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Classiques Garnier

La modernité ambiguë de la mémoire de Law Note sur l’ouvrage d’Arnaud Orain, La Politique du merveilleux. Une autre histoire du Système de Law (1695-1795), Paris, Fayard, 2018, 397 pages

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LA MODERNITÉ AMBIGUË
DE LA MÉMOIRE DE LAW

Note sur louvrage dArnaud Orain, La Politique
du merveilleux. Une autre histoire du Système de Law
(1695-1795)
, Paris, Fayard, 2018, 397 pages.

Jean-Michel Servet

IHEID Genève, ENS Lyon

Triangle UMR CNRS 5206

Arnaud Orain, un économiste, est lauteur de La Politique du merveilleux. Une autre histoire du Système de Law (1695-1795). Louvrage est publié dans la collection Lépreuve de lhistoire chez Fayard ; une série décrits historiques dirigée par Antoine Lilti, directeur détudes à lEHESS, dont les travaux décentrent le regard sur le siècle dit « des Lumières1 ». Orain est né en 1977. Il est directeur-adjoint de lInstitut détudes européennes de luniversité Paris 8 Vincennes-Saint Denis où il enseigne à la fois lhistoire économique et culturelle et la macroéconomie ainsi que les politiques économiques. Ses compétences dhistorien acquises dans ses recherches jointes à sa formation déconomiste éclairent la percutante pluridisciplinarité de cet ouvrage. Il a été en 2015-2016 Davis fellow du département dhistoire de lUniversité de Princeton ; une période sabbatique quil a dédiée à lécriture de ce livre2. Celui-ci a été distingué 220en 2019 par le prix du meilleur ouvrage de la European Society for the History of Economic Thought.

Pour lhistoire, tant économique et financière que politique, sociale et culturelle française, lascension fulgurante et leffondrement du système de Law entre 1716 et 1720 constituent un événement3. Par « événement », entendons ici une expérience qui non seulement a lieu mais qui, bien quéphémère, entre durablement de façon positive ou négative dans la mémoire4 collective dun peuple ou dune communauté et qui va sinscrire dans un récit. Retenons aussi son caractère total, donc pluri dimensionnel. Le 17 juillet 1720 (jour indiqué comme celui de la banqueroute de Law) a été remémoré par son entrée en 1977 dans la célèbre collection Les trente journées qui ont fait la France sous la plume du président Edgar Faure (chef du Gouvernement et ministre à de nombreuses reprises sous la IVe et la Ve République). Le nom de Law a résonné (on pourrait risquer le jeu de mots a raisonné) jusquà nos jours. La suppression des corporations par Turgot en 1776 et son échec politique, auquel le même Edgar Faure a consacré un autre ouvrage de cette même collection sous le titre La disgrâce de Turgot. 12 mai 1776, ont constitué un autre événement majeur du xviiie siècle français, touchant aussi aux relations entre État, marché et société civile (Servet, 2015) ; Turgot ayant aussi voulu établir une libre circulation des céréales. Dune part léradication définitive en 1791 des corporations par les lois dAllarde et Le Chapelier et dautre part, dans le domaine savant, la quasi ignorance par la science économique de la spécificité des liens État/marché/société civile à travers les corporations et de leur gestion de biens communs (confondus généralement avec des biens publics) ont fait largement tomber dans loubli5 cette rupture. Par contre, la question du pouvoir monétaire na cessé de tourmenter une opinion publique mise en garde contre une 221possible récurrence dune crise monétaire et financière, banqueroute et/ou hyperinflation. Sa résurgence sous la Révolution et les références à Law qui y ont été alors faites (voir Orain, 2018 p. 308) pour approuver ou rejeter lémission des assignats (1789-1795) et des mandats territoriaux (1796-1797), monnaies révolutionnaires par excellence, justifient que le présent ouvrage, à la différence des précédentes publications relatives au système de Law, ait pour termes 1795 et couvre un siècle, et non moins de dix ans. Il commence en effet en 1695 avec la publication par Boisguilbert du Détail de la France, quon peut considérer comme une utopie précédant celles entourant et prolongeant de système de Law. Louvrage aurait pu être poursuivi bien au-delà de la Révolution, y compris pour ce début du xxie siècle, comme son auteur lindique en conclusion. Dans le sens dune continuité, Orain aurait pu citer Louis Blanc, futur promoteur en 1848 dun décret sur le droit au travail, qui a publié en 1842 un article « Banque », dans le Dictionnaire politique, encyclopédie du langage et de la science politique rédigé par une réunion de députés, de publicistes et de journaliste (Blanc, 1842, p. 146), ouvrage « rédigé par les républicains les plus en vue » selon PierreKarila-Cohen (2008, note 26). Louis Blanc y rend encore hommage à Law6 en indiquant : « Cest aux amis du peuple à réhabiliter la mémoire de Law, parce quil entendait le crédit dune façon vraiment démocratique ». Sans doute doit-on rappeler que le roi Louis-Philippe gouvernant en 1842 la France nétait autre que larrière arrière-petit-fils de Philippe dOrléans (1674-1723), le régent qui avait soutenu le projet de John Law et sans doute sa fuite en juillet 1720 vers la Belgique. Malgré cela, larticle de ce dictionnaire qualifie Law de : « victime, dans lhistoire, des débauches, des friponneries, des banqueroutes du Régent et de ses roués. » …

