HOMMAGE A JÉRÔME DE BOYER DES ROCHES (1954-2020)

Nesrine Bentemessek

Université Paris Est Créteil

Lucy Brillant

Université de Bourgogne-Franche-Comté

Laboratoire d’Économie de Dijon – E.A. 7467

Marion Dieudonné

Docteure de l’Université
Paris Dauphine – P.S.L.

Rebeca Gomez Betancourt

Université Lumière Lyon 2

Triangle-U.M.R. C.N.R.S. 5206

Pierre-Hernan Rojas

Institut Catholique de Paris

Unité de Recherche « Religion, Culture et Société » – E.A. 7403

Florencia Sember

CONICET et
Universidad de Buenos Aires

Jérôme de Boyer des Roches était Maître de conférences en sciences économiques à l’Université Paris Dauphine, chercheur au LEDa-SDFi et chercheur associé à PHARE. 

De 2005 à 2011, Jérôme fut directeur du Centre de recherche en histoire de la pensée économique, PHARE. De 2002 à 2007, il organisa a organisé le séminaire « Thornton » avec Sylvie Diatkine, dans lequel de nombreux doctorant.e.s et collègues des universités françaises et étrangères ont présenté leurs articles.

Jérôme fut également, de 2011 à 2012, le directeur du master THEME « Théorie, Histoire et Méthode de l’Économie » à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, un programme où il enseignait depuis sa création à l’École Normale Supérieure de Fontenay-Saint-Cloud en 1995. Il dirigea ensuite le Master 2 Recherche « Histoire de la pensée économique » à l’Université Paris Dauphine, co-habilité avec les universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris 2 Panthéon-Assas, Paris 8 Saint-Denis, Paris Nanterre et Évry Val d’Essonne, de septembre 2011 à septembre 2014.

Jérôme était historien de la pensée économique, spécialiste des questions monétaires. La réflexion qu’il mena sur ces questions lui fit côtoyer les œuvres d’Adam Smith, David Ricardo, Thomas Tooke, Knut Wicksell, Robert Triffin et Don Patinkin pour n’en mentionner que quelques-unes. Parmi ses sujets et auteurs préférés étaient le système de John Law, la pensée monétaire d’Henry Thornton, de Karl Marx et de Rudolph Hilferding, la théorie du crédit de Ralph Hawtrey, le traité de la monnaie de John Maynard Keynes et la théorie du cycle d’Irving Fisher.

Il a publié un livre remarquable, La pensée monétaire (Les Solos, 2003), et de nombreux articles dans les principales revues universitaires (the European Journal of the History of Economic Thought, Cahiers d’économie politique, Journal of the History of Economic Thought et Revue Économique) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs de référence comme le Handbook on the History of Economic Analysis, édité par Gilbert Faccarello et Heinz D. Kurz, (Edward Edgar, 2016) et l’Encyclopedia Universalis1.

Jérôme dirigea six thèses de doctorat dans le domaine de l’histoire monétaire et des théories financières : Rebeca Gomez Betancourt sur Edwin Walter Kemmerer et Irving Fisher (2008) ; Nesrine Bentemessek 21sur John Law et Sir James Steuart (2009) ; Florencia Sember sur R. Prebisch (2010) ; Lucy Brillant sur J.M. Keynes (2015) ; Pierre-Hernan Rojas sur R. Hawtrey, H.D. White et R. Triffin (2016) et Marion Dieudonné sur T. Veblen (2017).

Il participa activement à des conférences internationales et aux activités des associations d’histoire de la pensée : ESHET, HES, JSHET, Association Charles Gide. Tout au long de sa carrière, il concilia brillamment la recherche, l’enseignement et l’encadrement des doctorants. Son intégrité et sa rigueur, alliées à la modestie et à la simplicité, permirent des échanges d’une grande qualité intellectuelle. Il était une figure marquante dans notre discipline, un collègue très respecté, apprécié par ses étudiants. Il continuera sans aucun doute à être une référence pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de la pensée monétaire.

Nous avons eu la chance de le rencontrer lors de notre arrivée en Master d’histoire de la pensée. Il était notre professeur de théorie monétaire pendant nos études à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Le master qu’il dirigeait en histoire de la pensée monétaire nous a fasciné. Il était très actif dans l’enseignement, la recherche et l’administration de l’université. Il était l’une des rares personnes à qui l’on pouvait parler en espagnol et était toujours prêt à discuter d’un large éventail de sujets tels que le marxisme, la diversité sexuelle, les vins, le féminisme, etc. En tant que ses doctorants, Jérôme suivait de près la rédaction de nos thèses, il nous a soutenu et a nourri notre curiosité intellectuelle pendant des années. Sa connaissance des grands auteurs lui a permis de détecter des problèmes dans des théories contemporaines, et donc de stimuler de nouvelles lignes de recherche. Nous avons eu des discussions approfondies avec lui sur tous nos articles publiés. Certains n’auraient pas été rédigés sans ces discussions. Nous avons une énorme dette envers Jérôme. Nous avons une grande admiration pour lui. Nous aimerions suivre ses traces et devenir une personne aussi généreuse que lui.

Afin de lui rendre hommage, nous, ses doctorants, conjointement au centre de recherche PHARE souhaitons organiser une journée d’étude en 2021 pour retracer ses recherches, relire ses articles ainsi que son livre. Avec d’autres collègues, nous avons comme projet de traduire son livre et de le publier en anglais ainsi qu’en espagnol et continuer à l’utiliser dans nos cours à l’université. Bientôt, quand cela nous sera possible, nous nous verrons de façon à partager notre amitié et admiration pour Jérôme.

Nous perdons notre directeur de thèse, mais nous perdons surtout un collègue, et pour beaucoup d’entre nous, un ami. Jérôme nous a marqués par son sens des responsabilités, sa détermination et son esprit vif. Il nous a également marqués par ses grandes qualités humaines. Jérôme était d’une générosité rare, il n’était jamais avare de temps, d’attention et de conseils. Nous nous souvenons et nous nous souviendrons des heures passées à discuter avec lui, dans son bureau de l’Université Paris Dauphine. De ces échanges passionnants, Jérôme nous a transmis l’essentiel : l’amour de l’enseignement, de la recherche et la solidarité intellectuelle. 

Nous ne pouvons exprimer toute la peine, en ce jour, d’avoir perdu un être si cher, dont la rigueur et la bienveillance ont grandement contribué à ce que nous construisions des parcours professionnels sereins. Nous lui en serons à jamais reconnaissants. 

Jérôme, tu vas terriblement nous manquer.

Nous nous associons à la tristesse de sa famille et de ses proches.