Introduction Économie politique, république et république sociale
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
2022 – 1, n° 13. varia - Auteurs : Demals (Thierry), Hyard (Alexandra)
- Pages : 59 à 77
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- EAN : 9782406132547
- ISBN : 978-2-406-13254-7
- ISSN : 2495-8670
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-13254-7.p.0059
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 01/06/2022
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
INTRODUCTION
Économie politique, république
et république sociale
Thierry Demals
Université de Lille, CLERSE - UMR CNRS 8019
Alexandra Hyard
Université de Lille, CLERSE - UMR CNRS 8019
Dans le « Discours préliminaire » de son Traité d’économie politique paru pour la première fois en 1803, Jean-Baptiste Say livre ce commentaire :
Jusqu’au moment où Smith a écrit, on a confondu la Politique proprement dite, la science du gouvernement, avec l’Économie politique qui montre comment se forment, se distribuent et se consomment les richesses. Cette confusion est peut-être née uniquement du nom qu’on a donné mal-à-propos aux recherches de ce genre. Parce que le mot économie[Say renvoie ici à l’étymologie du terme] signifie les lois qui régissent la maison, l’intérieur ; et que le mot politique semble appliquer cette idée à la famille politique, à la cité, on a voulu que l’économie politique s’occupât de toutes les lois qui régissent l’intérieur de la famille politique. Il fallait donc alors n’y point mêler de recherches sur la formation des richesses. Les richesses sont indépendantes de la nature du gouvernement. Sous toutes les formes de gouvernement, un état peut prospérer s’il est bien administré. On a vu des monarques absolus enrichir leur pays, et des conseils populaires ruiner le leur. Les formes mêmes de l’administration publique n’influent qu’indirectement, accidentellement, sur la formation des richesses, qui est presque entièrement l’ouvrage des individus (Say, 1803, I, p. i-ij ; ital. dans le texte).
60Say est encore plus explicite dans une note au même endroit : « Le mot d’Économie politique ne doit s’appliquer qu’aux biens, aux richesses de la société » (Say, 1803, I, p. ij, n.1 ; ital. dans le texte). Il pointe quelques responsables de cette confusion entre l’économie politique et la politique – James Steuart, les physiocrates, Jean-Jacques Rousseau – et reconnaît à Adam Smith le mérite d’avoir clairement séparé les deux domaines, d’un côté, ce qui concerne les « richesses des nations », de l’autre, ce qui traite des « rapports qui existent entre le gouvernement et le peuple, et ceux des gouvernements entr’eux » (Say, 1803, I, p. iij)1.
Smith a-t-il séparé aussi clairement les deux domaines ? Dans Wealth of Nations ([1776], 1976, IV, 1), l’écossais considérait l’économie politique « as a branch of the science of a statesman or legislator » traitant les moyens d’accroître à la fois le bien privé et le bien public, c’est-à-dire de fournir un revenu suffisant pour le peuple (« people ») et pour le souverain (« state or commonwealth »).
Réagissant à la charge de Say, le physiocrate Pierre Samuel Du Pont ouvre une polémique durable lorsqu’il reproche à son coreligionnaire d’avoir « trop rétréci » la carrière de l’économie politique en ne la traitant que comme « science des richesses » et d’avoir omis qu’elle est aussi « science du droit naturel appliqué, comme il se doit de l’être, aux sociétés civilisées » et « science des constitutions qui apprend et qui apprendra, non seulement ce que les gouvernements ne doivent pas faire pour leur propre intérêt et celui de leurs nations, ou de leurs richesses ». En pure perte, le physiocrate propose un autre découpage assignant à la politique le domaine des relations diplomatiques et guerrières internationales – c’est la science de Machiavel, de Richelieu ou de Bonaparte, écrit-il – et à l’économie politique celui de la « justice éclairée dans toutes les relations sociales intérieures et extérieures » (Du Pont, lettre du 22 avril 1815, in Say, 1848, p. 309).
61Soutenir que les formes du gouvernement n’influent pas sur la richesse et qu’il faut d’abord connaître les principes de l’économie politique avant de songer à établir une constitution, n’est pas une proposition typiquement républicaine. Say a édulcoré son républicanisme (d’obédience plutôt girondine dans la période révolutionnaire). Il n’est plus un « orthodox republican » (Whatmore, 2000, p. 152).
Le manuscrit intitulé « Politique pratique » témoigne pourtant d’un intérêt manifeste de Say pour cette forme de politique qu’il appelle parfois « politique expérimentale » (Say, [s.d.], 2003, p. 734)2. Pour lui, il ne fait aucun doute que la politique pratique doive reposer sur les vrais principes de l’économie politique démontrés par l’expérience. Cette politique est ainsi cette science de l’expérience qui ne se gave ni de mots, ni de grandes idées, ni de systèmes, mais qui s’en tient au fait, non au droit :
Une nation, écrit-il, fait ce qu’elle peut. Lorsqu’elle croit pouvoir être mieux gouvernée, elle se donne un gouvernement qu’elle croit meilleur. Si elle s’est trompée, elle le change. Je ne vois là que l’exercice d’une faculté et non pas un droit (Say, [s.d.], 2003, p. 337).
