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Classiques Garnier

Martin Bucer and the Anabaptists of Hesse The Ziegenhain Order of Discipline (1539)

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W. BREUL, MARTIN BUCER ET EES ANABAPTISTES DE HESSE

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MARTIN BUCER ET LES ANABAPTISTES DE HESSE L'ordonnance relative aux mœurs de Ziegenhain (1539)* Wolfgang Breul Evangelisch-Theologische Fakultât Johannes Gutenberg-Universitât - D-55099 Mainz In memoriam Martin Greschat (1933-2017) Résumé : Sous le règne du landgrave Philippe, Martin Bucer fut le théo¬ logien réformateur le plus influent du landgraviat de Hesse. En raison du développement important de l'anabaptisme en Hesse dans la seconde moitié des années 1530, il fut appelé à Marbourg. Grâce à sa capacité de dialogue, il fut l'artisan de l'un des rares accords, au XVf siècle, entre les anabaptistes et la grande Eglise protestante dans le landgraviat. En même temps, par l'ordonnance ecclésiastique de Ziegenhain (1539), il créa une ordonnance qui, avec la discipline ecclésiastique, le ministère des anciens et la confir¬ mation, renfermait des éléments importants pour les Eglises protestantes de l'époque moderne. Abstract : Under the reign ofLandgrave Philip, Martin Bucer was the most influential theologian of the Reformation in the Landgraviate of Hesse. Because of the significant growth of Anabaptism in Hesse in the second half of the 1530s, Bucer was summoned to Marburg. Thanks to his capacity for dialogue, he was responsible for one of the rare agreements in the 16th century between Anabaptists and the majority Protestant Church in the landgraviate. At the same time, through the Ziegenhain Order of Discipline (1539), he created an order, which alongside church discipline, the ministry of elders and confirmation, set boundaries in important elements for the Protestant Churches of the modern era. Martin Bucer a été estimé bien au-delà de Strasbourg, la ville où il fut pasteur de 1523 à 1548. Ainsi, à maintes reprises, le landgrave Philippe de Hesse lui a confié des tâches relevant de la politique religieuse. Bucer joua également un rôle clé lorsque le landgrave s'efforça de trouver un accord pacifique avec les ana¬ baptistes, qui étaient nombreux en Hesse.

* Cette étude a paru en allemand sous une forme différente : voir Breul, 2014, où Ton trouvera des indications bibliographiques plus détaillées.

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L Les anabaptistes de Hesse Presque dès le début de la Réformation, on trouve des ana¬ baptistes en Hesse. Il est vrai que, sous le terme « anabaptistes » (allemand : Tàufer), les historiens de la Réformation désignent des groupes et des tendances diverses, qui se sont séparés de la branche principale de la Réformation avant ou après la guerre des Paysans, et qui se sont diffusés tant dans l'Empire que dans les territoires frontaliers : on trouvait notamment des anabaptistes en Suisse, dans le Sud et dans le Nord-Ouest de l'Allemagne, en Franconie, dans le Tyrol, en Moravie et aux Pays-Bas. L'anabaptisme, qui reprit un certain nombre de traditions antérieures à la Réformation, se carac¬ térise par sa diversité interne. Les anabaptistes avaient en commun de refuser le baptême des petits enfants et de pratiquer le baptême des adultes, conçu comme un acte confessant. L'anabaptisme se caractérisait aussi, dans son ensemble, par son rigorisme éthique et sa pratique religieuse fondés sur la Bible ^ En Hesse également, le mouvement anabaptiste a reçu des influences diverses^. Dans la Hesse de l'Est, où la présence ana¬ baptiste est attestée dès 1528 ^ ces influences provenaient princi¬ palement de Thuringe et de Franconie"^. Le leader des anabaptistes de cette région était Melchior Rinck, natif de Hesse, qui avait reçu une instruction humaniste\ Il était le représentant d'un humanisme pacifique, qui prenait ses distances avec l'eschatologie révolu¬ tionnaire de Thomas Mùntzer^. A partir de 1535 environ, le centre de gravité des activités des anabaptistes de la Hesse se déplaça de l'Est vers l'Ouest, et les rapports relatifs à des arrestations et à des auditions dans l'Ouest - notamment dans la région de GieBen et au Nord-Ouest de Marbourg - se multiplièrent. En mai 1536, les fonctionnaires du landgrave réussirent une belle prise : près de trente anabaptistes provenant de divers lieux s'étaient réunis dans l'église de Lindenborn^, y avaient tenu conseil et certains avaient même été baptisés ^ Les leaders de cette assemblée, Herman Bastian (Marbourg), Georg Schnabel (Allendorf/Lumbda), Peter Lose

^ Voir Stayer, 2001 ; Lienhard, 1992. Λ Sur les anabaptistes en Hesse, voir Franz, 1951 ; Rothkegel, 2005 ; WeiB, 1959 et 1961. 3 ~ ~ ~ « ~ ~ « « La première audition d'un anabaptiste, Melchior Rinck, eut lieu en 1528. Voir Franz, 1951,p. 3-16 ; Breul, 2016. ^ Sur les influences des anabaptistes de Hesse, voir Packull, 1992, p. 12. ^ Voir Packull, 1998 ; Breul-Kunkel, 2000, p. 167-169, 186-205 et 260 ; Breul-Kunkel, 2002 ; Geldbach, 1974 ; Wappler, 1913 ; Wappler, 1910, p. 7-34. Woir Geldbach, 1970. ^ Voir Hamman, 1977, p. 67s. Woir Franz, 1951, p. 90.

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(Gemûnden/Wohra) et Leonhard Fâlber (Breckel im Jûlicher Land^), furent emprisonnés à Marbourg, sur l'ordre du gouverneur Georg von Kolmatsch. Comme en d'autres lieux, les personnes incarcérées suscitèrent la sympathie de la population même si Kolmatsch craignait qu'elles ne fussent séditieuses. Les sources n'attestent qu'insuffisamment la diffusion de l'ana- baptisme durant ces années lors même que ce mouvement avait pris une grande ampleur Aussi les données sur les liens que les différents cercles anabaptistes entretenaient, sur leurs origines et sur leur structure sociale sont-elles fragmentaires. Les anabaptistes dont on connaît le nom étaient issus, pour la majorité d'entre eux, des classes moyennes - ce qui n'est pas nécessairement représen¬ tatif de l'ensemble du mouvement Par ailleurs, des influences extérieures sur l'anabaptisme de la Hesse de l'Ouest sont attestées depuis la région de Cologne le Rhin inférieur et les Pays-Bas. Depuis 1528, par une série de mandements et d'ordonnances, le landgrave Philippe de Hesse avait tenté d'endiguer les activités des anabaptistes mais le succès de ces mesures fut limité dans le temps: après 1535, leurs activités reprirent de plus belley compris depuis les prisons où ils étaient incarcérés Le landgrave déplora la négligence des nobles et des fonctionnaires des lieux concernés par ces menées A la suite des événements tragiques de Mùnster-en-Westphalie, en 1534-1535, deux nouvelles ordonnances furent censées déterminer une action uniforme contre les anabap¬ tistes de Hesse. A ces fins, Philippe avait consulté toute une série

^ Hermann Bastian, bourgeois estimé de Marbourg, dirigeait un atelier travaillant le cuir (voir Franz, 1951, p. 81). Georg Schnabel était sans doute le plus instruit et le plus important des anabaptistes de Hesse. Il est probablement l'auteur de l'écrit Verantwortung und widerlegung, trouvé dans sa cellule de Wolckersdorf (voir Franz, 1951, p. 190s.) et qui se caractérise par sa profonde connaissance de la Bible et par son argumentation fondée et nuancée. Par contre. Peter Lose semble ne pas avoir eu de position dominante chez les anabaptistes. Leonhard Fàlber avait sans doute joué auparavant un rôle dirigeant dans les communautés anabaptistes de Maastricht. Voir par exemple Franz, 1951, p. 151. VoirWeiB, 1961, p. 165. 12 Le gouverneur de Marbourg rapporte qu'à la Pentecôte de 1536, plus de 100 ana¬ baptistes se sont rassemblés. Voir Franz, 1951, p. 95. " VoirWeiB, 1961, p. 166. Voir Franz, 1951, p. 80s. Voir Franz, 1951, p. 17-19. Voir Franz, 1951, p. 204-207. 17 ^ A l'été de 1538, les délégués du Landgrave lui rapportèrent que les leaders ana¬ baptistes qui avaient été arrêtés en mai 1536 et emprisonnés dans l'intervalle à Wolckersdorf, près de Frankenberg, avaient, depuis plus d'un an, quitté leur prison de manière temporaire, réglé les affaires concernant leur maison et leur ferme et même célébré des baptêmes. (Voir Franz, 1951, p. 188, 190 et 192). Georg Schnabel déclara que durant sa détention, il avait baptisé près de 30 (!) personnes. Voir Franz, 1951, n° 61, p. 71.