John Law, sympathique génie éclairé pour certains (aux yeux notamment de Jean-Baptiste Say7), charlatan pour dautres (parmi lesquels Adam 222Smith8), est né à Édimbourg en 1671. Il a créé en 1716 la Banque générale devenue deux années plus tard une banque royale ; a été Contrôleur général de finances (équivalent de principal ministre) en janvier 1720 et est mort en exil à Venise en 1729. Il peut entrer dans la catégorie de ceux que, dans La Richesse des Nations, Adam Smith désigne comme des projectors, en lien dailleurs avec le soutien que le crédit bancaire leur apporte (Brady, 2018) ; un mot apparu en anglais à la fin du xvie siècle. Un roman historique de William Harrison Ainsworth, publié en 1881, porte ce titre : John Law : The Projector. Le mot a été traduit en français par projeteur (terme y étant apparu seulement en 1774 et étant rapidement tombé en désuétude au cours du xixe). Mais le plus grand nombre de ces initiateurs préfigurant le capitalisme entrepreneurial promouvaient des entreprises à des niveaux généralement réduits alors que le projet de Law, comme lanalyse Orain, se situe à un échelon supérieur : en France et dans une colonie française dAmérique (le Mississipi aux frontières allant alors de lembouchure de ce fleuve jusquaux grands lacs). Le royaume de France, par le nombre de sa population, par la diffusion de sa langue au sein des élites européennes, par ses forces militaires et par son site occupait encore une position centrale en Europe. Comme le souligne Orain, et de façon originale par rapport à ce qui en est généralement dit, le projet de Law est à lépoque un parmi dautres (Thiveaud, 1990 ; 1995). Mais sa spécificité est davoir donné lieu à une application, fusse momentanée et sans doute partielle par rapport à lensemble des idées parmi lesquelles il est né. Il sinscrit au début du siècle des Lumières dans une série dutopies où la finance tient une position essentielle ; ensemble dutopies que les historiens des faits et de la pensée économique et financière navaient pas relevées pour comprendre le système de Law. Celui-ci avait proposé son projet à plusieurs gouvernements européens, notamment au Parlement écossais (en 1705), à Victor-Amédée II duc de Savoie (en 1710-1711) et à Louis XIV juste avant la mort de ce souverain. Sans succès. On peut se demander pourquoi le système de Law a séduit ensuite en France, pas plus tôt et pas ailleurs. Seul le régent Philippe dOrléans qui, en prenant le pouvoir du fait de la minorité de 223larrière-petit-fils et héritier de Louis XIV en 1715, a trouvé les finances du royaume dans une situation quasi désespérée a été séduit par la proposition (pourquoi celle-là et pas par une autre ?) ; et lui a gardé sa confiance au-delà même de la banqueroute et de son exil puisquil est dit quil voulait le rappeler en 1723… Le projet a résolu momentanément, au sens chimique du terme, le surendettement du royaume de France par la conversion des titres de la dette publique en actions de la Compagnie des Indes. Mais les mêmes causes (en particulier le déséquilibre entre les recettes de la royauté et ses dépenses) engendrant les mêmes effets (un appauvrissement dune large fraction de la population), le problème de la dette ne pourra quêtre récurrent jusquà la réunion des États généraux de 1789 et la Révolution qui sen suivit. Cette révolution fût, y compris monétaire et financière à la suite de ladoption de la dénomination « franc » en 17959, tout comme lavait fait Law le 22 février 1720 avec la disparition de la séparation-articulation des monnaies de compte (en livres, sous et deniers) et des monnaies de paiement, à la suite de lhyperinflation des assignats et des mandats territoriaux basés sur une propriété foncière de la Couronne, des aristocrates émigrés et du clergé en France. Pour inaugurer plusieurs décennies de stabilité monétaire en France, il fallut attendre 1800, dans le sillage du coup dÉtat de Napoléon Bonaparte, avec la création de la Banque de France par certains qui le financèrent et furent ainsi récompensés (Jacoud, 1990) ; et 1803 avec lémission du franc germinal. Pour beaucoup, le système de Law a servi de contre-exemple pour le dénoncer comme une menace.