Dans ce manuscrit, Say glisse aisément de la politique pratique à la politique pure ou théorique, c’est-à-dire à l’examen des régimes constitutionnels (despotisme, système représentatif, démocratie pure, États fédératifs …) et de leurs inconvénients, plutôt que de leurs avantages. Il se pose ainsi indirectement la question du bon gouvernement et des bonnes institutions. S’appuyant sur une phrase de Malthus spécifiant que « tout gouvernement est un mauvais gardien de la liberté » (Say [s.d.], 2003, p. 425)3, il soutient qu’il faut se méfier de toute forme de gouvernement et ne pas perdre de vue que « les nations marchent par elles-mêmes et non par l’impulsion du gouvernement qui n’est qu’une classe de la société » (Say, [s.d.], 2003, p. 325).
En premier lieu, un bon gouvernement et de bonnes institutions reposent sur les « garanties » – terme emprunté à François Daunou (1818) – données à la liberté individuelle. C’est donc sous l’angle de 62celle-ci qu’il faut les évaluer dans les faits. Mais peu importe comment les bonnes institutions s’établissent – c’est-à-dire peu importe quel pouvoir les met en place –, ce qui compte, c’est qu’elles soient de bonnes institutions. Précisément, l’économie politique montre que le sort des hommes s’améliore avec la liberté, mais elle ne dit pas expressément quelle est la meilleure forme de gouvernement, laquelle dépend de plusieurs facteurs dont le degré de lumière atteint par le peuple (« moins un peuple est éclairé, moins il a de capacités pour avoir un bon gouvernement, c’est-à-dire pour être peu gouverné » (Say, [s.d.], 2003, p. 623 et aussi p. 620-621, p. 434-435). Il peut donc se trouver certaines circonstances pouvant justifier le despotisme éclairé et l’absence de liberté politique4.
L’erreur capitale des anciens et qui a beaucoup trop exercé d’influences sur les publicistes modernes, surtout sur Rousseau, poursuit Say, c’est de croire que le principal objet d’une société était l’exercice des droits politiques, qu’ils auraient dû considérer seulement comme un moyen ; le but étant l’existence la plus heureuse possible du plus grand nombre possible (Say, [s.d.], 2003, p. 574).
Quoiqu’ils puissent être mis en pratique par différents gouvernements, les principes de l’économie politique indiquent toujours qu’un bon gouvernement est celui qui, bâti sur la richesse individuelle, gouverne peu et le moins administrativement possible.
En second lieu, c’est la concurrence qu’il faut introduire dans le fonctionnement du corps politique :
Quels seraient les moyens, sans nuire à l’expédition des affaires, d’introduire dans l’administration publique, le principe de la concurrence. C’est-à-dire de donner les fonctions publiques à ceux qui les exerceraient avec le plus de capacité et le moins de frais ?
La concurrence est encore un de ces principes que l ’ Économie politique introduit dans les habitudes d ’ une nation et qui est beaucoup plus applicable qu ’ on ne croit à la politique » (Say, [s.d.], 2003, p. 484 ; ital. dans le texte).
Say imagine un système législatif composé de deux chambres qui feraient les lois avec la même compétence. L’une proposerait une loi que l’autre pourrait approuver ou rejeter mais que le prince appliquerait de toute façon. Si la loi produit de bons effets, l’honneur retomberait sur la seconde chambre si elle l’a approuvée, et la honte si elle l’a rejetée. 63Les bonnes lois ou les bons comportements parlementaires ressortiraient de cette concurrence entre les chambres. Le même système pourrait s’appliquer à l’administration des travaux publics (Say, [s.d.], 2003, p. 433).
En troisième lieu, c’est le principe d’utilité qui doit conduire l’action politique. Say loue ici Jeremy Bentham – « cet auteur est un de ceux qui a le plus hâté le progrès des siècles », écrit-il (Say, [s.d.], 2003, p. 566) – et fait sien le principe du plus grand bonheur du plus grand nombre. Il lui objecte cependant de ne pas avoir réfléchi sur les conditions de son application :
Il ne faut pas qu’on dise qu’avec ces principes on peut défendre tous les excès populaires commis et contre les riches et contre les magistrats ; en ce que les riches et les magistrats étant le petit nombre, il faut les sacrifier au peuple qui est le plus nombreux. La justice, l’équité, la garantie de toutes les personnes et des propriétés, sont dans l’intérêt de tous, et par conséquent du plus grand nombre ; et une tourbe populaire, fût-elle composée de la population entière d’une capitale, n’est encore qu’une fraction d’une nation, et celle-ci de la race humaine.
Enfin la maxime le plus grand bien du plus grand nombre n’autorise pas ceux qui font le mal du plus grand nombre fussent-ils en majorité (Say, [s.d.], 2003, p. 462 ; ital. dans le texte).