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de villes et de Facultés de théologie, sollicitant de leur part la rédaction de mémoires Toutefois, dans deux mémoires publiés en 1537, après d'intenses consultations et en dépit d'avis contraires, ce fut une ligne modérée qui s'imposa. On y précisait jusque dans le détail le traitement des anabaptistes, mais sans guère le durcir^". Sous le gouvernement de Philippe de Hesse, on n'appliqua pas la peine de mort contre les anabaptistes. Toutefois, comme ces mesures ne produisaient pas les fruits escomptés, en août 1538, le landgrave appela Martin Bucer à l'aide^'. Ce dernier arriva en Hesse à la mi- octobre 1538. Au centre de la doctrine des leaders anabaptistes de la Hesse de l'Oueston trouve l'ecclésiologie : la véritable Église est la communion visible des croyants, dont la vie consiste à suivre le Christ avec rigueur. C'est par sa manière de vivre que l'Église atteste qu'elle a entendu la Parole vivante de Dieu^^ Cette conviction s'exprime notamment dans la critique adressée à l'Église « stérile » de Hesse tenue pour païenne parce que la pénitence authen¬ tique, la prédication du jugement et l'exclusion des « impurs » - ou ban - lui font défaut. C'est parce que cette Église ne se sépare pas des « impurs » et qu'elle célèbre les sacrements de concert avec des pécheurs que les anabaptistes ont rompu la communion avec 0110^*". Pour les anabaptistes, l'individu parvient à la communion des croyants au moyen de la vocation ou de l'élection par Dieu. Cette dernière est acceptée dans le baptême, qui revêt un caractère confes¬ sant. Toutefois, l'élection doit être confirmée par l'obéissance^^, de sorte que le baptême renferme aussi une exigence. Ce double carac¬ tère du baptême - à la fois confession et exigence - conduit les anabaptistes de Hesse à rejeter le baptême des enfants, rejet qu'ils

" Sur le mémoire rédigé par les conseillers de Hesse, voir Franz, 1951, p. 98s. Sur les mémoires des villes et des Facultés, voir ibid., p. 101-129. Voir Sehling, 1965, p. 82-91 et 92-100. VoirLenz, 1880, n° 14. Elle nous est connue par : 1. les protocoles de plusieurs auditions (voir Franz, 1951, p. 75s., 187-189, 192s., 197-199 et 201-204) ; 2. les notes prises au sujet de la dispute de Marbourg, qui eut lieu du 30 octobre au 3 novembre 1538 entre Bucer et les leaders anabaptistes incarcérés (voir ibid., p. 213-237) ; 3. une lettre de Peter Tesch (voir ibid., p. 158-161) ; 4. par deux confessions de foi, la Verantwortung iind widerlegung de Georg Schnabel (1538) et le Bekentenus de plusieurs anabaptistes sous l'égide de Peter Tesch (11 décembre 1538 ; voir ibid., p. 165-180, 247-256). Plusieurs traités de Tesch ont disparu (voir ibid., p. 169, 171 et 173). 23 Voir Franz, 1951, p. 235. Selon les conceptions des anabaptistes de Hesse, les péchés mortels ne pouvaient plus être pardonnés (voir ibid., p. 159, 173 et 250). Voir Franz, 1951, p. 187 et 229s. Voir Franz, 1951, p. 75, 168s., 176s., 192s., 198 et 228. Voir ibid., p. 168s. et 222. Voir ibid., p. 159 et 229.

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fondent aussi sur la Bible : les enfants ne sont pas en état de comprendre la Parole de Dieu ni de mener une vie qui lui soit conforme Cette ecclésiologie s'enracine dans une compréhension de la justification qui se distingue de celle de Luther. Certes, les anabap¬ tistes enseignent la iustificatio impii sola mais cette dernière doit entraîner le renouvellement de l'être humain. Ce qui, chez Luther, n'est que le début d'un processus qui s'accomplit à la fin des temps seulement doit, pour les anabaptistes, se réaliser dès à présent, dans la vie de la communauté du Christ. Comparées à ces conceptions ecclésiologiques rigoureuses, les affirmations des anabaptistes relatives aux domaines politique et social font preuve de retenue. Les anabaptistes de la Hesse de l'Ouest ont, très largement, repoussé les tendances eschatologiques et révolutionnaires qui avaient marqué ce mouvement^^ Ils rejettent la communauté des biens acceptent le prêt à intérêt et la dîme^^ et ne repoussent pas en principe le sermentet l'obéissance aux autorités civiles Toutefois, ils font primer la foi et la conscience de l'individu sur le gouvernement temporel : les ordonnances des autorités civiles ne sont respectées que pour autant qu'elles ne sont « opposées ni à Dieu ni à la conscience (neit weder got und das gewissen seind) ». IL La dispute avec les anabaptistes et l'ordonnance disciplinaire La collaboration entre le landgrave de Hesse et Martin Bucer, le Réformateur de Strasbourg, remonte à leurs intérêts convergents au sujet de la querelle relative à la Cène, qui a divisé les pro¬ testants. Philippe de Hesse et Bucer avaient fait connaissance dans le cadre du colloque de Marbourg au 3 octobre 1529) ; Jacques Sturm et Bucer avaient joué les médiateurs entre le landgrave et Zwingli. Durant les négociations, Bucer s'était mis en retrait - tout en entreprenant des tentatives d'union^'' qui n'avaient pas été

Voirp. 167 et 198. Voir ibid., p. 168 et 225. Tesch l'affirme explicitement dans son Bekennînis. Voir Franz, 1951, p. 247. Les anabaptistes de Hesse ne voulaient rien avoir à faire avec les événements tra¬ giques de Munster. Voir Franz, 1951, p. 192s., 175s. et 255. 32 En revanche, ils approuvent le fait qu'on fasse preuve de solidarité envers ceux qui sont dans le besoin (voir Franz, 1951, p. 174 et 197). Voir Franz, 1951, p. 171. Voir ibid., p. 171 et 255. Voir ibid., p. 170, 178 et 255s. Voir Greschat, 2009, p. 18.

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502 W. BREUL, MARTIN BUCER ET EES ANABAPTISTES DE HESSE couronnées de succès. En effet, Bucer souhaitait que l'on parvînt à un consensus au sujet de la Cène. Il poursuivit ses efforts en ce sens, avec le soutien de Philippe de Hesse, en dépit du durcis¬ sement des frontsC'est ainsi que la rencontre entre Bucer et Melanchthon, arrangée par le landgrave à Cassel à la fin de 1534, conduisit aux formules d'union ultérieures. Grâce à sa ténacité et à son sens de la diplomatie, Bucer parvint à surmonter les obstacles pour parvenir, en mai 1536, à la concorde de Wittenberg entre Luther et les Allemands du Sud ; quant aux Suisses, en dépit des efforts de Bucer, ils s'exclurent de cette concordePhilippe de Hesse fut extrêmement satisfait de ce résultat, et, en Hesse, il conféra à la concorde pratiquement le rang d'une confession de foi^^ Que Philippe se soit adressé, pour résoudre le problème ana¬ baptiste, à l'infatigable architecte du consensus au sujet de la Cène en dit long sur la solution qu'il envisageait. A Strasbourg, Bucer avait acquis une expérience certaine dans le dialogue avec les anabaptistes, même si, très tôt, il avait clairement pris ses distances avec eux 1. La dispute de Marbourg avec les anabaptistes (30 octobre-Γ' novembre 1538) Durant les mois précédant la venue de Bucer, le landgrave avait déjà tenté, au rnoyen de dialogues, de regagner les anabaptistes incarcérés à l'Eglise. Mais, si l'on excepte le cas de Herman Bastian^\ les théologiens de Hesse avaient échoué dans cette entre¬ prise"^^. Aussi Philippe considéra-t-il la diplomatie de Bucer et son art du débat comme les moyens les plus probants de parvenir encore à un résultat par le dialogue : « nous nous attendons à ce que cet homme-là obtienne ce qui doit l'être chez les anabaptistes^^ ». Outre Bucer, les théologiens Melander, Kraft, Ferrarius et Noviomagus prirent part à la dispute qui débuta l'après-midi du 30 octobrede même que le bourgmestre et le Conseil de Marbourg, des représentants des corporations et un certain nombre de bourgeois

37 En particulier lors de la Diète d'Augsbourg de 1530. Voir Greschat, 2009, p. 18s. Voir Kaufmann, 2004 ; Bucer, 1988 [1534-1537]. En rentrant de Wittenberg, Philipp demanda à Bucer de lui expliquer le contenu de la concorde. Voir Bucer, 1988 [1534-1537], p. 172 (§ 66). Sur la place de la concorde en Hesse, voir Sehling, 1965, p. 20 (avec la note 58). Voir Bucer, 2011 [1531-1546] ; Greschat, 2009, p. 139-149. ""Voir Franz, 1951, p. 197-199, 234 et 236. Voir Franz, 1951, p. 184-189, 190 et 193 s. 43 Was bei denselbigen widerteufern auszerichten sein sollt, so verstehen wir uns, dieser man werde es tun {ibid., p. 200). Voir ibid., p. 214. Noviomagus n'est pas mentionné en particulier (sans doute fait-il partie des « ander gelerten »), mais il l'est dans la lettre d'accréditation (ibid., n° 75).

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en vue ; les anabaptistes étaient représentés par Georg Schnabel, Leonhard Fâlber, Herman Bastian et Peter Lose^^ Peter Tesch, le leader des anabaptistes de la Hesse de l'Ouest, se trouvait incognito dans le public Bucer dialogua successivement avec les différents leaders ana¬ baptistes, et les discussions officielles se déroulèrent durant trois jours jusqu'au novembre. Par sa manière habile de débattre, Bucer parvint certes à des progrès sur certains points, mais il échoua à ce que les anabaptistes s'accordent avec lui. Georg Schnabel et Leonhard Faber demandèrent un délai de réflexion, et, avec Peter Lose, Bucer ne parvint pas même à une discussion sérieuse Seul Herman Bastian se montra disposé à un compromis, et, à la suite des dialogues en petit comité qui avaient succédé à la dispute publique, il fit publiquement pénitenceToutefois, Bucer n'était pas parvenu à une percée décisive. C'est Peter Tesch qui fut à l'origine d'un tournant, ainsi que le rapporte Bucer le 3 novembre au landgrave : Hier après-midi, je me suis entretenu pendant plusieurs heures avec un chef anabaptiste important et très intelligent, qui m'a rapporté de manière crédible qu'un certain nombre des leurs étaient désormais persuadés qu'en se mettant à part, ils suscitaient beaucoup de scan¬ dales et n'amélioraient rien ; et ils seraient disposés de tout cœur à faire en sorte que leurs compères dans l'erreur [...] retournent dans nos Eglises Tesch posa plusieurs conditions à son retour dans l'Église : 1. l'amélioration des prédicateurs de la Hesse en ce qui concernait la cure d'âme et l'office de pasteur ; 2. l'établissement d'une discipline chrétienne dans les communautés, afin de faciliter le retour des anabaptistes dans les paroisses ; 3. l'acceptation, par les anabaptistes désireux de retourner dans l'Église, de la communion de la Cène, seulement lorsque la disci¬ pline et le ban sont pratiqués au sein de la communauté ;

Voir Franz, 1951, p. 212, 214 et 237. Voir ihid., p. 243. Voir ihid., p. 228, 233 et 236s. Voirp. 236 et 238. Nachmiîtag gestern hah ich bei handen gehabt einen grossen und seer geschickten fursteher der widerteufer und etlichen stunden mit im geredt, der mir gleiiblich anzeiget, das iren etliche seien, die nun des uberzeuget seien, das sie mit irer sondrung fil ergernus und keine besserung anrichten, und wolten herzlich gern dazu helfien, dass sie ir verirrets gesind [...] wider zu unseren kirchen brechten. {Ibid., p. 239s.) Sur le rapport des « Befehishaber zu Marburg » (les conseillers de Philippe), voir ibid., p. 243. D'après le rapport de Bucer, Tesch avait demandé qu'il fallait se montrer plus rigou¬ reux avec les chrétiens et les exhorter à devenir meilleurs « mit christlicher zucht bass anhieiten » (voir Franz, 1951, p. 240).