Le système et ses spéculations portent toujours aux calembours. Dans Libération, Jean-Yves Grenier (2018) a intitulé son compte-rendu du présent ouvrage : une « utopie dÉtat tombée à Law ». En son temps, comme le montre Orain, le système a largement mobilisé, pour le promouvoir ou le déconsidérer, le théâtre de foire et lécho de lévènement sest prolongé jusquà nous à travers des romans (de nombreux sont cités p. 323-324) et par le cinéma. Celui-ci a repris la figure du bossu louant sa gibosité apparente pour servir de table rue Quincampoix, siège de la Banque et lieu de lagiotage, pour signer les contrats en relation avec les opérations des titres de la banque de Law. Ce bossu rendu célèbre par un roman de 224Paul Féval (publié en 1857) a largement inspiré le cinéma en tant quart populaire au cours du xxe siècle. Orain cite surtout lécho dans des écrits. Pour appuyer la référence à une popularité des évènements, complétons son inventaire en signalant une première version cinématographique muette en 1913-1914 par André Heuzé ; une seconde en 1925 par Jean Kemm, Le Bossu ou Le Petit Parisien ; ensuite une première adaptation parlante en 1934 par René Sti ; suivie en 1944 par une autre de Jean Delannoy. En 1959 dans Le Bossu dAndré Hunebelle, Jean Marais et Bourvil sont acteurs. A suivi une adaptation télévisée en 1967 avec Jean Piat. Laffaire Law occupe une place essentielle dans Que la fête commence ! de Bertrand Tavernier (1975)10. Orain souligne (p. 324) linterprétation particulière qui en est faite. On retrouve encore linspiration du roman de Paul Féval dans Le Bossu de Philippe de Broca (1997) avec Daniel Auteuil et Fabrice Luchini comme principaux acteurs. Cette histoire et ses à-côtés dépassent donc très largement le traitement et linterprétation par des économistes et des historiens de données économiques et financières. Un bibliophile canadien, Lawrence M. Lande (1906-1998), notaire et concessionnaire automobile, sétait entiché du personnage et a mis sa fortune au service de sa réhabilitation, notamment par des donations à luniversité McGill11. On peut imaginer quen 2020 le tricentenaire de la chute du système et en 1729 le tricentenaire du décès de Law susciteront de nouveaux intérêt et talents.

Outre les travaux à caractère proprement historique12, lévènement a été aussi, à de multiples reprises, une référence pour les approches des crises par des économistes dans les histoires des crises financières, à côté de celle contemporaine sur les titres de la Compagnie des Mers du Sud en Angleterre, et antérieurement celle des bulbes de tulipes aux Pays-Bas en 1636-1637 (Dockès, 2017, p. 181-182, 190-193).

Au cours des trois derniers siècles, beaucoup a donc été dit, écrit et réécrit sur les « faits » entourant lascension et la chute de Law : sur la création du système jusquà en faire la banque générale collectant les impôts indirects, sur le rêve des potentialités des échanges dans 225les colonies par la Compagnie du Mississipi et dautres compagnies commerciales qui y ont été agglomérées dans la Compagnie dOccident, sur les conversions de la dette publique en actions de la Compagnie, sur lengouement spéculatif sur ses titres, sur une sur émission de billets et sur leffondrement. Tout cela a donné lieu selon lexpression de Orain (p. 10, 13) à une version « canonique » de ces faits. On aurait pu a priori penser quil était désormais devenu difficile de faire preuve doriginalité sur un tel sujet. En inscrivant le système de Law dans un vaste mouvement didées qui le précèdent et lui font suite, en ne réduisant pas sa présentation et son analyse à la formation et à léclatement dune bulle spéculative, Orain nous fait redécouvrir le projet.

