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Classiques Garnier

La réfutation des accusations de crime rituel d’Andreas Osiander

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LA RÉFUTATION DES ACCUSATIONS DE CRIME RITUEL D'ANDREAS OSIANDER Matthias Morgenstern Institutum Judaicum - Eberhard Karls-Universitât Tubingen Liebermeisterstr. 12 - D-72076 Tubingen Annie Noblesse-Rocher Faculté de théologie protestante (EA 4378) - Université de Strasbourg 9 Place de l'Université - F-67084 Strasbourg Cedex Résumé : Le Réformateur de Nuremberg et hébraïsant, Andreas Osiander, est fort probablement Fauteur d'un traité épistolaire, Ob es war und glaublich sey, dass die Juden der christen kinder heymlich erwûrgen und ir blut ge- brauehen, réfutation des accusations de crime rituel dont les juifs sont l'objet au Moyen Age et à l'époque moderne. En vingt arguments théologiques, anthropologiques et juridiques, Osiander, en se fondant sur Genèse 9,6 et Lévitique 17,10-13, élabore une défense des juifs, montrant qu'il n'est pas crédible de les accuser de ces crimes au regard de leur propre tradition, du droit naturel et de l'éthique chrétienne. Abstract : Andreas Osiander, the Reformer of Nuremberg and hebraist, is most probably the author of an epistolary treatise Ob es war und glaublich sey, dass die Juden der christen kinder heymlich erwûrgen und ir blut gebrauchen, a refutation of the accusations of ritual crime by the Jews in the Middle Ages and the modern period. In twenty theological, anthropological and legal arguments, Osiander, rooting himself in Genesis 9:6 and Levi¬ ticus 17:10-13, outlines a defence of the Jews, showing that it was not credible to accuse them of these crimes in the light of their own tradition, of natural law and of Christian ethics. En 1540 est dévoilé au public un petit ouvrage, sans mention du nom d'auteur, ni du lieu d'édition, ni de la date, se présentant, sous une forme épistolaire, comme une réfutation des accusations de crime rituel dont les juifs sont victimes. Il porte pour titre : Ob es war und glaublich sey, dass die Juden der christen kinder heymlich erwûrgen und ir blut gebrauchen. Ein treffenliche schrifft, auff eines yeden urteyl gestelt. Wer menschenblut vergeusst, des

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blut sol ouch vergossen werden (S'il est vrai et crédible^ que les juifs tuent en secret les enfants chrétiens et utilisent leur sang - un écrit percutant que chacun jugera pour son compte. Si quelqu 'un verse le sang de l'homme, son sang sera versé)^. En une vingtaine de pages, le livret vise à dédouaner les juifs de ces accusations, au moyen d'arguments tirés essentiellement de la Bible et de la littéra¬ ture rabbinique. L'auteur a tôt fait d'être identifié. Il s'agit d'Andréas Osiander, hébraïsant et Réformateur de Nuremberg. L'anonymat n'a en effet pas trompé son principal adversaire, le théologien catholique Johannes Eck, qui livre en 1541, un an plus tard, une réfutation virulente du Ob es war und glaublich sey^. L'ouvrage d'Osiander a été édité avant cette année 1540, sans qu'il soit possible de préciser sa date d'édition ; il a sans doute été rédigé, pour des raisons que nous allons exposer, en ou vers 1529. En effet, deux importants procès, parmi bien d'autres hélas, sont intentés à des juifs pour accusation de meurtre rituel, l'un en 1529, l'autre en 1540. Osiander a certainement rédigé Ob es war und glaublich sey lors du premier, qui s'est déroulé à Posing (dans l'actuelle Hongrie), et, lors du second, à Sappenfeld, prés d'Eichstâtt, en Franconie, en 1540, deux juifs produiront le petit ouvrage pour leur défense. C'est ainsi que Ob es war und glaublich sey paraît. L'ouvrage connaît à partir de là un destin singulier. 11 disparaît pendant des siècles, avant de réap¬ paraître en 1893, année qui voit sa publication par l'historien de Kiel Moritz Stern. 11 est à nouveau publié en 1988 dans une édition critique par Gerhard Millier et Gottfried Seebass qui ont pu consulter l'unique exemplaire de 1540, déposé dans un fonds privé de Chicago. C'est sur ce texte que nous fondons notre étude et notre traduction. Les deux historiens ont trouvé le texte en tous points semblable à l'édition de Moritz Stem"^.

' Nous avons fait le choix de traduire glaublich par « crédible » (glaubwûrdich), et non par « croyable » puisque cet adjectif n'est pas employé à la forme positive en français, et ceci afin de conserver, au moyen de ce terme concis, la fonction de leitmotiv qu'Osiander attribue à glaublich tout au long du traité. ^ Osiander, [1540?]. Le lieu et la date d'édition sont inexistants dans l'édition originale. Un certain consensus prévaut chez les historiens ayant travaillé sur cet ouvrage pour une attribution à Osiander (voir Hirsch, 2003 [1919], p. 310-311 ; Seebass, 1965, p. 17 [n° 80 de la Bibliographie d'Osiander, à l'année 1529]. Nous proposons notre propre traduction du titre et de l'ouvrage (première traduction française) in : Osiander, 2017 [1540]. ^ Eck, 1541, f. A iv-iv^. Brigitte Hàgler a posé à nouveau la question de l'attribution du livre à Osiander, voir Hàgler, 1992, p. 35. Elle argue du fait que seul Johannes Eck attribue explicitement ce livre à Andreas Osiander. Sur la haine des juifs chez Eck, voir Schulze, 2017. ^ Osiander, 1903 [1540] ; Osiander, 1988 [1540] .

