Skip to content

Classiques Garnier

A World in Transition The Influence of the Reformation on Theology, Society and Politics

6

327

UN MONDE EN TRANSITION L'influence de la Réformation sur la théologie, la société et la politique Irene Dingel Directrice du Leibniz-Institut fur Europàische Geschichte Alte UniversitâtstraBe 19 - D-55116 Mainz

Résumé : En maints domaines, la Réformation put se rattacher à des éléments de rénovation de Γ Eglise remontant à la fin du Moyen Age, mais elle les dépassa largement. Les impulsions réformatrices venues de Wittenberg, avec notamment Martin Luther, puis d'autres centres de la Réformation dès le premier quart du XVf siècle, transformèrent l'Église et la piété, la famille et la société, ainsi que les aspects juridiques et politiques de l'existence d'alors. Un certain nombre de ces transformations ont marqué la société Jusqu 'à aujourd'hui. Notre article se concentre sur les évolutions qui mettent en évi¬ dence des éléments typiquement réformateurs et des changements dans la longue durée. Abstract : In many domains, the Reformation was linked to elements of renewal in the Church stretching back to the end of the Middle Ages, but these were quickly left behind. The reforming energy from Luther's Wittenberg, then in other centres of the Reformation, beginning in the first quarter of the century, transformed the Church and piety, family and society, along with contemporary legal and political aspects of life. A certain number of these transformations have marked society until the present day. This article outlines the evolutions from which typically reforming elements and long- term changes grew. \ A tous égards, la Réformation a été décisive pour l'histoire européenne. Car non seulement elle a changé la théologie et la piété chrétiennes, mais encore elle a eu des conséquences sur les struc¬ tures sociétales et politiques en Europe. De plus, elle a donné aux conceptions éthiques un fondement nouveau et elle a défini de nouvelles normes juridiques. Dés avant la Réformation, il est vrai, il y avait eu, à la fin du Moyen Âge, des mouvements de renouveau à l'intérieur de l'Église, ainsi que des critiques adressées aux structures et aux pratiques dominantes. C'est ainsi que les Vaudois, les disciples de Pierre Valdo (vers 1140-vers 1218), marchand originaire de Lyon, avaient exigé

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

7

1. DINGEL, UN MONDE EN TRANSITION

que les clercs revinssent à la pauvreté des apôtres et avaient mis fortement l'accent sur la prédication et l'étude de la Bible. La lec¬ ture de la Bible ne devait pas être réservée au clergé, mais il fallait l'autoriser aussi aux laïcs. Les Vaudois rejetaient l'invocation des saints, le purgatoire et les indulgences. De surcroît, la branche lom¬ barde des Vaudois remettait en question la doctrine et la pratique des sacrements dominantes, pour autant que la Bible ne les légi¬ timât point. Tout cela les fit rapidement soupçonner d'être des hérétiques ^ En Angleterre, on assista vers la fin du xiv^ siècle à l'apparition des Lollards, qui se réclamaient de John Wyclif (1330-1384), professeur de théologie à Oxford. Eux aussi faisaient de la Bible, qui circulait dans leurs milieux dans une traduction anglaise qui leur était propre, le point de départ et la norme de leur critique de l'Eglise et de leurs exigences de réformes. Wyclif comprenait l'Eglise davantage comme la communion des prédestinés que comme une institution extérieure structurée de manière hiérarchique. Tout comme les Vaudois, les Lollards exhortaient les ecclésiastiques à une vita apostolica. Ils voyaient dans le pape l'exacte antithèse du Christ, qui avait vécu dans la pauvreté, et ils le tenaient même pour l'Antéchrist. Plus tard, ils critiquèrent aussi la vénération des saints et la doctrine de la transsubstantiation, i.e., la doctrine qui exprime la transformation, dans la cène, des éléments du pain et du vin en coφs et en sang du Christ. Toutefois, cette critique divisa le mouvement, car elle mettait clairement à jour son caractère hérétique. Les Lollards perdirent l'appui dont ils jouissaient dans la société et il leur fallut subir de cruelles persécutions. Quarante-cinq ans après la mort de Wyclif, on brûla ses restes \ A la différence des Vaudois et des Lollards, les Hussites - ils tiraient leur nom de Jan Hus (vers 1370-1415) -, qui critiquaient, eux aussi, l'institution ecclésiale, purent s'établir en Bohème et en Moravie comme Eglise indépendante de Rome. Ils communiaient sub utraque specie, i.e., sous les deux espèces du pain et du vin, et justifiaient cette pratique par le fait qu'en 1433, le concile de Bâle avait autorisé les laïcs à recevoir le calice. Pour cette raison, on les appelait aussi « utraquistes ». La majorité de la population de Bohème se réclamait même de leur mouvement. Tout comme Valdo et Wyclif, Hus accordait la première place à l'Ecriture sainte. On trouvait également chez lui et chez ses partisans l'exigence que l'Eglise vive pauvrement, ainsi que la critique de son déclin moral et de la primauté du pape. Aussi n'est-il guère surprenant qu'on ait

^ Voir Benrath, 1988 [1967], p. 1-24. ^ Voir Benrath, 1988 [1967], p. 254-341 ; Hudson, 2002 [1988], p. 239-246.

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

8

329

accusé Hus d'hérésie. En juillet 1415, durant le concile de Constance, il fut livré au bûcher. Même si la Réformation de Martin Luther ne découle pas du mouvement hussite, lors de la dispute de Leipzig, en 1519, le Réformateur établit un lien entre sa personne et sa doctrine et Jan Hus. Ln 1531, il prononça l'affirmation suivante : S[aint] Jean Hus a prophétisé à mon sujet, lorsqu'il écrivit, depuis sa prison en Bohème : « A présent, ils vont rôtir une oie (car Hus signifie "oie"), mais dans plus de cent ans, ils entendront chanter un cygne. Celui-là, il faudra qu'ils le souffrent, et il demeurera, si Dieu le veut^. » Ainsi, la Réformation partageait certaines critiques et certains éléments de rénovation avec les mouvements de réforme de la fin A du Moyen Age. De même, des éléments de la piété personnelle, auxquels la mystique avait donné son empreinte, se prolongent dans la Réformation Néanmoins, la Réformation se fonde sur des éléments fon¬ damentalement nouveaux. Ces derniers ont été promus par une manière différente d'aborder l'Ecriture sainte, par la critique des structures hiérarchiques existantes, par la diffusion massive des idées réformatrices grâce aux nouveaux média et par leur réception efficace dans toutes les couches de la société. Cela provoqua des changements si profonds, tant dans la sphère publique que dans la sphère privée, que, a posteriori, on considère à bon droit que la Réformation marque l'avènement de l'époque moderne. On tient pour son point de départ l'année 1517, où Luther publia ses 95 thèses. Ln effet, ces thèses n'ont pas seulement provoqué une réflexion sur des questions théologiques centrales, mais elles ont surtout renforcé l'aspiration à un renouveau de l'Eglise et de la société ; cette aspiration fut soutenue par l'imprimerie, qui diffusa à grande vitesse tant le contenu des thèses que les écrits ultérieurs de Luther. Ln Europe, d'autres impulsions réformatrices se combinèrent avec celles venues en 1517 de Wittenberg ^ Ce qui fut caractéristique pour la Réformation et décisif pour la distance qu'elle prit avec la tradition fut le fait qu'elle s'orienta, de manière conséquente, d'après quatre critères que l'on peut résumer sous les mots d'ordre sola scriptura, solus Christus, sola gratia et sola fide. Même si les Réformateurs - tant Luther que Zwingli, Bucer ou Calvin - ne les formulèrent pas explicitement, ces critères

^ Martin Luther, Glosse aufdas vermeinte kaiserliche Edikt (1531), in : WA 30/III, 387, 6-10. L'historiographie a volontiers repris ces propos, et le cygne est devenu l'emblème de Luther. A propos de Hus et des Hussites, voir Benrath, 1988 [1967], p. 342-413 ; Bahleke, 2014, p. 35-39. ^ Voir à ce sujet Leppin, 2016. ^ Voir Dingel, 2016a.