Le présent ouvrage est celui dun économiste. Il nest pas une histoire factuelle, au sens où il présenterait ou analyserait le personnage Law, les causes dune crise financière, ses mécanismes, le fonctionnement des institutions et des instruments (en particulier monétaires) quelle implique, la distinction socio-économiques entre ceux qui se sont enrichis et ceux qui ont été ruinés, ses effets sur les finances, sur la répartition de la propriété ou sur les productions du royaume et ses échanges. Tout cela est évoqué mais de façon que certains jugeront peut–être secondaire. On ne trouve donc pas dinterprétations nouvelles de la succession des faits, en loccurrence de la situation financière économique, sociale, politique, militaire et religieuse de la France ainsi que des mécanismes de leffondrement, qui seraient trouvées à partir de recherches darchives nouvelles en la matière ; en particulier pour savoir si un complot a ou non été ourdi pour provoquer la banqueroute du système sous limpulsion dintérêts financiers et dambitions politiques auxquels il aurait porté atteinte.

Lobjet du livre est autre : à la fois plus restreint et beaucoup plus étendu. En cela, il constitue un remarquable travail dhistorien de la pensée. Mais il ne sagit pas dun ouvrage habituel dhistoire de la pensée consacrée à un économiste. Peu de choses sont dites sur litinéraire de Law et sur ses écrits (si ce nest, de façon très utile, pour mettre en garde (p. 67-68 notamment) contre lattribution de certains textes notamment par Paul Harsin, léditeur en 1934 en trois volumes des œuvres dites « complètes » généralement considérées encore comme « la » référence sur Law. Orain se réfère dautant moins à lauteur et au personnage romanesque que, contrairement à la vulgate le concernant, il présente une analyse dépassant/surpassant les péripéties du système 226et de son créateur. Son propos se situe ailleurs. Il est une contribution à lhistoire des idées, avec loriginalité dune pensée économique qui nest pas cantonnée aux seules théories économiques passées voire présentes. Elle est inscrite dans un système de pensées plus large, autrement dit une idéologie, au sens dune logique des idées. On peut le saluer comme une innovation méthodologique en histoire de la pensée économique. Elle sétait régénérée au cours des années 1980 et 1990 par rapport à ce quelle était massivement devenue dans nombre de thèses complémentaires des économistes français de 1900 aux années 1960. Elle est depuis graduellement retombée dans ce qui est trop souvent13 une paraphrase érudite dauteurs anciens ou le moulinage anachronique de leurs écrits à travers les arguments et modèles de la science économique contemporaine, qui lavait longtemps caractérisée.

Lapproche dOrain évite notamment une lecture déterministe, commune à la plupart des économistes, et pas seulement, selon laquelle le passé contient en quelque sorte le présent et le futur. Il suffirait de dérouler des « faits » retenus comme des causes et des déterminants pour les inscrire dans une mécanique denchainements présentés comme inévitables. Toutefois, Orain néchappe pas totalement au déterminisme en affirmant, comme on la noté, que, si ce nétait pas Law qui en aurait été le principal acteur, un autre projet aurait produit des éléments analogues ; et ce à partir des « conditions » idéologiques et socioéconomiques de lépoque (p. 14). Il est possible de sappuyer sur un anti-déterminisme plus radical en reprenant la distinction entre à-venir et futur proposée par le philosophe Jacques Derrida14. Elle tient notamment à ce que le futur est alors compris comme un présent décalé dans le temps, que, dune certaine façon, les « orientations » prolongent et répètent alors que là-venir est dominé par limprévisible et constitue une projection (terme dans lequel on retrouve pro-jet) vers linconnu. Ce que Orain retient par ailleurs de sa lecture des utopies (p. 52) pour comprendre celle du système et de ses commentateurs et promoteurs. Lhistoire des idées permet de saisir des conditions tout en ne les transformant pas en nécessités.

