVIE-XVIIP SIÈCLE

Philippe Martin, Eric Suire (dir.). Les Convertis. Parcours religieux, parcours politiques. Tome I : Période moderne, Paris, Classiques Garnier, 2016, 302 pages (Constitution de la modernité 2), ISBN 978-2-406-05794-9, 24 €. Le présent volume constitue, avec ses 17 études, le premier volet de la publication d'actes d'un colloque qui a porté sur les « Les Convertis : parcours religieux, parcours politiques (χνΓ-χχΓ siècles) ». L'introduction de P. Gisel et la conclusion des Éd. - cette dernière cite l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui affirme notamment « la liberté de changer de religion ou de conviction », bafouée dans « certains endroits » - soulignent toutes deux l'actualité brûlante du thème abordé. On s'étonnera simplement que la première mette sur le même plan la « radicalité religieuse » des « born again » de « l'évangélisme étasunien » et celle des convertis français (40% des djihadistes) partis en Syrie pour se livrer aux atrocités que l'on sait (p. 13). Soucieux de traiter « à part égale la dimension politique et la dimension religieuse dans la trajectoire des convertis » (p. 8), cet ouvrage n'aborde pas, en conséquence, la « conversion » des deux grands Réformateurs, Luther et Calvin, sinon en passant, dans une étude consacrée pour l'essentiel à Théodore de Bèze (Y. Krumenacker). Les contributions - toutes solides voire suggestives, et qui se rapportent principalement à la Lrance, ainsi qu'à l'Allemagne et au Royaume-Uni - examinent surtout un type de conversion bien particulier, celui de représentants d'une minorité confessionnelle à la religion majoritaire, soutenue par l'État, d'un territoire donné.

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Sont ainsi traités les cas des chefs de guerre protestants au début du XVII® siècle (P.-J. Souriac), des catholiques anglais (M. Weis), des pasteurs en France au temps de FÉdit de Nantes (D. Boisson) puis de sa révocation (L. Daireaux) ou dans la Bohême de la Contre-Réforme (N. Richard). Les destins individuels témoignent souvent de Γ« éprouvant parcours du converti », pour reprendre le titre donné à une partie par les Éd. Ainsi, le mathématicien Philipp Apian (1531-1589), banni des territoires catholiques de l'Empire pour hérésie, obtient une chaire à FUniversité de TUbingen, luthérienne, mais il doit quitter ses fonctions en 1580 pour avoir refusé de signer la Formule de Concorde (A. Chassagnette). Quant à Nicolas Anthoine (-1602-1632), catho¬ lique lorrain converti au protestantisme réformé à Metz, il devient pasteur mais est exécuté à Genève après avoir proclamé avec opiniâtreté sa foi juive - ou à tout le moins des positions originales impliquant Fantitrinitarisme (J. Léonard). Signalons la contribution consacrée à Paul Pellisson-Fontanier (1624-1693), qui tente de réhabiliter le fondateur de la « caisse des conver¬ sions » ; cette tentative ne convainc pas entièrement, d'autant plus que C. Marchai cite, sans guère les critiquer, les propos de Pellisson en 1687 selon lesquels les protestants français avaient quitté « sans raison un air, un climat, des mœurs, un gouvernement, un roi que toutes les Nations vous envient ». Nous avons apprécié que plusieurs études (ainsi, celles de V. Castagnet- Lars, S. Simiz, É. Suire et P. Chopelin) traitent des fonctions des récits de conversion et de leurs usages, religieux et politiques. Cet important volume, marqué par une forte cohérence, comporte un bref index (p. 289-291) qui mêle les matières à certains noms de lieux et de personnes. Sans doute serait-il bon que le tome II des Convertis, dont nous attendons la parution avec impatience, soit doté d'un index plus complet, voire d'une bibliographie générale. M. Arnold

Johann Friedrich Oberlin, Briefwechsel und zusàtzliche Texte. Band III : 1785- 1793 / Jean-Frédéric Oberlin, Correspondance et textes complémen¬ taires. Tome III : 1785-1793. Textes établis et annotés par Gustave Koeh, Herzberg, Traugott Bautz, 2016, 397 pages (Gesammelte Sehriften / Écrits choisis 1/3), ISBN 978-3-95948-105-2, 50 €. Avec une régularité admirable, le pasteur Gustave Koch publie, depuis quelques années, la correspondance de Jean-Frédéric Oberlin (1740-1826), le célèbre pasteur-pédagogue du Ban-de-la-Roche (voir RHPR 94, 2014, p. 480 sq. et 95, 2015, p. 507 sq.). Le tome III ne couvre pas moins de neuf ans et il renferme 187 pièces (n° 271-457), les lettres pour les années 1789-1791 {n° 362-409) étant relativement peu nombreuses. Comme les volumes précédents, cet ouvrage témoigne de la grande variété des centres d'intérêt d'Oberlin, en même temps que de son engagement sans faille au service de l'instruction et de l'édification de ses paroissiens. On est surpris par le nombre important de correspondants qui lui font le récit de leurs rêves, afin de lui demander de les interpréter - c'est le cas dans l'une des premières lettres de ce volume, n° 279, et dans celle qui le clôt, n° 457 ; voir aussi n° 284 sq., 290 sq., 294... Oberlin se livre aussi à l'analyse

