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Classiques Garnier

Introduction Political Economy, Republic and Social Republic

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INTRODUCTION

Économie politique, république
et république sociale

Thierry Demals

Université de Lille, CLERSE - UMR CNRS 8019

Alexandra Hyard

Université de Lille, CLERSE - UMR CNRS 8019

Dans le « Discours préliminaire » de son Traité déconomie politique paru pour la première fois en 1803, Jean-Baptiste Say livre ce commentaire :

Jusquau moment où Smith a écrit, on a confondu la Politique proprement dite, la science du gouvernement, avec lÉconomie politique qui montre comment se forment, se distribuent et se consomment les richesses. Cette confusion est peut-être née uniquement du nom quon a donné mal-à-propos aux recherches de ce genre. Parce que le mot économie[Say renvoie ici à létymologie du terme] signifie les lois qui régissent la maison, lintérieur ; et que le mot politique semble appliquer cette idée à la famille politique, à la cité, on a voulu que léconomie politique soccupât de toutes les lois qui régissent lintérieur de la famille politique. Il fallait donc alors ny point mêler de recherches sur la formation des richesses. Les richesses sont indépendantes de la nature du gouvernement. Sous toutes les formes de gouvernement, un état peut prospérer sil est bien administré. On a vu des monarques absolus enrichir leur pays, et des conseils populaires ruiner le leur. Les formes mêmes de ladministration publique ninfluent quindirectement, accidentellement, sur la formation des richesses, qui est presque entièrement louvrage des individus (Say, 1803, I, p. i-ij ; ital. dans le texte).

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Say est encore plus explicite dans une note au même endroit : « Le mot dÉconomie politique ne doit sappliquer quaux biens, aux richesses de la société » (Say, 1803, I, p. ij, n.1 ; ital. dans le texte). Il pointe quelques responsables de cette confusion entre léconomie politique et la politique – James Steuart, les physiocrates, Jean-Jacques Rousseau – et reconnaît à Adam Smith le mérite davoir clairement séparé les deux domaines, dun côté, ce qui concerne les « richesses des nations », de lautre, ce qui traite des « rapports qui existent entre le gouvernement et le peuple, et ceux des gouvernements entreux » (Say, 1803, I, p. iij)1.

Smith a-t-il séparé aussi clairement les deux domaines ? Dans Wealth of Nations ([1776], 1976, IV, 1), lécossais considérait léconomie politique « as a branch of the science of a statesman or legislator » traitant les moyens daccroître à la fois le bien privé et le bien public, cest-à-dire de fournir un revenu suffisant pour le peuple (« people ») et pour le souverain (« state or commonwealth »).

Réagissant à la charge de Say, le physiocrate Pierre Samuel Du Pont ouvre une polémique durable lorsquil reproche à son coreligionnaire davoir « trop rétréci » la carrière de léconomie politique en ne la traitant que comme « science des richesses » et davoir omis quelle est aussi « science du droit naturel appliqué, comme il se doit de lêtre, aux sociétés civilisées » et « science des constitutions qui apprend et qui apprendra, non seulement ce que les gouvernements ne doivent pas faire pour leur propre intérêt et celui de leurs nations, ou de leurs richesses ». En pure perte, le physiocrate propose un autre découpage assignant à la politique le domaine des relations diplomatiques et guerrières internationales – cest la science de Machiavel, de Richelieu ou de Bonaparte, écrit-il – et à léconomie politique celui de la « justice éclairée dans toutes les relations sociales intérieures et extérieures » (Du Pont, lettre du 22 avril 1815, in Say, 1848, p. 309).

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Soutenir que les formes du gouvernement ninfluent pas sur la richesse et quil faut dabord connaître les principes de léconomie politique avant de songer à établir une constitution, nest pas une proposition typiquement républicaine. Say a édulcoré son républicanisme (dobédience plutôt girondine dans la période révolutionnaire). Il nest plus un « orthodox republican » (Whatmore, 2000, p. 152).

Le manuscrit intitulé « Politique pratique » témoigne pourtant dun intérêt manifeste de Say pour cette forme de politique quil appelle parfois « politique expérimentale » (Say, [s.d.], 2003, p. 734)2. Pour lui, il ne fait aucun doute que la politique pratique doive reposer sur les vrais principes de léconomie politique démontrés par lexpérience. Cette politique est ainsi cette science de lexpérience qui ne se gave ni de mots, ni de grandes idées, ni de systèmes, mais qui sen tient au fait, non au droit :

Une nation, écrit-il, fait ce quelle peut. Lorsquelle croit pouvoir être mieux gouvernée, elle se donne un gouvernement quelle croit meilleur. Si elle sest trompée, elle le change. Je ne vois là que lexercice dune faculté et non pas un droit (Say, [s.d.], 2003, p. 337).