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4. la renonciation à ce que les anabaptistes renient publiquement leur foi. Les lettres de Bucer et des gouvernants de Marbourg du 4 novembre permettent de reconstituer le déroulement ultérieur des événements: après avoir rendu visite l'après-midi à Bucer, Tesch fut mis en prison. Le Réformateur de Strasbourg protesta en vain, mais il réussit seulement à ce que Tesch fût incarcéré avec les autres leaders anabaptistes. Dans les rencontres communes forcées avec ses coreligionnaires, il parvint visiblement à gagner ces der¬ niers à son accord avec Bucer Bucer s'attela désormais à faire en \ sorte que Tesch pût dialoguer directement avec le landgrave. A ces fins, il rédigea sa lettre de recommandation du 4 novembre. Mais les conseillers de Philippe à Marbourg firent sans doute échouer cette action, car ils redoutaient que la conversion de Tesch consti¬ tuât une manœuvre tactique, destinée à accroître en secret la venue d'anabaptistes en Hesse^^ Néanmoins, le rôle actif joué ensuite par Tesch pour gagner des anabaptistes à sa foi nouvelle montre qu'en dépit de cette intervention, un dialogue avec le landgrave a bien eu lieu. A la fin de 1538, contre l'avis de Luther, les anabaptistes retournés vers l'Eglise furent libérés 2. Le « Synode » de Ziegenhain (25 novembre 1538) Nous ne possédons pas de protocole de la rencontre de Ziegenhainmais les sources nous donnent quelques informations. Le colloque « concernant la religion, la secte des anabaptistes et les autres affaires de notre pays (von sachen belangend die religion,

Voir Franz, 1951, n° 81s. Les gouvernants de Marbourg rapportent seulement le vœu de Bucer que l'on per¬ mette à Tesch « zii Jorge [= Georg] Schnaheln und andern taufern in geheim lassen iind versuchen, was er bel inen usrichtet » (Franz, 1951, p. 243). Dans sa lettre du même jour, Bucer écrit que Tesch aurait obtenu des résultats chez Bastian et Lose (voir ibid., p. 241s.). Il ne parle pas explicitement de Schnabel et de Fâlber, mais ces derniers ont signé la « confession » du 11 décembre 1538 (voir ibid., p. 256). Plus tard, Schnabel s'est employé à regagner des anabaptistes à l'Église de Hesse (voir ibid., entre autres p. 268 et 271). 5 ^ ^ La lettre de Bucer commence de la sorte : « Dieser zeiger des meines brieves [= Tesch] ist der fursteher, von dem ich E. F. G. geschrieben » {ibid., p. 241). Et plus loin, le Réformateur ajoute : « Mart. Butzer begert, inen [ihn = Peter Tesch] mit seiner schrift zu E. F. G. passirn ze lassen, aber uns besorgt, er mocht einen andern weg treffen und E. F. G. nit zu gefallen geschehen, haben E. F. G. wir Butzers schrift [...] zuvor willen zuschicken mit disem unserm unterdenigen bedenken. Sie bitten den Landgrafen um Mitteilung, ob E. F. G. wollen den Peter Detsch vor E. F. person kommen lassen, wohin und wie das geschehen soit, verwarlich ader nit, damit wir ime je nit zu vehil ader zu weni^ teten. » {Ibid., p. 244.) ^ Voir la lettre de Martin Luther à Philippe de Hesse, [Wittenberg], le 20 novembre 1538 (WABrn° 3274 : 8, 324s.). Ces protocoles ont existé, mais ils sont à présent perdus (voir Franz, 1951, p. 245).

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die secten der widerteufer und andere unseres lands gelegenheit^^) » débuta le 25 novembre 1538 à Ziegenhain^^. Dans son introduction, l'ordonnance relative aux mœurs de Ziegenhain nomme comme participants, à côté des théologiens qui l'ont signée - des superin¬ tendants et des pasteurs en vue^^ -, des conseillers des princes et des envoyés des villes Martin Bucer et Peter Tesch ont également pris part aux négociations de Ziegenhain Il est difficile de déter¬ miner le statut juridique de cette rencontre, qui se situait entre un synode et un Landtag''f Par ailleurs, nous ignorons si l'on y aborda d'autres thèmes que ceux dont traite l'ordonnance relative aux mœurs. Quelle était la tâche impartie à cette rencontre ? A notre avis, cette dernière était étroitement liée à la dispute de Marbourg et à la tentative de regagner les anabaptistes pour l'Eglise de Hesse. Dans sa lettre du 2 novembre au Landgrave, Bucer lui-même établit ce lien : L'objection la plus forte de ces gens [= les anabaptistes] est qu'hélas nous administrons si mal [nos Églises] ; à l'aide de cet argument, ils séduisent de nombreuses personnes. Le Seigneur nous aide à ce que nous ruinions cet argument, auprès des anabaptistes comme des papistes [...]. Il serait vraiment très nécessaire que, lors de l'assemblée que V[otre] G[râce] le P[rince] a fixée à la sainte Catherine le 25 novembre], on traitât sérieusement de l'administration des Églises. [...] Et si le Seigneur me permet d'assister à cette assemblée, je montrerai loyalement à V[otre] G[râce] le P[rince] comment j'espère parvenir - à cause des anabaptistes et des autres - à l'amélioration des Églises La convergence partielle dans la question de la vie chrétienne (Haushaltung) lui offrait la possibilité de parvenir à une union avec les anabaptistes hessois. On n'a pas la trace d'une telle union entre Bucer et ces anabaptistes, mais un certain nombre de documents

Lettre d'invitation du 28 octobre 1538 (voir Franz, 1951, p. 212). Bien que la lettre d'invitation du landgrave fixe la rencontre au 24 novembre, elle a dû vraisemblablement se dérouler le lendemain, car Bucer mentionne la date du 25 (voir Franz, 1951, p. 239). La différence s'explique par l'usage de convoquer les participants pour la veille. 5 8 Bucer avait encouragé la participation de « furnemer pfarrer » (Franz, 1951, p. 239). Voir Bucer, 1964 [1538-1539], p. 260, 1.27-261, 1.1. Voir en faveur de cette affirmation la mention qui suit, dans l'explication donnée par Bucer et les superintendants de Hesse, en décembre 1538 : «[...] wie wir uns zu Ziegenhain mit Peter Teschen verglichen » (Franz, 1951, p. 260). Ce statut intermédiaire s'explique tant par les participants - des théologiens, des conseillers du prince et des délégués des villes - que par l'ordre du jour, qui concernait les « affaires religieuses » et les autres questions relatives à la Hesse. Die ansichtigeste einrede diser lent ist aile daher, das wir leider so iihel haushalten und mit disent argument verfuren sie fil leut. Der herr wôlle uns helfen, das wir einmal diss argument den teufern und paepstleren wol uflosten [...]. Warlich es wurde hoch von nôten sein, das uf dem tag, so Ε. F. G. angesetzet uf Catharinae von haushaltung der kirchen mit allem ernst gehandlet werde [...]. So mir dann der herre zu disem tage auch verhilfet, wille ich dan E. F. G. treulich anzeigen, wamit ich verhoffe, hesserung der kirchen, der teufer und anders halben zu erlangen sein. (Franz, 1951, p. 238s.)

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postérieurs à la dispute de Marbourg témoignent du rapprochement entre les deux parties. Ce rapprochement concerne les points suivants : 1.Les anabaptistes de Hesse cessent de baptiser des adultes et retournent dans le giron de l'Église, sans toutefois faire pénitence ou se rétracter publiquementLes anabaptistes s'engagent aussi pour que leurs anciens coreligionnaires acceptent à nouveau la communion de l'Église ; ce point était pour Bucer une condition sine qua non. Durant la dispute de Marbourg, le fait que les ana¬ baptistes avaient renoncé à la communion de l'Église avait soulevé de sa part les critiques les plus vives r 2. Les leaders des anabaptistes de Hesse témoignent à l'Eglise leur capacité de parvenir à un consensus en exposant leur foi de manière à rendre compte des points critiques et disputés : Articul der widerteufer, sa zu Marpurg sitzen beim stadhalter zu Marp[urg] uberschickt 3. En retour, l'Église de Hesse s'engage à améliorer notablement la pratique de la discipline dans ses communautés et à introduire l'excommunication pour les membres indignes. C'est à cela que servent le « Synode » de Ziegenhain et l'ordonnance relative aux mœurs qui y a été décrétée. 4. Une fois que Bucer et les superintendants de Hesse auront exa¬ miné leur foi, les leaders anabaptistes seront libérés et tous les anabaptistes disposés à se convertir seront admis dans l'Église de Hesse sur la base de cet accord. Les raisons suivantes, que nous avons déjà évoquées en partie, plaident en faveur du fait qu'un tel accord ait été accepté : 1. Dans la période qui suivit, les conditions posées par Peter Tesch pour un retour des anabaptistes au sein de l'Église furent largement remplies, et les leaders anabaptistes hessois s'engagèrent pour gagner à leurs convictions leurs anciens coreligionnaires. 2. Bucer et les superintendants parlent explicitement d'un accord avec Peter Tesch à Ziegenhain (wie wir uns zu Ziegenhain mit Peter Teschen verglichen^^). 3. La « confession de foi » des anabaptistes de Hesse, attestée par les sources, se comprend comme une réponse aux « points exigés et demandés (geforderten und gefrageten stuck^^) ». Quant à la question

Les sources parlent seulement de la pénitence publique effectuée par Herman Bastian. Voir Franz, 1961, p. 214-218, 221, 233 et 235. Si la critique de Bucer était virulente, c'était sans doute parce qu'il tenait l'Eglise essentiellement pour une communauté. Voir Franz, 1951, p. 247-256. "'Voir Franz, 1951, p. 257-261. " Explication de Bucer et des superintendants, décembre 1538 (Franz, 1951, p. 260). " Franz, 1951, p. 247.