Malgré ces réserves, dans une lettre datée du 18 septembre 1816, Say écrit à Étienne Dumont, juriste suisse et traducteur de Bentham, qu’il souhaite que le philosophe anglais sache qu’il est « un de ses fidèles disciples » (apud Kitami, 2000, p. 100). Quelques années plus tard, dans le discours d’ouverture des cours d’économie politique au Collège de France de 1831-1832, il confirme son allégeance au principe de l’utilité :
La vie se compose, d’un côté, de sacrifices, et de l’autre, de satisfactions obtenues au prix de ces sacrifices […] L’Économie politique a pour objet de bien faire comprendre ce mouvement, ce jeu de la société, et de tirer parti de cette connaissance pour qu’il s’exécute avec le plus d’avantages qu’il est possible ; c’est-à-dire en faisant le moins de sacrifices qu’il se peut, pour obtenir le plus d’avantages que nous pouvons en attendre ; à diminuer la somme des maux et à augmenter celle des biens (Say, 1848, p. 165).
Deux propositions de Say seront abondamment commentées dans la première moitié du xixe siècle : la première selon laquelle l’économie politique a un objet distinct et indépendant de celui de la politique et dans le même temps éclaire tout gouvernement sur les principes qu’il 64doit appliquer ; la seconde selon laquelle le bon gouvernement est, quel que soit sa forme, celui qui applique le principe de l’utilité que Say rapproche après 1815 du principe benthamien du plus grand bonheur du plus grand nombre.
Dans son article, Stefano De Luca s’attache à montrer que Benjamin Constant discute ces deux propositions, tant dans ses Principesde politique (1806) que dans son Commentaireà Filangieri (1822-1824). Constant est un bon connaisseur de la littérature de l’économie politique – notamment Smith, Say, Sismondi, Malthus ou encore Ganilh, à l’exception de Ricardo – qu’il lit en penseur politique tâchant d’établir un lien fort entre les deux domaines, économique et politique. C’est de cette façon que Charles Dunoyer (1827) le décrit : il a fait de l’industrie comprise comme activité économique « le véritable objet de la politique ». Ce faisant, il est allé plus loin que Say qui avait séparé les deux domaines mais n’avait pas perçu que « l’étude de l’économie politique lui eût révélé la véritable fin de la politique » (Dunoyer, 1827, p. 370, p. 374).
La description de Dunoyer est certainement discutable. De Luca souligne que Constant n’est pas un industrialiste réduisant la politique à la promotion de l’industrie et conférant à l’économie politique un rôle aussi directif, pour la raison que la société, selon ce dernier, n’est pas composée que d’individus économiques et que l’intérêt personnel n’est pas le seul principe explicatif de la conduite humaine.
Ce lien entre politique et économie politique, Constant l’appréhende tout d’abord par le concept de propriété privée : sous l’angle politique, cette dernière est le critère des droits politiques modernes, ce qui signifie que, tout citoyen n’étant pas propriétaire, l’inégalité politique est la caractéristique des sociétés modernes ; sous l’angle économique, elle ne peut être abolie, puisque c’est un instrument du progrès et le meilleur moyen trouvé pour allouer les ressources rares et encourager le travail. Constant l’appréhende ensuite par la justification d’un l’État minimal au nom précisément de la protection de la propriété privée, de sa libre utilisation et circulation. L’État n’a qu’un droit, celui d’empêcher les individus de se nuire et n’intervient que lorsque la libre concurrence n’est pas respectée pour la garantir ou la restaurer.
Il faut ici préciser les relations entre les différentes libertés dans les sociétés modernes. La liberté des modernes, civile, religieuse et politique, ne peut se développer que grâce au commerce et à l’économie. En 65conséquence, elle doit être articulée à la liberté économique. Ainsi, de même que dans la sphère de l’activité civile, il faut éviter l’arbitraire en garantissant les libertés de chacun, de même dans la sphère économique il faut éviter l’arbitraire en garantissant la libre concurrence. Cependant, la liberté économique est d’un rang inférieur. Son développement ne peut se faire aux dépens des libertés civiles, religieuses et politiques, qui lui sont supérieures. Constant perçoit donc comme un danger le renfermement des individus dans leur sphère privée, renfermement qui leur procurerait une liberté économique mais laisserait la politique entre les mains de l’État. Il faut une liberté et une représentation politiques pour protéger les libertés individuelles (argument libéral classique) et pour élever les individus au-dessus de leurs stricts intérêts privés (argument républicain selon De Luca). Ce renfermement dans la sphère privée, assimilé à un excès d’individualisme, aide à comprendre la critique du principe d’utilité :
Le droit est un principe, l’utilité n’est qu’un résultat. Le droit est une cause, l’utilité n’est qu’un effet. Vouloir soumettre le droit à l’utilité, c’est vouloir soumettre les règles éternelles de l’arithmétique à nos intérêts de chaque jour (Constant, 1830, I, p. 99).
Constant rencontre ici la question sociale ; celle-ci traverse son œuvre, sans pourtant remettre en cause le mécanisme du marché et justifier l’intervention de l’État. Il rejoint Malthus dans sa critique de la mauvaise administration des aides publiques aux pauvres, mais rejette ses conclusions qui lui semblent tirées d’une arithmétique lugubre. Malthus oublie l’équité : la société moderne a consacré le droit de propriété, mais la majeure partie de la population en est privée5. Constant énonce alors que le meilleur moyen de défendre la propriété est (i) de subdiviser la grande propriété foncière et de diffuser la petite propriété foncière 66jusqu’aux classes les plus pauvres – cette thèse, proche de Sismondi, apparaît tardivement dans le Commentaire à Filangieri –, (ii) de promouvoir la propriété industrielle, celle de l’ouvrier et de l’entrepreneur.