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En tant que travail essentiellement sur les représentations, louvrage fournit une analyse précise, érudite et convaincante des stratégies discursives. Outre les nombreuses publications quOrain a identifiées comme faisant référence au Système, il sappuie sur de nombreuses gravures de lépoque. Elles sont analysées de façon telle quon y découvre visuellement le système Law, les arguments de ses partisans et ceux de ses opposants ; leurs rêves, désirs, illusions, frayeurs etc. Une limite de cette approche est que les représentations graphiques ou théâtrales, comme les écrits et les discours, sont mis en parallèle, ou sont confrontés, dans lignorance de leur poids relatif au sein de lopinion publique et savante. Il est difficile den mesurer la diffusion. On a toutefois un indice de la fortune médiatique de la banqueroute de 1720 lorsque Orain montre (p. 278) un changement opéré au théâtre à partir de cette date dans la représentation du personnage dArlequin.

Avec sa méthode, le livre présente une double originalité. La première est de dépasser lévènementiel pour inscrire, comme on la souligné, les récits sur le système de Law dans un temps long (1695-1795) et donc de saisir les idéologies à la fois à travers leurs racines et les éléments qui les ont rendues possibles, ainsi que sa résonnance jusquau cœur de la Révolution française. La seconde originalité est son caractère pluridimensionnel puisque, outre les données économiques et financières attendues et les controverses dauteurs reconnus aujourdhui comme économistes, la réflexion mobilise la littérature en particulier le théâtre et des récits caricaturaux auxquels se sont livrés de multiples auteurs aujourdhui tombés dans lanonymat et des écrivains dont la notoriété est parvenue jusquà nous, tels que : Voltaire, Marivaux ou Montesquieu. Louvrage nhésite pas non plus à introduire judicieusement des éléments psychanalytiques (p. 256) pour comprendre les réactions contemporaines et postérieures ; ainsi que pour souligner les pulsions sexuelles que la régence libère après les années lugubres de la fin du long règne du roi soleil, dominée par la dévote Madame de Maintenon.

De la sorte, louvrage nous donne bien à voir certaines grilles de lecture du système Law développées tout au long du xviiie siècle. Ainsi, en va-t-il de la lecture contemporaine morale à laquelle doivent être soumis les prix selon la doctrine catholique qui domine alors les universités et au-delà (Orain, p. 221, 244). Une modernité de Law est ici de heurter cette conception de fondements éthiques à la valeur des biens et services. 228Autre grille argumentaire : sa dimension carnavalesque par linversion des situations sociales due aux enrichissements et ruines subites. Modernité donc encore avec ce renversement potentiel de lordre social par des mécanismes spéculatifs, liés à une forme déconomie de marché.

Mais cette « modernité » du système de Law nest-elle pas largement surestimée et ambiguë ; contrairement à ce quaffirment des lecteurs de louvrage dOrain, qui lutilisent comme un miroir dans le contexte actuel largement encore néolibéral15 ?

Pour ce qui est des représentations et des fonctions de la monnaie, sommes-nous en présence dune pensée « moderne » ? Beaucoup dopinions en la matière tiennent à ce que Joseph Schumpeter a affirmé dans son Histoire de lanalyse économique, à propos de la pensée de Law et de son système : ils seraient en avance de deux siècles sur leur temps en ayant perçu le rôle essentiel de la monnaie et de la finance dans le développement économique (Schumpeter repris par exemple par Vuillemey, 2015). On peut affirmer au contraire que cette prétendue modernité a dans la dynamique des idées (et donc des auteurs classiques à venir et du développement capitaliste) un caractère dépassé.

Pour ce qui est de la monnaie, la modernité est dans lidée dune suppression de la distinction unité de compte/moyen de paiement et dune substitution dune monnaie papier ou dun papier monnaie (Courbis, Froment & Servet, 1991) aux métaux précieux quoique linnovation puisse apparaître là encore toute relative. Car, pour ce qui est des pratiques, cette émission nest pas totalement innovante en Europe si lon se réfère aux spéculations des marchands-banquiers italiens du xvie siècle grâce à des lettres de change et à lémission de billets de banque en Angleterre au xviie siècle (Marx, 1980), tout comme aux Pays-Bas, en Suède ou en Écosse.