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I. Les circonstances Ob es war und glaublich sey apparaît donc subitement lors du procès de Sappenfeld. Les circonstances sont les suivantes : le 14 mars 1540, un garçonnet de trois ans et demi, appelé Michael, fils de Georg Biesenharter, paysan du village de Sappenfeld, est porté disparu. Ses parents disent avoir vu deux juifs au marché de la ville le jour de la disparition^ Moritz von Hutten, évêque d'Eichstâtt, propose 10 gulden à qui retrouvera les vêtements et le corps de Michael tandis que le père du garçonnet supplie de comte de Neuburg d'aller chercher dans la communauté juive les prétendus auteurs du meurtre Le 12 avril, quelques jours après Pâques, le corps du garçonnet est découvert par un berger dans une forêt voisine. Il est déchiqueté, les doigts et les orteils sont coupés, il a été circoncis et marqué du symbole de la croix ^ Nous possédons le récit de ces événements par une source chrétienne, la réfutation du Ob es war und glaublich sey de Johannes Eck^ par une source juive, la chronique de Yossel de Rosheim®, mais aussi par une « feuille volante'" ». La rumeur naît et enfle rapidement, accusant les juifs de Tittingen, petite ville voisine, d'être les auteurs de ce crime. Ils sont jetés en prison. Yossel nous rapporte dans sa chronique qu'il peine à convaincre le comte palatin de Neuburg de l'innocence des accusés, mais il finit par obtenir leur libération". Yossel ne men¬ tionne pas d'autres juifs que ceux de Tittingen. Mais l'affaire rebon¬ dit : en effet, de son côté, Moritz von Hutten, évêque d'Eichstâtt, pense pouvoir tirer partie de la situation et fait transporter le corps du garçonnet dans sa ville, espérant ainsi favoriser un pèlerinage rémunérateur. Quelques semaines plus tard, le corps du garçonnet se met à saigner ; on y voit un signe divin ; le corps est préparé pour une vénération ultérieure'^. L'évêque ordonne que l'on arrête alors les juifs de sa juridiction sous l'accusation de meurtre rituel. L'enquête judiciaire ne conclut pas à leur culpabilité.

' Eck, 1541, f. A ii-iP et Hsia, 1990, p. 125. ''Hsia, 1990, p. 125. ' Stem, 1959, p. 143-144 ; Stem, 2008, p. 164-165. La feuille volante, imprimée en 1541 à Ingolstadt, mentionne d'autres détails plus sordides encore (voir la note 10) et Hsia, 1990, p. 125. ^ Eck, 1541, f. A ii. Voir aussi Hsia, 1990, p. 125-126 et Osiander, 1903 [1540], p. X, note 2. ^Yossel de Rosheim, 2006 [1547], p. 332. Nous utilisons ici l'orthographe francisée Yossel, voir Stern, 2008. Ein hûbsch new lied von Zweyen Juden und einem Kind zu Sappenfelt, cité par Hsia, 1990, p. 125. " Yossel de Rosheim, 2006 [1547], p. 332 ; Stern, 1959, p. 143 ; Stern, 2008, p. 164. Hsia, 1990, p. 125-126 ; Stern, 2008, p. 164-165.

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452 M. MORGENSTERN - A. NOBLESSE-ROCHER, OSIANDER ET LES JUIFS Ce petit traité d'Osiander, présenté pour la défense de ces juifs en 1540, a sans doute été rédigé plus de dix ans auparavant, en réaction à d'autres événements similaires, qui se sont déroulés à Posing (dans l'actuelle Hongrie). Yossel de Rosheim nous relate les faits dans sa chronique : En Pan 5289 [1528-1529], les saints martyrs de Posing, 36 âmes, hommes et femmes, jeunes gens et jeunes filles, furent arrêtés à cause de la fausse accusation proférée par un [chrétien] et ils moururent pour la Sanctification du Nom [de Dieu]. Ils furent brûlés sur le bûeher le 13 sivan 5289 [21 mai 1529]. A cette oceasion, tous les juifs de Moravie furent placés en garde à vue. Sur requête de nos rabbins, j'ai dû apporter tous les vieux privilèges impériaux et pontificaux dans la ville de Gûnzbourg, j'ai préparé des eopies que j'ai envoyées avee une lettre d'explication dans un opuscule au Roi [Ferdinand roi de Hongrie] et là, il a bien vu que nous étions tous innocents. Ils se sont saisis des prisonniers : Sortez !, et avec l'aide de Dieu, béni soit-Il, tous ceux qui survécurent à la ehambre de torture furent déelarés libres et relaxés. Puisse Dieu, béni soit-Il. nous être favorable pour ces martyrs exaltés qui sanetifièrent son Nom À une date difficile à préciser, mais après 1529, Osiander reçoit une lettre d'un ami inconnu de nous. Il y est question de l'accusation de meurtre rituel, et une « feuille volante », relatant le meurtre d'un enfant de neuf ans dans la commune de Posing, est jointe à l'envoi Les faits semblent s'être déroulés de façon similaire aux autres disparitions, mais avec une issue différente selon les sources. Lors de la fête de l'Ascension, en 1529, un garçon, Hans Meylinger, âgé de neuf ans, est porté disparu. Une semaine plus tard, il est retrouvé assassiné. Lors de l'instruction, on suspecte un juif, Esslein Ausch, d'avoir sauvagement martyrisé l'enfant et d'avoir utilisé son sang à des fins rituelles Les autorités, les princes François de Saint- Georges et Wolfgang de Posing, ordonnent l'emprisonnement de tous les juifs de cette région morave et les soumettent à un interrogatoire. Sous la torture, certains accusés avouent avoir commis ce crime. Le 21 mai 1529, 30 (36 selon Yossel de Rosheim) juifs sont brûlés en place publique à Posing ; parmi eux, figurent des enfants et des femmes. Le tract envoyé à Osiander précise que le garçon fut retrouvé mort et déchiqueté. Selon une autre version, défendue par Gerson Wolf,

Allusion à És 49,8-9 : « Ainsi parle le Seigneur : Au temps de la faveur je t'ai répondu [...] pour dire aux prisonniers : Sortez ! » (Nous citons les textes bibliques selon La Nou¬ velle Bible Segond, édition d'étude, Villiers-Le-Bel, Société biblique française, 2002.) Yossel de Rosheim, 2006 [1547], p. 320. Ce tract s'intitule Ein erschrockenliche geschicht und Mardi, szo von den Juden zu Posing, ein Marckt in Hungarn gelegen, an einem Neunjàrigen Knàblein begangen..., [Dresde], [Stôckel], 1529 (Une histoire effroyable sur un meurtre que les Juifs de Posing, une ville de foire en Hongrie, ont commis envers un enfant de neuf ans....)· Un exemplaire de ce tract est déposé à la bibliothèque universitaire de Munich sous la cote Jus 4937. Stem, 1959, p. 72 ; Stem, 2008, p. 85.