Dans ce manuscrit, Say glisse aisément de la politique pratique à la politique pure ou théorique, cest-à-dire à lexamen des régimes constitutionnels (despotisme, système représentatif, démocratie pure, États fédératifs …) et de leurs inconvénients, plutôt que de leurs avantages. Il se pose ainsi indirectement la question du bon gouvernement et des bonnes institutions. Sappuyant sur une phrase de Malthus spécifiant que « tout gouvernement est un mauvais gardien de la liberté » (Say [s.d.], 2003, p. 425)3, il soutient quil faut se méfier de toute forme de gouvernement et ne pas perdre de vue que « les nations marchent par elles-mêmes et non par limpulsion du gouvernement qui nest quune classe de la société » (Say, [s.d.], 2003, p. 325).

En premier lieu, un bon gouvernement et de bonnes institutions reposent sur les « garanties » – terme emprunté à François Daunou (1818) – données à la liberté individuelle. Cest donc sous langle de 62celle-ci quil faut les évaluer dans les faits. Mais peu importe comment les bonnes institutions sétablissent – cest-à-dire peu importe quel pouvoir les met en place –, ce qui compte, cest quelles soient de bonnes institutions. Précisément, léconomie politique montre que le sort des hommes saméliore avec la liberté, mais elle ne dit pas expressément quelle est la meilleure forme de gouvernement, laquelle dépend de plusieurs facteurs dont le degré de lumière atteint par le peuple (« moins un peuple est éclairé, moins il a de capacités pour avoir un bon gouvernement, cest-à-dire pour être peu gouverné » (Say, [s.d.], 2003, p. 623 et aussi p. 620-621, p. 434-435). Il peut donc se trouver certaines circonstances pouvant justifier le despotisme éclairé et labsence de liberté politique4.

Lerreur capitale des anciens et qui a beaucoup trop exercé dinfluences sur les publicistes modernes, surtout sur Rousseau, poursuit Say, cest de croire que le principal objet dune société était lexercice des droits politiques, quils auraient dû considérer seulement comme un moyen ; le but étant lexistence la plus heureuse possible du plus grand nombre possible (Say, [s.d.], 2003, p. 574).

Quoiquils puissent être mis en pratique par différents gouvernements, les principes de léconomie politique indiquent toujours quun bon gouvernement est celui qui, bâti sur la richesse individuelle, gouverne peu et le moins administrativement possible.

En second lieu, cest la concurrence quil faut introduire dans le fonctionnement du corps politique :

Quels seraient les moyens, sans nuire à lexpédition des affaires, dintroduire dans ladministration publique, le principe de la concurrence. Cest-à-dire de donner les fonctions publiques à ceux qui les exerceraient avec le plus de capacité et le moins de frais ?

La concurrence est encore un de ces principes que l Économie politique introduit dans les habitudes d une nation et qui est beaucoup plus applicable qu on ne croit à la politique » (Say, [s.d.], 2003, p. 484 ; ital. dans le texte).

Say imagine un système législatif composé de deux chambres qui feraient les lois avec la même compétence. Lune proposerait une loi que lautre pourrait approuver ou rejeter mais que le prince appliquerait de toute façon. Si la loi produit de bons effets, lhonneur retomberait sur la seconde chambre si elle la approuvée, et la honte si elle la rejetée. 63Les bonnes lois ou les bons comportements parlementaires ressortiraient de cette concurrence entre les chambres. Le même système pourrait sappliquer à ladministration des travaux publics (Say, [s.d.], 2003, p. 433).

En troisième lieu, cest le principe dutilité qui doit conduire laction politique. Say loue ici Jeremy Bentham – « cet auteur est un de ceux qui a le plus hâté le progrès des siècles », écrit-il (Say, [s.d.], 2003, p. 566) – et fait sien le principe du plus grand bonheur du plus grand nombre. Il lui objecte cependant de ne pas avoir réfléchi sur les conditions de son application :

Il ne faut pas quon dise quavec ces principes on peut défendre tous les excès populaires commis et contre les riches et contre les magistrats ; en ce que les riches et les magistrats étant le petit nombre, il faut les sacrifier au peuple qui est le plus nombreux. La justice, léquité, la garantie de toutes les personnes et des propriétés, sont dans lintérêt de tous, et par conséquent du plus grand nombre ; et une tourbe populaire, fût-elle composée de la population entière dune capitale, nest encore quune fraction dune nation, et celle-ci de la race humaine.

Enfin la maxime le plus grand bien du plus grand nombre nautorise pas ceux qui font le mal du plus grand nombre fussent-ils en majorité (Say, [s.d.], 2003, p. 462 ; ital. dans le texte).

Malgré ces réserves, dans une lettre datée du 18 septembre 1816, Say écrit à Étienne Dumont, juriste suisse et traducteur de Bentham, quil souhaite que le philosophe anglais sache quil est « un de ses fidèles disciples » (apud Kitami, 2000, p. 100). Quelques années plus tard, dans le discours douverture des cours déconomie politique au Collège de France de 1831-1832, il confirme son allégeance au principe de lutilité :

La vie se compose, dun côté, de sacrifices, et de lautre, de satisfactions obtenues au prix de ces sacrifices [] LÉconomie politique a pour objet de bien faire comprendre ce mouvement, ce jeu de la société, et de tirer parti de cette connaissance pour quil sexécute avec le plus davantages quil est possible ; cest-à-dire en faisant le moins de sacrifices quil se peut, pour obtenir le plus davantages que nous pouvons en attendre ; à diminuer la somme des maux et à augmenter celle des biens (Say, 1848, p. 165).