Si la proposition de John Law de transformer lorganisation économique, sociale et politique par un vecteur monétaire peut être considérée comme anticipant laction contemporaine sur la société de la financiarisation néolibérale, ses idées peuvent en ce domaine tout aussi bien être considérées comme étant conformes en leur temps à une idéologie alors dominante, 229voire passéiste. Elle peut être jugée démodée si lon inscrit sa vision et celle de ceux qui le soutiennent en continuité avec le rôle politico-économique de la monnaie dans les écrits de ceux que lon désigne communément, notamment à la suite de Smith, comme « mercantilistes ». Le sous-jacent de la pensée mercantiliste en matière monétaire était via la nature des métaux précieux : lalchimie et lastronomie. Orain relève certaines de ces analogies (p. 175, 193-200, 249). Ces clefs de lecture sont dans les textes de lépoque tellement communes aux yeux des contemporains quelles peuvent rester implicites en portant leur discours (Servet, 1979). Telle est la force dune idéologie (une logique des idées) dominante…

Labsence de modernité du système de Law ainsi que des arguments contemporains de ceux qui le soutiennent comme de ceux qui le critiquent est difficilement contestable pour ce qui est du champ monétaire. Ils ignorent la relation monnaie/valeur, au sens où Smith ou Turgot linitieront. Ce sera un demi-siècle plus tard avec lémergence de théories de la valeur travail, utilité ou rareté. Avant cette innovation théorique constitutive de léconomie classique, Richard Cantillon tout comme les Physiocrates ont besoin de la monnaie pour faire fonctionner leur modèle respectif car ils ne raisonnent pas en valeur. Le système de Law se situe aussi en continuité avec cette vision passée de la monnaie. On peut sétonner quOrain ne pose pas cette question alors quil a soutenu en 2004 à luniversité Paris 1 sous la direction dAndré Lapidus une thèse de doctorat intitulée : Choix individuels, morale et théorie de la valeur dans lœuvre de labbé de Condillac (1714-1780).

Et peut-on parler de modernité à propos du rêve colonial ? Les illusions sur les potentialités de la Louisiane ne sont-elles pas une transposition de la colonisation européenne du Mexique ou du Pérou. Or, il y a alors deux siècles que les métaux précieux ont commencé à affluer vers lEurope depuis ce qui devient lAmérique latine. Et il y a un siècle que les premiers esclaves ont été déportés dAfrique vers ce qui deviendra les États-Unis. Y-a-t-il vraiment modernité à proposer de développer, via les compagnies de commerce que le système de Law englobe, la traite négrière alors que au siècle des Lumières (et au-delà) la modernité est du côté du combat pour son abolition ?

Venons-en maintenant à un des éléments essentiels de louvrage : larticulation du projet à lÉtat pour changer la société. Selon, Orain (p. 170) :

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Le projet est une alternative à la société hiérarchique fondée sur les états, limpôt, lhonneur, le crédit comme relation interindividuelle. Sa vocation totalisante fait tenir la société en un corps dune nature nouvelle, qui parvient à faire ce que la monarchie ne sait pas faire, à savoir réunir toutes les volontés vers un but commun, la prospérité matérielle.

Orain présente le système de Law comme étant, dans sa globalité, un projet de refondation du système militaro-fiscal incarnant alors la royauté française. Ce projet justifie le titre de louvrage La Politique du merveilleux16. Mais on peut le lire comme un aboutissement du mercantilisme sous la forme dun monopole, comme il laffirme dailleurs dans un article postérieur à la publication de louvrage (Orain, 2019).

