Aller au contenu

Classiques Garnier

Stagnation séculaire ou phase B du Kondratiev ?

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Revue d'histoire de la pensée économique
    2020 – 1, n° 9
    . varia
  • Auteur : Bosserelle (Éric)
  • Résumé : Les débats récents menés autour de la thématique de la stagnation séculaire nous invitent, dans cet article, à faire retour aux ondes longues associées au nom de N.D. Kondratiev qui continuent de susciter l'intérêt de nombreux chercheurs, en particulier depuis la crise de 2008. Cette actualité du Kondratiev est cependant marquée par d'importantes divergences entre auteurs portant, à la fois, sur l'identification de l'onde longue en cours et sur la nature de la phase qui caractérise la période contemporaine. L'enlisement des économies capitalistes dans une longue phase de difficultés (phase B) démarrée au seuil des années 1970, nous invite à établir un lien entre son étendue et l'hypothèse de stagnation séculaire. Au vu des tendances qui ont été en œuvre au cours de ces dernières décennies, la question de la disparition du Kondratiev en tant qu'onde longue de croissance mérite d'être posée.
  • Pages : 125 à 153
  • Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
  • Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
  • EAN : 9782406106029
  • ISBN : 978-2-406-10602-9
  • ISSN : 2495-8670
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10602-9.p.0125
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 27/05/2020
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Crise, croissance économique, Kondratiev, phases A et B, stagnation séculaire
125

STAGNATION SÉCULAIRE
OU PHASE B DU KONDRATIEV ?

Éric Bosserelle

Université de Reims Champagne-Ardenne

REGARDS – EA 6292

Les débats engagés au cours de ces dernières années autour de la thématique de la stagnation séculaire nous invitent, dans cet article, à faire retour au Kondratiev et à ses longues phases, tantôt à dominante expansive (phases A), tantôt de contraction de lactivité et de croissance ralentie (phases B)1. Deux raisons nous y convient. En premier lieu, lenlisement des économies capitalistes dans une conjoncture de croissance molle marquée par la persistance de difficultés économiques majeures nest pas sans rappeler ce qui spécifie les phases B du Kondratiev. Doù la question : les économies capitalistes sont-elles engluées dans une période de stagnation séculaire ou, comme à dautres moments de leur histoire, dans une phase B ? En second lieu, les argumentaires développés par 126les tenants de la stagnation séculaire remettent directement en cause les thèses soutenues par certains économistes au cours de ces dernières années, selon lesquelles, a) les économies capitalistes se trouvaient toujours dans la phase A du cinquième Kondratiev2 sur la période récente et, b) le déploiement de la phase dessor dun sixième Kondratiev serait engagé ou proche. Nous avançons la thèse selon laquelle les économies capitalistes se trouvent toujours enlisées dans une longue phase de difficultés démarrée au seuil des années 1970 (phase B du quatrième Kondratiev) et quil convient de jeter un pont entre son étendue et la question de la stagnation séculaire. Il en résulte deux implications. La première est que lancrage de ces dernières dans cette longue phase de croissance molle doit être mis en rapport avec lordre néolibéral qui sest imposé au début des années 1980 et qui nest pas parvenu à les extraire de la crise systémique dans laquelle elles sont entrées au seuil des années 1970. La seconde est que la question de la possible disparition du Kondratiev en tant quonde longue de croissance mérite dêtre posée. La première partie de larticle porte sur la stagnation séculaire et les interprétations et débats auxquels elle a donné lieu. La seconde fait retour à lactualité du Kondratiev et sinterroge sur la période actuelle en se demandant de quel Kondratiev et de quelle phase est-il question. La troisième invite au débat en revenant sur les dynamiques qui ont été en œuvre dans les économies capitalistes depuis les années 1980, puis sur le Kondratiev lui-même en tant quonde longue, tout en sinterrogeant sur sa possible disparition.

127

I. LA CONJONCTURE CONTEMPORAINE :
LA STAGNATION SÉCULAIRE ?

Alors quelle avait enregistré un recul pratiquement ininterrompu dans la littérature économique depuis le début des années 1950 (Backhouse & Boianovsky, 2016), la stagnation séculaire, expression introduite par A.H. Hansen en 19383, a fait un retour en force dans les débats académiques au cours de ces dernières années. Pour autant, la thèse de linstallation des économies capitalistes dans une période de stagnation séculaire est loin de faire lunanimité.

I.1 La stagnation sÉculaire : quelles grilles de lecture ?