REVUE D'HISTOtRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

9

1. DINGEL, UN MONDE EN TRANSITION

furent normatifs pour leurs doctrines et pour leurs positions socio- politiques. Certes, leurs conséquences touchaient en premier lieu à la proclamation de l'Église et à la piété individuelle ; mais, comme nous le verrons plus loin, les positions réformatrices marquèrent aussi de leur empreinte les structures et les domaines de compé¬ tence de la société et de la politique. En même temps, la diffusion de la Réformation mit irrémédiablement fin à la soi-disant unité religieuse de l'Europe au sein de l'Église chrétienne une. Il en résulta, pour le long terme, les grandes confessions chrétiennes qui existent encore aujourd'hui. Ce fut là un processus qui, bien sou¬ vent, fut lié à la formation des États territoriaux ainsi qu'aux transformations de la société et de la culture^. Ainsi, la Réformation fut au total un phénomène extrêmement complexe, dans lequel de nombreux facteurs agirent de concert et qui, en retour, eut des répercussions sur de nombreux domaines de la vie. Sur trois plans, il est manifeste que la Réformation s'est développée comme un phénomène de transition : l'Église et la piété ; la société et la famille ; enfin, le droit et la politique^. I. L'Église et la piété Jusqu'à nos jours, dans la sphère protestante, l'Eglise et la piété ont été marquées par les innovations de la Réformation. L'élément déterminant fut l'insistance de Luther sur l'Écriture sainte. Le Réformateur tint cette dernière pour l'unique autorité. Certes, auparavant déjà, la Bible avait été au centre de l'activité de Luther. Ainsi, lorsque, en 1512, il prononça son serment de docteur, il jura de « prêcher et d'enseigner » l'Écriture sainte « de manière fidèle et pure^ ». Et il débuta son enseignement à l'Université de Wittenberg par des cours sur l'Ancien et le Nouveau Testament : le Psautier de 1513 à 1515, puis l'épître de Paul aux Romains de 1515 à 1516. Dans un premier temps, il ne toucha pas à l'enseignement de l'Église, qui inteφrétait l'Écriture à l'aide des grands commentaires médiévaux et qui pratiquait la méthode dite des quatre sens de l'Écriture^. Mais la nouvelle voie réformatrice de Luther s'annonçait déjà^^. C'est notamment son commentaire de l'épître de Paul aux

WoirDingel, 2016a, p. 10-12. ^ Leppin, 2002 et Beintker, 2003, proposent deux manières différentes de comprendre ce qui, dans le mouvement déclenché par Luther, a été « réformateur ». ^Schwarz, 2004 [1986], p. 26. ^ Voir toutefois Dahan, 1999, qui juge qu'il y avait principalement deux sens, le sens littéral et le sens spirituel. Sur l'évolution théologique de Luther telle qu'on la perçoit d'après ses premiers cours, voir Brecht, 2013 [1981], p. 129-137 ; Arnold, 2017, p. 67-74.

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

10

331

Romains qui le vit prendre définitivement congé des modèles inter¬ prétatifs de la scolastique pour s'en remettre en premier lieu à la terminologie biblique, au véritable sens de l'Écriture, le sensus litteralis. Il avait été préparé à ce changement par l'humanisme biblique, qu'il avait connu durant ses études à Erfurt. En effet, l'appel humaniste « ad fontes ! », « retour aux sources ! », impli¬ quait que l'on redécouvrît la Parole de Dieu dans les traditions les plus anciennes qui étaient préservées et non plus qu'on la reçût par l'intermédiaire des Pérès de l'Église et des grands exégétes du Λ Moyen Age - c'est-à-dire de seconde main. En outre, Luther lut et comprit le texte biblique en se référant à sa propre existence. Ainsi, la compréhension nouvelle et libératrice qu'il eut de la justice de Dieu, grâce à sa lecture intensive de l'épître aux Romains, remonte à cette herméneutique biblique que l'on peut qualifier de relationnelle et d'existentielle Rapidement, la doctrine de la justification de l'être humain par la grâce seule, que Dieu offre par sa justice, devint le noyau de toute la Réformation. Pour Luther comme pour tous les Réformateurs en Europe, l'Écriture sainte devint l'autorité suprême, voire la seule autorité. C'est ce qu'annoncent déjà les 95 thèses. Certes, elles ne s'attaquaient ni à la structure de l'Église traditionnelle ni au fond de sa théologie, mais on trouve, dans certains passages, des affirmations qui renvoient à l'autorité unique et exclusive de l'Évangile. Ainsi, il est écrit à la thèse 55 : Le pape pense nécessairement que, si l'on prêche les indulgences - qui sont très peu de chose - au moyen d'une cloche, d'une procession et d'une cérémonie, il faut célébrer l'Évangile - qui est la plus grande des choses - avec cent cloches, cent processions et cent cérémonies Ou encore, à la thèse 62 : Le vrai trésor de rÉglise, c'est le sacro-saint Évangile de la gloire et de la grâce de Dieu ^ . Ce changement de perspective, qui éloignait de l'autorité ecclésiale pour conduire à celle de la Bible était, également un changement de normes. Il signifiait, en dernière instance, que ce n'était plus la hiérarchie des ministres de l'Église - avec le pape à leur tête - qui décidait de ce qui valait pour la vie de l'Église et de l'individu, mais une source historique, l'Écriture sainte, que l'on identifiait à l'Évangile, la Parole de Dieu. Cela eut pour conséquence que l'on plaça la prédication au centre du culte, alors qu'auparavant, on avait célébré ce dernier, sous la

''Voir Kôpf, 2014. 12 * Martin Luther, Disputatio pro declaratione virtutis indulgentiarum (1517), WA 1, 229-238 (ici, 236, 7-9). Traduction Luther, 1999 [1515-1523], p. 139. WA 1, 236, 22s. Traduction Luther, 1999 [1515-1523], p. 140.

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

11

1. DINGEL, UN MONDE EN TRANSITION

forme de la messe latine, en mettant l'accent sur l'eucharistie. Cette valorisation de la parole prêchée alla de pair avec une dépréciation des rites et des cérémonies. Pour la Réformation, comparés à la proclamation centrale de l'Evangile, ils étaient tenus pour des choses extérieures, dont on pouvait user avec une certaine liberté. Certes, avec sa Messe allemande, Luther établit - assez tardive¬ ment (1525-1526) - une nouvelle liturgie pour le culte mais avant cela, la prédication en langue vemaculaire s'était développée pour devenir un médium de premier rang pour la Réformation. Tandis que Luther et ceux qui partageaient ses opinions conservèrent l'ordre des péricopes hérité de la tradition, à Zurich, Zwingli s'en détacha. Il introduisit dans le culte la lectio continua, l'interprétation continue des livres bibliques, que l'on pratiqua par la suite éga¬ lement à Genève. Ainsi, la Réformation avait accompli un changement de perspec¬ tives et d'autorités. Ce n'était plus la papauté mais l'Ecriture sainte qui constituait la norme suprême. Dés la dispute de Leipzig, en 1519, il devint manifeste que ce changement avait aussi des conséquences sur les structures ecclésiastiques En fait, cette dispute aurait dû avoir lieu entre Johannes Lck, professeur à l'Université d'Ingolstadt, et Andreas Bodenstein von Karlstadt, professeur à l'Université de Wittenberg. Toutefois, dans la mesure où les thèses rédigées par Lck en vue de la dispute étaient dirigées contra novam doctrinam, contre la doctrine nouvelle, à savoir la théologie réformatrice de Luther, ce dernier se manifesta tout naturellement. On devait débattre tout d'abord de la primauté du pape, que Lck fondait sur le droit divin. En revanche, pour Luther, qui tenait le Christ pour le chef de l'Église, pas plus la papauté que le primat revendiqué par elle ne remontait à un ius divinum, à un droit divin qu'il aurait fallu trouver dans l'Écriture sainte. Pour lui, la papauté et son primat relevaient seulement du droit humain. Ces conceptions avaient des conséquences d'une grande portée. En effet, elles mettaient en doute le caractère contraignant, lié au salut, que l'on avait accordé jusqu'alors aux préceptes ecclésiastiques ou à l'autorité due au pape. Par ailleurs, cela mettait en question la structure hiérarchique dans l'Église, dans la mesure où Luther contestait également que l'on pùt tirer du droit divin la supériorité de l'épiscopat sur les autres ministères. Luther contesta même l'inerrance des conciles, que Lck avait postulée. Pour Luther, il était clair qu'aucune instance ecclésiale ne pouvait affirmer que quelque chose était nécessaire au salut dés lors que l'on ne pouvait pas fonder cette affirmation sur la

'Woir Ott, 2014. Voir Dingel, 2016a, p. 54-56 ; Arnold, 2017, p. 159-164.