Il y a bien chez certains adversaires du système la dénonciation dune transgression des ordres dAncien Régime par largent. Ce serait donc a contrario la preuve de sa modernité. Mais la vénalité des offices navait-elle pas déjà développé une noblesse qui pouvait être opposée à la noblesse dextraction. Limmédiateté des changements grâce à ce qui sapparente à une loterie constitue la nouveauté introduite par les spéculations du système de Law. Mais une fraction des nobles nétaient-ils pas, eux aussi, des parvenus dont la fortune leur avait permis daccéder à un ordre supérieur dans la hiérarchie dAncien Régime. Les structures de cet ordre hiérarchique, avec ses préséances, ses distinctions, etc. auraient-elles été changées par la substitution de maîtres par dautres et par une prospérité répandue ? Nen auraient-ils pas, plus ou moins vite, acquis les rites de politesse que la Révolution dénoncera17. Aurait-on cessé de payer des impôts puisque la Compagnie de Law était chargée de les recevoir ? Une société hiérarchique, qui na pas que des fondements économiques, cesse-t-elle de lêtre parce quon change les titulaires de ceux qui occupent pour les uns le haut et pour les autres le bas dune pyramide sociale ? En quoi le système mettait-il en cause lorganisation 231de lagriculture dans les grands domaines ou le fonctionnement interne et externe des corporations18 ? La situation des masses paysannes et artisanales pauvres, la faible productivité de lagriculture, la lenteur des transports pouvaient-elles être transformées par une révolution financière ? Ceux et celles qui semblent aujourdhui le penser en rendant ainsi compte de louvrage dOrain ne sont-ils pas des victimes idéologiques séduites par les phantasmes néolibéraux sur le pouvoir de la finance et de la monnaie. Sagissait-il vraiment à travers cette opération financière dune tentative de transformation radicale de la monarchie française ? Nétait-ce pas pour partie un aboutissement potentiel de celle-ci si lon intègre, comme le fait Orain, son recours à lÉtat ? Lorsquils font référence à lintervention publique dans les sociétés dAncien Régime la plupart des lecteurs actuels oublient le rôle des corporations car ils ignorent ou semblent ignorer leurs missions complexes dans les rapports État/marché/société civile. Du point de vue dune organisation corporative de la production et des échanges, le système de Law était-il vraiment, en tant que proposition de létatisation de léconomie, totalement inédite ? Lintervention publique à des niveaux nationaux mais aussi globaux était omniprésente (et cest précisément contre celle-ci que les libéraux tels Turgot ou Smith lutteront ; une vision du marché à laquelle se sont opposés précisément les défenseurs du système de Law au cours du xviiie siècle. Si lon doit inscrire le système de Law par rapport à la transformation des corporations nest-ce pas une innovation limitée ? Car il y a longtemps que le pouvoir central exerçait un contrôle croissant de celles-ci, et cela sétait renforcé au xviie siècle. Les privilèges accordés aux compagnies maritimes étaient aussi un élément de cet interventionnisme. Les relations du système de Law avec lÉtat peuvent être vues, non comme une innovation majeure qui préfigurerait la modernité de la grande transformation du xxe siècle et du retour actuel dun interventionnisme post néolibéral, mais constituer un prolongement du passé mercantiliste à travers lequel la royauté a voulu soumettre la société, et ce bien avant le début du xviiie siècle. Orain par sa contribution a le mérite dapporter des éléments précieux pour ce débat didées sur les ambiguïtés de lancien et du moderne. Jai désigné lascension et la chute du système de Law comme un événement. Le propre dun événement est bien dêtre sans cesse pensé et repensé.

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Louvrage est une recherche érudite. En atteste son index des 562 auteurs et personnages cités ; bien utile pour de futurs chercheurs et au-delà même de son objet direct. On peut toutefois relever dune part labsence de référence aux travaux de Laurence Fontaine sur les circuits de crédit des xviie et xviiie siècle ou à ceux de Jean-Marie Thiveaud sur les utopies et systèmes financiers du xviiie siècle, et en particulier sur le système Law, publiés notamment dans la Revue déconomie financière ; ne serait-ce que pour les critiquer en cas de désaccords avec leurs interprétations respectives. Et dautre part, vu la richesse et loriginalité de louvrage, on ne peut que regretter aussi labsence dun index thématique. Espérons quune réédition le rendra possible. Par son objet et sa méthode, cet ouvrage mérite de faire date non seulement à propos du système de Law mais plus généralement sur les modes de pensée en Europe de la fin du xviie à celle du xviiie siècle.

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1 Je remercie Arnaud Orain ainsi que Jean-François Bayard, Jean Cartelier, Pierre Dockès, Ramón Tortajada et André Tiran pour les échanges que nous avons eus au cours de la rédaction de ce compte-rendu.

2 Signalons parmi les précédents travaux quil a co-dirigés : Les voies de la richesse ? La physiocratie en question (1760-1850) publié en 2017 avec Gérard Klotz et Philippe Minard ; « Antiphysiocratic Perspectives in eighteenth-century France », avec Muriel Dal-Pont Legrand et Gilbert Faccarello en 2015 ; ainsi quun ouvrage consacré avec Philippe Le Pichon à Graslin (2008).

3 Le terme est déjà employé par Lhomme en 1935 dans son compte-rendu des œuvres complètes de John Law éditées par Harsin en 1934. Il relève : « la trace profonde laissée dans lesprit du public par les évènements 1716-1720 » (p. 248).