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de savoir combien l'ordonnance de Ziegenhain relative aux mœurs constitue un compromis adressé aux anabaptistes de Hesse, nous y répondrons dans la section suivante. 3. L'ordonnance de Ziegenhain relative aux mœurs La recherche est unanime à voir en Martin Bucer le père spiri¬ tuel de l'ordonnance de Ziegenhain relative aux mœurs mais elle n'affirme plus guère qu'il en est l'auteur direct. De fait, le texte de l'ordonnance qui nous est parvenu ne se réfère pas explicitement à l'autorité de Bucer, et son nom ne figure pas parmi ceux des théologiens présents à Ziegenhain™. Toutefois, ce texte renferme un certain nombre de lieux théologiques spécifiques à Bucer. Aussi peut-on affirmer avec certitude qu'il est bien l'auteur spirituel de l'ordonnance de Ziegenhain. Par contre, il n'est pas certain que le texte imprimé soit identique avec celui qui a été « pensé et décidé (bedacht und entschlossen^) » à Ziegenhain, car, en raison de réserves du landgrave™, l'ordon¬ nance a été probablement retravaillée avant son impression™. Mais comme nous n'avons pas de preuves formelles d'une modification de l'ordonnance relative aux mœurs, dans ce qui suivra, nous nous fonderons sur la version de l'impression originale™ que propose

Voir Sehling, 1965, « Einleitung », p. 250 ; Frôr, 1965, p. 169. ™ Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 276,24-277,8. Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 261,18. Toutes les références que, dans le texte, nous donnons de l'ordonnance de Ziegenhain et de celle de Cassel suivent cette édition. Dans une lettre du décembre 1538, Philippe de Hesse expliqua que les décisions de Ziegenhain lui plaisaient, mais que « etliche puncta » lui semblaient « zum teil ungleich- messig und zum teil nit verstendig gnug » (Franz, 1951, p. 245). Il redoutait notamment que conférer le droit d'éduquer les enfants de parents « impies » à d'autres personnes, plus dignes, et introduire l'excommunication n'engendrent des abus. C'est pourquoi, dans un premier temps l'excommunication ne devait être introduite qu'à Marbourg et à Cassel, et ses dispositions ne devaient pas être imprimées. Les raisons suivantes plaident en faveur de cette hypothèse : 1) Alors que le landgrave avait interdit de publier les dispositions relatives à l'excommunication, l'ordonnance de Ziegenhain fut imprimée pour la première fois encore en décembre et dans sa version complète. Après avoir lu différents mémoires, le landgrave avait changé d'avis. 2) Dans une lettre, Philippe écrit qu'il veut « des Buceri weiteren hericht und hescheid vornehmen » (Franz, 1951, p. 245). Mais à la fin de l'ordonnance de Ziegenhain, il est fait mention de l'approbation du landgrave, « nach dem sein F. G. difi ailes verlesen und erwegen hat » (Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 275,31-276,1). 3) À la différence de l'ordonnance de Cassel, celle de Ziegenhain n'est pas signée par les théologiens, mais mentionne seulement ceux qui étaient présents à Ziegenhain, ce qui pourrait s'expliquer par des retouches. Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 260-278. - L'ordonnance parut en 1539 en trois impressions : (1) Ordenung der || Christlichen Kirchenn||zucht/ Fiir die Kirchen im Fur^llstenthumb Hessen. || ... ||, Marburg : Christian Lgenolff d.À. 1539 (VD 16 : N° Ο 880). (2) Avec 1'« ordonnance ecclésiastique de Cassel » : Ordenu[n]g der Christ||lichen Kirchen zuch||te. Fiir die Kirchen im Fursten=||thumb Hessen. || Ordenunge der Kirchenn||ubunge/ Fiir die Kirchen. zu Cassel.|| ... ||, Marburg : Christian Lgenolff d.À. 1539 (VD 16 : N° Ο 881). (3) Avec 1'« ordonnance ecclésiastique de Cassel », augmentée par des liturgies : Ordnung der Ch=||ristlichen Kirchen zucht/||fuer die Kirchen jm || Fuerstenthum || Hessen. || ... ||, Lrfurt : Melchior Sachse 1539 (VD 16 : N° Ο 879).

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l'édition de Bucer. Peu de temps seulement après rordonnance de Ziegenhain parut V Ordenung der Kirchennubung, Fur die Kirchen zu CasseV^, à laquelle Bucer collabora également Cette « Ordon¬ nance ecclésiastique de Cassel » parut en deux impressions qui divergent sensiblement l'une de l'autre : l'impression parue à Erfurt ne propose pas seulement de nombreuses variantes textuelles par rapport à l'impression originale de Marbourg, mais elle la complète encore par maints formulaires liturgiques et prières Cette ordon¬ nance de Cassel régit la vie cultuelle, l'enseignement, l'usage des sacrements et les « cérémonies sacramentelles » - la confirmation, la bénédiction de mariage et l'ordination - ainsi que d'autres aspects de la vie ecclésiale de la communauté de Cassel. En plusieurs endroits et de manière explicite, cette ordonnance, dont la portée était censée dépasser Cassel, se fonde sur l'ordonnance relative aux mœurs de Ziegenhain Elle en rapporte ainsi précisément les dispo¬ sitions qui se rapportent à la confirmation. Ainsi peut-elle servir à interpréter certains passages de l'ordonnance de Ziegenhain. a) Introduction et plan Dans son titre, l'ordonnance de Ziegenhain prend pour mot d'ordre une exhortation tirée des Actes (Ac 20,28) et adressée aux anciens d'Ephèse. C'est donc principalement aux pasteurs et aux anciens des communautés de Hesse que l'ordonnance s'adresse : Prenez soin de vous-mêmes et de tout le troupeau, dont l'Esprit saint vous a institués évêques, afin de paître l'Église de Dieu, qu'il s'est acquise par son propre sang^^. Dans l'introduction, ce mot d'ordre est développé d'une manière caractéristique. C'est, précise le texte, la tâche de ceux qui exercent un ministère : que les petites brebis du Christ [...] puissent paître [...] dans les pâtu¬ rages toujours plus abondants de la vie éternelle [...] et deviennent sans cesse plus accomplies et plus fortes, afin de sanctifier son nom et d'accroître son règne ^ .

Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 279-318. Voir Sehling, 1965, p. 130, note 54. Voir Sehling, 1965, p. 113, note 1. Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 290,30-291,2, 292,18. So haht mm acht auff eiich selhst iind auff die gantzen Herde, under welche eiich der heylig geyst gesetzt hat zu Bischoffen, zu weyden die Gemeyne Gottes, welche er durch sein eygen blut erworben hat (260,3-6). Οαβ Christi schàfflein [...] die weyde des ewigen lebens [...] immer voltiger haben und niessen [iind...] im recht Christlichen leben immer fertiger iind stercker werden, zu heyligung seynes Namens und erweiterung seines Reichs (260,18-23).

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La tâche ecclésiologique de la reformatio^\ Γ« amélioration du petit peuple du Christ (besserung bei dem vôlcklin Christi) » (260,16), se situe ainsi dans l'horizon eschatologique de la crois¬ sance du règne du Christ. C'est à ce but que servent « la saine doctrine, l'exhortation fidèle et la discipline salutaire (gesunde lere, getrewe vermanung und heylsame zucht) » (260,20 A l'intérieur de ce cadre général, marqué par l'ecclésiologie de Bucer^^ l'ordonnance de Ziegenhain veut surmonter un double pro¬ blème de l'Eglise de Hesse, d'une part « toutes sortes de bandes et de sectes (allerley rotten und Secten) », et d'autre part « l'intempérance charnelle et les comportements relâchés (fîeyschliche ùppigkeit und verlassen wesen) » (261,2-4). Sont visés principalement ici les ana¬ baptistes et la question de la discipline. L'accent porte sur la seconde, car de nombreuses personnes ont été éloignées de l'Eglise pour des raisons liées aux mœurs. L'ordonnance de Ziegenhain souhaite atta¬ cher ou ramener à la communauté (« gantze gemeynschaft der lere, Sacramenten und zucht Christi »), par 1'« amélioration chrétienne (Christliche verbesserung) » les membres qui « errent » ou qui sont menacés (261,17 ; 261,6s.). Aussi l'ordonnance s'attache-t-elle prin¬ cipalement à la discipline, son mot d'ordre étant la « cure d'âmes » (Seelsorge). Outre l'introduction et la conclusion, l'ordonnance se structure en cinq parties. Les parties 2 à 4, que nous présenterons plus loin en détail, se rapportent successivement à l'office des anciens, à l'enseignement du catéchisme et la confirmation, et à l'ordonnance ecclésiastique. La première partie confirme la manière de visiter les Eglises de Hesse établie par l'ordonnance de 1537 tout en limitant les compétences qui avaient été accordées aux superintendants : il s'agit pour eux principalement de pourvoir les paroisses avec les ministres adéquats. Pour ce qui est de la discipline, ils ont seulement une fonction de contrôle en dernière instance, car les parties qui suivent détaillent la responsabilité de chaque paroisse en la matière. La première partie de l'ordonnance précise ce que l'on attend des pasteurs en matière de prédication, de catéchèse et « d'instruction, d'avertissement et de châtiment (underweisen, vermanen und straffen) » (262,7), c'est-à-dire de cure d'âmes.

81 * * * Reformatio (ou Besserung) est un concept théologique central dans recclésiologie de Bucer. Voir Sehling, 1965, « Einleitung », p. 249, note 8 ; Niebergall, 1974, p. 241. 82 Voir aussi la conclusion de l'ordonnance de Ziegenhain, Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 276,13ss. 83 * * ^ Sur l'ecclésiologie de Bucer, voir Hammann, 1984. Voir Sehling, 1965, p. 93-95.

