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Classiques Garnier

Sciences bibliques Généralités

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REVUE DES LIVRES

SCIENCES BIBLIQ UES

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1. GENERALITES

Danna Nolan Fewell (éd.), The Oxford Handbook of Biblical Narrative, Oxford, Oxford University Press, 2016, xl + 644 pages, ISBN 978-0-19-996772-8, £ 112,50. Dépourvu d'introduction visible, quoique la première contribution en fasse office, l'ouvrage, divisé en cinq parties, commence par six ouvertures : Le monde du récit biblique (D. N. Fewell) ; L'analyse du récit biblique, de la nouvelle critique à la nouvelle narratologie (S. Moore) ; Le récit biblique et la naissance de la littérature en prose (R. Kawashima) ; Le récit néotestamen¬ taire et la littérature gréco-romaine (A. Busch) ; L'historiographie biblique en tant qu'histoire traditionnelle (R. Person) ; Poésie et récit biblique (T. Linafelt). Suit la partie principale, consacrée aux récits bibliques et, de fait, essen¬ tiellement aux livres canoniques revêtant la forme d'un récit : Raconter et re¬ raconter la première histoire biblique (de la Genèse à 2 Rois) (D. Gunn) ; La genèse de l'identité dans le monde biblique (D. N. Fewell et Ch. Heard) ; L'histoire de l'Exode et sa parenté littéraire (K. Ngwa) ; Sang, mort et sainteté dans le récit du Lévitique (B. Bibb) ; Devenir Israël dans le désert du livre des Nombres (A. Leveen) ; Faire mémoire du récit dans le Deutéronome (B. Britt) ; La conquête de la mémoire dans le livre de Josué (O. Creangâ) ; YHWH juge dans le livre des Juges (D. Guest) ; Raconter l'histoire dans les livres de Samuel (R. Gilmour) ; La loi de la mort et les signes de vie dans les livres des Rois (K. Bodner) ; Le récit chez les prophètes postérieurs (P Full) ; Rhétorique divine et silence prophétique dans le livre de Jonas (C. J. Ryu) ; Versions plurielles et défis adressés à la cohérence narrative dans l'histoire de Job (C. Newsom) ; Lire Ruth, lire le désir (S. D. Powell, A. B. Jones et D. S. Kim) ; Corps, frontières et appartenance dans le livre d'Lsther (A.-M. Wetter) ; Mots en conflit dans le livre de Daniel (T. A. Smith) ; Stratégie politique dans le récit d'Lsdras-Néhémie (D. Laird) ; La machinerie narrative patrilinéaire des Chroniques (J. Kelso) ; Temps et focalisation dans l'Evangile selon Marc (S. Elliott) ; Lectures narratives, lecteurs contextualisés et Évangile de Matthieu (W. Carter) ; Témoins de la défense dans l'Évangile de Luc (A. Smith) ; Les Actes des Apôtres, récit et histoire (R. R. Dupertuis) ; les identités narratives dans l'Évangile de Jean (F. Lozada) ; Paraboles bibliques changeantes (R. P. Seesengood) ; Récit, multiplicité et les lettres de Paul (M. Johnson-DeBeaufre) ; Technique narrative et livre de l'Apocalypse (D. Barr).

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La troisième partie a trait à la Bible et aux corps : Mettre les corps en intrigue dans le récit biblique (J. Schipper) ; Lire les questions bibliques relatives aux femmes (J. McKinlay) ; Adam et l'advenue de la masculinité (E. Thurman) ; Les enfants dans le récit biblique et l'interprétation enfantiste [comme on dirait féministe] (K. Gallagher Èlkins et J. Faith-Parker) ; lire les autres comme sujet(s) du récit biblique (R. Maldonaldo) ; Animer les animaux bibliques (K. Stone) ; Sexe et sexualité dans le récit biblique (D. Mbuwayesango) ; Caractériser Dieu à Sa/notre propre image (S. Lasine). Sont évoqués ensuite les paysages naturels, sociaux et conceptuels des mondes du récit biblique : Lire le paysage dans le récit biblique (N. Habel) ; Subsistance et survie dans le récit biblique (J. Klosed) ; Déplacement et diaspora dans le récit biblique (M. Halvorson-Taylor) ; Mettre en récit l'Empire dans le monde biblique (Th. Jennings et T.-S. B. Liew) ; Les mondes sociaux du récit biblique (L. Dietch) ; La politique économique des récits bibliques (R. Boer) ; La délibération narrative dans la politique biblique (M. Brett) ; Lamentations bibliques et chant du blues (D. Smith-Christopher). Une dernière partie traite de la lecture : Astuces culturelles dans le récit biblique (J. Havea et M.J. Melanchthon) ; La confiscation des récits bibliques [au sujet de l'Apartheid] (G. West) ; Aspects prescriptifs des histoires bibliques (G Phillips). Ce manuel s'avère finalement plutôt complet, tout en offrant et en ouvrant des perspectives très variées. Ce que l'on peut simplement regretter à la lecture, c'est qu'il se meuve presque exclusivement dans la sphère anglo¬ phone. Cela étant, il est complété de manière bienvenue par deux index, des thèmes et des noms propres, d'une part, et des textes bibliques et autres, d'autre part. Ch. Grappe