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M. MORGENSTERN - A. NOBLESSE-ROCHER, OSIANDER ET LES JUIFS 453 se fondant sur des actes des archives du Reichsfinanzministerium à Vienne l'enfant fut retrouvé sain et sauf. C'est cet événement qui suscita, semble-t-il, la réaction d'Osiander et la rédaction du Ob es war und glaublich sey IL Les accusations de meurtres rituels Les accusations de meurtres rituels dont sont victimes les juifs ont fait l'objet de nombreux travaux ; il suffit de rappeler ici ceux, fondateurs, de Daniel Chwolson^^ et Hermann L. Strack^*^, mais aussi ceux de Gavin L Langmuir sur l'une des premières sources concernant les accusations de meurtre rituel : Thomas de Monmouth C'est en effet en Angleterre, à Norwich, en 1144, qu'apparaît la première accusation de bloodlibel, mentionnée par Thomas de Monmouth dans la vie hagiographique de Guillaume de Norwich La typologie de ces accusations a été établie par l'historiographie traditionnelle. Les récits de ces accusations mentionnent trois phases. -Les accusations surgissent d'abord au moment de Pâques et de Pessah, quand la tension entre les deux communautés est la plus vive. - Ensuite, la victime est toujours un garçonnet que les autorités ecclé¬ siastiques veulent proposer à la vénération des fidèles. L'exemple du petit Simon de la ville de Trente est emblématique. Le 24 mars 1475, un enfant de deux ans, Simon Unverdorben, est porté disparu. La communauté juive de Trente est immédiatement suspectée. Selon le père de Simon, les juifs auraient vidé l'enfant de son sang et l'aurait utilisé pour la cuisson des Mazzot de Pâques et pour des rituels magiques. Le 26 mars, le corps de l'enfant est retrouvé dans un canal sous la maison d'un juif nommé Samuel. Des juifs sont arrêtés. Ils sont interrogés et avouent sous la torture. Un premier procès se tient du 28 mars au 22 juin 1475. Neuf juifs sont exé¬ cutés : sept sont brûlés et deux, convertis au christianisme, déca¬ pités. Le second procès, entre décembre 1475 et janvier 1476, aboutit à l'exécution de cinq autres juifs -Enfin, troisième caractéristique, l'accusation porte sur un soup¬ çon : le sang chrétien utilisé par les juifs servirait à des rites secrets

Wolf, 1883, p. 296-298 ; Stern, 1959, p. 72 ; Stern, 2008, p. 85. Sur cette affaire, voir Gerson, 2011, p. 354-355. Chwolson, 1901. Straek, 2010 [1923], Langmuir, 1990, p. 209-236. Thomas de Monmouth, 1896 [1144]; Langmuir, 1990, p. 209-236 ; Mareus, 1961, p. 121-126. Sur les antécédents antiques, voir Flavius Josèphe, Contre Apion ii, 89ss. Sur cette affaire, voir Hsia, 1992.

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comme celui de visant à produire des mazzot (pains azymes) ou des amulettes, des aphrodisiaques ou des remèdes. Le Royaume de France ne fut pas non plus épargné. En 1171, la simple rumeur qu'un juif aurait jeté un enfant dans la rivière pen¬ dant la période de Pâques suffit à déclencher une véritable chasse aux sorcières contre les juifs de la ville de Blois, sans qu'aucun cadavre pourtant ne soit retrouvé. Les sources ecclésiastiques relayèrent sans frein ces accusations. La chronique du règne de Philippe Auguste par Rigord, moine de Saint-Denis, tisse un lien indirect entre ces accusations et la première grande expulsion de juifs de France, en 1182^"^. L'historiographie récente s'attache à comprendre les modèles anthropologiques sous-jacents à ces accusations. C'est ainsi que les travaux de Ronnie Po-Chia Hsia ont montré comment les pratiques et l'imaginaire magiques subsistant dans le christianisme médiéval et moderne ont favorisé les accusations d'utilisation par le juifs de sang chrétien à des fins magiques La chrétienté, selon Hsia, a plaqué ses représentations magiques sur les juifs. Cependant, deux historiens ont marqué les études les plus récentes sur le sujet par la recherche de modèles d'interprétation : Ariel Toaff et Israël Jacob YuvaL^ En 2007, les travaux d'Ariel Toaff, et surtout son ouvrage Pasque di sangue : Ebrei d'Europa e omicidi rituali, ont suscité de vives réactions en IsraëL^. Toaff défend, en effet, le fondement historique de certains de ces crimes rituels, comme celui du petit Simon de Trente. L'émotion que suscita son ouvrage fut immense, étant donné que la plupart des sources anciennes, notamment ponti¬ ficales, nient la réalité de ces accusations Moins controversé, l'ouvrage de Israël Jacob Yuval propose un modèle d'interprétation qui met en parallèle les accusations de crime rituel avec le choix du martyre, plutôt que de la conversion, par les juifs lors des Croisades. Israël Jacob Yuval met ainsi en relation la survenue de ces accusations avec les événements de la Première Croisade, qui se produisirent en Rhénanie à partir de 1095-1096. Les exactions commises contre les juifs, les agressions et les mas¬ sacres, les pillages de biens juifs, mais aussi la pratique de baptêmes forcés à Spire ou Worms, ont marqué l'histoire et l'imaginaire

Chazan, 1968, p. 13-31 ; Blumenkranz, 1974, p. 33-38. Rigordus, 1878 [avant 1209], p. 5-6. 25 Hsia, \99^, passim. ^Moaff, 2007 ; Yuval, 2012. Loriga, 2008. 28 On pense ici aux lettres du pape Grégoire X (1271-1276) contre les accusations de meurtres rituels, voir Grazyel - Stow, 1989, p. 116-134 (p. 116-120, lettre du 7 octobre 1272 ; p. 123-124, lettre du 7 juillet 1274 ; p. 126-127, lettre du 17 septembre 1274) ; Loriga, 2008.