4 Jai repris en partie pour titre de ce compte-rendu celui du mémoire dAlain Thoumas (1994) ; une recherche réalisée dans le cadre du programme Finance, éthique, confiance développé au Centre Walras (université Lyon 2/MSH/CNRS) avec le soutien de la CDC et en particulier de son conseiller historique Jean-Marie Thiveaud. Thoumas a distingué dans la période post 1720 la « mémoire effacée » et la « mémoire manipulée ». Les analyses quil avait menées sur les dimensions proprement monétaires du système Law demeurent tout à fait pertinentes. Elles ne sont queffleurées par Orain.

5 Voir lexcellente analyse que lui a consacrée Kaplan, 2001.

6 Ceux que lon peut alors qualifier, dans le contexte politique de lépoque, déconomistes de gauche soutiennent Law. Rist (1938, p. 21) fait référence à : « létude sympathique quOlinde Rodriguez lui a consacrée en 1827 dans la revue saint-simonienne Le Producteur ». Sur lapproche positive de John Law par les saint-simoniens, voir Benausse (2003, chap. 2, section III).

7 Il écrit dans son Traité déconomie politique : « Cest-à-tort que les maux causés par ce que nous appelons le système sont mis sur le compte de Law. Cet homme navait pas de fausses notions des monnaies » 1èreà la 4e édition p. 506 « Les commencements du système de Law, sous la Régence, furent brillants » (5 et 6e édition. p. 505).

8 Il désigne « le projet de banque et de courtage » de Law comme « le plus extravagant peut-être que le monde ait jamais connu », Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, Livre II, chap. 2, 2000, tome 1 p. 327. Sur les opinions diverses de ces économistes, on lira encore aujourdhui avec intérêt Rist, 1938, p. 20 sq.

9 À partir du 22 février 1720, les billets nont plus été libellés en écus (correspondant à une pièce) mais en livres (lunité de compte). Une telle mesure avait déjà été adoptée en 1577 en France. Mais dès 1602 elle avait été abandonnée. Voir Jérôme Blanc (2011).

10 Voir Jean-Pierre Rissoan, 6 février 2018 [http://www.jprissoan-histoirepolitique.com/la-vie-de-l-esprit/critiques-de-films/quelafetecommencetavernier1975] consulté le 16 avril 2018.

11 Voir un article paru dans Le Devoir le 3 août 2019 [https://www.ledevoir.com/societe/559977/la-legende-noire-de-john-law] consulté le 13 mars 2020.

12 Voir par exemple parmi les publications récentes : Buat, 2015 ; un ouvrage rédigé par le conservateur en chef des Archives de Paris.

13 Mais pas toujours comme le prouve lexcellente lecture critique que Jean Cartelier a fait de louvrage de Orain dans les Cahiers déconomie politique (2019).

14 Parmi les multiples contributions autour de ce concept sinscrivant dans la perspective déconstructiviste du philosophe, voir Mallet, 2004.

15 Jean-François Bayard a eu la pertinence dêtre un des premiers à voir lintérêt de louvrage dOrain pour les sciences sociales, et en particulier pour la sociologie politique, tout en soulignant certaines limites de cet exercice critique. Il affirme dans Médiapart (15 février 2019) que le livre « apparaît fondamental pour comprendre le capitalisme financier contemporain et ses crises ».

16 Le merveilleux est alors un genre qui mêle fiction et science, sérieux et ludique, une utilisation du fantastique pour parler de choses… sérieuses. Orain y fait référence p. 19 et 20. Le merveilleux avait donné lieu en France à une querelle littéraire vers 1674-1675 désignée comme la querelle du merveilleux, à laquelle notamment La Fontaine pris part (Kohn, 1974). Cette querelle précède celle entre les Anciens et les Modernes, que le titre du présent compte rendu évoque.

17 Rouvillois, 2006 a analysé la rupture introduite par la Révolution française en matière de politesse par rapport à ses formes anciennes, notamment par limposition du tutoiement et du titre de citoyen/citoyenne. Napoléon a re-légitimé des usages dAncien Régime et avec eux introduit ce que lon a désigné comme un âge dor de la politesse bourgeoise.

18 Dautres utopies de lépoque ont proposé des changements radicaux touchant directement à la production, comme le montre Orain, p. 71 sq.