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Les mesures énumérées ensuite visent, conformément à recclé- siologie de Bucer, une « pleine communion » de tous les baptisés au moyen de la discipline ecclésiastique. A ces fins est institué le ministère des anciens, qui ont pour fonction de surveiller les pasteurs et de les soutenir (partie 2). L'enseignement du catéchisme et l'introduction de la confirmation visent le but signalé plus haut (partie 3). Les dispositions relatives au comportement des chargés d'âmes, des prédicateurs et des anciens vis-à-vis des différents groupes défaillants de la communauté (partie 4) constituent le cœur de l'ordonnance. L'excommunication, l'exclusion de la communauté, fait partie, comme ultima ratio, de ces dispositions, et des règles précises établissent la manière d'y recourir. La dernière partie régit les tâches de cure d'âmes spécifiques aux prédicateurs. b) Le ministère des anciens Dans sa deuxième partie, l'ordonnance de Ziegenhain introduit le ministère des anciens, ce qui constitue une véritable nouveauté : F [La] grande nécessité de nos Eglises exige que nous rétablissions chez nous [...] rordonnance ancienne de l'Esprit saint et que nous ordon¬ nions, à côté des serviteurs de la Parole et dans chaque Eglise, [...] quelques Presbiteros, c'est-à-dire des anciens L'ordonnance de Ziegenhain tient ce ministère pour institué par l'Esprit saint et fondé dans l'Ecriture Deux tâches justifient qu'il soit institué à nouveau: 1. durant leur vie tout entière, tous les baptisés devraient être instruits dans les commandements du Christ ; 2. ce qui a été corrompu doit être conduit à nouveau vers le salut. Mais comme la tâche de la « Besserung », c'est-à-dire de la disci¬ pline ecclésiastique, excède les forces des prédicateurs, on place les anciens à leurs côtés. La tâche principale des anciens est la discipline, sous deux rapports. Tout d'abord, il leur appartient de s'occuper, avec les pasteurs, de la cure d'âme (« neben und mit den dienern des worts die gemeyne seel sorg und der hirten dienste », 263,16s.). Il s'agit de conseiller tous les baptisés de la communauté et de leur venir en aide au sujet de la foi et de leur vie chrétiennes. Cette cure d'âmes se traduit par l'enseignement, l'exhortation et, en cas de manquements, par des mesures destinées à lutter efficacement contre ces derniers. La suite de l'ordonnance précise le contenu de cette tâche :

Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 265,2ss. Hohe noîturffl unserer kirchen erfordert, das wir die alte ordenung des H, Geistes [...] bei uns wider auffrichten und zu den dienern des wortes in jeder Kirchen [...] etlich Presbiteros, das ist Eltesten, verordenen (262,16-20). Elle cite pour références bibliques 1 Tm 5,17ss. ; Tt l,5ss. ; 1 F 5,lss.

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1) Les anciens doivent veiller, de concert avec les pasteurs et les prédicateurs, à ce que les enfants soient envoyés au catéchisme puis confirmés, et que les groupes de personnes chez lesquelles des man¬ quements sont constatés soient traités conformément aux prescrip¬ tions de l'ordonnance. Les anciens sont étroitement associés à la pratique de l'excommunication 2) En même temps, ils ont pour devoir de veiller sur la vie et la doctrine des prédicateurs. D'une part, il leur faut protéger les pasteurs contre les calomnies, et d'autre part - si les prédicateurs sont défaillants dans l'exercice de leur fonction - prendre des mesures contre eux ou avoir recours au superintendant. Ils sont également consultés pour toutes les affaires importantes concernant l'Eglise L'ordonnance de Ziegenhain ne règle pas très précisément le choix des anciens : [Il leur faut être] les gens les plus compétents, les plus humbles et les plus zélés dans le Seigneur, et, dans les Églises, les gens les plus fiables et les mieux intentionnés qu'on puisse trouver dans chaque paroisse Une partie d'entre eux sont issus des autorités civiles, et l'autre partie de la communauté. L'ordonnance prescrit qu'on les élise et qu'ils soient introduits dans leurs fonctions lors d'un culte, afin que ces fonctions soient sanctifiées. A côté de la prière publique (voir 262,27), cette introduction dans leurs fonctions s'accompagne d'une double exhortation : l'une adressée aux anciens, afin qu'ils exercent leur tâche avec zèle, et l'autre à la communauté, afin qu'elle obéisse aux anciensDans ce cadre, l'autorité civile est invitée à soutenir les anciens. A la différence de la tradition luthérienne, dans l'ordonnance de Ziegenhain, les anciens jouissent d'une grande indépendance et veillent non seulement sur la communauté, mais encore sur les pasteurs. Cette différence s'explique par la position centrale de la cure d'âmes dans l'ecclésiologie de Bucer. Or l'office des anciens sert principalement à la discipline, comprise comme cure d'âmes à destination de la communauté et des prédicateurs. Sur des points centraux, l'ordonnance recouvre la pensée de Bucer, telle qu'elle s'exprime dans Von der waren Seelsorge (La vraie cure d'âmes),

Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 263,16ss. ; 265,Iss. ; 270,9ss. Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 263,10-15. Die verstendigsten, hescheidesten und eifferigsten im Herrn und auch hei der gemeynden die best vertrautesten und wolgemeintesten sein, so man in Jeder gemeyn haben mag (260,21-24). L'ordonnance de Cassel propose, comme Dritte Sacramentlich Ceremonien (Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 292,6), l'imposition des mains solennelle sur ceux die zum kirchen- dienst erstlich verordent werden (292,7). Une liturgie d'ordination spécifique aux anciens n'est pas attestée.

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écrit rédigé quelques mois avant rordonnance. Dans cet écrit, Bucer juge que tous les croyants doivent exercer la cure d'âmes avec leur prochain, mais que tant la Bible que des raisons pratiques exigent l'institution de « serviteurs (Diener) » particuliers, qui se consacrent à cette tâche et à la discipline Pour Bucer, cette fonction témoigne de la diversité des charismes (ou dons de l'Esprit) autant que des tâches au sein de la communauté. Tout comme en Hesse, les anciens des églises de Strasbourg, dont les origines sociales sont diverses mais qui doivent mener une vie irréprochable et avoir une bonne réputation, sont élus conformément au modèle de la Bible et de l'Eglise ancienneComme dans l'ordonnance de Ziegenhain, Bucer marque le caractère spirituel de leur fonction par le fait que les anciens sont présentés et accueillis lors d'un culte Même si, avec l'institution des anciens, les compétences du superintendant - le plus haut fonctionnaire ecclésiastique du land¬ grave - se rétrécirent, le landgrave conserva néanmoins son influence sur l'Eglise. En effet, les superintendants restèrent l'instance suprême en matière de discipline, et, par ailleurs, une partie des anciens devaient être issus des conseils municipaux et des instances judi¬ ciaires. En outre, le landgrave pouvait manifestement intervenir dans la composition du collège des anciens. Cette pratique était conforme avec les conceptions de Bucer, qui prévoyaient que l'autorité civile collaborât à l'exercice de la discipline c) La confirmation La brève section consacrée au catéchisme et à la confirmation est, en raison de sa postérité sans doute la plus importante de l'ordonnance de Ziegenhain. Pour la première fois, le projet relatif à la confirmation combine des éléments qui, aujourd'hui encore, constituent la confirmation en Allemagne. Mais la signification de cette cérémonie est controversée. Elle cherche à exprimer ce que signifie la confirmation eu égard (1) au baptême, (2) au lien à la communauté et (3) à la cène (la première communion). Cette troi¬ sième section de l'ordonnance est divisée en trois parties : des directives relatives à l'enseignement catéchétique (263,24-264,3), une brève exhortation de l'autorité civile (264,4-9) et des dévelop¬ pements relatifs à la confirmation (264,9-28).

Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 204,9s. ; 214,17-23 ; 212,5-9; 118,4-16; 121,16-23. Sur l'exemple des apôtres, voir par exemple Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 134,21-34 ; sur les exigences vis-à-vis des anciens, ibid., 124,30-38, et sur leur choix, 133,9-24. Voir Bucer, Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 139,30-140,22. Voir Niebergall, 1974, p. 251s. Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 263,24-264,28.

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Au début de cette section de rordonnance, les anciens et les prédicateurs se voient confier la tâche d'introduire un enseignement catéchétique pour tous les enfants qui soient « en âge de le suivre (des alters halben fàhig sein môgen) » (263,25). Il doit être organisé de manière à ce qu'y participe chaque enfant capable de le suivre. Le contenu et la visée de cet enseignement doivent être « les points essentiels de la foi chrétienne {die furnemsten stucke des Christ- lichen glaubens) » (264,16s.), sur lesquels les enfants seront inter¬ rogés lors du culte de confirmation. L'ordonnance de Cassel nous livre quelques informations sur ce à quoi cet enseignement a dû ressembler La seconde partie de cette section réclame le soutien de l'autorité civile pour l'assistance au catéchisme. La pédagogie ecclésiale et l'autorité qui la soutient sont toutes deux au service du regnum Christi et doivent mener les confirmands, garçons et filles, à la vie en Christ. Cette tâche du catéchisme converge ainsi avec celle de la discipline. La section de l'ordonnance de Ziegenhain relative à la confir¬ mation s'attache surtout à la cérémonie de confirmation, qui, est-il dit explicitement, permet l'accès à la Cène : les anciens et les pré¬ dicateurs doivent veiller à ce que les enfants, qui auront reçu une instruction suffisante, « soient, comme il est juste, [...] admis à la table du Seigneur, lors de fêtes importantes tels que Pâques, Pentecôte et Noël (billich zum tisch des Herren zulassen, uff eyn furnemes Fest, als Ostern, Pfingsten und Weinachten) » (264,12s.). La confirmation aura lieu, en présence des parents, des parrains et marraines et de la communauté, dans le cercle constitué par les anciens et les prédicateurs. Cette cérémonie se compose de six éléments : 1. le confirmand est interrogé sur les points essen¬ tiels de la foi chrétienne (264,16s.) ; 2. il se voue publiquement au Christ et à son Eglise ; 3. la communauté prie pour que les confir¬ mands demeurent fermes et que l'Esprit saint leur soit dispensé (264,20s.), et le pasteur prononce la prière de collecte ; 4. imposi¬ tion des mains, par le pasteur ; 5. sainte-cène et 6. exhortation : r à s'en tenir fidèlement à l'obéissance de l'Evangile et à accepter, en tout temps et de bon cœur, discipline et punition chrétiennes de chaque chrétien - mais surtout des chargés d'âmes - et de s'y montrer obéissants .