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M. MORGENSTERN - A. NOBLESSE-ROCHER, OSIANDER ET LES JUIFS 455 juifs, comme l'attestent les cinq chroniques juives de la Première Croisade Le plus terrifiant ne furent pas tant le pillage des syna¬ gogues ou le brûlement des Torah que le suicide de juifs, parents et enfants confondus, pour échapper au baptême. Cela frappa l'imagi¬ naire chrétien : les juifs préféraient le suicide au baptême forcé, mais, pire encore, ils étaient prêts à sacrifier leurs enfants - et ils le firent - pour les soustraire à cette obligation. Cette acceptation du martyre est inscrite même dans la mémoire cultuelle Une prière liturgique de contrition, la Seliha, composée par Rabbi Eliezer ben Nathan (1090-1170), traduit cette volonté de sacrifice : «A leurs mères[, les enfants] disent : Ne soyez pas miséricordieuses ! Que nous soyons offerts en sacrifice de feu au Seigneur, nous sommes désirés d'en haut. » Genèse 22 et la ligature d'Isaac servirent de modèle à ces pratiques qui cherchaient à dépasser le paradigme d'Abraham Israël Jacob Yuval dresse un parallèle entre cette martyrologie juive et les accusations du crime rituel, la première étant «l'inverse symétrique» de l'autre^^. L'opinion chrétienne aurait compris de façon dramatique ce désir de mourir en martyr pour « sanctifier le Nom [de Dieu] » comme une propension des juifs à verser le sang^^ m. OSIANDER HÉBRAÏSANT La biographie d'Osiander a été établie par Gottfried Seebass dans un ouvrage de référence qui met en évidence son rôle-clef comme Réformateur de Nuremberg, ainsi que ses convictions théo¬ logiques qui conduisirent aux actes du célèbre Osiandrischer Streit, en 1550, au cours duquel le Réformateur de Nuremberg remit en question l'imputation dans la doctrine de la justificationNous nous attarderons ici seulement sur les éléments qui ont favorisé la rédaction du Ob es war und glaublich sey. Osiander reçut sa formation initiale à Altenburg et Leipzig, avant d'être immatriculé

Neubauer - Stern, 1945 [1892]. Yuval, 2012, p. 228. Haberman, 1970/1971 : pnpb K7 ηηΏΊΚ ηΠΊΏΚ^ (p. 70) ; Yuval, 2012, p. 21. Yuval, 2012, p. 216. Yuval, 2012, p. 247 et 252. En Israël, eette thèse d'Israël Jaeob Yuval provoqua un très vif débat parmi les historiens, dont certains lui reprochèrent de culpabiliser les victimes juives de massacres. L'article de Yuval intitulé nb''7ym D7n ,nbbpm Dp]n (« La revanche et la malédiction, le sang et l'accusation ») publié dans la revue historique Tsion 5793 (1995), p. 33-90, fut à l'origine de la polémique. Seebass, 1965 (l'ouvrage possède une bibliographie d'Osiander) que l'on actualisera avec Seebass, 1971. Voir sur ce point Hirsch, 2003 [1919], p. 194-225.

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- c'est la seule information qui soit bien attestée sur sa jeunesse - à l'Université d'Ingolstadt, en Bavière, le 9 juillet 1515. Pendant ces années, Osiander étudia l'hébreu auprès de l'humaniste Johann Boschenstein, avec lequel il semble avoir habité dans le même bâti¬ ment à Ingolstadt. Boschenstein fut nommé en 1518 professeur ordinaire à l'Université de Wittenberg, nommé dans le cadre de la réforme des études entreprise par Philipp Melanchthon, réforme qui visait à tisser un lien entre l'étude de l'hébreu et la théologie et à remettre les Pères de l'Eglise au cœur de la recherche. Boschenstein est l'auteur en 1519 d'une grammaire hébraïque, sur le modèle de celle de Johannes Reuchlin, les Hebraicae grammaticae institutiones (Wittenberg, 1519) et d'une introduction au yiddish (Elementa intro- ductorium in hebraeos litteras, Augsbourg, 1514)^''. Il édita une traduction latine du Mikhlol de David Quimhi (Rudimenta hebraica, Augsbourg) en 1520^^ et, la même année, commença à enseigner l'hébreu au sein du couvent des Augustins. Osiander se perfectionna en études hébraïques au contact de maîtres juifs, comme Wolflein^^ habitant dans la localité juive de Schnaittach, prés de Nuremberg. Auprès de lui, Osiander ne découvrit pas seulement les rites juifs et des livres de prières juives (Siddurim), mais aussi le Talmud. Osiander connut aussi le converti Paul Ricius (dont il salue l'érudition dans le Ob es war und glaublich sey^^), professeur d'hébreu à Pavie en 1521, architecte de la kabbale chrétienne par la traduction en latin de l'œuvre de Josel Gikatilla Sha'arei Orah {Portae lucis, 1516), que consulta Conrad Pellican et qui inspira les traductions du Zohar de Guillaume Postel.

IV. L'argumentation du Obes war und glaublichsey. Le traité d'Osiander se présente sous une forme épistolaire, dont une partie, nous le verrons, est formulée en termes juridiques. Le destinataire est inconnu de nous, mais il semble être un per¬ sonnage éminent'^'^ et, sans doute pour la raison que l'on vient

^^'Hâgler, 1992, p. 220. "Frakes, 2007, p. 13-14. Seebass, 1965, p. 81. « Je considère le vénérable et très savant docteur Paul Ricius comme l'homme le meilleur et le plus honnête qui soit passé de la longue tradition juive à la foi chrétienne depuis des centaines d'années (So acht ich den erwirdigen und hochgelerten herren doctor Paulum Ricium fur den treffenlichsten, rechgeschaffesten man, so in vil hundert jaren von judischem geschlecht ziim christlichem glauhen ist kommen) », Osiander, 1988 [1540], p. 232. Osiander s'adresse en termes respectueux au destinataire du traité, mais aussi de façon amicale, selon les régies de salutation en vigueur : « Très honoré, très estimé, très gracieux et très cher seigneur et ami (Erber, achtbar, gunstiger, lieber herr und frûndt) », Osiander, 1988 [1540], p. 223.