Deux propositions de Say seront abondamment commentées dans la première moitié du xixe siècle : la première selon laquelle léconomie politique a un objet distinct et indépendant de celui de la politique et dans le même temps éclaire tout gouvernement sur les principes quil 64doit appliquer ; la seconde selon laquelle le bon gouvernement est, quel que soit sa forme, celui qui applique le principe de lutilité que Say rapproche après 1815 du principe benthamien du plus grand bonheur du plus grand nombre.

Dans son article, Stefano De Luca sattache à montrer que Benjamin Constant discute ces deux propositions, tant dans ses Principesde politique (1806) que dans son Commentaireà Filangieri (1822-1824). Constant est un bon connaisseur de la littérature de léconomie politique – notamment Smith, Say, Sismondi, Malthus ou encore Ganilh, à lexception de Ricardo – quil lit en penseur politique tâchant détablir un lien fort entre les deux domaines, économique et politique. Cest de cette façon que Charles Dunoyer (1827) le décrit : il a fait de lindustrie comprise comme activité économique « le véritable objet de la politique ». Ce faisant, il est allé plus loin que Say qui avait séparé les deux domaines mais navait pas perçu que « létude de léconomie politique lui eût révélé la véritable fin de la politique » (Dunoyer, 1827, p. 370, p. 374).

La description de Dunoyer est certainement discutable. De Luca souligne que Constant nest pas un industrialiste réduisant la politique à la promotion de lindustrie et conférant à léconomie politique un rôle aussi directif, pour la raison que la société, selon ce dernier, nest pas composée que dindividus économiques et que lintérêt personnel nest pas le seul principe explicatif de la conduite humaine.

Ce lien entre politique et économie politique, Constant lappréhende tout dabord par le concept de propriété privée : sous langle politique, cette dernière est le critère des droits politiques modernes, ce qui signifie que, tout citoyen nétant pas propriétaire, linégalité politique est la caractéristique des sociétés modernes ; sous langle économique, elle ne peut être abolie, puisque cest un instrument du progrès et le meilleur moyen trouvé pour allouer les ressources rares et encourager le travail. Constant lappréhende ensuite par la justification dun lÉtat minimal au nom précisément de la protection de la propriété privée, de sa libre utilisation et circulation. LÉtat na quun droit, celui dempêcher les individus de se nuire et nintervient que lorsque la libre concurrence nest pas respectée pour la garantir ou la restaurer.

Il faut ici préciser les relations entre les différentes libertés dans les sociétés modernes. La liberté des modernes, civile, religieuse et politique, ne peut se développer que grâce au commerce et à léconomie. En 65conséquence, elle doit être articulée à la liberté économique. Ainsi, de même que dans la sphère de lactivité civile, il faut éviter larbitraire en garantissant les libertés de chacun, de même dans la sphère économique il faut éviter larbitraire en garantissant la libre concurrence. Cependant, la liberté économique est dun rang inférieur. Son développement ne peut se faire aux dépens des libertés civiles, religieuses et politiques, qui lui sont supérieures. Constant perçoit donc comme un danger le renfermement des individus dans leur sphère privée, renfermement qui leur procurerait une liberté économique mais laisserait la politique entre les mains de lÉtat. Il faut une liberté et une représentation politiques pour protéger les libertés individuelles (argument libéral classique) et pour élever les individus au-dessus de leurs stricts intérêts privés (argument républicain selon De Luca). Ce renfermement dans la sphère privée, assimilé à un excès dindividualisme, aide à comprendre la critique du principe dutilité :

Le droit est un principe, lutilité nest quun résultat. Le droit est une cause, lutilité nest quun effet. Vouloir soumettre le droit à lutilité, cest vouloir soumettre les règles éternelles de larithmétique à nos intérêts de chaque jour (Constant, 1830, I, p. 99).

Constant rencontre ici la question sociale ; celle-ci traverse son œuvre, sans pourtant remettre en cause le mécanisme du marché et justifier lintervention de lÉtat. Il rejoint Malthus dans sa critique de la mauvaise administration des aides publiques aux pauvres, mais rejette ses conclusions qui lui semblent tirées dune arithmétique lugubre. Malthus oublie léquité : la société moderne a consacré le droit de propriété, mais la majeure partie de la population en est privée5. Constant énonce alors que le meilleur moyen de défendre la propriété est (i) de subdiviser la grande propriété foncière et de diffuser la petite propriété foncière 66jusquaux classes les plus pauvres – cette thèse, proche de Sismondi, apparaît tardivement dans le Commentaire à Filangieri –, (ii) de promouvoir la propriété industrielle, celle de louvrier et de lentrepreneur.