Trois fois par semaine, l'enseignement doit être donné dans chaque paroisse par les pasteurs. Il porte sur le Décalogue, le Credo, le Notre Père et les Sacrements. Le caté¬ chisme pour les enfants se déroule sous forme de questions-réponses et la matière est simplifiée. Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 282,13-15. Sich im gehorsam des Evangelii trewlich zuhalten und Christliche zucht und straf von alien und yeden Christen, vornemlich aher von den Seelsorgern aile zeit gutwillig auffzunemen und der selbigen gehorsamen volge zuthun (264,25-28).

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A notre avis, chaque paire d'éléments peut se comprendre comme une unité : les deux premiers constituent un rappel caté- chétique du baptême, les deux suivants installent les jeunes gens comme membres laïcs de la communauté, tandis que les deux derniers représentent la communauté eucharistique et disciplinaire, qui s'est accrue des confirmés. (1) La confirmatio catholique était comprise comme confirmation et accomplissement du baptême. Ce sacrement, que seul l'évêque pouvait accomplir et qui était lié au chrême, l'huile consacrée, devait susciter l'affermissement de la foi, l'accroissement de la grâce bap¬ tismale et la plénitude de la grâce et de l'Esprit saint. Les Réfor¬ mateurs ne l'ont pas retenue au nombre des sacrements, car elle ne pouvait pas se réclamer d'une parole d'institution du Christ et parce qu'ils la tenaient pour une dépréciation du baptême - véritable sacrement, quant à lui. Toutefois, au sein de tendances très diverses de la Réformation, on considéra qu'il fallait réformer ou compléter le baptême. La critique des anabaptistes était, bien évidemment, la plus radicale, y compris en Hesse. Ils rejetaient le pédobaptisme parce que, selon eux, il ne possédait aucun fondement scripturaire et ne correspondait pas à ce que devait représenter le baptême, à savoir la confession et l'engagement du baptisé. C'est à partir de cet arrière-plan qu'il faut comprendre les deux premiers éléments de la confirmation telle que l'expose l'ordonnance de Ziegenhain. L'interrogation sur le catéchisme, à laquelle chaque en¬ fant était soumis avant le culte de confirmation, est dépeinte en détail dans l'ordonnance ecclésiastique de Cassel (impression dΈrfurt)^^ Elle exige des jeunes gens non seulement qu'ils restituent des ensei¬ gnements doctrinaux, mais encore qu'ils se les approprient person¬ nellement La première partie des questions a trait au Credo, la seconde à l'appartenance à la communauté. Chacune de ces deux parties débute par une question portant sur le baptême du confir- mand^'^^ La confession de la foi chrétienne et le fait de se vouer à la communauté sont liés au baptême, ainsi que l'exprime également la question conclusive adressée à chaque confirmand : Crois-tu et confesses-tu, et veux-tu aussi te vouer à la communion et à l'obéissance de l'Eglise du Christ, ainsi que tu viens d'entendre que cet enfant croit, confesse et s'est voué à l'Eglise du Christ ?

Voir, pour ce qui suit, Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 310ss. Au cours d'un culte, un enfant devait, à titre d'exemple, répondre aux questions. VoirFrôr, 1965, p. 163s. Nous ne pouvons pas donner ici le détail de cet interrogatoire. Voir Frôr, 1965, p. 161-172. Gleubst und bekennestu, wiltu dich auch in die gemeinschaffî und gehorsam der kirchen Christi begeben, wie du itzt gehôret hast, das dieses kindt glaubet und bekennet und sich der kirchen Christi begeben hat ? (312,23-26)

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Comment rordonnance de Ziegenhain conçoit-elle le rapport entre la confirmation et le baptême ? Souvent, Bucer a fait comprendre que pour lui, le baptême devait être complété et confirmé. Certes, face aux anabaptistes, il montra qu'il tenait fermement à lui, mais il comprenait le baptême comme le sacrement qui marque le début de la nouvelle naissance et de l'incorporation en Christ ; en consé¬ quence, il faut qu'il soit suivi par un accomplissement, réalisé par la foi consciente de l'adulte et la soumission à la discipline de la communauté. L'audition des catéchumènes et leur promesse de se vouer au Christ et à son Eglise constituent le moment subjectif qui, selon Bucer, faisait défaut au baptême des enfants. Sa conception lui permettait de faire droit à des aspects essentiels de la critique du pédobaptisme par les anabaptistes et, grâce à la confession et à l'engagement des confirmés, de frayer la voie à un accord sur cette question importante. (2) Lors de la première partie de la cérémonie de la confirmation, les véritables acteurs sont les confirmands. Dans la partie suivante, il s'agit de la communauté, ainsi que l'illustre le formulaire de l'ordonnance de Cassel. La communauté prie en silence pour les confirmands, et le pasteur rassemble ses intercessions dans la prière de collecte, avant d'imposer les mains aux jeunes gens. La pre¬ mière partie de la prière de collecte accueille la confession des confirmands et prie pour que l'Esprit saint rende leur connais¬ sance et leur vie sans cesse plus accomplies. Cette prière manifeste le fait que la confession du sujet et son engagement présupposent une action « objective », à savoir le don de l'Esprit saint. La seconde partie de la collecte, qui est une paraphrase développée de la parole prononcée durant l'imposition des mains souligne cela. La prière montre que dans l'imposition des mains aussi, la communauté inter¬ cède pour les confirmands par l'oraison Ainsi, Vintercessio de la communauté répond à la confessio des confirmands. L'ordonnance de Cassel compte la confirmation au nombre des « cérémonies sacramentelles ». Sous cette expression, elle propose, dans l'ordination des « Kirchendiener », un autre rite d'imposition des mains. Ses paroles sont extrêmement proches de celles de la cérémonie des confirmands : « Prends la main et l'aide de Dieu, l'Esprit saint... (Nim hin die hand und hulff Gottes, den heiligen Geist...) » (316,26). Sur la base de cette analogie, Frôr a décrit la confirmation telle que la dépeint l'ordonnance de Cassel comme

^"'VoirFrôr, 1965, p. 173. Voir Frôr, 1965, p. 173ss. ^ So verleihe ihnen auch, sa wir [!] ihnen jetzt in deinem namen die hend auflegen. (Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 313,21s.)

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«passage de l'adolescent à l'état de membre actif de la commu¬ nauté, lequel partage la responsabilité de cette communauté ». A notre avis, le contexte de l'ordonnance de Cassel, lié à la cure d'âmes et à la discipline ecclésiastique, plaide en faveur de cette interprétation. Il en va de même pour l'ordonnance de Ziegenhain, où l'imposition des mains est décrite explicitement par les mots « zu Christlicher gemeynschafft bestetigen » (264,23s.), c'est-à-dire dépeinte comme aidant à demeurer constant dans le dévouement personnel au Christ et à la communauté Celui qui a été confirmé se trouve désormais dans une communauté de responsabilités, de cure d'âmes et de discipline réciproques. (3) Quel lien la confirmation entretient-elle avec la première parti¬ cipation des jeunes gens à la sainte cène ? Sur ce point, les deux ordonnances ne sont pas très explicites Stricto sensu, la confir¬ mation n'inclut pas cette participation, mais elle en constitue la condition. Au sens large, toutefois, la communion eucharistique relève de la confirmation. En effet, si l'on comprend cette dernière comme introduction dans l'état laïc au sein de la communauté et que l'on caractérise cette communauté essentiellement comme une communion eucharistique, sanctifiée par la discipline fraternelle on ne peut pas séparer fondamentalement la confirmation de la première par¬ ticipation à la cène. La cène rend présente la communauté des chrétiens - cette communauté est accrue des confirmés et elle est entérinée dans l'action de l'imposition des mains - entre eux et avec le Christ. L'exhortation, adressée aux confirmands, d'accepter de bon cœur les mesures disciplinaires qui les concernent montre combien cette communauté est marquée par la discipline ecclésiastique. Dans les ordonnances de Hesse de 1539, la confirmation constitue un va-et-vient entre les confirmands et la communauté. A la confession baptismale, prononcée a posteriori, et à la promesse de se vouer au Christ et à l'Eglise, la communauté répond par l'intercession pour l'Esprit saint et par l'assistance de ce dernier lors de l'imposition des mains. Ainsi, les confirmands sont installés dans les responsabilités de la communauté, que caractérisent la cure d'âmes et la discipline. Pour finir, cette communauté accrue s'assure, dans la cène, de ce que ses membres sont solidaires du Christ et les uns des autres.

Frôr, 1965, p. 179. VoirFrôr, 1965, p. 176. Dans l'ordonnance de Cassel, la sainte cène n'est évoquée qu'en passant, dans la liturgie de confirmation. L'ordonnance de Ziegenhain, au contraire, parle explicitement, dans l'introduction de la partie consacrée à la confirmation, de l'admission à la table du Seigneur. Voir aussi Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 264,25. Voir Niebergall, 1974, p. 244s. ; Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 273,9-15.