Dans sa présentation de l’économie politique de Pellegrino Rossi, Joël Ravix pointe en premier lieu une divergence de méthode d’avec celle de Say, fondée sur la méthode inductive à l’imitation des sciences de la nature. Pour Rossi (1843, I, p. 43), seule la méthode déductive permet de fonder une économie politique « pure ou rationnelle, une science sui generis », qui soit « plus une science du raisonnement, qu’une science expérimentale », bref une science des faits généraux, non des faits particuliers.
En second lieu, Rossi achoppe en partie sur les deux propositions de Say (celle du tracé de frontière entre économie politique et politique et celle de l’utilitarisme). Comme le Say du Traité de 1803, il se situe dans la lignée de Smith et soutient que l’économie politique n’est qu’une science de la richesse6. Il achoppe en particulier sur une phrase du Cours complet d’économie politique pratique (1828-1829) : « Cette science [l’économie politique] tient à tout dans la société, qu’elle se trouve embrasser le système social tout entier » (apud Rossi, 1843, I, p. 23). Rossi surinterprète probablement cette phrase de Say. Celle-ci n’est pas un reniement de la proposition avancée dans le Traité de 1803, mais plutôt une reformulation : considérés comme des vérités incontestables, les principes de l’économie politique doivent former la base de la politique. En ce sens, leur application concerne le « système social tout entier », mais il ne s’agit pas d’une extension du domaine de l’économie politique. On peut comprendre la position de Rossi qui, comme le note Ravix, est autant juriste qu’économiste. Pour lui, l’étude de l’homme et de la société, qu’il appelle la « question sociale », ne se résume pas au rapport de l’homme à la richesse (ce dont traite l’économie politique), lequel engloberait le rapport au « bien-être matériel » et le rapport au « développement moral » (objets dont traitent le droit, la morale et la politique). Ces différents objets obéissent à des logiques différentes. À un autre endroit, poursuit Ravix, Rossi écrit que l’état social résulte 67essentiellement de la combinaison de trois ordres de faits : « les faits moraux, les faits politiques, les faits économiques ». La question sociale étant à l’intersection de ces trois ordres de faits, celle-ci ne peut se résoudre par un seul principe qui serait celui de l’économie politique :
L’économie politique peut nous servir de guide pour nous diriger vers l’un de ses buts [richesse, bonheur] ; mais elle n’a pas pour mission de nous contraindre à faire telle ou telle chose […]. L’erreur vient de ce qu’on imagine que toute question sociale est soluble par l’application d’un seul principe […]. L’économie politique donne des résultats économiques, des conséquences du principe économique ; c’est aux législateurs, aux hommes d’affaires, de tenir compte de tous les autres principes qui doivent concourir pour que la solution de la question soit conforme aux intérêts les plus chers de la nation et des individus (Rossi, 1843, I, p. 39-40).
Il n’y a donc pas de principe exclusif, que ce soit celui de l’utilité ou celui du droit naturel7. L’erreur de la philosophie du droit naturel – Rossi se réfère ici à Hobbes –, c’est de supposer des droits antérieurs à la société alors que l’homme n’a de droits que grâce à la société. L’erreur de Bentham et de Say, c’est celle d’avoir exhibé un principe sans fixer les limites de son application, plus encore d’en faire un principe moral. Ce principe aboutit à la formule du plus grand bonheur du plus grand nombre, formule injuste qui peut conduire à ce que l’on sacrifie l’intérêt ou le bonheur du plus petit nombre à celui du plus grand.
L’économie politique de Rossi est-elle républicaine ? Pour Ravix, l’intérêt porté par Rossi à la question sociale le conduit vers une forme de républicanisme (mêlé de libéralisme). L’économiste insiste en effet sur la notion de conflit qu’il perçoit dans les relations interindividuelles et dans la distribution inégale des ressources et des biens.
Le conflit survient tout d’abord lorsqu’il y a excès d’individualisme dans la société et sa résolution nécessite une organisation juridique sanctionnant cet excès et un État chargé d’appliquer ces sanctions. L’État a pour tâche de garantir l’égalité civile que Rossi s’empresse de distinguer de l’égalité des conditions, néfaste selon lui, à l’activité économique. Quant à l’action économique de l’État, la chose est moins nette. Il semble par exemple que Rossi soit opposé aux lois sur les pauvres.
68Les conflits de distribution peuvent prendre deux formes, celle d’une opposition entre les propriétaires du travail et du capital et les propriétaires de terres et surtout celle d’une opposition entre le travail et le capital dès lors que le travail fait l’objet d’un contrat salarial. Rossi (1865, III, p. 43) fait une distinction entre deux états du travailleur : l’état de « copartageant en proportion de sa mise » – le travailleur s’apparente ici à un associé passant un « contrat de société » – et l’état de vendeur de son travail – le travailleur est ici salarié passant un « contrat de vente » ou de « louage de services » (1865, III, p. 38). Dans ce second état, la position du travailleur est défavorable : il a perdu une partie de sa liberté et de sa dignité, il n’est plus à égalité avec le copartageant devenu acheteur. Rossi pense que cette forme de domination, qui est une déviation du cours naturel de la distribution, disparaîtra progressivement avec l’augmentation constante du capital qui fournira au travailleur la possibilité d’épargner et de former lui-même un capital et percevoir des profits (1865, III, p. 43).