Dans sa présentation de léconomie politique de Pellegrino Rossi, Joël Ravix pointe en premier lieu une divergence de méthode davec celle de Say, fondée sur la méthode inductive à limitation des sciences de la nature. Pour Rossi (1843, I, p. 43), seule la méthode déductive permet de fonder une économie politique « pure ou rationnelle, une science sui generis », qui soit « plus une science du raisonnement, quune science expérimentale », bref une science des faits généraux, non des faits particuliers.

En second lieu, Rossi achoppe en partie sur les deux propositions de Say (celle du tracé de frontière entre économie politique et politique et celle de lutilitarisme). Comme le Say du Traité de 1803, il se situe dans la lignée de Smith et soutient que léconomie politique nest quune science de la richesse6. Il achoppe en particulier sur une phrase du Cours complet déconomie politique pratique (1828-1829) : « Cette science [léconomie politique] tient à tout dans la société, quelle se trouve embrasser le système social tout entier » (apud Rossi, 1843, I, p. 23). Rossi surinterprète probablement cette phrase de Say. Celle-ci nest pas un reniement de la proposition avancée dans le Traité de 1803, mais plutôt une reformulation : considérés comme des vérités incontestables, les principes de léconomie politique doivent former la base de la politique. En ce sens, leur application concerne le « système social tout entier », mais il ne sagit pas dune extension du domaine de léconomie politique. On peut comprendre la position de Rossi qui, comme le note Ravix, est autant juriste quéconomiste. Pour lui, létude de lhomme et de la société, quil appelle la « question sociale », ne se résume pas au rapport de lhomme à la richesse (ce dont traite léconomie politique), lequel engloberait le rapport au « bien-être matériel » et le rapport au « développement moral » (objets dont traitent le droit, la morale et la politique). Ces différents objets obéissent à des logiques différentes. À un autre endroit, poursuit Ravix, Rossi écrit que létat social résulte 67essentiellement de la combinaison de trois ordres de faits : « les faits moraux, les faits politiques, les faits économiques ». La question sociale étant à lintersection de ces trois ordres de faits, celle-ci ne peut se résoudre par un seul principe qui serait celui de léconomie politique :

Léconomie politique peut nous servir de guide pour nous diriger vers lun de ses buts [richesse, bonheur] ; mais elle na pas pour mission de nous contraindre à faire telle ou telle chose []. Lerreur vient de ce quon imagine que toute question sociale est soluble par lapplication dun seul principe []. Léconomie politique donne des résultats économiques, des conséquences du principe économique ; cest aux législateurs, aux hommes daffaires, de tenir compte de tous les autres principes qui doivent concourir pour que la solution de la question soit conforme aux intérêts les plus chers de la nation et des individus (Rossi, 1843, I, p. 39-40).

Il ny a donc pas de principe exclusif, que ce soit celui de lutilité ou celui du droit naturel7. Lerreur de la philosophie du droit naturel – Rossi se réfère ici à Hobbes –, cest de supposer des droits antérieurs à la société alors que lhomme na de droits que grâce à la société. Lerreur de Bentham et de Say, cest celle davoir exhibé un principe sans fixer les limites de son application, plus encore den faire un principe moral. Ce principe aboutit à la formule du plus grand bonheur du plus grand nombre, formule injuste qui peut conduire à ce que lon sacrifie lintérêt ou le bonheur du plus petit nombre à celui du plus grand.

Léconomie politique de Rossi est-elle républicaine ? Pour Ravix, lintérêt porté par Rossi à la question sociale le conduit vers une forme de républicanisme (mêlé de libéralisme). Léconomiste insiste en effet sur la notion de conflit quil perçoit dans les relations interindividuelles et dans la distribution inégale des ressources et des biens.

Le conflit survient tout dabord lorsquil y a excès dindividualisme dans la société et sa résolution nécessite une organisation juridique sanctionnant cet excès et un État chargé dappliquer ces sanctions. LÉtat a pour tâche de garantir légalité civile que Rossi sempresse de distinguer de légalité des conditions, néfaste selon lui, à lactivité économique. Quant à laction économique de lÉtat, la chose est moins nette. Il semble par exemple que Rossi soit opposé aux lois sur les pauvres.

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Les conflits de distribution peuvent prendre deux formes, celle dune opposition entre les propriétaires du travail et du capital et les propriétaires de terres et surtout celle dune opposition entre le travail et le capital dès lors que le travail fait lobjet dun contrat salarial. Rossi (1865, III, p. 43) fait une distinction entre deux états du travailleur : létat de « copartageant en proportion de sa mise » – le travailleur sapparente ici à un associé passant un « contrat de société » – et létat de vendeur de son travail – le travailleur est ici salarié passant un « contrat de vente » ou de « louage de services » (1865, III, p. 38). Dans ce second état, la position du travailleur est défavorable : il a perdu une partie de sa liberté et de sa dignité, il nest plus à égalité avec le copartageant devenu acheteur. Rossi pense que cette forme de domination, qui est une déviation du cours naturel de la distribution, disparaîtra progressivement avec laugmentation constante du capital qui fournira au travailleur la possibilité dépargner et de former lui-même un capital et percevoir des profits (1865, III, p. 43).