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M. MORGENSTERN - A. NOBLESSE-ROCHER, OSIANDER ET LES JUIFS 457 d'invoquer, un juristeDe la forme épistolaire, telle que la définit Erasme dans le De conscribendi epistolis opus (1522)^^, le Ob es war und glaublich sey possède l'aspect argumentatif visant un but : le traité repose sur une série de vingt arguments qui visent un scopus : démontrer que les accusations portées contre les juifs (« Certains prétendent et disent que les juifs sont en possession de sang de chrétiens innocents et ne pourraient vivre sans ce sang ; c'est pour cette raison qu'ils auraient attiré des enfants chrétiens dans certains endroits, les auraient tués en secret et les auraient saignés ») sont fallacieuses. [Il s'agit d'une affaire qui touehe à] la séeurité et à la vie de pauvres et misérables juifs, qui concerne les juges et les assesseurs qui ont tranché l'affaire et qui met enjeu l'honneur et la bonne réputation de l'autorité civile sur le territoire de laquelle cela se serait produit [...] J'ai longtemps réfléchi à cette affaire, avec sérieux et sans ménager mes scrupules, et j'ai fait des recherches la concernant. En effet, je n'étais pas peu étonné que des juifs fussent accusés et condamnés, tandis que d'autres étaient tolérés et vivaient sans crainte grâce à l'hospitalité des princes et des souverains, comme des sujets sans histoire. De plus, aucun juif baptisé n'a jamais accusé d'autres juifs de tels actes ou donné d'informations. Je n'ai jamais trouvé, imaginé ou entendu dire quoi que ce soit qui aurait pu me pousser à croire de tels soupçons et de telles accusations. Bien au contraire, sans avoir cherché à nuire à quiconque, j'ai plutôt trouvé de nombreuses circonstances et raisons qui me rendent sûr et certain que les juifs, dans ce cas, sont traités injustement . Le traité d'Osiander, selon la norme structurée de l'art épisto¬ laire, s'ouvre par une salutation et un exorde en forme de captatio

Hirsch 2003 [1919], p. 280, note 7. << Quomodo proponenda materia. At doctor nec absolute pertractatam materiam proponet, ne nihil relinquatur inventioni puerorum : neque nudam tamen, verum cir- cunstantiis aliquot circunscriptam, ut assuescant, velut ad certum scopum dirigere sagittas, ex his sententias, argumenta, et argumentorum probationes, ampli/ïcationes, aliasque figuras commisci », Erasme, 1557 [1522], p. 28. ^ << [...] da man fûrgibt und saget, dei Juden muessen unschiildiger christen plût haben und koennen on dasselbig nicht leben, derhalben sie an manigen orten der christen kinder zû sich gelockt, heimlich erwûrget und das plût von inen genomen haben sollen », Osiander, 1988 [1540], p. 223. << [...] die der armen, elenden Juden leib und leben, der richter und schoepfen, so daruber geurtailt, desgleichen der obrigkeit, in deren gepiete solchs geschen, ehre und gûts ^eruchte », Osiander, 1988 [1540], p. 224. « JVun hab ich ja ein lange zeyt her offt mit fleyfi und ernst der sachen nachgedacht und - gesucht, dann es mich nicht wenig verwundert hat, das man etlich Juden umb solcher thaï willen soit richten und doch dargegen die andern Juden so gar on alien scheuch unter fûrsten und herren als unschedliche leut soit gedulden und enthalten ; darzû, das kain tauffter Jud nie gefunden ist worden, der etwas solchs von den andern Juden hette anzaygt und aufigeben. Ich hab aber nie nichts koennen finden, erdenken noch hoeren, das mich beweget het, solchem argwon und bezichtigung zû glauben, sonder habe dargegen so vil umbstend und ursach gefunden, das ich fur mich - doch yederman on nachteyl - gentzlich hait und gewif bin, es geschehe den Juden in disem fall unrecht », Osiander, 1988 [1540], p. 225.

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benevolentiae, puis vient la narratio dont nous venons de donner des extraits, qui présente le but poursuivi. Suit la petitio, le corps de l'ouvrage, structurée par des arguments visant la défense des juifs, suivis de sept propositions d'explications rationnelles de l'affaire de Posing (1529). Un premier ensemble argumentaire vise à démontrer que les accusations sont invraisemblables au regard de la tradition juive, étant donnée la fidélité due aux commandements bibliques, et de l'histoire juive (arguments 1-3 ; 5-8). Ensuite, Osiander présente des arguments historiques et logiques en expli¬ quant l'improbabilité d'une culpabilité juive (arguments 9-12 ; 13-15), puis il montre l'absurdité de ces accusations du point de vue de la foi chrétienne. Le dernier bloc d'arguments propose une argumen¬ tation politique : Osiander mentionne Frédéric III et les libertés (« privilèges ») que l'empereur a garanties aux juifs en 1470. L'ensemble de l'argumentation est fondé sur un verset central. Genèse 9,6 : « Si quelqu'un verse le sang de l'homme, son sang aussi sera versé'"' », cité, comme l'ensemble des versets bibliques, dans la traduction allemande de Martin Luther, dans l'édition de 1523 Ce verset est l'argument principal ; il est conforté par celui de Lévi- tique 17,10-14 que l'on résume ici par le verset 12 : «Aucun d'entre vous ne mangera du sang ». L'interdiction de tuer (Exode 20,13) est bien entendu présente dans l'argumentation, mais Osiander se concentre sur la question du sang. Il s'agit d'abord, précise l'exorde, de mettre en pratique la Parole divine : les arguments 1 à 15 pré¬ cisent les modalités de cette pratique, avant que ne soient évoquées les punitions entraînées par le sang versé, au moyen des argu¬ ments 16 à 18. L'exorde aborde d'autres thèmes importants, comme l'éthique chrétienne : il est du devoir du chrétien d'éviter la diffamation'^^ (à l'égard des juifs en particulier). C'est aussi un devoir moral que de ne pas se taire lorsqu'un innocent est accusé à tort (un peu gêné, Osiander se dit prêt à justifier ses silences passés'''').

Traduction du texte allemand de Luther. Martin Luthers Werke. Kritische Gesamtausgabe, Die Deutsche Bibel 8 (WA DB 8), Weimar, Hermann Bohlaus Nachfolger, 1954 (in loco). « Je crois également qu'il est de mon devoir de chrétien de m'assurer que personne ne soit traité injustement ou diffamé (Mich bedunck auch, ich sey das als ein christ zû îhun auffs hocchst vcrpflichî und schiddig sofcrnc, das nicmandt dadurch unbilligcrwcyfi bcschweret oder vcrunglimpfet werde) », Osiander, 1988 [1540], p. 224. « Un chrétien doit non seulement s'abstenir de tels actes, mais encore ne pas se taire ou, pire, les approuver quand il voit ou remarque qu'un autre [est en train de les commettre]. Quant à moi, je peux justifier le silence que j'ai gardé sur cette affaire jusqu'à présent (Ein christ nicht allein nicht thûn sonder auch, wcnne ers von andern sicht oder merckt, nicht stilschwcygcn noch darein bcwilligcn sol. Darumb, ob ich gleich mcin stil- schwcygcn, so ich bificr in discr sach gchaltcn hab) », Osiander, 1988 [1540], p. 225.