Au terme de son article, Ravix discerne dans l’économie politique de Rossi trois caractéristiques que l’on peut qualifier de républicaines : tout d’abord, la reconnaissance de droits publics et sociaux à côté des droits civils et politiques ; ensuite, l’idée que la dynamique de la république est fondée sur le conflit social (ici le conflit sur la distribution des richesses) et sa capacité à le résoudre ; enfin, l’idée de la liberté comme non-domination dans une société marquée par l’extension de la propriété mobilière et le risque d’asservissement du travail salarié, ce qui justifie la nécessaire garantie par la force publique de l’égalité civile, du riche comme du pauvre.
Saint-Simon revient lui aussi sur la phrase de Say qu’il cite dans L’industrie (1816-1818). Après avoir trouvé dans le Traité d’économie politique « le plus grand nombre d’idées positives coordonnées », il ajoute :
Smith avait insinué bien modestement dans le monde de la science qu’il avait créée ; il l’avait présentée comme un moyen pour les gouvernements de s’enrichir ; il ne l’annonçait que comme une science secondaire, comme une auxiliaire, une dépendance de lapolitique. M. Say fait un pas de plus que Smith dans le rapport philosophique ; il établit en tête de son ouvrage, que l’économie politique est distincte et indépendante de la politique ; il dit que cette science a une base à elle, base tout-à-fait différente de celle sur laquelle repose la science qui a pour objet d’organiser les nations (Saint-Simon, L’industrie[1816-1818], 2013, II, p. 1636).
Et cette note manuscrite :
69Pourquoi la pensée de M. Say n’est-elle pas plus hardie ? Pourquoi admet-il une science politique supérieure à celle de l’économie politique ? Pourquoi ne reconnaît-il pas l’existence d’un ordre d’idées, en politique, supérieur à celui des idées dont il s’occupe ? Pourquoi, au contraire, ne s’attache-t-il pas à prouver que toute société politique ne peut se proposer pour but raisonnable et positif que la production des objets utiles, des objets d’une utilité appréciable par le plus grand nombre ? … Pourquoi ne considère-t-il pas l’espèce humaine entière comme un grand atelier ? (Saint-Simon, manuscrit du Politique, [1818-1819], 2013, III, p. 2016)
Dans son article, Michel Bellet se propose de démontrer que pour Saint-Simon l’économie politique s’insère dans la politique, et non pas que l’économie politique absorbe la politique. Mais que signifie la politique pour Saint-Simon ? D’une certaine manière et dans son état présent, son objet est le bon gouvernement ou la bonne constitution, mais ce qu’elle doit éclaircir est plus cela : c’est le processus qui conduit aux perfectionnements des organisations sociales et finalement au système industriel. Dans ce sens, la politique est la science de la production des choses utiles. Le but semble être le même que celui de l’économie politique, mais ici il est pensé de façon plus large. Il ne s’agit pas simplement de rechercher le bonheur matériel des individus par la liberté économique, mais de leur attribuer une plus grande liberté politique comprise dans ce sens : redéfinition de la propriété non corrélée au droit de vote, remplacement des droits acquis par la naissance et l’héritage par des droits liés aux capacités, élargissement de la représentation politique, etc.
Saint-Simon est-il républicain ? Pour Bellet, Saint-Simon n’a aucunement à l’esprit de revenir aux sources antiques ou médiévales de la république et s’il valorise la Révolution française, c’est n’est pas parce qu’elle réintroduit l’idée de république, mais parce qu’elle est une révolution susceptible de promouvoir un nouvel ordre industriel se substituant à l’ordre ancien féodal. La devise républicaine, ‘liberté-égalité-fraternité’ est une abstraction reposant sur des suppositions telles que le droit naturel et le contrat social. Pour la rendre moins abstraite, il faut, d’une part, relier la liberté à l’industrie, c’est-à-dire favoriser l’accès des producteurs non oisifs aux ressources et, d’autre part, penser l’égalité, non pas de façon absolue, mais relativement aux ressources et aux fonctions par la suppression des privilèges et, dans le même temps, admettre l’inégalité suivant la hiérarchie des capacités et des mises.
70La république n’est donc pas la perfection politique, le point terminal de l’histoire des sociétés, mais une forme de gouvernement parmi d’autres, adaptée à certaines circonstances. Dans l’état présent, c’est-à-dire dans la transition vers l’ordre industriel, la république peut être mixée avec d’autres formes de gouvernements sous la condition d’une participation à la vie politique plus large des producteurs et travailleurs, des non oisifs. Avec le nouvel ordre industriel, la politique change de nature, passant du gouvernement qui exprime des relations entre les hommes (gouvernants et gouvernés) à l’administration exprimant des relations des hommes aux choses. Se profile alors une autre manière de penser la hiérarchie sociale désormais fondée sur les capacités industrielles, scientifiques et ouverte, puisqu’elle supprime la propriété des ressources par naissance et par héritage. Ce thème deviendra ultérieurement une revendication de ce que l’on a appelé la république sociale.