Au terme de son article, Ravix discerne dans léconomie politique de Rossi trois caractéristiques que lon peut qualifier de républicaines : tout dabord, la reconnaissance de droits publics et sociaux à côté des droits civils et politiques ; ensuite, lidée que la dynamique de la république est fondée sur le conflit social (ici le conflit sur la distribution des richesses) et sa capacité à le résoudre ; enfin, lidée de la liberté comme non-domination dans une société marquée par lextension de la propriété mobilière et le risque dasservissement du travail salarié, ce qui justifie la nécessaire garantie par la force publique de légalité civile, du riche comme du pauvre.

Saint-Simon revient lui aussi sur la phrase de Say quil cite dans Lindustrie (1816-1818). Après avoir trouvé dans le Traité déconomie politique « le plus grand nombre didées positives coordonnées », il ajoute :

Smith avait insinué bien modestement dans le monde de la science quil avait créée ; il lavait présentée comme un moyen pour les gouvernements de senrichir ; il ne lannonçait que comme une science secondaire, comme une auxiliaire, une dépendance de lapolitique. M. Say fait un pas de plus que Smith dans le rapport philosophique ; il établit en tête de son ouvrage, que léconomie politique est distincte et indépendante de la politique ; il dit que cette science a une base à elle, base tout-à-fait différente de celle sur laquelle repose la science qui a pour objet dorganiser les nations (Saint-Simon, Lindustrie[1816-1818], 2013, II, p. 1636).

Et cette note manuscrite :

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Pourquoi la pensée de M. Say nest-elle pas plus hardie ? Pourquoi admet-il une science politique supérieure à celle de léconomie politique ? Pourquoi ne reconnaît-il pas lexistence dun ordre didées, en politique, supérieur à celui des idées dont il soccupe ? Pourquoi, au contraire, ne sattache-t-il pas à prouver que toute société politique ne peut se proposer pour but raisonnable et positif que la production des objets utiles, des objets dune utilité appréciable par le plus grand nombre ? … Pourquoi ne considère-t-il pas lespèce humaine entière comme un grand atelier ? (Saint-Simon, manuscrit du Politique, [1818-1819], 2013, III, p. 2016)

Dans son article, Michel Bellet se propose de démontrer que pour Saint-Simon léconomie politique sinsère dans la politique, et non pas que léconomie politique absorbe la politique. Mais que signifie la politique pour Saint-Simon ? Dune certaine manière et dans son état présent, son objet est le bon gouvernement ou la bonne constitution, mais ce quelle doit éclaircir est plus cela : cest le processus qui conduit aux perfectionnements des organisations sociales et finalement au système industriel. Dans ce sens, la politique est la science de la production des choses utiles. Le but semble être le même que celui de léconomie politique, mais ici il est pensé de façon plus large. Il ne sagit pas simplement de rechercher le bonheur matériel des individus par la liberté économique, mais de leur attribuer une plus grande liberté politique comprise dans ce sens : redéfinition de la propriété non corrélée au droit de vote, remplacement des droits acquis par la naissance et lhéritage par des droits liés aux capacités, élargissement de la représentation politique, etc.

Saint-Simon est-il républicain ? Pour Bellet, Saint-Simon na aucunement à lesprit de revenir aux sources antiques ou médiévales de la république et sil valorise la Révolution française, cest nest pas parce quelle réintroduit lidée de république, mais parce quelle est une révolution susceptible de promouvoir un nouvel ordre industriel se substituant à lordre ancien féodal. La devise républicaine, liberté-égalité-fraternité est une abstraction reposant sur des suppositions telles que le droit naturel et le contrat social. Pour la rendre moins abstraite, il faut, dune part, relier la liberté à lindustrie, cest-à-dire favoriser laccès des producteurs non oisifs aux ressources et, dautre part, penser légalité, non pas de façon absolue, mais relativement aux ressources et aux fonctions par la suppression des privilèges et, dans le même temps, admettre linégalité suivant la hiérarchie des capacités et des mises.

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La république nest donc pas la perfection politique, le point terminal de lhistoire des sociétés, mais une forme de gouvernement parmi dautres, adaptée à certaines circonstances. Dans létat présent, cest-à-dire dans la transition vers lordre industriel, la république peut être mixée avec dautres formes de gouvernements sous la condition dune participation à la vie politique plus large des producteurs et travailleurs, des non oisifs. Avec le nouvel ordre industriel, la politique change de nature, passant du gouvernement qui exprime des relations entre les hommes (gouvernants et gouvernés) à ladministration exprimant des relations des hommes aux choses. Se profile alors une autre manière de penser la hiérarchie sociale désormais fondée sur les capacités industrielles, scientifiques et ouverte, puisquelle supprime la propriété des ressources par naissance et par héritage. Ce thème deviendra ultérieurement une revendication de ce que lon a appelé la république sociale.