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La réflexion d'Osiander se structure ainsi en deux grands thèmes : le premier est la question théologique du sang en général, à travers la relation que les communautés juives entretiennent avec lui, par le biais de la tradition biblique et rabbinique ; le second, lié au premier, est celui, anthropologique, des saignements dont seraient victimes les juifs et qui les conduiraient à recourir à du sang chrétien pour guérir. Pour asseoir son argumentation, Osiander emploie plusieurs types de raisonnements rhétoriques : le raisonnement déductif, celui par la loi et la raison naturelles, l'argumentation tbéologique, le principe rhétorique qal wahomèr, c'est-à-dire a fortiori, issu de la tradition rabbinique, mais aussi la preuve par le Talmud, et enfin celle par l'histoire. C'est par le biais de ces techniques argumen- tatives que nous présentons quelques aspects caractéristiques de la pensée d'Osiander. Nous achèverons cette présentation par l'exposé d'un thème anthropologique, aussi délicat qu'important, celui des saignements. 1. Le raisonnement déductif Le premier argument employé par Osiander évoque le cadre général de la Loi donnée aux juifs, qu'ils ont acceptée et se sont engagés à respecter ; il s'agit du commandement de ne pas verser le sang et de ne pas tuer (Genèse 9,6 et Exode 20,13). Suit un florilège de textes prophétiques et psalmiques qui confirment l'interdiction et précise les punitions encourues (Psaume 55,21 ; Ésaïe 59,3.7 ; Jérémie 2,34 ; Ézéchiel 22,3s.). Ce sang qu'il est interdit de verser, le serait-il, ce fait ne resterait pas inconnu de Dieu car « le sang crie de la terre jusqu'à [Dieu] » (Genèse 4,10) : telle est la deuxième partie de l'argumentation, avant qu'Osiander ne rappelle la punition encourue : « Je réclamerai ce sang [à qui l'a répandu] » (Genèse 9,5)^°. La conclusion peut alors être donnée : C'est pourquoi il n'est pas crédible qu'ils agissent ainsi délibérément, à rencontre du commandement divin, au risque de causer leur propre perte, corps et âme en répandant et en utilisant un sang innocent ' . On notera ici l'apparition d'un leitmotiv : « Il n'est pas cré¬ dible » (unglaublich), qui ponctue la finale de chacun des vingt arguments. Cette Loi biblique, générale, est ensuite déclinée dans le cas particulier des traditions juives. C'est l'objet du deuxième argu-

™ Osiander, 1988 [1540], p. 225. « Darumb nicht glaublich ist, das sie so mûtwilligklich wider Gottes gepot faren und ir aygen verderben an leyb und seele an dem unschuldigen blût solten anrichten und vernrsachen. »

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460 M. MORGENSTERN - A. NOBLESSE-ROCHER, OSIANDER ET LES JUIFS ment, qui montre l'étendue de la culture rabbinique d'Osiander. Si l'interdiction de consommer du sang (Genèse 9,4) s'adresse à toute l'humanité, le commandement du Lévitique 17,10-14, et surtout le verset 13, doit être respecté littéralement par les juifs : Il est de notoriété publique que les juifs observent scrupuleusement ces lois sur le sang jusqu'à aujourd'hui, qu'ils ne mangent pas de viande avec les chrétiens, mais craignent le sang des animaux et des oiseaux, et qu'ils recouvrent le sang en disant : "Béni sois-tu, Roi du monde, qui nous as ordonné de couvrir le sang^^", etc. Aussi n'est-il pas crédible qu'ils se souillent avec le sang innocent d'enfants et pèchent [ainsi] contre Dieu^^. Selon la halakha, ce commandement ne concerne pas seule¬ ment les animaux chassés, mais chaque animal abattu {Mishna Hullin VI, I). Le spécialiste dûment autorisé à appliquer la shehita (shohet) doit recouvrir le sang répandu, lors de la shehita, avec de la terre ou des cendres, après avoir récité la bénédiction appropriée. Osiander semble bien connaître les lois de la kashrut relatives à l'abattage des animaux rituels licites {shehita), qui sont mention¬ nées dans le Talmud de Babylone (Hullin VI, I). 2. Loi et raisons naturelles Les arguments 2 et 3 évoquent la loi et les raisons naturelles. C'est encore sur un fondement biblique, Romains 2,14-15 qu'Osiander fait reposer ce type de preuve dans l'argument 3 préci¬ sément : les actes criminels dont sont accusés les juifs sont en pleine contradiction avec la raison ou la loi naturelle : Ce commandement n'est pas seulement transmis aux juifs par leurs Écritures ; l'interdiction de verser le sang et l'injustice que cela repré¬ sente sont ancrées, par nature aussi, dans le cœur de tous les hommes. Il ne se trouve donc, de par le monde, aucun peuple qui soit assez aveugle pour louer ou tolérer le meurtre

52 ^ ^ * La bénédiction que la halakha prescrit de prononcer en exécutant ce commandement est la suivante : « Béni sois-tu, notre Dieu, Roi des siècles, qui nous as donné le comman¬ dement de couvrir le sang avec de la poussière (Ί3173 ΏΊ by ... ΠΠΚ ». Voir Strack, 2010 [1923], p. 87-88. << Dieweyî dann die offenlich that zuget, das die Jiiden dieselhen gesetz vom hlût noch heiitigs tags fleyssig halten und darumh mit den christen kein fleisch essen, sonder ailes blut der thier und voegel scheuhen, dasselbig begraben und sprechen : Gebenedeyet bistii Got, ein koenig der welt, der du uns hast gepoten, zû bedecken das blût etc., so ist auch nicht glaublich, das sie sich mit unschuldigem blût der kinder solten beflecken und gegen Got versûndigen », Osiander, 1988 [1540], p. 227. « Quand des non-juifs, qui n'ont pas la loi, font naturellement ce que prescrit la loi, ceux-là, qui n'ont pas la loi, sont une loi pour eux-mêmes ; ils montrent que l'œuvre de la loi est écrite dans leur cœur. » << So ist das gepot nicht allein den Juden in schrifften geben, sonder es ist auch von natur alien menschen in das herz eingepflantzet, das blûtvergiessen unrecht und verpoten ist ; dann man findet kein volck auff erden so blind, bey dem todschlagen gelobet oder geliten werde », Osiander, 1988 [1540], p. 227.