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

12

333

Bible. Ainsi, il mit en doute l'autorité du pape^ de l'épiscopat et des conciles, auxquels il opposa le primat de l'Ecriture sainte. À ses yeux, la véritable Eglise, c'est-à-dire la communion de saints, avec pour chef unique le Christ, était devenue captive de ces structures. Cette captivité touchait en premier lieu aux sacrements, avec l'aide desquels, d'après la compréhension traditionnelle, l'Église et ses ministres transmettaient le salut. Mais la Réformation exigea que l'on passât également la compréhension des sacrements au crible de l'Écriture sainte. Luther le fit tout d'abord pour un lectorat savant, dans un écrit latin qui, plus tard, devait être compté au nombre des grands écrits réformateurs. De captivitate babylonica ecclesiae. Praeludium (1520) Augustin déjà avait défini le sacre¬ ment comme l'union entre un signe et une parole de promesse, mais, au fil du temps, l'Église avait attribué au sacrement une efficacité par le seul fait qu'il soit pratiqué. Luther ne garda pour sacrements que les actes de l'Église qui étaient attestés par la Bible et qui comportaient à la fois un signe fondé par le Christ en per¬ sonne et une parole de promesse liée à ce signe. Pour Luther, ce n'était pas l'accomplissement de ce rite par les hommes, mais la foi que Dieu provoquait en l'être humain qui rendait ce sacrement efficace Cette définition nouvelle du sacrement et le changement qu'elle impliquait (le passage d'une fête rituelle à un événement principalement spirituel) modifièrent en profondeur la vie de l'Église et la piété individuelle. En effet, des sept sacrements traditionnels il n'en resta que deux : le baptême et la sainte-céne. Par là, la Réfor¬ mation avait commencé à mettre en question les fondements de la conception ecclésiale traditionnelle du salut et à les définir d'une manière neuve, à partir de l'Écriture sainte. Tandis que, sur le plan purement extérieur, le rite du baptême ne changea pas (la Réfor¬ mation luthérienne garda même l'exorcisme, attesté dans l'Église ancienne tandis que les Réformés stricto sensu l'abolirent), la fête de la sainte-céne gagna une forme nouvelle. Luther repoussa, en le tenant pour non biblique, le refus de donner le calice aux laïcs. Certes, il ne poussa pas à ce que l'on introduisît immé¬ diatement la communion sous les deux espèces du pain et du vin, car pour lui, le don du salut dans la cène ne dépendait pas de la distribution de la coupe ; toutefois, le témoignage scripturaire parlait clairement en faveur de la communion « sous les deux espèces ». Quant à la doctrine de la transsubstantiation et les conceptions magiques qui y étaient liées, Luther ne trouva pas dans la Bible

^Woir WA6, 497-573. Voir Dingel, 2016a, p. 57-59 ; Arnold, 2017, p. 195-198. Voir le Petit livre de baptême (Taufhûchlein) de Luther, in : BSELK, 2014, p. 907, 1. 22-24.

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

13

334 1. DINGEL, UN MONDE EN TRANSITION d'élément qui les légitimât. Tous les Réformateurs rejetèrent ces conceptions. Cependant, à l'intérieur même du camp évangélique, on développa des compréhensions et des pratiques de la céne fort différentes. Comme on le sait, Zwingli et Luther se sont disputés plus tard pour savoir s'il fallait comprendre la céne de manière symbolique ou non. En outre, dans les territoires réformés, on introduisit la coutume de rompre le pain et l'on supprima les hosties, que le luthéranisme avait gardées. Par contre, dans l'ensemble du camp réformateur, on rejeta la compréhension traditionnelle de la messe comme sacrifice, compréhension qui faisait de ce sacrement une bonne œuvre. En effet, selon la conception traditionnelle, avec les éléments de la céne qui, sur l'autel, avaient été changés en corps et en sang, le prêtre présentait de nouveau à Dieu le sacrifice du \ Λ Christ pour les péchés des hommes. A la fin du Moyen Age, cette conception avait conduit à fonder de nombreuses messes, y compris pour ceux qui venaient de mourir, afin que cette bonne œuvre effaçât les peines auxquelles ils devaient s'attendre au purgatoire. Souvent, on érigea des autels et on embaucha des prêtres à ces fins. Aussi, la compréhension nouvelle du sacrement par la Réformation et la critique de la messe qui en résulta n'eurent pas seulement des conséquences théologiques et des effets manifestes sur la piété et ses expressions rituelles. Elles eurent également des effets très concrets sur la catégorie de prêtres qui devait son financement à ces fondations de messes : désormais, l'existence de ces nombreux plébans était enjeu. II. La société et la famille A lui seul, l'exemple de ces prêtres montre que la doctrine de la Réformation ne s'est pas limitée au domaine de l'Eglise et de la piété, mais qu'elle a dépassé leurs frontières et que ses effets se firent ressentir jusque dans les structures sociales. À la fin du Moyen Age, cette société était caractérisée par le fait que l'on distinguait l'état de clerc de celui de laïc et que l'on tenait le premier pour supérieur. En effet, les clercs, pouvaient vivre - par exemple, au cloître ou au couvent - dans des conditions qui leur permettaient, par l'accomplissement des rites cultuels, d'être véri¬ tablement justes, d'accomplir des bonnes œuvres et de mériter la grâce de Dieu. Ils pouvaient être plus proches de Dieu que le commun des mortels qui, par ses nombreuses relations dans le monde, était sans cesse soumis au péché. D'une certaine manière, l'état laïc avait même besoin de l'état spirituel, qui administrait le trésor de l'Eglise - l'accumulation des mérites du Christ et des saints - pour le présenter, en même temps que son intercession.