Dans leur article, Cyrille Ferraton et Ludovic Frobert examinent une pensée utopique promouvant lassociation ouvrière aux alentours de la Révolution de 1848, celle de Pauline Roland, dans le rapport que cette pensée peut entretenir avec léconomie politique et le républicanisme. Ils se proposent détudier la réflexion de cette saint-simonienne devenue proche de Pierre Leroux, dabord par les lettres quelle adresse à ce dernier dans les années 1847-1848 dans lesquelles elle tente de définir lidéal associatif, puis dans ses articles confrontant les expériences associatives durant la seconde république (1850-1851).

Dans lidéal de Leroux et de Roland, une société meilleure et plus égalitaire adviendra sur la base de communautés ou dassociations de travailleurs répudiant ce qui fait le défaut de la société industrielle moderne, à savoir lesprit individualiste et concurrentiel, lequel cèdera la place à un nouvel esprit, une nouvelle morale, une nouvelle religion, celle de lassociation. Cette société nouvelle qui prend le nom de socialisme promet de réaliser pleinement la triade républicaine, liberté-égalité-fraternité, en la retransformant dans le sens lerouxien de sentiment/fraternité-connaissance/égalité-sensation/liberté. Pour Leroux, liberté et égalité ne sont pas des notions antinomiques et sont réunies par la fraternité qui est léquivalent de solidarité, de lien, voire de religion8.

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Dans cette société socialiste, la règle saint-simonienne – « À chacun suivant sa capacité, à chaque capacité suivant ses œuvres », Doctrine de Saint-Simon, 1830, p. xxvii – est remplacée par une règle nouvelle : « À chacun selon ses forces… à chacun selon ses besoins », le premier membre établissant la règle de la production et le second la règle de la répartition. Cette nouvelle règle de justice, ce « credo religieux », écrivent les auteurs, écarte en effet la notion saint-simonienne de capacité, attendu quelle contient une justification de linégalité, laquelle na pas de place dans la doctrine de Leroux et Roland, et corollairement une justification de la hiérarchie. En revanche, elle légitime la propriété commune et lactivité de production tournée vers le besoin compris comme autosuffisance pour ne pas épuiser la nature. Ainsi tous les associés, quel que soit le sexe, sont égaux, tous ont droit au travail et tous sont redevables de leur travail à lassociation et consécutivement à la société entendue comme fédération dassociations. Tous sont « fonctionnaires » au sens où ils occupent une fonction.

Ces expériences associatives furent pendant un temps porteuses despérances au point que Rolland réfléchit à une république les fédérant, à la fois démocratique et religieuse, reprenant le message du christianisme primitif.

Rolland emploie lexpression « économie politique socialiste » sans véritablement expliquer pourquoi elle la fait sienne. Comme nous y engagent les auteurs, cest vers Jules Leroux quil faut sans doute se tourner9. Celui-ci en effet rédige la volumineuse entrée « Économie politique » dans le tome 4 de lEncyclopédie nouvelle (1843) dirigée par son frère Pierre et Jean Reynaud. Il y précise que, dans son état actuel, léconomie politique nest plus une « science », quelle sest réduite à un « système », celui de Smith, et que, par conséquent, il faut la remettre dans le droit chemin de la science. Du point de vue de la science,

[L]économie politique est la recherche de la loi, de larrangement des diverses parties constituantes de la nation. Le but de cette loi étant de donner à la nation 72son plus grand bien-être, sa plus grande prospérité, sa plus grande richesse. Cest là lunique problème que constitue cette science, définissez-là la science des richesses, et nous ne savons plus ce que cest (Leroux, 1843, IV, p. 538).

Léconomie politique traite certes de la richesse, mais surtout de « la loi de la maison politique » : elle « se propose de trouver la loi, larrangement, le gouvernement qui, pouvant régner au sein des sociétés humaines, sera le plus favorable au développement de la plus grande richesse, de la plus grande prospérité, du plus grand bonheur des sociétés humaines » (id., p. 540 ; ital. dans le texte). Mais Smith lui a enlevé complètement son « caractère philosophique et religieux » et la mise « à la remorque des faits accomplis » (id., p. 541). Son disciple Say la séparée de la politique. Citant lui aussi la fameuse phrase de léconomiste français, Jules Leroux résume ainsi la pensée de ce dernier : « Il importe fort peu à la production de la richesse au sein dune nation, que cette nation soit antique ou moderne, quelle soit oligarchique, monarchique ou démocratique ! » (id., p. 541). Mais, se demande-t-il, « est-il vrai de dire que léconomie politique doive être sans contrôle sur la gestion de la politique, quelle doive indifféremment accepter de cette dernière toutes les constitutions organiques quil lui plaira denfanter ? » (id., p. 541). Il faut réunir à nouveau ce quont détruit les économistes, à savoir lunité de la « science sociale » : « Il y a trois sciences : léconomie politique, la politique, la religion. Mais la vérité pure, cest que ces trois sciences nen font quune » (id., p. 542).