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de silhouettes ; c'est ainsi qu'il discerne, dans le « front haut, renversé, avec ce petit enfoneement » de l'abbé Grégoire, « un jugement mâle, beaucoup d'esprit, point guères [sie] d'entêtement » et « des idées claires » (n° 337, p. 143, juillet 1787 ; voir aussi n° 338 et 445 - lettre de Grégoire à Oberlin, dans laquelle Grégoire se réjouit d'avoir « au moins vu extirper dans ma patrie la race infâme des rois », p. 331). Dans d'autres lettres, Oberlin se fait directeur d'âmes (voir par exemple n° 364), mais on lit avee surprise ce qu'il écrit à son frère Jérémie-Jacques qui vient de perdre un fils : « Que dois-je dire ? Il est dur de perdre à nouveau un fils talentueux et qui [te] donnait beaucoup d'espoirs. Je n'entreprends rien pour te réconforter. » (N° 384, p. 236, 25 avril 1790.) Le pasteur a souci de la tenue de ses paroissiennes, mais, à le lire, ses « exhortations réitérées [...] à mettre plus de décense dans leur habillement » semblent avoir eu peu d'effet : « Souvent j'en vois, dont le sein n'est pas honnêtement caché faute de bavette ou d'autres précautions. - Presque toutes portent des corcelets si courts, qu'elles devroient elles-mêmes rougir en se voyant l'une l'autre. » (N° 283, p. 32 ; 14 juillet 1785. Voir aussi n° 293, p. 46 sq., la liste, établie par Oberlin, des filles et des femmes qui ont suivi ses conseils et auxquelles il a donné des prix - poupée, dé à coudre, miroir, crayon, etc.). Mais le pasteur de eampagne ne se cantonne pas dans ee combat moral ; il lui faut aussi sauver - non sans compétence - des enfants de la noyade (voir n° 298 et 302) et lutter contre la pauvreté et la maladie, raisons pour lesquelles il est très attaehé « à ee pauvre peuple. Ceux qui sont en [bonne ?] santé n'ont pas besoin de médeein » (p. 79, 27 janvier 1786 ; voir aussi n° 306, p. 89 ; en 1792, Oberlin propose une méthode pour liquider les dettes de ses paroissiens, à commencer par les plus honnêtes, n° 427). Au début de 1786, eertaines personnes tentent néanmoins de le faire venir â Strasbourg, mais il les met en garde : il y a, parmi les « beste Christen » de la grande ville, de trop nombreuses personnes qui n'aspirent pas â la sancti¬ fication et ne veulent pas reconnaître leurs fautes, de sorte que, s'il venait à Strasbourg, il lui faudrait donner un grand coup de balai, ou se comporter tel un ramoneur (n° 300, p. 66, 22 janvier 1786) ! Les questions qu'un eorres- pondant lui adresse sur la condition des hommes après la mort lui donnent également l'occasion de mettre l'accent sur la sanctification : « Sans sancti¬ fication, nul ne verra le Seigneur, et seuls ceux dont le cœur est purifié doivent voir Dieu. » (N° 325, p. 123, 1786. Voir aussi n° 339.) La correspondance nous donne accès à un Oberlin familier, qui brosse son autoportrait : dans un document de 1785 (n° 292, p. 44 sq.), il estime être un mélange de qualités contradictoires, étant à la fois ouvert et borné, ferme et prompt â faire des eoncessions ; il se déclare généreux, fidèle et très reconnaissant, le moindre bienfait le touchant profondément. Lui-même demande à ses enfants, qui sont partis étudier à Strasbourg, de mentionner leurs défauts dans les lettres qu'il leur réclame (voir n° 371 à 373). Comme dans les tomes préeédents, les éehanges épistolaires avec Jean de Dietrich sont parfois fort vifs. En réponse â une requête d'Oberlin - hélas perdue, mais qui concernait du bois -, le baron accuse le pasteur d'encourager les eommunautés à se soulever eontre leur seigneur et il qualifie Oberlin d'« enthousiaste » et de « visionnaire ridicule » (n° 352, p. 173, 27 oetobre 1788). Oberlin a beau protester qu'il n'est nullement un séditieux et que, s'il croit

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