Dans leur article, Cyrille Ferraton et Ludovic Frobert examinent une pensée utopique promouvant l’association ouvrière aux alentours de la Révolution de 1848, celle de Pauline Roland, dans le rapport que cette pensée peut entretenir avec l’économie politique et le républicanisme. Ils se proposent d’étudier la réflexion de cette saint-simonienne devenue proche de Pierre Leroux, d’abord par les lettres qu’elle adresse à ce dernier dans les années 1847-1848 dans lesquelles elle tente de définir l’idéal associatif, puis dans ses articles confrontant les expériences associatives durant la seconde république (1850-1851).
Dans l’idéal de Leroux et de Roland, une société meilleure et plus égalitaire adviendra sur la base de communautés ou d’associations de travailleurs répudiant ce qui fait le défaut de la société industrielle moderne, à savoir l’esprit individualiste et concurrentiel, lequel cèdera la place à un nouvel esprit, une nouvelle morale, une nouvelle religion, celle de l’association. Cette société nouvelle qui prend le nom de socialisme promet de réaliser pleinement la triade républicaine, ‘liberté-égalité-fraternité’, en la retransformant dans le sens lerouxien de sentiment/fraternité-connaissance/égalité-sensation/liberté. Pour Leroux, liberté et égalité ne sont pas des notions antinomiques et sont réunies par la fraternité qui est l’équivalent de solidarité, de lien, voire de religion8.
71Dans cette société socialiste, la règle saint-simonienne – « À chacun suivant sa capacité, à chaque capacité suivant ses œuvres », Doctrine de Saint-Simon, 1830, p. xxvii – est remplacée par une règle nouvelle : « À chacun selon ses forces… à chacun selon ses besoins », le premier membre établissant la règle de la production et le second la règle de la répartition. Cette nouvelle règle de justice, ce « credo religieux », écrivent les auteurs, écarte en effet la notion saint-simonienne de capacité, attendu qu’elle contient une justification de l’inégalité, laquelle n’a pas de place dans la doctrine de Leroux et Roland, et corollairement une justification de la hiérarchie. En revanche, elle légitime la propriété commune et l’activité de production tournée vers le besoin compris comme autosuffisance pour ne pas épuiser la nature. Ainsi tous les associés, quel que soit le sexe, sont égaux, tous ont droit au travail et tous sont redevables de leur travail à l’association et consécutivement à la société entendue comme fédération d’associations. Tous sont « fonctionnaires » au sens où ils occupent une fonction.
Ces expériences associatives furent pendant un temps porteuses d’espérances au point que Rolland réfléchit à une république les fédérant, à la fois démocratique et religieuse, reprenant le message du christianisme primitif.
Rolland emploie l’expression « économie politique socialiste » sans véritablement expliquer pourquoi elle la fait sienne. Comme nous y engagent les auteurs, c’est vers Jules Leroux qu’il faut sans doute se tourner9. Celui-ci en effet rédige la volumineuse entrée « Économie politique » dans le tome 4 de l’Encyclopédie nouvelle (1843) dirigée par son frère Pierre et Jean Reynaud. Il y précise que, dans son état actuel, l’économie politique n’est plus une « science », qu’elle s’est réduite à un « système », celui de Smith, et que, par conséquent, il faut la remettre dans le droit chemin de la science. Du point de vue de la science,
[L]’économie politique est la recherche de la loi, de l’arrangement des diverses parties constituantes de la nation. Le but de cette loi étant de donner à la nation 72son plus grand bien-être, sa plus grande prospérité, sa plus grande richesse. C’est là l’unique problème que constitue cette science, définissez-là la science des richesses, et nous ne savons plus ce que c’est (Leroux, 1843, IV, p. 538).
L’économie politique traite certes de la richesse, mais surtout de « la loi de la maison politique » : elle « se propose de trouver la loi, l’arrangement, le gouvernement qui, pouvant régner au sein des sociétés humaines, sera le plus favorable au développement de la plus grande richesse, de la plus grande prospérité, du plus grand bonheur des sociétés humaines » (id., p. 540 ; ital. dans le texte). Mais Smith lui a enlevé complètement son « caractère philosophique et religieux » et l’a mise « à la remorque des faits accomplis » (id., p. 541). Son disciple Say l’a séparée de la politique. Citant lui aussi la fameuse phrase de l’économiste français, Jules Leroux résume ainsi la pensée de ce dernier : « Il importe fort peu à la production de la richesse au sein d’une nation, que cette nation soit antique ou moderne, qu’elle soit oligarchique, monarchique ou démocratique ! » (id., p. 541). Mais, se demande-t-il, « est-il vrai de dire que l’économie politique doive être sans contrôle sur la gestion de la politique, qu’elle doive indifféremment accepter de cette dernière toutes les constitutions organiques qu’il lui plaira d’enfanter ? » (id., p. 541). Il faut réunir à nouveau ce qu’ont détruit les économistes, à savoir l’unité de la « science sociale » : « Il y a trois sciences : l’économie politique, la politique, la religion. Mais la vérité pure, c’est que ces trois sciences n’en font qu’une » (id., p. 542).