Dans sa présentation de lœuvre de Constantin Pecqueur, Clément Coste sattache à montrer quelle peut se lire comme une économie politique républicaine, cest-à-dire une économie politique pensée à partir de principes républicains et exprimant pleinement la devise liberté-égalité-fraternité. Par république, Pecqueur entend une forme de société composée dhommes libres, égaux et solidaires, nécessairement démocratique, où le peuple est lÉtat lui-même. Cette économie politique subirait les influences du christianisme primitif (égalité), de Rousseau (souveraineté populaire), des saint-simoniens (ateliers de production) et de fouriéristes, courants auxquels il a un temps appartenu. Elle serait surtout opposée à une autre économie politique, laquelle prendrait appui sur les fictions du droit naturel et de lantériorité de lindividu sur la société, et notamment la fiction dun état primitif (attribué à Smith par Pecqueur) dans lequel les individus propriétaires dun fonds 73de terres seraient en état de subvenir à leurs besoins et par conséquent ne dépendraient pas des autres.

Léconomie politique à laquelle Pecqueur soppose est celle des « économistes libéraux de France » (pour reprendre son expression), nommément Bastiat, Molinari, Rossi ou Wolowski. Cette économie politique fait de la liberté individuelle un droit, mais un droit qui ne signifie pas que tous les individus qui le possèdent soient effectivement libres. Force est de constater que, même après les révolutions de 1789 et de 1830, la grande masse des hommes nest pas libre, et quelle ne détient ni la connaissance, ni les instruments de production et le capital. La liberté des hommes nest pas pleinement réalisée, ni leurs facultés pleinement développées, puisquelles dépendent de la volonté des détenteurs de capitaux.

Dotée dune conception appauvrie de la liberté, sans considération pour légalité et la fraternité, cette économie politique libérale se révèle incompatible avec la devise républicaine. Réduisant la notion dharmonie sociale à celle déquilibre entre production et consommation, elle apparaît à Pecqueur comme une pensée fataliste, manquant de volontarisme et incapable de garantir à tous la satisfaction de leurs besoins les plus élémentaires.

Selon Pecqueur, il nexiste pas plus de lois naturelles quil ny a dhomme naturel. Les lois sont sociales, inscrites dans lhistoire. La liberté nest pas simplement une absence dinterférence, cest un pouvoir dagir, cest « pouvoir ce quon veut », selon le mot de Pecqueur. Coste y perçoit une sorte de liberté positive, ou encore une liberté comme non-domination, une liberté qui ne peut satteindre que par le moyen de légalité des conditions et suivant le principe de la solidarité/fraternité. Et cette égalité doit être garantie par un État républicain et une organisation économique.

Mais plus quune économie politique, il semble que Pecqueur cherche à construire une science sociale, cest-à-dire une science dans laquelle la société serait organisée selon une loi de solidarité. Lidée générale est la suivante : la société est une série déléments (religion, morale, famille, industrie, État, gouvernement, éducation, etc.) communs à toutes les époques et dont les combinaisons historiques (division du travail, héritage, loi, etc.) doivent tendre, successivement, vers plus de solidarité. Dans ce processus, le socialisme apparaît comme lapplication la plus 74complète de la loi de solidarité. Il faut toutefois distinguer deux étapes : la souveraineté politique ne sera acquise que lorsque les hommes seront économiquement libres ; cest donc la souveraineté économique quil faut dabord réaliser grâce à laction directe de lÉtat et lorganisation économique.

Lorganisation économique, cest, résume Coste, une association socialiste de production où les forces et les aptitudes sont mutualisées, réparties selon les besoins, et les destinées solidarisées.

La république de 1789 avait permis « lunité civile », la nation formant un corps uni. La république économique doit réaliser « lunité économique », et former un corps où le peuple serait « associé-fonctionnaire de la République » (selon les expressions de Pecqueur) et titulaires dun droit fondamental au travail, et où la richesse serait une œuvre sociale et solidaire, non pas une somme de richesses privées. Comme lécrit Coste, une « économie politique de la justice » prendrait ainsi le pas chez Pecqueur sur une « économie politique de lutilité ».

Une économie politique non séparée de la justice et du droit, une république qui soit capable de résoudre la question sociale, tel est le projet qui anime Pierre-Joseph Proudhon. À travers son article, Vincent Bourdeau tente de saisir lévolution de la pensée de Proudhon et distingue deux moments. Le premier moment est celui dune proximité avec léconomie politique (libérale), que lon discerne dans Philosophie de la misère (1846). Le second est celui dune divergence illustrée, entre autres ouvrages, par De la capacité politique des classes ouvrières (1865).

Le premier moment est caractérisé par lacceptation de certains thèmes libéraux tels que la définition de la société se régulant par les contrats privés effectués librement, sans recours à une justice distributive et à des lois promulguées par un État surplombant la société, une société devenue industrielle et débarrassée des entraves politiques. Le droit émerge ainsi du bas de la société et un léquilibre social est atteint grâce aux actions individuelles. Léconomie politique a alors pour objet le « bonheur des sociétés par lorganisation du travail et par la justice » (selon lexpression de Proudhon).