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d) La discipline ecclésiastique La quatrième partie de l'ordonnance de Ziegenhain, qui est également la plus longue (265,1-271,29) a trait à la cure d'âmes et à la discipline, qui relèvent des pasteurs et des anciens. Cure d'âmes et discipline se recoupent largement. Alors que, dans Von der waren Seelsorge, Bucer argumente encore largement à partir de la Bible, l'ordonnance de Ziegenhain distingue, en fonction de points de vue pragmatiques, trois groupes de personnes au sein de la communauté, qui, par leurs manques, ont besoin de la cure d'âmes : ceux qui n'entendent pas la prédication et ne participent pas à la cène, ceux qui s'abstiennent seulement de communier et ceux qui communient manifestement de façon indigne. L'ordonnance traite respectivement le cas de chacun de ces groupes avant que, en guise de conclusion et concernant les derniers nommés, ne soient exposés les critères et la pratique de l'excommunication. L'ordonnance donne au comportement des membres du premier groupe deux raisons, l'erreur doctrinale ou la vie dissipée {« αηβ irthumb in der Religion oder αηβ fleyschlichem Epicurischem leben », 265,17s.). Ces deux motifs, déjà évoqués dans l'introduction de l'ordonnance désignent sans doute respectivement le sectarisme des anabaptistes et les mœurs dévoyées du peuple Dans l'un et l'autre cas, l'ordonnance prescrit d'agir avec une prudence extrême. Tout d'abord, les anciens et les pasteurs discuteront pour savoir qui est le plus à même d'exprimer une mise en garde. Si cette dernière reste infructueuse, elle doit être renouvelée en présence du collège des anciens et des pasteurs. Elle doit être caractérisée par la dou¬ ceur chrétienne {« allweg geschehen mit aller Christlicher sanfftmut und lindigkeyt », 265,28s.) et renvoyer à la fois à la grâce abon¬ dante de Dieu et à son jugement sévère. Si, malgré tout, quelqu'un se montre incorrigible, « il faut le remettre à Dieu et aux autorités civiles (den Μηβ man Got und der Oberkeit faren lassen) » (266,6s.). Du point de vue de la communauté, la personne concernée vit dans une sorte d'excommunication qu'elle a choisie elle-même, et ce ban reste - tout comme pour les autres cas - limité à la sphère ecclésiale. En effet, l'ordonnance explique longuement qu'il faut préserver un minimum de relations sociales avec la personne qui reste éloignée de la communauté Pour ce qui est du deuxième groupe, on distingue entre ceux qui s'abstiennent du sacrement de l'autel par erreur et ceux qui méprisent la cène. Les premiers doivent être instruits amicalement

Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 261,2-4. Voir ibid., 7, 261, note 5. Voir/è/i/., 266,21-30.

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et tenus pour des catéchumènes, tandis que, dans l'espoir d'une amélioration, les seconds doivent être conviés seulement à écouter la prédication. La communauté doit témoigner son dégoût pour ces chrétiens, mais elle doit également conserver des rapports sociaux avec eux. Il n'y a que vis-à-vis du troisième groupe - ceux qui prennent la cène indignement - qu'il faille, après qu'on l'aura averti en vain, prononcer le ban, l'exclusion de la communion de ceux qui prennent part à la cène. Une telle mesure doit servir d'une part à protéger la communauté, et d'autre part à pousser les intéressés à se repentir Mais cette décision doit être confirmée par le superintendant res¬ ponsable de la communauté, lequel devra, tout d'abord et autant que faire se peut, tenter d'éviter l'exclusionL'ordonnance de Ziegenhain cite les critères qui peuvent justifier cette exclusion : fautes dans des questions religieuses, comportements erronés à l'endroit de la famille ou de l'autorité civile, tort causé au prochain et mépris de la discipline publique En règle générale, l'excommu¬ nication doit être prononcée non pas en public mais seulement devant le collège des anciens. De même, c'est aux anciens seule¬ ment qu'il faut demander sa réadmission, après avoir fait péni¬ tence L'ordonnance de Ziegenhain prévoit d'autres sanctions que l'exclusion de la cène : le refus d'une sépulture chrétienne, l'exclusion des fonctions liées à l'autorité civile et le refus de pouvoir être parrain ou marraine. Quant aux enfants des personnes excommuniées, elles devaient être amenées au baptême par des gens qualifiés pour les représenter et, pour autant qu'une situation favorable se présentât, leur éducation devait être confiée « à des parents et à des amis pieux [...] ou à d'autres chrétiens (zu gottseligen freunden und verwandten odder zu andern Christ- lichen leuten) » (271,22s.) La discipline, telle que la conçoit l'ordonnance de Ziegenhain, poursuit manifestement un double but : 1. l'intégration, si possible complète, des baptisés dans la communauté du Christ, qui se comprend essentiellement comme communauté qui pratique la cure d'âmes et partage la cène ; 2. sous le signe de cet effort pour une croissance qualitative et quantitative des chrétiens, on vise en même

Voir269,26-30. ''"^Voir ihid., 270,1-9. Sans doute ce passage a-t-il été ajouté dans l'ordonnance de Ziegenhain après une intervention du landgrave. Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 268,14-269,15. À l'exception des fautes graves et publiques, « als da ist offentliche Gottes lesterung, verkehrung Christlicher leer oder so gar grohe wuste widerspenstigkeyt gegen allem guten, derhalhen Gott in seinem gesetz gehotten het » (Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 270,16-18). Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 268,6-9. 118 Le landgrave avait protesté contre ces mesures draconiennes. Voir Franz, 1951, p. 245.

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temps à tracer des frontières plus nettes entre la communauté et ceux qui se situent à l'extérieur, que l'on tient pour des païens Ces deux mouvements - celui qui intègre et celui qui exclut - sont essentiels pour la compréhension que Bucer a de la cure d'âmes et de la discipline ecclésiastique telle qu'il l'a développée dans Von der waren Seelsorge. « La cure d'âmes est toujours incorporation à la communauté du Christ ceux qui se sont éloignés de la communauté doivent y être ramenés, y compris par la contrainte (« zu volkomner gemeinschaft seines heils zu furen, ja, zu treiben und zu nôtigen^^^ »). Il faut comprendre l'intégration dans cette communauté comme un processus d'enseignement et de cure d'âmes qui dure la vie tout entière Pour Bucer, la pratique de la cure d'âmes par la communauté exprime le fait que Dieu tourne sa grâce vers l'être humain et que, dans sa communauté, le Christ continue d'agir par l'Esprit saint Ainsi, le fondement de cette pratique est l'action de Dieu, qui élit. Mais c'est pourquoi aussi les efforts de cure d'âmes, par la pratique de la discipline au sein de la commu¬ nauté, se voient poser des limites. Nul ne peut appartenir à l'Eglise du Christ s'il n'est pas réellement élu. Et, en dernière instance, celui qui est élu ne se fermera pas à une vie menée selon les critères de la discipline chrétienne. Si donc la proclamation et l'exhortation persévérantes des chargés d'âmes se heurtent à un refus, c'est un signe que la personne concernée n'est pas élue : « Ceux qui ne sont pas des brebis se dévoileront eux-mêmes lorsqu'on voudra les mener au pâturage du Christ » Mais même lorsque le dialogue et l'exhortation laissent la place à des mesures discipli¬ naires, le but n'en demeure pas moins le repentir du pécheur, sa réintégration dans la pleine communion de l'Eglise Bucer veut édifier une communauté de véritables chrétiens, dont la cure d'âmes exerce une attraction sur les personnes qui sont extérieures à cette communauté. e) Les tâches disciplinaires spécifiques des prédicateurs et la conclusion Avec les anciens, les prédicateurs sont responsables de la cure d'âmes et de la discipline au sein de la communauté La cinquième

^'Woir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 266,29, 268,4. Voir Niebergall, 1974, p. 257. Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 145,17s. Voir262,12s. (ordonnance de Ziegenhain). Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 262,10s. ; Niebergall, 1974, p. 267. Voir Niebergall, 1974, p. 255 et 243. Welche nit schaff sind, werden sich selh ôffnen, wenn man sie uff die weid Christi treiben wille. Note marginale de Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 145, aux lignes 19-21. Voir Niebergall, 1974, p. 262s. Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 263,16s. ; 265,1-7.

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et dernière partie de l'ordonnance de Ziegenhain^^^ traite des devoirs liés à la cure d'âmes et à la discipline qui incombent en particulier aux prédicateurs, lors de l'administration du baptême et de la cène, auprès des malades et à propos des vices de la boisson et des jurons. A la fin de cette ordonnance, on présente l'amélioration de la cure d'âmes et du ministère pastoral visée par les dialogues de Ziegenhain comme une tâche confiée par Dieu et par le prince, en accord avec l'Ecriture, et comme un devoir pour les théologiens qui signent ce texte. On mentionne expressément l'accord des conseillers du prince, des délégués des villes et du landgrave, accord qui confère à l'ordonnance sa validité dans les territoires de la Hesse. Pour ce qui est de la mise en œuvre de l'ordonnance, on prie le Christ d'accorder sa grâce et l'Esprit saint à tous les participants, afin que d'une part soient appelés des prédicateurs et des anciens compé¬ tents, et que d'autre part ils accomplissent consciencieusement leur ministère. III. Conclusions I. Comme le montre la citation d'Ac 20,28 que l'ordonnance de Ziegenhain met en exergue, elle comprend la discipline ecclésiale comme un ministère pastoral au sens premier de ce terme, comme une cure d'âmes au sens où l'expose l'écrit de Bucer Von der waren Seelsorge. Cette cure d'âmes a pour tâche de conduire vers la communauté chrétienne ceux qui lui sont extérieurs, de maintenir ses membres en son sein et de les pousser à une « amélioration quotidienne (tàgliche Besserung) » Bien que cette responsabilité incombe en principe à tous les chrétiens, elle a besoin de structures appropriées. Aussi l'ordonnance développe-t-elle trois nouveaux éléments, qui doivent soutenir cette cure d'âmes : a) le ministère des anciens y contribue tout particulièrement, sans pour autant exonérer la communauté de cette tâche ; b) la confirmation, qui est précédée d'un enseignement catéchétique, sert à instruire la jeunesse et à la conduire dans la communauté, qui est marquée par la cure d'âmes et la discipline ; c) la discipline ecclésiastique est régie de manière différenciée et concrète par des règles qui dépassent la simple référence à Mt 18. La discipline a pour visée première de gagner l'ensemble des baptisés à la pleine communion en Christ. Même l'exclusion des

Voir ibid., 271,30-275,22. Le but de toute discipline réside dans le fait que les êtres humains « dem herren [zii] gwinnen, behalten iind besseren » {ibid., 117,21). Voir/ôW., 311,37-43.