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

14

335

devant Dieu pour les pécheurs. En cette matière aussi, la Réforma¬ tion provoqua un bouleversement. Dés 1520, dans son écrit allemand A la noblesse chrétienne de la nation allemande. Au sujet de l'amélioration de l'état chrétien Luther avait développé l'idée du sacerdoce de tous les croyants - ou de tous les baptisés ; ce faisant, il avait mis en question non seulement la division de la société en deux états, mais encore la dépréciation de l'état laïc par rapport à l'état ecclésiastique. Luther affirma que, par le baptême, l'Evangile et la foi, tous les chrétiens sont, au même titre, les membres d'un unique et véritable état ecclésiastique. À le lire, tous sont pareil¬ lement - pour reprendre le langage de l'apôtre Paul - des membres du coφs du Christ. C'est pourquoi, exposa Luther, tous les baptisés - c'est-à-dire tous les chrétiens croyants - possèdent la toute- puissance sacerdotale. Si, malgré tout, il y eut, dans les nouvelles communautés évan- géliques et pour des raisons d'ordre public, un ministère ecclésial doté d'une fonction bien précise, c'est parce que la communauté confia à un chrétien compétent la tâche d'exercer officiellement ce ministère et lui conféra des pleins pouvoirs qui - selon la pensée réformatrice - revenaient en principe à l'ensemble des croyants De la sorte, sur ce point aussi, la hiérarchie ecclésiale fit l'objet de débats. Ces questions touchèrent également au droit ecclésial, qui était en train de se développer au sein de la Réforme, mais il ne nous est pas possible de développer ce point dans le cadre de la présente étude. Plus intéressant encore est le fait que, en surmontant la division de la société entre l'état ecclésiastique et l'état laïc, la Réformation mit en valeur les dimensions temporelles de la vie humaine. Dans son Jugement sur les vœux monastiques rédigé en 1521 et publié l'année suivante, Luther exprima cette valorisation de la vie tem¬ porelle plus clairement que jamais auparavant. Cet écrit fut occa¬ sionné par un débat qui, à l'automne de 1521, avait été provoqué à Wittenberg par Karlstadt et par Melanchthon et qui portait sur la validité des vœux des clercs séculiers, des moines et des moniales. Les trois vœux que l'on tenait pour perpétuels avaient trait au célibat, à la pauvreté et à l'obéissance. Mais la Réformation les mettait désormais en cause. Luther avança cinq arguments contre le caractère contraignant des vœux peφétuels, le quatrième se rapportant clairement à la place de l'être humain dans le monde. En effet, il

Voir WA 6, 404-469 ; Kaufmann, 2014. Voir Dingel, 2016a, p. 56s. ; Arnold, 2017, p. 190-193. Cf. Confessio Augustana V, in :BSELK, 2014, p. 100s. Voir WAS, 573-669.

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

15

1. DINGEL, UN MONDE EN TRANSITION

constata qu'au fond, les vœux méprisaient les commandements de Dieu et portaient atteinte au commandement d'amour pour le prochain : ils enlevaient notamment aux moines et aux nonnes la possibilité d'accomplir leurs devoirs envers leurs parents. Luther tenait les vœux monastiques pour une manière arbitraire d'échapper aux liens voulus par Dieu, à savoir aux tâches et aux responsabilités qu'il confie à chaque être humain. Certes, Luther ne voulait pas supprimer fondamentalement le monachisme, mais il souhaitait que, dans cette forme de vie aussi, la liberté fût pré¬ servée. Il lui importait par ailleurs que la vie conventuelle ne fût pas considérée comme la voie privilégiée menant au salut Pour l'ensemble des Réformateurs, la vie au sein d'une communauté chrétienne de type monastique ne valait pas plus que le culte que chacun des autres chrétiens célébrait au quotidien. Ces considé¬ rations sur l'état monastique, que les Réformateurs fondaient sur la Bible, touchaient principalement à la valorisation du célibat. Elle céda le pas devant la valorisation de la vie dans ses domaines les plus quotidiens. Ainsi, la vie en tant que pére ou mére de famille, avec le souci pour ses enfants, pour sa domesticité et pour ses propres parents, ou encore l'attention portée au bien-être de ceux dont on a la responsabilité dans le cadre de son travail, reçurent un sens nouveau et l'on considéra qu'ils étaient voulus par Dieu et lui étaient agréables. La Réformation développa une conception du travail comme vocation, dans laquelle cette dimension de respon¬ sabilité et de transformation du monde avait une position centrale Il en résulta - en contrepoint à la dépréciation du célibat - une sorte de sacralisation du mariage et de la famille. Le luthéranisme de la deuxième génération vit dans la famille une communauté divine « en miniature ». Ainsi, Tileman Heshusius parla d'une « communauté de Dieu qui devait être rassemblée dans les maisons par les pères de famille ». De fait, Luther avait conçu le Petit catéchisme (1529) notamment pour l'enseignement de la foi dans le cadre du cercle familial ; ce dernier devint ainsi la cellule de base de la communauté chrétienne. En effet, le Réformateur tenait le catéchisme pour une « Bible destinée aux laïcs » et pour un résumé de l'Ecriture sainte Quiconque en ignorait le contenu ne pouvait se dire chrétien.

Voir Lohse, 1963, p. 356-370. Voir Wingren, 1952. Vgl. Trewe Warnung / fu(e)r den Heidelbergischen Caluinischen Catechifimum / sampt wiederlegung etlicher jrthumen desselhen. D. Tiîemannus Hefihushis Exul Christi. ... s. 1. [Eisleben], sans indication d'imprimeur, 1564, f° A5a. Luther, prédications catéchétiques, 2^ série (14 septembre 1528), WA30/I, 27, 26s. Voir aussi WA Tr n° 6288 : 5, 581, 30-32 et BSELK, 2014, p. 841-846 (introduction de Robert Kolb au Grand catéchisme et au Petit catéchisme) et 852-910 {Petit catéchisme).

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

16

337

« Quant à vous, les parents, exhorta-t-il, il en va de votre respon¬ sabilité que vos enfants apprennent ces choses. Faites de même dans les familles, etc. Celui qui les ignore est indigne de manger son pain^^. » Le fait que la Réformation se réclamât de l'Écriture sainte comme autorité suprême, la redécouverte de l'Évangile, le nivellement de l'état spirituel et de l'état temporel et la notion de sacerdoce uni¬ versel, toutes ces choses allèrent de pair avec la redécouverte de l'éducation^^. Car l'accès à l'Écriture sainte, la lecture de la Parole de Dieu et Γinteφrétation des textes conforme à la philologie ne pouvaient plus être réservés à des ministres en particulier. Chacun devait avoir accès à l'Écriture et avoir la possibilité de l'étudier. Car l'individu - ainsi que le concevaient les Réformateurs - était en relation immédiate avec Dieu. Il n'avait plus besoin de la médiation de tiers, comme par exemple les saints ou la Vierge. Mais cela signifiait également que chacun devait être rendu capable de lire l'Écriture sainte et de la comprendre. C'est pourquoi l'éducation devait être accessible à tous, garçons et filles. Certes, en principe, cette revendication n'avait rien de neuf : dans la période qui avait précédé la Réformation on considérait déjà l'instruction et l'éducation comme le bien à atteindre, et, pour ce faire, on pouvait se fonder sur une longue tradition. Mais la Réformation donna aux structures anciennes des contenus neufs, et elle s'attacha à ce que l'éducation ne fût plus réservée à quelques-uns - principalement les clercs -, mais devînt accessible à tous. L'instruction scolaire fut réformée. On fonda de nouvelles écoles pour les garçons et les filles. Même les universités - pour autant qu'elles se rattachèrent à la Réformation - furent soumises à un programme de réforme, tel que Melanchthon l'avait formulé dés sa leçon inaugurale à Wittenberg, en 1518 On se passa de l'autorisation du pape pour ouvrir des universités, on augmenta le nombre des disciplines étudiées et l'on changea le contenu des enseignements. L'éducation devait servir non seulement à transmettre des savoirs, mais encore à rendre les personnes enseignées responsables - tant dans leur vie personnelle, en relation avec Dieu, que dans leurs actes en tant que membres d'une communauté sociale et politique. Les Réformateurs pouvaient déduire de l'Écriture sainte - et en particulier des commandements

Luther, prédications catéchétiques, 2^ série (14 septembre 1528), WA 30/1, 27, 31-33. Voir Dingel, 2016a, p. 164-168. Dès 1517, soit avant sa première rencontre avec Luther, dans son discours De artibus liberalibus, Melanchthon avait souligné la valeur d'une éducation qui englobe l'ensemble des arts libéraux. Voir Melanchthon, 1961, p. 17-28 (= Οοφυ8 Reformatorum 11, 5-14), et Millier, 1988. La leçon inaugurale de Melanchthon à l'Université de Wittenberg (28 août 1518) avait pour titre programmatique De corrigendis adolescentiae studiis (voir Melanchthon, 1961, p. 29-42 = Corpus Reformatorum 11, 15-25). .