Dans sa présentation de l’œuvre de Constantin Pecqueur, Clément Coste s’attache à montrer qu’elle peut se lire comme une économie politique républicaine, c’est-à-dire une économie politique pensée à partir de principes républicains et exprimant pleinement la devise ‘liberté-égalité-fraternité’. Par république, Pecqueur entend une forme de société composée d’hommes libres, égaux et solidaires, nécessairement démocratique, où le peuple est l’État lui-même. Cette économie politique subirait les influences du christianisme primitif (égalité), de Rousseau (souveraineté populaire), des saint-simoniens (ateliers de production) et de fouriéristes, courants auxquels il a un temps appartenu. Elle serait surtout opposée à une autre économie politique, laquelle prendrait appui sur les fictions du droit naturel et de l’antériorité de l’individu sur la société, et notamment la fiction d’un état primitif (attribué à Smith par Pecqueur) dans lequel les individus propriétaires d’un fonds 73de terres seraient en état de subvenir à leurs besoins et par conséquent ne dépendraient pas des autres.
L’économie politique à laquelle Pecqueur s’oppose est celle des « économistes libéraux de France » (pour reprendre son expression), nommément Bastiat, Molinari, Rossi ou Wolowski. Cette économie politique fait de la liberté individuelle un droit, mais un droit qui ne signifie pas que tous les individus qui le possèdent soient effectivement libres. Force est de constater que, même après les révolutions de 1789 et de 1830, la grande masse des hommes n’est pas libre, et qu’elle ne détient ni la connaissance, ni les instruments de production et le capital. La liberté des hommes n’est pas pleinement réalisée, ni leurs facultés pleinement développées, puisqu’elles dépendent de la volonté des détenteurs de capitaux.
Dotée d’une conception appauvrie de la liberté, sans considération pour l’égalité et la fraternité, cette économie politique libérale se révèle incompatible avec la devise républicaine. Réduisant la notion d’harmonie sociale à celle d’équilibre entre production et consommation, elle apparaît à Pecqueur comme une pensée fataliste, manquant de volontarisme et incapable de garantir à tous la satisfaction de leurs besoins les plus élémentaires.
Selon Pecqueur, il n’existe pas plus de lois naturelles qu’il n’y a d’homme naturel. Les lois sont sociales, inscrites dans l’histoire. La liberté n’est pas simplement une absence d’interférence, c’est un pouvoir d’agir, c’est « pouvoir ce qu’on veut », selon le mot de Pecqueur. Coste y perçoit une sorte de liberté positive, ou encore une liberté comme non-domination, une liberté qui ne peut s’atteindre que par le moyen de l’égalité des conditions et suivant le principe de la solidarité/fraternité. Et cette égalité doit être garantie par un État républicain et une organisation économique.
Mais plus qu’une économie politique, il semble que Pecqueur cherche à construire une science sociale, c’est-à-dire une science dans laquelle la société serait organisée selon une loi de solidarité. L’idée générale est la suivante : la société est une série d’éléments (religion, morale, famille, industrie, État, gouvernement, éducation, etc.) communs à toutes les époques et dont les combinaisons historiques (division du travail, héritage, loi, etc.) doivent tendre, successivement, vers plus de solidarité. Dans ce processus, le socialisme apparaît comme l’application la plus 74complète de la loi de solidarité. Il faut toutefois distinguer deux étapes : la souveraineté politique ne sera acquise que lorsque les hommes seront économiquement libres ; c’est donc la souveraineté économique qu’il faut d’abord réaliser grâce à l’action directe de l’État et l’organisation économique.
L’organisation économique, c’est, résume Coste, une association socialiste de production où les forces et les aptitudes sont mutualisées, réparties selon les besoins, et les destinées solidarisées.
La république de 1789 avait permis « l’unité civile », la nation formant un corps uni. La république économique doit réaliser « l’unité économique », et former un corps où le peuple serait « associé-fonctionnaire de la République » (selon les expressions de Pecqueur) et titulaires d’un droit fondamental au travail, et où la richesse serait une œuvre sociale et solidaire, non pas une somme de richesses privées. Comme l’écrit Coste, une « économie politique de la justice » prendrait ainsi le pas chez Pecqueur sur une « économie politique de l’utilité ».
Une économie politique non séparée de la justice et du droit, une république qui soit capable de résoudre la question sociale, tel est le projet qui anime Pierre-Joseph Proudhon. À travers son article, Vincent Bourdeau tente de saisir l’évolution de la pensée de Proudhon et distingue deux moments. Le premier moment est celui d’une proximité avec l’économie politique (libérale), que l’on discerne dans Philosophie de la misère (1846). Le second est celui d’une divergence illustrée, entre autres ouvrages, par De la capacité politique des classes ouvrières (1865).
Le premier moment est caractérisé par l’acceptation de certains thèmes libéraux tels que la définition de la société se régulant par les contrats privés effectués librement, sans recours à une justice distributive et à des lois promulguées par un État surplombant la société, une société devenue industrielle et débarrassée des entraves politiques. Le droit émerge ainsi du bas de la société et un l’équilibre social est atteint grâce aux actions individuelles. L’économie politique a alors pour objet le « bonheur des sociétés par l’organisation du travail et par la justice » (selon l’expression de Proudhon).