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On se souviendra ici quOsiander était passionné par les sciences, en particulier les mathématiques et l'astronomie. Proche du cercle des admirateurs de Copernic, il fut chargé d'achever l'édition du De revolutionibus orbium coelestium (Des révolutions des sphères célestes) de ce dernier (Nuremberg, 1543). Mais Osiander, dans la préface qu'il donna au célébré traité sur l'héliocentrisme, minimisa la découverte, sans doute pour protéger Copernic des réactions de l'Église. Il y défendit l'idée que les rôles respectifs du soleil et de la terre, tels que les décrivait Copernic, n'étaient qu'un modèle mathématique 3. L'argumentation théologique L'argument 5 aborde un autre type de preuve, théologique cette fois : les juifs croient en la vie éternelle, selon Osiander. Or leur loi leur commande, pour hériter de cette vie éternelle, de ne pas contrevenir aux commandements. Dés lors, assassiner un enfant serait non seulement désobéir à l'un des commandements fonda¬ mentaux du Décalogue, mais s'exposer aussi à se voir ôter tout droit à cette vie sans fin : Si les chrétiens, qui ne cherchent pas le salut par leurs œuvres mais par la foi [Rm 3,27-28], considèrent le meurtre d'un enfant comme un acte effroyable et comme une atrocité, combien plus sera-ce le cas pour les juifs, puisqu'un tel acte est non seulement contraire à leur Loi, mais leur ôte aussi tout droit à la vie éternelle [Rm 2,12-13] L'argumentation d'Osiander, qui recourt par ailleurs au passage aussi à la technique du qal wahomér dont il sera question juste après, est remarquable car l'Ancien Testament ne connaît pas de notion d'au-delà. Il faut donc se référer aux textes postbibliques, méconnus des auteurs chrétiens, pour trouver une telle notion dans le judaïsme La formule la plus claire d'une foi en une vie après la mort se trouve dans les treize principes de foi que le philosophe Maïmonide énonce dans son commentaire sur la Mishna (traité Sanhédrin, 1Γ et 13^ principes de la profession de foi).

Sur cette question, voir Lerner, 2006, p. 409-452. E. Hirsch a édité la préface d'Osiander, voir Hirsch, 2003 [1919], p. 325. 57 « Dann so den christen, die nicht durch werck, sonder durch den glauben die seligkeyt suchen, solcher kindermordt erschroecklich und ein greuel ist, wievil mer wirdt es den Juden ein greuel seyn, so es nicht allein wider ir gesetz ist, sonder inen auch verlust des ewigen lebens darauff stehet », Osiander, 1988 [1540], p. 227-228. Voir Costa, 2004 ; Morgenstern, 2013.

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4. L'argumentation qal wahomèr L'argument 6 aborde la question suivante : peut-on soupçonner les juifs de vouloir commettre des crimes contre les chrétiens davan¬ tage que contre d'autres populations ? On pourrait le supposer puisqu'ils sont persécutés par eux. Mais Osiander évoque Deutéro- nome 23,8, verset dans lequel Dieu commande à son peuple de ne pas avoir en abomination les Egyptiens. Si les juifs doivent se montrer amicaux envers les Égyptiens, dans le pays desquels ils séjournent, et ne pas les considérer avec rancœur, combien plus seront-ils amicaux envers les chrétiens dans le pays desquels ils vivent depuis tant de sièclesL'argumentation se fonde ici, comme nous l'avions observé déjà dans l'argument 5, sur un raisonnement rabbinique qal wahomèr (à plus forte raison 5. La preuve par l'histoire Les arguments 8, 13 et 14 proposent une réfutation fondée sur l'enseignement de l'histoire. Face à l'accusation qui prétend que les juifs, notamment ceux de Posing en 1529, utilisent le sang des enfants pour oindre leur kohanim, Osiander rappelle à son inter¬ locuteur ce qu'était la fonction des kohanim, le fait que ceux-ci n'exerçaient qu'à Jérusalem dans le Temple et que, celui-ci étant détruit, cette fonction a disparu. Quant aux rabbins, poursuit le Réformateur, ils ne peuvent être assimilés à des kohanim : leur fonction est celle d'enseignants de la Torah : C'est vrai, tous les juifs de la deseendanee d'Aaron sont appelés kohanim de par leur naissance, mais ils n'exercent plus l'[antique] office de kohen, car ils ne sont ni choisis ni oints et ne peuvent plus exercer d'autre activité sacerdotale que de bénir le peuple. Et même s'ils avaient un kohen ou si celui qui bénit le peuple était ou s'appelait kohen, à quoi lui servirait le sang ? 6. La preuve par le Talmud L'argument ultime (20) d'Osiander repose sur sa connaissance du Talmud. Il propose une dernière explication possible. Des chrétiens ont sans doute entendu des juifs parler entre eux de la façon de se procurer de l'argent et de son utilité. Il leur aurait été difficile de

Osiander, 1988 [1540], p. 228. ^■^Mielziner, 1968 [1894] , p. 130-141. « Es werden wol aile Juden von stamm Aharon cohanim genennet von der geburt wegen, sie sein aber darumb nicht cohanim im ampt, dann sic werden nicht gewelet noch gesalbet und doerfen kein priesterlich ampt thûn, dann das sie das volck segenen ; und wann sie gleich ein cohan hetten oder, der das volck segnet, ye ein cohan heyssen und sein soit, was doerft er des blût », Osiander, 1988 [1540], p. 229.