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

17

1. DINGEL, UN MONDE EN TRANSITION

divins - ces impulsions données à l'éducation. C'est ainsi que, dans son Grand catéchisme (1529), Luther interpréta le quatrième commandement, « Tu honoreras ton pére et ta mére », en soulignant non seulement que les enfants devaient traiter leurs parents avec une crainte respectueuse, mais encore qu'une relation parents-enfants fructueuse devait se fonder sur la réciprocité : les parents avaient le devoir de donner à leurs enfants une éducation appropriée De même, en milieu réformé, le Catéchisme de Heidelberg (1563) fait découler du Décalogue le devoir d'instruire et d'éduquer. Lorsqu'il inteφréte le commandement selon lequel on doit sanctifier le jour du repos (dans la tradition réformée, il s'agit du quatrième comman¬ dement), il affirme notamment : « En premier lieu. Dieu veut que l'on maintienne le ministère de la prédication et les écoles » En plaçant l'accent sur l'éducation, les grands Réformateurs entendaient aussi s'opposer à des tendances qui, à la marge du camp évangélique, s'opposaient à l'instruction. C'est ainsi que des tendances anticléricales avaient souligné le droit, pour 1'« homme du commun », de passer l'enseignement de l'Eglise traditionnelle au crible de l'Ecriture sainte, laquelle s'ouvrirait même à une intelligence simpleMême Karlstadt, l'ancien collègue de Luther à l'Université de Wittenberg, mit en question l'utilité des études universitaires pour comprendre l'Ecritureil abandonna le titre de docteur qu'il avait acquis dans l'ancien système et se retira, en tant que «frère André», dans la petite paroisse d'Orlamunde^^ Les Réformateurs tels que Luther contestèrent sa position ; ils s'opposèrent à l'opinion populaire qui était en train de s'établir, selon laquelle l'abolition d'un état ecclésiastique supérieur à l'état laïc mettait aussi en cause le sens de l'éducation. L'écrit de Luther Aux magistrats de tous les villes allemandes, afin qu'ils établissent et entretiennent des écoles^"^ (1524) nous renseigne sur l'existence de cette opinion.

Voir Luther, Grand catéchisme, in : BSELK, 2014, p. 990, 4 - 992, 9. Voir le Catéchisme de Heidelberg, question 103, in : BSRK, 1987, p. 711, 36-39 (citation : p. 711, 39). Voir par exemple les dialogues réformateurs de Hans Sachs de 1524 : Disputation zwischen einem Chorherren iind Schuchmacher... ; Ein gesprech von den Scheinwercken der Gaystlichen... ; Ein Dialogus [...] den Geytz [...] betrejfend ; Ain gesprech eins Evangelischen christen..., in : Sachs, 1974 [1524], p. 41-71, 73-92, 93-117 et 119-141. 32 Φ M M M Voir à ce sujet la dialogue exemplaire composé par Karlstadt, dans lequel c'est le simple laïc Peter qui donne l'explication correcte de la doctrine de la cène : Dyalogus. Von Frembdem glauben. Von Glauben der kirchen. Von Tauff der Kinnder. Jetzundt new aufigangen. M.D.XXvij. [s. 1., sans indication d'imprimeur.] Cf. Pater, 1984. A Wittenberg, le maître d'école Georg Mohr était d'avis qu'il fallait retirer les enfants des établissements scolaires. De fait, pour un temps, l'école de la ville fut transformée en boulangerie. Voir Brecht, 2013 [1986], p. 140. Voir Sider, 1974, p. 148-303. Voir WA 15, 27-53.

REVUE D'HISTOtRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

18

339

Et comme les gens, dans leur grande masse, tournés vers la chair, constatent qu'ils n'ont plus ni le devoir ni la possibilité de faire entrer leurs fils, leurs filles et leurs parents dans des eouvents et des institutions religieuses [...], personne ne veut plus faire apprendre ni étudier les enfants. « Mais, disent-ils, que doit-on leur faire apprendre si leur avenir n'est plus d'être prêtres, moines ou nonnes ? Qu'on leur fasse apprendre plutôt un métier qui les nourrira » Le Réformateur s'opposa énergiquement à cette conception résignée et purement utilitaire en arguant des conditions particuliè¬ rement favorables qui existaient pour l'instruction et l'éducation : il y avait à présent de nombreux personnes cultivées, versées dans les langues, qui étaient prêtes à instruire la jeunesse. Luther voyait dans ce fait un signe manifeste de la grâce divine, dans la mesure où, même si Dieu révélé chaque jour son Evangile aux hommes d'une manière nouvelle par l'Esprit saint, il ne le donne à comprendre qu'au moyen des langues seules Plus largement, tous les Réformateurs jugèrent que, employées convenablement, les langues étaient porteuses de savoirs, de contenus et de connais¬ sances qui avaient trait à l'existence aussi bien spirituelle que temporelle de l'être humain. C'est pourquoi, l'apprentissage des langues - Luther pensait en premier lieu à l'hébreu, au grec et au latin, mais aussi à une maîtrise correcte de la langue vemaculaire - était indispensable, [car] si nous nous égarons au point d'abandonner les langues - Dieu nous en préserve -, nous ne perdrons pas seulement l'Évangile, mais nous tomberons si bas que nous ne saurons plus parler et éerire eorrectement ni le latin ni l'allemand [...]. Et ils ceux qui vivent au couvent ou à l'université et faillissent à leur mission d'enseignement] ont quasiment perdu la raison donnée par la nature Ainsi, l'éducation servait à un but existentiel, l'accès à la Parole de Dieu. Mais pour les Réformateurs, elle servait également à préserver un « bon ordre », c'est-à-dire un ordre, fondé par Dieu, grâce auquel les êtres humains pouvaient vivre ensemble. Luther, comme les autres Réformateurs, voyait cet ordre enraciné dans les trois domaines de l'Église (ecdesia), de l'autorité temporelle (politia) et de la famille (oikonomia), même si l'état spirituel, lié à Vecclesia, avait perdu sa préséance par rapport aux autres domaines de la

WA 15, 28, 11-16. Traduction Luther, 2017 [1523-1546], p. 116. Voir WA 15, 37-43, et notamment 37, 11-13 : « Niemant hat gewust, warumb Gott die sprachen erfu(e)r lies komen, bis das man nu allererst sihet, das es umb des Euangelio willen geschehen ist, wilchs er hernach hat wo(e)llen offinbarn [...]. » " WA 15, 38,12-15 et 20s. Traduction Luther, 2017 [1523-1546], p. 127s. Melanchthon s'opposa pareillement à la conception, que défendaient les Schwàrmer, selon laquelle ceux qui prêchaient l'Evangile n'avaient besoin de connaître que l'allemand. Voir Hahn, 1957, p. 10.

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

19

1. DINGEL, UN MONDE EN TRANSITION

vie^^ Le règne temporel, qui se réalisait dans la fonction de l'autorité civile municipale ou territoriale ou dans celle du père ou de la mère de famille, valait pour la Réformation comme « un ordre et un état divins » au même titre que le règne spirituel, avec ses tâches et ses ministères. Lorsque les représentants de ces états œuvraient de manière « informée et compétente (gelert und geschickt)"^^ » dans leurs domaines de compétences respectifs, leur action était conforme à la volonté de Dieu, lequel, selon la doctrine luthérienne de la vocation les avait institués dans ces fonctions. Luther souligna expressément cet aspect de l'éducation, qui avait des visées temporelles. Quand bien même l'enseignement, tourné vers l'apprentissage des métiers manuels nécessaires, serait inutile pour comprendre l'Ecriture et l'action divine, cet aspect mondain - l'acquisition de compétences spécifiques - serait, à lui seul, une raison suffisante pour « instituer, en tous lieux, les meilleures écoles possibles pour garçons et filles [...] » : Le monde, pour maintenir extérieurement Tétat temporel, a besoin d'hommes et de femmes formés, afin que les hommes puissent bien diriger le pays et les gens, et les femmes gouverner la maison et éduquer les enfants et les domestiques. [...] C'est pourquoi, il s'agit d'instruire et d'élever correctement garçons et filles dans cette perspective"^^. m. Le droit et la politique La Réformation provoqua également des changements signi¬ ficatifs dans le domaine du droit et de la politique. Le matin du lundi 10 décembre 1520, Luther, Melanchthon et des étudiants de l'Université de Wittenberg se rendirent à la porte de l'Elster pour brûler, outre un exemplaire imprimé de la bulle qui menaçait Luther du ban et quelques écrits scolastiques, une édition du Corpus luris CanonicC^. Par cet acte, ils firent la démonstration publique qu'ils s'opposaient non seulement à la théologie régnante, mais encore au droit canon alors en vigueur. De fait, le droit canon, que l'on enseignait à l'université depuis le xif siècle, avait une grande influence dans la vie ecclésiale, sociétale et politique. De nombreux papes marquants provenaient du milieu des canonistes. Dans l'Eglise,