Le second moment est consécutif à l’échec de la Révolution de 1848. Désormais, Proudhon tire le constat que la Révolution de 1848 n’a pas su associer l’économie politique à l’idéal républicain. Plus exactement, les économistes, pense-t-il, ont abandonné la république, ils ont perdu 75de vue l’idéal républicain. Il faut donc faire reposer l’économie politique sur de nouvelles bases et l’établir sur une raison supérieure, la religion, et sur un droit qui ne soit pas seulement celui des individus, mais celui de la société qui réunit ces individus, un droit immanent à la société et porté par elle.
La véritable source du droit, ce n’est donc plus les individus et leurs contrats privés, c’est la société elle-même. La religion, qui apparaît ici comme cette raison supérieure et collective, a pour autre nom l’« esprit public », esprit qui a disparu en 1848 au profit de jugements purement privés. Économie, droit et religion sont donc intrinsèquement mêlés pour former ce que Proudhon appelle une « science pure ». Ce dernier opère alors une double redéfinition, d’une part, celle d’une économie politique fondée sur une conception originale du droit conçu comme un rempart contre l’arbitraire – en ce sens c’est une théorie de la justice considérée ici comme immanente aux organisations sociales et prenant la forme d’une « histoire naturelle de l’organisation et de la justice » (selon l’expression de Proudhon) – et, d’autre part, celle d’un ordre républicain construit à partir des actions individuelles ordinaires (production, distribution, consommation) et promouvant une sorte d’idéal de non-domination dans la vie économique et sociale.
À la fin de son article, Bourdeau montre le lien qui unit le dernier Proudhon à Georges Sorel, tous deux inspirés par le même projet de construire une économie politique « fondée à la fois sur l’observation de la spontanéité industrielle et mercantile et sur la justice » selon le mot de Proudhon, (De la justice dans la révolution et dans l’Église, 1858).
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1 Outre-Manche, Dugald Stewart opère dès 1800 une distinction similaire entre « Politics proper, or Theory of Government » et « Political Economy proper » dans le cours qu’il délivre à l’université d’Édimbourg (Stewart [1855-1856], 1994, vol. VIII et IX). George Pryme, premier professeur d’économie politique à l’université de Cambridge depuis 1816, reprend cette distinction dans l’introduction de son cours de 1823 : « Though it may seem less interesting than Political Philosophy, its [Political Economy] utility is more extensive, since it is applicable alike to a despotism and to a democracy ; to the most savage, and to the most civilized nation. […] since his [Smith] time the distinction between Political Economy and pure Politics, has been generally observed » (Pryme, 1823, p. 3 et 6).
2 Il s’agit d’un emprunt à Daunou (1818, IX, p. 47) : « l’expérience doit être ici le seul guide, le seul maître » ; voir aussi le Cours complet (1843, p. 557) : « politique rationnelle », « politique expérimentale ».
3 Cf. Malthus (1803, IV, vi, p. 529 ; 1992, p. 247) : « Government is a quarter in which liberty is not, or cannot be, very faithfully preserved »).
4 Say, [s.d.], 2003, p. 372-376. Un argument similaire est employé par James Mill dans les mêmes années, cf. « Government », 1820.
5 Constant (1822, p. 36-37) : « Il y a certainement quelque chose de dur et de sévère dans les raisonnements que M. Malthus entasse pour prouver que les pauvres n’ont aucun droit à être secourus par la société. Je ne suis pas en général plus partisan que lui des secours publics qui sont communément mal administrés, mal répartis, et qui ôtent à l’homme, en le leurrant par une fausse espérance, le sentiment plus salutaire, celui qui apprend que chacun doit ne compter que sur sa propre industrie, et n’attendre sa subsistance que de ses propres efforts. Mais faire prononcer du haut de la chaire évangélique, que désormais l’assistance des paroisses sera refusée aux enfants dont les parents ne pourraient les nourrir, est une déclaration par trop franche d’un état d’hostilité entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien ».
6 Rossi (1843, I, p. 22) : « Smith ne prétend pas reconstruire la société et les gouvernements ; il s’occupe essentiellement de la question de savoir quels sont les principes de notre nature et les faits humains les plus efficaces pour ce but spécial : la formation de la richesse nationale ».
7 Rossi (1854, IV, p. 58) : « L’utile est légitime tant qu’il ne sort pas des limites du vrai et du juste ».
8 Dans l’entrée « Éclectisme » de l’Encyclopédie nouvelle (1843, IV, p. 474), on peut lire : « Mais par de là ces formules morales de fraternité, de liberté, d’égalité, il est une métaphysique qui les renferme et les explique. C’est la métaphysique du Christianisme que nous pouvons aujourd’hui contempler sans voile et traduire ainsi : il y a la solidarité dans l’esprit humain ; il y a communion spirituelle entre tous les hommes ; l’esprit individuel vit dans un milieu formé de la raison universelle de l’espèce ; l’esprit de chaque époque et de chaque homme est primitivement un édifice construit par les travaux des générations antérieures, et par la coopération de l’humanité toute entière ».
9 Voir aussi Frobert et Drolet (2022).