Jan Dochhorn, Susanne Rudnig-Zelt, Benjamin Wold (éd.), Das Bëse, der Teufel iind Damonen. Evil, the Devil and Demons, Tubingen, Mohr Siebeck, 2016, XIV+ 297 pages (Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament. 2. Reihe 412), ISBN 978-3-16-152672-5, 84 €. Fruit d'une collaboration internationale et de deux colloques qui se sont tenus respectivement en 2012 et 2013, le présent volume a pour but d'étudier la manière dont les traditions religieuses de l'Antiquité qui se développaient en direction du monothéisme ont conçu des explications de plus en plus complexes tant du cosmos que du mal pour y voir quelque chose qui n'est pas simplement perpétré par les humains ou expérimenté par eux, mais implique des créatures issues de l'au-delà, diable ou démons. L'ouvrage se divise en cinq parties, en fonction des corpus littéraires abordés. On commence avec l'AT. S. Rudnig-Zelt y perçoit, notamment à partir de Jb 1-2, une tension irréductible entre deux tendances contradictoires, l'une visant à minorer l'importance du mal au profit de l'unicité de Dieu, l'autre, finalement dominante, consistant à en faire une autre figure céleste, dispo¬ sant d'une liberté d'initiative à côté de Dieu. M. Saur, qui prend pour sa part

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en compte la littérature de sagesse et donc aussi Jb 1-2 mais également Pr 1-9 et Qo, parvient au constat selon lequel, malgré les nuances entre ces dif¬ férents éerits et les flous, voire les domaines de recouvrement entre le bien et le mal, la toute-puissance de Dieu est toujours préservée. On passe ensuite à la littérature qumrânienne et apparentée. M. Goff apporte deux contributions. Pour lui, le Livre des Veilleurs ne traite pas de la question de l'origine du mal, mais seulement de l'origine du mal qui a pro¬ voqué le Déluge et qui continue de se manifester dans les démons. Quant à la « démone » proehe de Lilith que l'on rencontre en 4Q184, ee ne serait qu'un avatar de la dévergondée ou de la femme étrangère de Pr 1-9. M. Brand propose pour sa part que la figure de Bélial serve avant tout de repoussoir en IQS pour renforcer le sentiment d'appartenance des membres au lot de Dieu et à la eommunauté. La part du lion revient au NT. M. Morris reprend la thèse selon laquelle, dans le récit de la Tentation, le diable, en citant le Ps 91, endosse, à ses frais, le rôle de l'exorciste. B. Wold se demande, à la lumière de parallèles qum- râniens, jusqu'à quel point le Notre Père matthéen peut être tenu pour une prière apotropaïque. E. Koskenniemi estime que la première mission ehrétienne envers les païens a déployé un dualisme esehatologique plutôt que eosmo- logique. J. Dochhorn interprète la figure de Satan en 1 Co 5,5 à la lumière de l'ange exterminateur d'Ex 12, assimilé à Mastéma en Jub 49,2, et considère que la remise à Satan ne eoncerne que l'anéantissement de la ehair préalable à un salut du pneuma individuel lors du Jugement dernier. O. Wisehmeyer discerne dans Tépitre de Jacques une tendance à limiter le dualisme en situant le combat entre le bien et le mal à l'intérieur de l'homme. J. Dochhorn, à nouveau, éclaire l'affirmation selon laquelle « Caïn est du Mauvais » (1 Jn 3,12) à partir de traditions juives qui en font un fils du Diable. A Suivent deux contributions sur l'Antiquité tardive et le Moyen Age. H. Patmore montre que des textes eomme 2 S 22,5, Es 13,21 ; 34,14 et Ha 3,5 ont donné lieu à des lectures en termes démonologiques. J. Boekmann traite des légendes médiévales de Judas, le fieffé pécheur, et de Brendan, personnage saint confronté au doute, et ainsi au diable et aux démons. Viennent enfin deux études de portée plus générale. O. Davidsen se demande si la religion n'est pas une forme d'aspiration à surmonter une réalité dualiste et R. Stokes ce qu'est un démon, un esprit mauvais, un Satan. L'ensemble, minutieusement édité et bien mis en perspective, est eomplété par deux index des textes anciens et des auteurs modernes cités. Ch. Grappe