^WoirWA15, 44. WA 15, 44, Ils. WA 15, 44, 23. Voir Wingren, 1952, notamment p. 52-60. WA 15, 44, 26-33. Traduction Luther, 2017 [1523-1546], p. 134. Voir Dingel, 2014. Par cet acte, ils réagissaient au fait qu'à Louvain et à Cologne, les autorités ecclé¬ siastiques et universitaires avaient troublé le peuple en brûlant des écrits de Luther. Voir Arnold, 2017, p. 167s.

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

20

341

le droit canon s'était développé au point que l'on comprenait tout naturellement les actes sacramentels à l'intérieur de ce cadre juri¬ dique. Le sacrement de la pénitence, aux dérives duquel Luther s'était attaqué dans le cadre de ses 95 thèses, constitue un exemple remarquable de ce développement. On comprenait la pénitence comme une réparation pour la faute commise par l'être humain. C'est pourquoi elle était accomplie lorsqu'une peine proportionnelle à la faute commise, imposée par Dieu ou par l'Eglise, avait été purgée et qu'une parole d'absolution libératrice avait été prononcée. Dés le vf siècle, on avait rédigé des libri poenitentiales, des ouvrages qui codifiaient les peines que méritaient les différents péchés Luther souligna au contraire que la pénitence était une conversion qui durait la vie tout entière. Ainsi, la Réformation sup¬ prima l'intrication entre la théologie et le droit canon qui déter¬ minait toute la vie ecclésiale et spirituelle, et il lui fallut, en retour, créer de nouvelles structures juridiques. La nouvelle manière de considérer le droit canon se manifesta tout particulièrement au sujet du mariage. La Réformation abolit la plupart des empêchements de mariage liés à la parenté, que le droit canon avait déduits de l'Ancien Testament et qui allaient bien au- delà des liens du sang. Par ailleurs, comme les Réformateurs ne tenaient plus le mariage pour un sacrement - il était dépourvu de parole de promesse fondée sur la Bible et de signe visible -, il devint pour eux une « affaire temporelle (weltlich Ding) », ce qui d'ailleurs n'implique pas qu'ils aient minimisé son importance. Aussi la Réformation ne traita-t-elle plus dans le cadre du droit ecclésial traditionnel les questions juridiques qui avaient trait à la vie en commun entre un homme et une femme, mais elle les fit examiner par des consistoires ou des tribunaux ecclésiastiques, au sein desquels étaient représentés des juristes aussi bien que des théologiens. Le Réformateur strasbourgeois Martin Bucer rédigea des mémoires pour les conseils des villes de Berne, d'Augsbourg et d'Ulm, qui constituèrent autant de repères pour le droit protestant. Ce dernier autorisait alors déjà - mais seulement sous certaines conditions - le divorce avec possibilité de remariage Il est vrai que la Réformation reprit certaines des dispositions du droit canon, pour autant qu'elle pouvait les accorder avec ses propres prémisses théologiques. Pour traiter les affaires conjugales, elle prit désormais

Voir Kôrntgen, 1994. Sur les livres pénitentiels au XV^ siècle, voir Tender, 1977. Voir Witt, 2017. Le mémoire que Bucer rédigea pour le Conseil de la ville d'Ulm, Von der Ehe und Ehescheidung ans gôîtlichem und kaiserlichem Recht, joua un rôle déterminant. Plus tard - mais sans que l'auteur ne soit mentionné -, il entra dans le compendium du droit matri¬ monial réalisé par Erasmus Sarcerius (1501-1559), superintendant de Mansfeld, et connut ainsi une large diffusion. Il est édité en Bucer, 2001 [1524-1543], p. 163-404.

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

21

1. DINGEL, UN MONDE EN TRANSITION

pour fil conducteur l'Ecriture sainte, que l'on tenta de concilier avec le droit romain, dans la mesure où ce dernier avait été largement influencé par l'empereur chrétien Justinien. Par ailleurs, la définition réformatrice du mariage comme état sanctifié par Dieu ayant un rôle capital dans la société joua aussi un rôle important. Il fallait vivre en miniature, au sein du mariage et de la famille qui relevaient des ordres participant à la création divine, ce qui valait de manière générale pour l'ensemble de la vie chrétienne : une vie dans laquelle on se savait constamment tributaire de la grâce de Dieu et appelé à servir son prochain On pourrait citer de nombreux autres exemples de la manière dont la Réformation a changé les réalités juridiques et a donné, en matière de droit, de nouveaux contours aux différentes sphères de l'existence. Un des domaines les plus importants fut, sans aucun doute, ce que nous appellerions aujourd'hui le droit ecclésiastique protestant. Dans les ordonnances ecclésiastiques protestantes ce droit fut créé à frais nouveaux, sur la base d'une conception réfor¬ matrice de l'Eglise. La politique entra aussi en ligne de compte. En effet, ce furent les autorités temporelles qui édictérent les ordon¬ nances ecclésiastiques et qui les firent entrer en vigueur dans leurs territoires. Qu'elles se soient senties concernées par des questions religieuses ne s'explique pas seulement par des intérêts liés au pouvoir et à la politique. Leur comportement eut bien plutôt d'authentiques fondements théologiques. À la base de ce compor¬ tement, on trouve la conception selon laquelle la communauté politique s'identifie au Corpus christianum. C'est ainsi que, dans son écrit À la noblesse chrétienne... (1520), Luther avait parlé, en se fondant sur le sacerdoce de tous les croyants, des autorités temporelles comme de « mitchristen » ou de « mitpriester ». « En toutes choses », elles sont « mitgeystlich » et « mitmechtig^'^ ». En raison de la mauvaise volonté des autorités ecclésiastiques à mettre en œuvre des réformes et de l'implosion des structures anciennes, il en avait appelé par la suite aux autorités civiles comme à des « évêques par nécessité (Notbischôfe) ». De plus, la Diète de Spire de 1526 leur avait laissé la libre appréciation d'introduire ou non la Réformation ; du moins est-ce en ce sens que les États évangéliques avaient interprété le recés de la diète. Melanchthon considérait lui aussi qu'une autorité civile chrétienne est responsable non seulement du vivre ensemble des êtres humains, mais encore de leur bien-être

Voir Bucer, 2001 [1524-1543] et Frassek, 2005. 48 4 * * 44 Voir l'édition Die Evangelische Kirchenordnungen des XVI. Jahrhunderts (Leipzig, 1902 - Tubingen, 2016), fondée par Emil Sehling et poursuivie par la Heidelberger Akademie der Wissenschaften, sous la direction de Eike Wolgast. WA6, 413, 30s.