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indignes sert, en dernière instance, à leur amélioration et à leur intégration. Ainsi, la discipline ecclésiastique est, au meilleur sens du terme, intégrée dans la cure d'âmes. C'est à cause de sa visée d'ensemble - et non seulement de ses éléments pris isolément - que l'ordonnance apparaît comme l'œuvre de Bucer. Au centre de son ecclésiologie, en effet, on trouve l'Eglise comme communio Christi^^^, communion des chrétiens avec le Christ et entre eux, ainsi qu'elle s'exprime en particulier dans la cène. A côté du rassemblement de la communauté autour de la Parole et des sacrements, Bucer comprend aussi par cette expression à la fois le long processus de dévouement au Christ et la communauté des croyants accompagnée par la doctrine, l'éducation et la cure d'âmes. Comprise comme cure d'âmes, la discipline ecclésiastique reçoit de facto chez Bucer le statut d'une troisième marque de l'Eglise Le processus de croissance quantitative et qualitative de la communauté est l'œuvre non pas des croyants, mais du Christ par son Esprit La cure d'âmes et la discipline ecclésiastique se situent dans le cadre plus large de l'action de Dieu, qui élit, et de la croissance du regnum Christi dans le monde 2. L'ecclésiologie de Bucer permet de comprendre pourquoi il parvint à un accord avec les anabaptistes de Hesse. En effet, on peut établir un certain nombre de convergences entre ses conceptions et celles des anabaptistes. a) Pour Bucer comme pour les anabaptistes, le baptême des enfants exige d'être complété. Toutefois, tandis que les premiers soulignent, de manière unilatérale, la confession et les exigences qui découlent du baptême, Bucer met également l'accent sur la grâce Dans sa perspective, la confirmation répare en quelque sorte la confession liée au baptême et les exigences éthiques vis-à-vis de la communauté chrétienne Dans la perspective des anabaptistes, l'institution de la confirmation permit de surmonter les manques les plus criants du baptême des petits enfants. Les positions de Bucer

■''' Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 91 note 2. Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 261,6s. ; 265,3s. Voir Sehling, 1965, p. 102, note 7. En 1543, Bucer écrivit au landgrave : << Dann in diesem, da man die notwendigen instrument der religion, αΐβ bestellung der kirchen und unterhaltung irer noturfftigen diensten, wôlte fallen lassen, konde ich anders nit sehen, dann gantze verlassung der religion. » (Lenz, 1889, p. 170.) Voir Niebergall, 1974, p. 243. Voir Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 241, 254s. 1^4 ^ Le rabaptême est, selon Bucer et les superintendants de Hesse, « ein schwere sunde und verachtonge der gnaden Christi [!], in der kintheit entpfangen ». (Franz, 1951, p. 259.) Voir Frôr, 1965, p. 172 : « [Fine] gleichsam unterschwellige Verbindung zwischen Taufe und Konfirmation, ein impliziter Gleichschritt zwischen Frwachsenentaufe und Konfirmationsversprechen und ein ebenso implizites Nachholen des Fehlenden ist nicht zu ubersehen. »

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lui permirent de faire un pas en direction des anabaptistes, sans sacrifier pour autant la validité du pédobaptisme. Mais on ne parvint pas à un accord parfait entre les deux positions ; un tel accord n'était d'ailleurs pas nécessaire b) Une autre convergence réside dans le motif de la pureté de la communauté eucharistique. Pour les anabaptistes, la vie chrétienne à l'exemple du Christ impliquait de ne pas communier avec des personnes indignes et donc d'exclure les pécheurs de la cène. Bucer put accepter ce motif, qui trouva sa place dans l'ordonnance de Ziegenhain : « Il ne peut pas y avoir d'Eglise sans excommuni¬ cation » Toutefois, Bucer replaça ce thème dans le cadre plus large de la cure d'âmes, qui vise à l'intégration complète de tous les baptisés dans la communio Christi Cet accent placé sur la cure d'âmes distingue Bucer et l'ordonnance de Ziegenhain des anabaptistes, en dépit de leurs convergences. Pour les seconds, c'était la sainteté de la vie et de la communauté chrétiennes qui prévalait, tandis que Bucer se préoccupait de rechercher les brebis perdues. L'ecclésiologie des anabaptistes tendait vers une Eglise de purs, celle de Bucer vers une communauté rassemblant tous les baptisés, y compris les pécheurs, pourvu que ces derniers se sou¬ mettent à la cure d'âmes et à la discipline c) Une troisième convergence concerne la préoccupation éthique. Pour les uns et les autres, il en allait de 1'« amélioration du petit peuple du Christ (besserung bei dem vôlcklin Christi) ». Mais les anabaptistes ne tenaient guère compte de l'ambivalence de l'existence chrétienne : pour eux, le baptisé était mort au péché et il attestait cette nouvelle naissance par ses œuvres. Pour Bucer et l'ordonnance de Ziegenhain, la « volstreckung des glaubens » - la rénovation de l'être humain - était un processus qui durait la vie tout entière et auquel la cure d'âmes fraternelle devait servir

Les affirmations des anabaptistes, d'une part, de Bucer et des superintendants de Hesse, d'autre part, témoignent à la fois d'un rapprochement et de différentes subsistantes. (Voir Franz, 1951, p. 252s. et 259.) Voir Franz, 1951, p. 168s. Nu mag kein kirch sein, sie muss ein ban haben. {Ibid., 215.) Voir ibid., 234. Cette différence se manifeste dans un propos de Bucer à l'adresse du leader ana¬ baptiste Georg Schnabel : «[...] wie muge inen nu der ban so hart anligen, so dock Christus das versameln so fleissig getrieben hab, meher dan das verbannen. » (Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 222 ; voir ibid., 234.). 140 ^ ' A I'encontre des anabaptistes, Bucer développa la doctrine réformatrice de l'Eglise comme corpuspermixtum. Voir Bucer, 1964 [1538-1539], p. 219s. et 232s. Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 260,16. Franz, 1951, p. 250. La formule vient des anabaptistes. Sur ce point aussi, des divergences avec les anabaptistes demeurèrent. Voir Franz, 1951, p. 247-251 et 257s.

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Les points de convergence que nous venons de signaler montrent que, du point de vue des anabaptistes, il fut possible de comprendre l'ordonnance de Ziegenhain comme un texte de compromis. En nul endroit, toutefois, Bucer ne sacrifia ses positions théologiques cen¬ trales. C'est précisément la théologie de Bucer - et plus particuliè¬ rement son ecclésiologie - qui renfermait le potentiel de consensus qui permit un accord avec les anabaptistes. 3. L'action de Bucer en Hesse lui a permis d'obtenir un succès indiscutable avec les anabaptistes. A la suite de la dispute de Marbourg et de la rencontre de Ziegenhain, non seulement les leaders du mouvement anabaptiste en Hesse, mais encore la plus grande partie de leurs communautés, retournèrent dans le giron de l'Eglise. Certains leaders s'engagèrent durant des années pour convertir leurs anciens coreligionnaires^"^^. Au printemps ou à l'été de 1539, un des principaux chefs anabaptistes, le Huttérite de Bohème Peter Riedemann rapporta avec dépit : Lorsque nous sommes arrivés en Hesse, nous avons été fort affligés. En effet, il y avait [autrefois] un grand peuple, mais ce dernier a été presque entièrement trompé par des esprits faux et trompeurs. A pré¬ sent, ils se rendent à nouveau dans les temples d'idoles [= les églises], pour recevoir le baptême des enfants et la nourriture idolâtre la cène]. D'autres abominations se sont produites et ici, presque tout [...] a changé Ainsi, grâce à l'ordonnance de Ziegenhain et à ses suites, le problème des rotten und Secten était résolu pour l'essentiel. Il n'en alla pas de même avec le second problème que l'ordon¬ nance de Ziegenhain voulait régler, « l'intempérance charnelle et les comportements relâchés (fîeyschliche ùppigkeit und verlassen wesen)^"^^ ». Au cours des années qui suivirent, Martin Bucer ne cessa de déplorer que le landgrave se montrât négligent dans la mise en œuvre d'un ordre, d'une discipline et d'une excommunication authentiquement chrétiens. Selon Bucer, ces carences et les défail¬ lances des pasteurs et des fonctionnaires mettaient en danger la conversion des anabaptistes Mais la divulgation, en 1540, de sa

Voir ibid., p. 263, 280 et 287s. Ce mouvement existe encore de nos jours en Amérique du Nord. Voir Packull, 2000. Wie wir nun in Hessen kommen sind, da ist grosser triibsal gewesen, dann es ist ein grosses volk gewesen, aber fast ailes verirret durch falsche, irrige geister ; werden wieder in gôtzentempel [se. KirchenJ, kindertaufen, gôtzenessen [se. Abendmahl] zu kriegen und andern gràueln gewiesen und haï sieh sehier ailes [...] abgewendet. (A Hans Amon, le leader de sa communauté en Moravie ; Franz, 1951, p. 266.) Voir Chudaska, 2003, p. 195s. Bucer, 1964 [1538-1539], 7, 261,2s. Ibid., 261,3s. Voir Lenz, 1880, p. 121 et 167 ; Lenz, 1889, p. 94s.

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bigamie n'avait pas rendu plus aisée la position de Philippe de Hesse en matière de mœurs. Néanmoins, par des mandements répé¬ tés, il a poussé, de concert avec ses superintendants, à la mise en œuvre de l'ordonnance relative aux mœurs Les protocoles de ces mesures attestent notamment les problèmes suivants : a) des manque¬ ments, chez les prédicateurs, relatifs à l'exercice de leur ministère et à leur comportement ; b) des résistances face à l'introduction du ministère des anciens ; c) un manque d'engagement dans la cure d'âmes et dans le recours à l'excommunication^^^ ; d) une fréquen¬ tation trop faible de l'enseignement catéchétique. Manifestement, l'absence de succès a pu engendrer chez le landgrave de la rési¬ gnation, même si, au fond, il poursuivit ses efforts en faveur de la discipline. L'ordonnance de Ziegenhain n'en demeure pas moins un épisode remarquable de l'histoire de la Réformation. Dans le landgraviat de Hesse, en effet, grâce aux conceptions théologiques et à l'engagement personnel du Réformateur de Strasbourg, on parvint à un accord avec les anabaptistes, alors qu'ailleurs il leur fallut subir de sanglantes persécutions. Leur intégration dans la nouvelle Eglise réformatrice fut en grande partie couronnée de succès. (Traduit de V allemand par Matthieu Arnold.)

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Voir Franz, 1954, n° 446, 476 et 548. Voir ibid., p. 376s., 399 et 448s. Il apparaît que les ordonnances de visitations, qui valaient principalement pour les prédicateurs, manquaient d'efficacité. 152 On ne les élit pas (voir ibid., p. 377 et 399), ou alors leur travail fut entravé et ils furent même agressés (voir ibid., 314 et 417). C'est ce que Bucer déplore particulièrement. Voir Lenz, 1889, p. 95 et 160s. Voir toutefois aussi Franz, 1954, p. 377 et 399.

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