Le second moment est consécutif à léchec de la Révolution de 1848. Désormais, Proudhon tire le constat que la Révolution de 1848 na pas su associer léconomie politique à lidéal républicain. Plus exactement, les économistes, pense-t-il, ont abandonné la république, ils ont perdu 75de vue lidéal républicain. Il faut donc faire reposer léconomie politique sur de nouvelles bases et létablir sur une raison supérieure, la religion, et sur un droit qui ne soit pas seulement celui des individus, mais celui de la société qui réunit ces individus, un droit immanent à la société et porté par elle.

La véritable source du droit, ce nest donc plus les individus et leurs contrats privés, cest la société elle-même. La religion, qui apparaît ici comme cette raison supérieure et collective, a pour autre nom l« esprit public », esprit qui a disparu en 1848 au profit de jugements purement privés. Économie, droit et religion sont donc intrinsèquement mêlés pour former ce que Proudhon appelle une « science pure ». Ce dernier opère alors une double redéfinition, dune part, celle dune économie politique fondée sur une conception originale du droit conçu comme un rempart contre larbitraire – en ce sens cest une théorie de la justice considérée ici comme immanente aux organisations sociales et prenant la forme dune « histoire naturelle de lorganisation et de la justice » (selon lexpression de Proudhon) – et, dautre part, celle dun ordre républicain construit à partir des actions individuelles ordinaires (production, distribution, consommation) et promouvant une sorte didéal de non-domination dans la vie économique et sociale.

À la fin de son article, Bourdeau montre le lien qui unit le dernier Proudhon à Georges Sorel, tous deux inspirés par le même projet de construire une économie politique « fondée à la fois sur lobservation de la spontanéité industrielle et mercantile et sur la justice » selon le mot de Proudhon, (De la justice dans la révolution et dans lÉglise, 1858).

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1 Outre-Manche, Dugald Stewart opère dès 1800 une distinction similaire entre « Politics proper, or Theory of Government » et « Political Economy proper » dans le cours quil délivre à luniversité dÉdimbourg (Stewart [1855-1856], 1994, vol. VIII et IX). George Pryme, premier professeur déconomie politique à luniversité de Cambridge depuis 1816, reprend cette distinction dans lintroduction de son cours de 1823 : « Though it may seem less interesting than Political Philosophy, its [Political Economy] utility is more extensive, since it is applicable alike to a despotism and to a democracy ; to the most savage, and to the most civilized nation. [] since his [Smith] time the distinction between Political Economy and pure Politics, has been generally observed » (Pryme, 1823, p. 3 et 6).

2 Il sagit dun emprunt à Daunou (1818, IX, p. 47) : « lexpérience doit être ici le seul guide, le seul maître » ; voir aussi le Cours complet (1843, p. 557) : « politique rationnelle », « politique expérimentale ».

3 Cf. Malthus (1803, IV, vi, p. 529 ; 1992, p. 247) : « Government is a quarter in which liberty is not, or cannot be, very faithfully preserved »).

4 Say, [s.d.], 2003, p. 372-376. Un argument similaire est employé par James Mill dans les mêmes années, cf. « Government », 1820.

5 Constant (1822, p. 36-37) : « Il y a certainement quelque chose de dur et de sévère dans les raisonnements que M. Malthus entasse pour prouver que les pauvres nont aucun droit à être secourus par la société. Je ne suis pas en général plus partisan que lui des secours publics qui sont communément mal administrés, mal répartis, et qui ôtent à lhomme, en le leurrant par une fausse espérance, le sentiment plus salutaire, celui qui apprend que chacun doit ne compter que sur sa propre industrie, et nattendre sa subsistance que de ses propres efforts. Mais faire prononcer du haut de la chaire évangélique, que désormais lassistance des paroisses sera refusée aux enfants dont les parents ne pourraient les nourrir, est une déclaration par trop franche dun état dhostilité entre ceux qui ont tout et ceux qui nont rien ».

6 Rossi (1843, I, p. 22) : « Smith ne prétend pas reconstruire la société et les gouvernements ; il soccupe essentiellement de la question de savoir quels sont les principes de notre nature et les faits humains les plus efficaces pour ce but spécial : la formation de la richesse nationale ».

7 Rossi (1854, IV, p. 58) : « Lutile est légitime tant quil ne sort pas des limites du vrai et du juste ».

8 Dans lentrée « Éclectisme » de lEncyclopédie nouvelle (1843, IV, p. 474), on peut lire : « Mais par de là ces formules morales de fraternité, de liberté, dégalité, il est une métaphysique qui les renferme et les explique. Cest la métaphysique du Christianisme que nous pouvons aujourdhui contempler sans voile et traduire ainsi : il y a la solidarité dans lesprit humain ; il y a communion spirituelle entre tous les hommes ; lesprit individuel vit dans un milieu formé de la raison universelle de lespèce ; lesprit de chaque époque et de chaque homme est primitivement un édifice construit par les travaux des générations antérieures, et par la coopération de lhumanité toute entière ».

9 Voir aussi Frobert et Drolet (2022).