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

22

343

spirituel. En 1534, il parla de la custodia utriusque tabulae, c'est-à- dire du fait que cette autorité doit veiller sur les deux tables de la Loi. En tant que praecipuum membrum ecclesiae, la cura religionis lui revient. En d'autres termes, la Réformation exhorta les princes territoriaux et les conseils des villes d'Empire à accomplir leurs devoirs chrétiens à la fois dans leur fonction de gouvernants et en tant que membres de la communio sanctorum, sans toutefois leur accorder de nouveaux droits dans l'Église. C'est ainsi que les ordonnances ecclésiastiques rappellent aux autorités temporelles le devoir de protéger le ministère de prédicateur, d'établir les céré¬ monies adéquates ou encore de se soucier du maintien des bonnes mœurs. C'est dans le sens de cette cura religionis que, dés 1527-1528, en Saxe électorale, le prince ordonna une importante visite pastorale ; on la tint pour exemplaire et elle constitua le point de départ d'une nouvelle manière d'administrer les affaires ecclésiastiques^'^. Toute¬ fois, ce furent seulement la Paix de Passau^' (1552) puis la Paix religieuse d'Augsbourg^^ (1555) qui posèrent les fondements juri¬ diques du gouvernement de l'Église par les princes territoriaux. Dans les territoires passés à la Réformation, la juridiction spirituelle fut confiée alors aux autorités civiles, de sorte qu'à partir de ce moment elles purent se réclamer non plus seulement des comman¬ dements de Dieu, mais encore du droit impérial. Désormais, dans leurs territoires, elles étaient porteuses du ius cpiscopalc (elles le demeurèrent jusqu'en 1918^^), même si, en régie générale, elles déléguèrent ce droit aux consistoires ou aux conseillers ecclésiastiques qu'elles avaient institués Toutefois, cette intrication des composantes juridiques et des constellations politiques ne fut possible que dans le cadre des structures de l'ancien Empire romain germanique, dont nombre des territoires aspiraient à l'autonomie et étaient favorables à la Réfor¬ mation. Dans les Églises calvinistes de l'Europe de l'Ouest, qui étaient persécutées par des pouvoirs centralisés, une telle solution juridico-politique n'était guère envisageable. Malgré cela, il se

Le Unterricht der Visitatoren an die Pfarrherren im Kurfûrstentum Sachsen, publié en 1528, posa le fondement de cette visite pastorale, qui devait servir à former les pasteurs et à introduire les pratiques évangéliques. Voir Corpus Reformatorum 26, 29-95. Voir Drecoll, 2000. Voir Gotthard, 2006 [2004] ; Schilling - Smolinsky, 2007. Le texte de la Paix religieuse d'Augsbourg se trouve chez Walder, 1974, p. 41-69. Voir aussi les recherches menées sur les paix religieuses en Europe par le Leibniz-Institut fiir Europâische Geschichte : http://www.religionsfrieden.de. 53 ' ' La constitution de Weimar mit un terme au gouvernement des Eglises par les princes. L'article 137 formula l'autonomie des Églises. Quant aux consistoires, ils subsistèrent en tant qu'organes purement ecclésiastiques. '''voir Dingel, 2001.

REVUE D'HISTOtRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

23

1. DINGEL, UN MONDE EN TRANSITION

produisit en France une politisation manifeste du protestantisme Elle eut lieu au moment où la haute noblesse se rallia d'une part à la Réformation pour des motifs de conscience et s'en servit d'autre part pour gagner plus d'autonomie face à un roi qui ne cessait de centraliser son pays. A lui seul, cet exemple montre combien diverses purent être les conséquences de la Réformation sur les plans du droit et de la politique, et combien variés furent les modèles d'organisation religieuses auxquels elle mena en Europe.

Conclusion

La Réformation ne fut pas un « simple » mouvement de renouveau qui exprima des critiques et entreprit des améliorations. Elle alla bien au-delà de cela, car elle entreprit de réorganiser l'Église et la piété, la société et la famille, le droit et la politique, bref, tous les domaines de la vie. A l'arriére-plan de ces transfor¬ mations, on trouve un changement profond d'autorités et de normes. C'était la Bible, avec les valeurs dont elle était porteuse, qui devait être l'autorité déterminante pour la vie ecclésiale et temporelle, et la norme décisive pour un vivre ensemble fonc¬ tionnel et agréable à Dieu, sur le plan du droit et de la politique. Dés 1521, Luther exprima cette exigence lorsque, devant Charles Quint et les représentants des États de l'Empire, il se réclama de sa conscience, captive de la Parole de Dieu. C'est ce qu'exprimèrent aussi, en 1529, les États qui protestèrent à Spire et qui, en invo¬ quant leur foi, demandèrent que l'on garantît le droit de la minorité contre les décisions de la majoritéC'est ce que prêchèrent tous les Réformateurs lorsqu'ils parlèrent aux gens du Dieu qui fait grâce, qui justifie et qui offre la foi. Les quatre sola - sala scriptura, solus Christus, sola gratia et sola fide - constituèrent les critères pour ces transformations. Ce fut l'élan théologique qui en résulta qui changea le monde. (Traduit de Vallemand par Matthieu Arnold.)

Voir Nurnberger, 1948. Voir Dingel, 2016b.

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

24

345

BIBLIOGRAPHIE Sources : BSELK, 2014 : Irene Dingel (éd.), Die Bekenntnisschriften der Evangelisch-Lutherischen Kirche. Vollstândige Neuedition, Gôttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2014. BSRK, 1987 : E. F. Karl Muller (éd.), Die Bekenntnisschriften der reformierten Kirche, Zurich, TVZ, 1987 (reprint de l'édition de Leipzig, 1903). Bucer, 2001 [1524-1543] : Martin Bucer, Schriften zu Ehe und Eherecht, éd. par Stephen Ε. Buckwalter et Hans Schulz avec la coll. de Thomas Wilhelmi, Gùtersloh, Gùtersloher Verlagshaus, 2001 (Martin Bucers Deutsche Schriften 10). Luther, 1999 [1515-1523] : Luther, Œuvres, t. 1, éd. Mare Lienhard et Matthieu Arnold, Paris, Gallimard, 1999 (Bibliothèque de la Pléiade 455). Luther, 2017 [1523-1546] : Luther, Œuvres, t. 2, éd. Marc Lienhard et Matthieu Arnold, Paris, Gallimard, 2017 (Bibliothèque de la Pléiade 622). Melanchthon, 1961 : Philippe Melanchthon, Humanistische Schriften, éd. par Richard Nûrnberger, Giitersloh, Gerd Mohn, 1961 (Melanchthons Werke in Auswahl, 3). Sachs, 1974 [1524] : Hans Sachs, Die Wittenbergisch NachtigalL Reformationsdichtung, éd. par Gerald H. Seufert, Stuttgart, Reclam, 1974. Littérature secondaire : Arnold, 2017 : Matthieu Arnold, Martin Luther, Paris, Fayard, 2017. Bahlcke, 2014 : Joachim Bahlcke, Geschichte Tschechiens. Vom Mittelalter bis zur Gegenwart, Munich, Beck, 2014. Beintker, 2003 : « "Was ist das Reformatorische ?" Einige systematisch-theologische Erwâgungen », Zeitschrift fur Théologie und Kirche 100, 2003, p. 44-63. Benrath, 1988 [1967] : Gustav Adolf Benrath (éd.), Wegbereiter der Reformation, Wuppertal, Brockhaus, 1988 (Klassiker des Protestantismus 1). (Reprint de l'édition de Brème, 1967.) Brecht, 2013 [1981] : Martin Brecht, Martin Luther, Bd. 1, 3^ éd., Stuttgart, Calwer, 2013 (L' éd., 1981). Brecht, 2013 [1986] : Martin Brecht, Martin Luther, Bd. 2, 3^ éd., Stuttgart, Calwer, 2013 (Γ" éd., 1986). Dahan, 1999 : Gilbert Dahan, L'exégèse chrétienne de la Bible en Occident médiéval, xif-xif siècle, Paris, Cerf, 1999. Dingel, 2001 : Irene Dingel, « Kirchenverfassung III. Reformation », in : RGG, 4^ éd., t. 4, 2001, col. 1320-1327. Dingel, 2014 : Irene Dingel, « Luthers Sehrift "An die Ratsherren aller Stàdte deutsehes Lands" (1524) - Historisehe und theologisehe Aspekte », in : Dingel - Jiirgens, 2014, p. 180-190. Dingel, 2016a : Irene Dingel, Reformation. Zentren -Akteure - Ereignisse, Gôttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2016. Dingel, 2016b : Irene Dingel, « Das Ringen um ein Minderheitenrecht in Glaubens- fragen. Die Speyerer Protestation von 1529 », Zeitschrift fur Kirchengeschichte 126, 2016, p. 225-242. REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