Cest à loccasion dune conférence donnée au forum du Fonds Monétaire International fin 20134 que L. H. Summers a relancé la thématique de la stagnation séculaire pour expliquer une situation quil considère analogue à celle décrite par A.H. Hansen soixante-quinze ans plus tôt. Selon lui, le déficit de la demande agrégée représente le point commun entre la période qui a précédé la crise de 2008 et celle dans laquelle sont engagés les États-Unis depuis. Summers relève quau cours de la phase expansive qui a précédé la crise, malgré la formation dune bulle immobilière gonflée par le crédit et le surendettement des ménages, il ne sest produit ni surchauffe, ni pression inflationniste notable, ni croissance supérieure à la tendance à long terme. De ce point de vue, la succession de bulles (bulle internet à la fin des années 1990, bulle 128immobilière au cours des années 2000) sans pressions inflationnistes est tout à fait révélatrice. Ces dernières ont simplement masqué la stagnation séculaire en stimulant la demande de manière artificielle, ce qui revient à dire quune telle situation ne date pas de 2008. Leffondrement de la demande agrégée, antérieur au déclenchement de la crise, résulte dun ensemble déléments qui a conduit les agents à accroître leur épargne et à réduire leur propension à investir. Laugmentation de lépargne sexplique par plusieurs facteurs : accroissement des inégalités et de la part de revenu revenant au capital et aux catégories les plus aisées ; incertitudes pesant sur lavenir des retraites ; réduction des possibilités demprunt ; plus grande accumulation dactifs par les banques centrales étrangères et les fonds souverains. Quant au recul de linvestissement, il résulte dune progression plus lente de la population active et de la productivité et de la disponibilité de biens capitaux moins coûteux. Augmentation de lépargne, recul de la propension à investir, dans des circonstances normales, les taux dintérêt auraient baissé jusquà ce que lépargne et linvestissement ségalisent au niveau du plein emploi. Le problème est que ce mécanisme dajustement ne peut fonctionner lorsque ces derniers sont proches de la borne zéro. Quand bien même auraient-ils pu diminuer, les efforts mis en œuvre pour les réduire auraient posé des problèmes de stabilité financière. Léconomie se trouve piégée, car elle ne peut atteindre simultanément le plein emploi, une croissance satisfaisante et la stabilité financière au moyen dune politique monétaire conventionnelle (Summers, 2014a, p. 29). La politique monétaire étant dans lincapacité de faire davantage, les difficultés contemporaines doivent être mises en rapport avec le déclin du taux dintérêt réel (TIR) naturel, qui égalise épargne et investissement à un niveau compatible avec le plein emploi et une inflation stable. Léconomie est confrontée à la stagnation séculaire dès lors que les taux dintérêt réel naturels sétablissent à un niveau si bas quils ne peuvent être atteints par les politiques conventionnelles mises en œuvre par les banquiers centraux. À ce stade, les niveaux désirés dépargne excèdent les niveaux souhaités dinvestissement, conduisant à une insuffisance de la demande et à une croissance molle. Telle est la situation qui prévaut depuis plusieurs années : les TIR ont chuté et sont devenus négatifs, la demande est atone, linflation est faible et lépargne excessive. Lexcès dépargne et le recul de linvestissement abaissant le taux dintérêt réel déquilibre (taux 129naturel), lorsque ce dernier tombe en territoire négatif et que la politique monétaire confrontée au plancher des taux zéros ne peut amener le taux réel observé en ligne avec le taux naturel, alors, la voie de la stagnation séculaire est ouverte (Summers, 2014b). Selon P. Krugman, cest pour trois raisons que lanalyse de Summers mérite de retenir lattention. Premièrement, lexpérience de ces dernières années suggère que la borne zéro préoccupe beaucoup plus quon ne le pensait jusqualors ; ensuite, il sest produit un déclin séculaire des taux dintérêt réels avant même le déclenchement de la crise de 2008 ; enfin, les tendances démographiques et le désendettement affaiblissent la demande future (Krugman, 2014).