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M. MORGENSTERN - A. NOBLESSE-ROCHER, OSIANDER ET LES JUIFS 463 comprendre que les juifs, en évoquant dam, terme connu pour signi¬ fier le sang, parlaient en fait d'argent. Osiander rappelle que dam peut avoir la double signification''^ : Supposons qu'un jour les juifs aient débattu entre eux solennellement de la façon de se procurer de l'argent et de son utilité. Il se peut que l'un d'entre eux ait dit alors : "Nous devons nous procurer le dam des chrétiens". Un pseudo-érudit, juif ou chrétien, aurait pu entendre dam en hébreu et aurait compris "sang" alors qu'ils parlaient d'argent. C'est de là que seraient partis cette méchante rumeur et les soupçons ; ceux- ci se seraient amplifiés avec le temps et seraient parvenus jusqu'à ces hommes qui les ont utilisés de façon néfaste 7. Un thème anthropologique : la question des saignements Osiander aborde aussi la question du sang d'un point de vue anthropologique, en particulier dans l'argument 8. Il y est question des saignements auxquels les juifs seraient sujets. Cette idée fait par¬ tie d'un imaginaire antisémite (et non plus seulement antijudaïque) qui attribue aux juifs une corporalité spécifique avec des caracté¬ ristiques propreset qui les féminisent (les juifs auraient des sortes de régies masculines''^). Osiander y répond par des arguments ration¬ nels comme l'impossibilité pour les juifs de cacher ces saignements lors de leur incarcération ou la difficulté de se procurer du sang en terre non-chrétienne : Si pourtant tu affirmes encore qu'ils sont sujets à des saignements que seul le sang d'enfants chrétiens innocents peut guérir, comme on le prétend en certains endroits, alors, je le répété : c'est un mensonge évident. En effet, montrez-moi un juif au-dessus de tout soupçon qui aurait un saignement. Comment pourraient-ils donc le cacher ? Ne s'est-il pas souvent trouvé des juifs en prison des jours et des années durant, sur les habits et dans le lit desquels on aurait dû alors trouver du sang ?

Concernant le mot dam (m) et sa double signification, voir Krupnik - Silbermann, 1970, p. 219 (dam) ; Sokoloff, 2002, p. 340 (siih voce ϊ<Ώ*7) et p. 343 (siih voce ''^*7). Osiander fait sans doute allusion au Talmud de Babylone, traité Pesahim 112b, voir Salzer, 1986, p. 336. « Mag also geschehen sein, das einer hah gesagt, wir mussen 'dam ' von den christen zuwegen bringen, und habe das etwo ein halbgelerten der hebraischen sprach gehoeret, es sey gleich ein Jiid oder ein christ gewest, und habe von 'blût' vestanden, das doch sie von gelt geredet haben, und also ein boeses gerucht und argwon angericht, der ye longer ye mer umb sich gefressn und zidetzt leut gefunden habe, die inen zu iren boesen anschlegen haben wissen zu brauchen », Osiander, 1988 [1540], p. 240. Voir cette question Oilman, 1991 ; Morgenstern, 2017. Voir Boyarin, 1997. << Wiltu aber sagen, sie haben den blûtflufi, den koennen sie nicht verstellen dann mit unschuldiger christen kinder blût, wie man an etlichen andern orten fûrgeben hat, so sag ich abermal, es ist auch ein greyfliche lugen. Dann weyse mir doch einen unverdechtigen Juden, der den blûtflufi habe. Wie koenden sie es verbergen ? Sein nicht offt Juden jar und tag gefangen gelegen, wo hat man blût in iren klaydern und gelager funden ? », Osiander, 1988 [1540], p. 230.

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La fin du traité est consacrée à l'affaire de Posing. Osiander examine sept possibilités qui permettraient de comprendre comment les crimes d'enfants auraient pu avoir lieu. Il se pourrait que le comte de Posing, dont la moralité conjugale n'était pas intacte, ait été, conformément aux rumeurs, très endetté auprès des juifs. Il pourrait s'agir aussi d'un accident familial que l'on aurait cherché à dissimuler ou d'une maltraitance d'enfant qui aurait mal fini. Osiander dénonce ouvertement les procédures et les jugements expéditifs, les faux témoins que l'on cherche dans les villes voisines, ou même très loin du lieu où s'est déroulé le crime. Le Réformateur développe aussi des arguments de simple bon sens : comment se fait-il qu'un cadavre longtemps abandonné dans la nature n'ait pas été retrouvé, ne serait-ce que par l'odeur qu'il dégage ? Pourquoi les convertis, qui souvent sont prêts à toutes les trahisons, n'ont-ils jamais dénoncé ces meurtres rituels de leurs anciens coreligionnaires ? C'est en une longue plaidoirie argumentée par un avocat de la défense que s'achève le Ob es war undglaublich sey. Ce traité, remarquable par le courage qu'il suppose, les tech¬ niques argumentatives et la connaissance de la tradition juive qu'il révèle, est un hapax dans la Réforme du xvf siècle. Jean Eck, dans sa réfutation, s'est déchaîné contre Osiander, le traitant de « propagateur de fables », de « baratineur et moulin à paroles », de « lessiveur de langage », de « protecteur de juifs », de « profanateur infâme de la chrétienté », de « trafiquant de mots », de « blasphémateur funeste », d'« avocat funeste vendu aux juifs ». La force de cette réaction de la part d'un des plus éminents théologiens de l'Eglise traditionnelle montre la violence de Γ antijudaïsme au sein des institutions ecclé- siales et de la société au sein de laquelle Osiander n'a pas hésité pourtant à s'engager en faveur des communautés juives, opérant un chemin à rebours de celui de Martin Luther.

67 Respectivement dans Eck, 1541 : màrlintrager (f. Aiv) ; bloderer und schwetzer, ungelerte wascher, Judenvater (f. Β iii) ; Christenschànder (f. Β iii^) ; wortverkauffer, unsàligs lastermaul (f. C i), unselig miît gelt erkaufft der judenfursprech (f. D iii^).

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ÉCRITURE et SOCIÉTÉ Collection dirigée par Matthieu ARNOLD

VOLUMES PARUS 1. Jean-Pierre Bastian, Francis Messner (éd.), Théologie et sciences des religions en débat. Hommage à Gilbert Vincent^ 2009. 2. Matthieu Arnoed (éd.), Jean Calvin : les années strasbourgeoises (1538-1541). Actes du colloque de Strasbourg (8-9 octobre 2009) à l'occasion du 500^^ anniversaire de la naissance du Réformateur, 2010. 3. Anthologie protestante de la poésie française (xvf - XlN' siècles). Textes édités par Philippe François, préface d'Olivier Mielet, 2011. 4. Matthieu Arnold, Christophe Tournu (éd.), La Bible de 1611. Sources, Écritures & Influences / The King James Version. Sources, Writings & Influences, 2013. 5. Usages et mésusages de l'Écriture. Approches interdisciplinaires de la référence scripturaire. Textes réunis par Daniel Frey, Christian Grappe et Madeleine Wieger, 2014.

VIENT DE PARAÎTRE r 6. Gilbert Dahan, Etudes d'exégèse médiévale. Ancien Testament, 2017.

PRESSES UNIVERSITAIRES DE STRASBOURG 5 allée du Général Rouvillois F-67083 STRASBOURG CEDEX

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