Chris Keith, Loren T. Stuekenbruek (éd.). Evil in Second Temple Judaism and Early Christianity, Ttibingen, Mohr Siebeek, 2016, νΐΙΙ + 417 pages (Wis- senschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament. 2. Reihe417), ISBN 978-3-16-153299-3, 94 €. Issu d'un colloque qui s'est tenu en 2014 à l'Université Sainte-Marie de Twickenham, l'ouvrage, qui n'est pourvu d'aucune introduction, livre en vrac vingt contributions.

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Il est question d'abord de la préhistoire du diable du NT que représen¬ terait le satan céleste chez Zacharie et Job (Ch. Rollston), du mal à Qumrân (J. Leonhardt-Balzer) et de l'inclination au mal en 4QInstruction (B. Wold). L. Lawrence traite de la fin humiliante d'Antiochus Epiphane en 2 M 9,1-12 et T. Wasserman de la façon dont des copistes ont cherché à dissocier Jésus du mal dans différents passages des évangiles (Mt 27,16-17 ; Le 23,32; Jn 13,26). J. Crossley s'interroge, à partir de Me 2,1-12, sur la portée des guérisons et des exorcismes de Jésus et Ch. Skinner sur les cosmologies respectives de Marc et de Jean, évangiles qui, tous deux, considèrent que l'emporter sur Satan, c'est l'emporter sur le monde, mais qui l'illustrent l'un avec des récits d'exorcismes, l'autre sur un tout autre mode. J. Draper revisite le quatrième évangile en considérant que les ténèbres y symbolisent le non-être et l'origine du mal, alors que la Lumière et, dans le présent, l'eau et l'Esprit, viennent inaugurer une nouvelle Création. L. Stuekenbruck comprend le rapport de Jésus et de Paul à la question du mal en lien avec l'apocalyptique juive et conclut que, pour l'un et l'autre, l'eschatologie concerne d'abord le présent. J. Davies aborde, pour sa part, l'étiologie du mal dans l'apocalyptique juive et chez Paul. Ch. Tilling traite, à son tour, de Paul, du mal et de la justification, tandis que S. Walton s'interroge, à partir d'Ac 19,8-40, sur la nature du mal dans l'œuvre double de Luc et conclut que le mal s'y définit comme ce qui rejette ou s'oppose à l'Evangile : esprits mauvais, magie ou autres divinités. L. Pietersen traite, en lien avec Artémis, les démons, Mammon et Satan, de la construction du mal en 1 Tm. S. Luther établit le lien entre mal et éthique du discours dans l'épître de Jacques, tandis que N. Ellis explore la théologie du mal de ce même écrit. R. Griggs montre la place qui revient à l'expérience apocalyptique dans la théodicée de 4 Esdras. J. Knight brosse un portrait du mal dans VAscension dÊsaïe. Ch. Keith s'intéresse aux usages magiques qui ont pu être faits des évangiles dans le christianisme primitif pour préserver les maisons du mal et des esprits et lutter ainsi contre eux par le livre plutôt que par la parole. D. Roth étudie la place qu'occupe le mal dans la conception qu'a Marcion du Dieu de ΓΑΤ. P. Middleton traite enfin de la façon dont on l'emporte sur le diable dans les Actes des Martyrs. Un ensemble riche et passionnant dont on regrette d'autant plus que les Éd. ne l'aient pas pourvu de la mise en perspective qu'il méritait. Ch. Grappe