25

1. DINGEL, UN MONDE EN TRANSITION

Dingel - Jurgens, 2014 : Irene Dingel, Henning P. Jûrgens (éd.), Meilensteine der Reformation. Schlusseldokumente derfrûhen Wirksamkeit Martin Luthers, Gûtersioh, Gùtersloher Verlagshaus, 2014. Drecoll, 2000 : Henning Drecoll (éd.), Der Passauer Vertrag (1552). Einleitung und Edition, Berlin, Walter de Gruyter, 2000 (Arbeiten zur Kirchengeschichte 79). Frassek, 2005 : Ralf Frassek, Eherecht und Ehegerichtsbarkeit in der Reformationszeit. Der Aufbau neuer Rechtsstrukturen im sâchsischen Raum unter hesonderer Beruck- sichtigung der Wirkungsgeschichte des Wittenherger Konsistoriums, Tubingen, Mohr Siebeck, 2005 (Jus ecclesiasticum 78). Gotthard, 2006 [2004] : Axel Gotthard, Der Augshurger Religionsfrieden, 2^ éd., Munster i.W., Aschendorff, 2006 (Reformationsgeschichtliche Studien und Texte 148) (H' éd., 2004). Hahn, 1957 : Friedrich Hahn, Die evangelische Unterweisung in den Schulen des 16. Jahrhunderts, Heidelberg, Quelle & Meyer, 1957 (Pâdagogische Forschungen 3). Hudson, 2002 [1988] : Anne Hudson, The Premature Reformation. Wycliffite Texts and Lollard Histojy, Oxford, Clarendon Press, 1988 (reprint 2002). Kaufmann, 2014 : Thomas Kaufmann, An den christlichen Adel deutscher Nation von des christlichen Standes Besserung, Tiibingen, Mohr Siebeck, 2014 (Kommentare zu Schriften Luthers 3). Kopf, 2014 ; Ulrich Kopf, «Luthers Rômerbrief-Vorlesung (1515/16) - Historische und theologische Aspekte », in : Dingel - Jûrgens, 2014, p. 48-55. Korntgen, 1994 : Ludger Korntgen, « BuBbûcher », in : Lexikon fur Théologie und Kirche, 3" éd., t. 2, col. 822-824. Leppin, 2002 : Volker Leppin, « Wie reformatorisch war die Reformation ? », Zeitschrift fur Théologie und Kirche 99, 2002, p. 162-176. Leppin, 2016 : Volker Leppin, Die fremde Reformation. Luthers mystische Wurzeln, Munchen, Beck, 2016. Lohse, 1963 : Bemhard Mônchtum und Reformation. Luthers Auseinandersetzung mit dem Mônchsideal des Mittelalters, Gôttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1963 (Forschungen zur Kirchen- und Dogmengeschichte 12). Mûller, 1988 : Gerhard Mûller, « Philipp Melanchthon zwischen Pâdagogik und Théologie », in : Gerhard Muller, Zwischen Reformation und Gegenwart IL Vortràge und Aufsàtze, Hannover, Lutherisches Verlagshaus, 1988, p. 99-108. Nurnberger, 1948 : Richard Nurnberger, Die Politisierung des franzôsischen Protestan- tismus. Calvin und die Anfànge des protestantischen Radikalismus, Tubingen, J. G. B. Mohr, 1948. Ott, 2014 : Joachim Ott, « Luthers Deutsche Messe und Ordnung Gottesdiensts (1526) - Historische, theologische und buchgeschichtliche Aspekte », in : Dingel - Jûrgens, 2014, p. 218-234. Pater, 1984 : Calvin Augustine Pater, Karlstadt as the Father of the Baptist Move¬ ments. The emergency of Lay Protestantism, Toronto - Buffalo - London, University of Toronto Press, 1984. Schwarz, 2004 [1986] : Reinhard Schwarz, Luther, éd., Gôttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2004 (Die Kirche in ihrer Geschichte 3/1) (L^ éd., 1986). Schilling - Smolinsky, 2007 : Heinz Schilling, Heribert Smolinsky (éd.), Der Augshurger Religionsfrieden 1555, Gûtersioh, Gùtersloher Verlagshaus, 2007 (Schriften des Vereins fûr Reformationsgeschichte 206). REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

26

347

Sider, 1974 : Ronald J. Sider, Andreas Bodenstein von Karlstadt. The Development of his Thought 15Î7-Î525, Leiden, Brill, 1974 (Studies in Medieval and Reforma¬ tion Thought 11). Tentler, 1977 : Thomas N. Tentler, Sin and Confession on the Eve of the Reformation, Prineeton, Princeton University Press, 1977. Walder, 1974 : Ernst Walder (éd.), Religionsvergleiche des 16. Jahrhunderts, 3e éd., Bd. 1, Bern, Herbert Lang, 1974 (Quellen zur neueren Geschiehte 7). Wingren, 1952 : Gustaf Wingren, Luthers Lehre vom Beruf Munehen, 1952 (Forsehun- gen zur Geschiehte und Lehre des Protestantismus, Kaiser Verlag, Reihe 10,3). Witt, 2017 : Christian Volkmar Witt, Martin Luthers Reformation der Ehe. Sein theo- logisches Eheverstdndnis vor dessen augustinisch-mittelalterlichem Hintergrund, Tubingen, Mohr Siebeck, 2017 (Spatmittelalter, Humanismus, Reformation 95).

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 327 à 347

27

ETR

Études théologiques et religieuses Revue trimestrielle fondée en 1926

Directrice de la publication Chrystel Bernât

Tome 92, 2017/2

Andreas Dbttwiller

Ken Yamamoto

Francis Guibal

La pneumatologie de l'Évangile de Jean. Un essai de synthèse Commencer par le commencement : le Christ en dehors de nous et en nous dans la théologie de Karl Barth Entre eritique et eonviction : le chemin de pensée de Paul Ricœur

Dossier Ricœur et e'eschatoeogie à ea croisée de la phénoménologie herméneutique et de la psychanalyse Guilhen Antier, David-Le-Duc Tiaha Le tournant eschatologique de la phénoméno¬ logie herméneutique (Avant-propos)

Emmanuel Faeque David-Le-Duc Tiaha

Guilhen Antier

Mal et fmitude. Dialogue avee Rieœur et Lévinas Critique de la fin promise. Esquisse d'une herméneutique processionnelle du sujet avec Ricœur La nouvelle Jérusalem entre imagination et imaginaire : Ricœur avec Lacan ?

Notules et Péricopes Pascale de Charentenet Salomon et la Reine de Saba (1 Rois 10,1-13). Méditation sur une splendeur multiple

Notes et choniques Céline Rohmer Bernard Reymond

Chronique matthéenne X « Intuition de l'Universel ». Comment traduire cette notion clef de Schleiermacher ?

Parmi les livres Liste des livres reçus Abstracts

Li Cig

3iJ

C Al AN

II·}»: Ml* ripfïr· AV»K<re

Études théologiques et religieuses 13, rue Louis Perrier - 34000 montpellier (France) - Tél. 04 67 06 45 76 www.revue-etr.org - www.cairn.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses.htm Abonnements : <administration@revue-etr.org> Abonnement 2017 (paiement par carte bancaire possible via notre site www.revue-etr.org) : France : 36 € - Étranger : 43 € - Soutien : 70 € - Prix de ce numéro : 20 €

REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2017, Tome 97 n° 3, p. 348