Lettre de Jean de Largentaye à John Maynard Keynes du 31 janvier 1938 (retranscription)
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
2021 – 2, n° 12. varia - Pages : 21 à 24
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- EAN : 9782406126157
- ISBN : 978-2-406-12615-7
- ISSN : 2495-8670
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12615-7.p.0021
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 08/12/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
LETTRE DE Jean de LaRgentaye
À John Maynard Keynes
DU 31 JANVIER 1938
(retranscription)
Ingénieur,
Ancien élève de l’École Polytechnique,
Inspecteur des Finances
29, avenue Henri-Martin. XVIe
Paris, le 31 janvier 19381
Cher Monsieur,
Depuis plusieurs années, j’ai été constamment intrigué par la nature exacte de « l’inflation » et la limite au-delà de laquelle l’augmentation des moyens de paiement est censée constituer une véritable inflation. C’est parce que je ne pouvais pas découvrir la réponse à cette question fondamentale dans les études monétaires que j’ai été conduit à consulter votre General Theory of Employment, Interest and Money.
Dès que je l’ai lue pour la première fois, cette œuvre m’a considérablement éclairé sur le sujet, et maintenant que je la relis et y ai mûrement réfléchi, votre General Theory m’apparaît dans toute sa parfaite clarté et justesse. Par suite, je ne peux que déplorer le fait que votre œuvre soit si peu connue et si mal comprise en France, comme le prouve la récente analyse critique de M. Mantoux dans la Revue d’Économie Politique de décembre 1937. Une large diffusion de votre œuvre en France, en contribuant à dissiper les erreurs qui sont si profondément ancrées dans l’esprit public, faciliterait certainement la solution aux difficultés dans lesquelles notre pays se débat actuellement et servirait efficacement les objectifs que vous citez p. 380 et 381. C’est pour cette raison que l’absence de traduction de votre General Theory en langue française m’apparaît comme particulièrement 24regrettable, et c’est pourquoi je prends la liberté de vous suggérer de combler cette lacune.
Je suis ingénieur, diplômé de l’École Polytechnique en 1923. Ayant été obligé de changer d’activité professionnelle par suite de la crise économique, j’ai passé le concours de l’inspection générale des Finances en 1931. Depuis lors, j’ai occupé plusieurs postes dans l’administration et à présent je suis rattaché au ministère des Finances. Je me permets de citer ces références uniquement pour vous assurer de mon aptitude à bien comprendre vos idées, à les traduire de façon exacte et à les exprimer clairement en français.
J’ai à peine besoin d’ajouter que je considérerais comme un honneur que vous décidiez de me confier la responsabilité de traduire votre œuvre en français. Au cas où vous envisageriez de donner suite à cette proposition, je serais heureux de me rendre en Angleterre afin de me présenter personnellement à vous.
Croyez, cher Monsieur, en l’expression de toute mon admiration,
Sincèrement vôtre,
Jean de Largentaye
Mr. J.M. Keynes,
C/o The Secretary,
Royal Economic Society,
4, Portugal Street,
London, W.C.2.
1 Traduction d’Hélène de Largentaye.