William Horbury, Messianism among Jews and Christians. Biblical and His¬ torical Studies. Second Edition, London - New York, Bloomsbury T&T Clark, 2016, viii + 465 pages (Cornerstones), ISBN 978-567-66274-3, $ 39,95. Réédition d'un livre paru en 2003 et pourvu ici d'une nouvelle intro¬ duction, l'ouvrage regroupe douze études qui couvrent le champ très large ouvert par la définition du messianisme que retient l'A., à savoir l'attente d'un souverain à venir (p. 4), ce qui signifie que le messianisme est ici conçu sans lien obligé avec un horizon eschatologique et une onction. Les douze études sont réparties entre période du Second Temple (« Messianisme dans les apocryphes et les pseudépigraphes de l'Ancien Testament » ; « Les dons

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de Dieu chez Ezéchiel le Tragique » ; « Le temple d'Hérode et les ''jours d'Hérode" »), le NT (« Les assoeiations messianiques du "Fils de FHomme" » ; « Les Douze et les Phylarques » ; « Jérusalem dans l'espéranee pré-paulinienne et paulinienne » ; « Le sacerdoce aaronide dans TEpître aux Hébreux » ; « Conceptions de l'Eglise dans la Septante et dans le Nouveau Testament ») et la Synagogue et l'Église dans l'Empire romain (« Messianisme ehez les juifs et les chrétiens au if siècle » ; « Souffranee et messianisme ehez Yosé ben Yosé » ; « L'Antichrist cher les juifs et les païens » ; « Le culte du Christ et le culte des saints »). Dans sa nouvelle introduetion, ΓΑ. revient sur des thèmes qui lui sont ehers et les précise : il faut parler d'un messianisme unique des juifs et des ehrétiens aux deux premiers sièeles de notre ère ; il eonvient de situer le messianisme au sein d'une tradition interprétative fort ancienne, reliée au Pentateuque, et au sein de laquelle s'inscrivent les traducteurs de la LXX ; même si le messianisme trouve des expressions diverses, il faut insister sur la eontinuité et la cohérence qui le earactérise ; le messie doit être conçu comme une figure nationale et, en fonction de cela, pouvait être une figure souffrante. Au terme de cette nouvelle introduction, une liste de publieations est dressée, qui permet de mettre à jour la bibliographie dans laquelle figurent plusieurs études de l'A. qui auraient pu, comme la nouvelle introduction, être intégrées dans le volume. Ce dernier déploie en tout cas une érudition sans faille, et sa publication dans la collection qui l'accueille désormais (Cornerstones) atteste qu'il eonstitue une référenee dans le ehamp très divers des études relatives au messianisme. Ch. Grappe André Villeneuve, Nuptial Symbolism in Second Temple Writings, the New Testament and Rabbinic Literature. Divine Marriage at Key Moments of Salvation History, Leiden - Boston, Brill, 2016, XII+ 489 pages (Ancient Judaism and Early Christianity 92), ISBN 978-90-04-31603-4, 162 €. Le présent ouvrage est la publication d'une thèse de doctorat, soutenue en 2013 à l'Université hébraïque de Jérusalem et préparée sous la double égide d'Israël Yuval et de Justin Taylor. La thèse défendue est particulièrement nette et se déploie au fil d'un parcours qui, après une introduction nourrie où est notamment abordée en une vingtaine de pages la littérature prophétique, s'attarde longuement sur la figure de la Sagesse dans l'éloge qui lui est consacré en Si 24, fait un détour par le symbolisme nuptial tel qu'il est attesté chez Philon d'Alexandrie, étudie en profondeur ce même symbolisme dans le NT - avec une insistance toute particulière sur le quatrième évangile -, aborde ensuite les textes pseudépi- graphiques et la littérature rabbinique, et procède enfin à une reprise théma¬ tique dans une perspective théologique. La thèse défendue est la suivante. Dans l'ensemble de la littérature étudiée, le symbolisme nuptial s'artieule autour de quatre moments clés de l'histoire du salut : la Création, qui eonstitue le prototype idyllique d'un mariage d'alliance entre Dieu et l'humanité, représentée par Adam et Ève,

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