R.J. Gordon livre une autre interprétation de la stagnation séculaire. Elle repose sur le ralentissement de la croissance de la productivité5 et du rythme du progrès technique et un ensemble de « vents contraires » jouant négativement sur la croissance (Gordon, 2014a, 2014b, 2015). Ce dernier considère que la portée des nouvelles technologies de linformation et de la communication (NTIC) qui se sont développées au cours des années 1980-1990 est largement inférieure à celle des deux grandes révolutions industrielles précédentes (vapeur et chemin de fer de 1750 à 1830 ; électricité/moteur à combustion interne/eau courante de 1870 à 1900). Plus précisément, les bénéfices associés au déploiement des NTIC sont dune bien moindre ampleur que ceux issus des technologies de la deuxième révolution industrielle, car des trois révolutions industrielles, cest la seconde qui a eu le plus dimpact sur léconomie. Lélectricité, le moteur à combustion interne et leau courante ont été infiniment plus importants que les NTIC pour stimuler la productivité, impulser la croissance et améliorer les niveaux de vie, et il ny a pas à lhorizon dautres innovations de cette ampleur. Toutes les grandes innovations ont déjà été faites. Dans louvrage quil a consacré à lhistoire économique des États-Unis au cours des 150 dernières années (Gordon, 2016), Gordon sest longuement attardé sur les technologies qui ont conduit aux progrès remarquables enregistrés au cours du « special century » qui sétend de 1870 à 1970. Sur ce segment historique, où les niveaux de vie ont augmenté plus rapidement quau cours des périodes qui ont précédé et qui ont suivi, les États-Unis ont enregistré des transformations radicales, résultant dun ensemble dinnovations qui ne se sont produites quune 130seule fois. À lavenir, leur croissance, comme celle des autres pays capitalistes, ne pourra pas bénéficier dun ensemble dinnovations ayant une telle étendue et une telle profondeur. Pour autant, lanalyse de Gordon ne se réduit pas au seul impact des nouvelles technologies sur la croissance future. Celle-ci se heurtera à des vents contraires que linnovation, même au rythme de la période 1972-2014, ne pourra contrecarrer. Ces derniers sont au nombre de six6 (Gordon, 2014a) : a) la démographie (le vieillissement démographique et le recul de la population en âge de travailler ne peuvent plus être contrebalancés par une hausse du taux dactivité féminin, arrivée à son terme) ; b) linefficacité croissante des systèmes déducation (détérioration du niveau scolaire, en particulier aux États-Unis) ; c) limpact de la mondialisation (leffet combiné de la mondialisation et des nouvelles technologies a engendré une concurrence accrue sur les marchés du travail, une baisse des salaires réels et de la productivité) ; d) les coûts croissants liés au réchauffement climatique ; e) lexigence de désendettement (le fardeau de la dette léguée par la crise de 2008) ; f) la montée des inégalités (laugmentation de la part du revenu captée par le 1 % le plus riche prive lécrasante majorité de la population des fruits de la croissance et alimente lexcès dépargne). Gordon a fourni une estimation de leffet produit par la combinaison des vents contraires. En retranchant le chiffre obtenu du 1,8 % de croissance annuelle moyenne du PIB par tête observé aux États-Unis entre 1987 et 2007, il ne reste quenviron 0,2 % par an7. La croissance de la productivité se poursuivra de 2007 à 2032 au même rythme que de 1972 à 2007, mais cest le jeu des vents contraires qui est à craindre. Ces obstacles à la croissance réduiront la progression du PIB réel par tête qui passera des 2 % par an qui ont prévalu aux États-Unis de 1891 à 2007 à 0,9 % par an de 2007 à 2032 (Gordon, 2014a, p. 50).

Le pessimisme de Gordon est partagé par dautres auteurs. Par T. Cowen, dabord, qui attribue la stagnation contemporaine à la fin des innovations les plus « à portée de main ». Depuis la fin du 17e siècle, léconomie américaine a profité de « fruits faciles à cueillir » (nouvelles technologies, terres gratuites et abondantes, travail des immigrants) 131mais, au cours des quarante dernières années, ces derniers ont commencé à disparaître, léconomie étant parvenue sur un plateau technologique (Cowen, 2011). Le rythme du développement technologique a ralenti et les innovations contemporaines sont loin davoir la portée quont eu par le passé le chemin de fer ou lautomobile. Par P. Artus et M.-P. Virard, ensuite, qui rappelant que la productivité globale des facteurs représente la clé de toute réflexion sur lavenir de la croissance, insistent sur la tendance lourde que représente sa stagnation ou son recul un peu partout dans le monde (Artus & Virard, 2015). Cinq raisons permettent de comprendre la conjoncture stagnationniste qui affecte nos économies depuis plusieurs années : a) la perte defficacité de la recherche-développement ; b) laugmentation de lintensité capitalistique (Aujourdhui, aux États-Unis et dans la zone euro, il faut deux fois plus de capital quil y a un demi-siècle pour créer la même quantité de richesses) ; c) le rétrécissement des secteurs industriels (dans lesquels les gains de productivité sont plus élevés quailleurs) ; d) linsuffisance du niveau de qualification de la population active ; e) la portée réelle de la révolution des NTIC (les innovations de ces dernières décennies nont pas le même impact que celles des révolutions industrielles antérieures). Artus et Virard anticipaient, pour la période 2015-2025, une croissance potentielle qui ne devrait pas excéder 0,3 % an dans la zone euro (Artus & Virard, 2015, p. 27).

I.2 Une thÈse controversÉe

La thèse de lancrage des économies capitalistes dans une période de stagnation séculaire demeure controversée. Dautres lectures de la période ouverte depuis la grande récession de 2008 ont été proposées, et tandis que certains participants aux débats affirment que des réformes structurelles et/ou la politique économique peuvent réamorcer le processus de croissance, dautres demeurent confiants dans les potentialités offertes par la dynamique technologique.

C.M. Reinhart et K.S. Rogoff ont attribué les difficultés contemporaines à lexcès dendettement qui a conduit à la crise financière et au désendettement qui a suivi, la dette accumulée pesant sur la reprise et la croissance (Reinhart & Rogoff, 2010). Historiquement, selon ces derniers, il apparaît que les crises financières précédées par un accroissement marqué de la dette sont généralement suivies par des reprises particulièrement lentes. K.S 132Rogoff interprète la faiblesse de la reprise consécutive à la crise de 2008, comme la conséquence de la fin dun supercycle dendettement comme il sen est déjà produit par le passé (Rogoff, 2016). Sopposant à la thèse de la stagnation séculaire, il considère que léconomie peut retrouver un sentier de croissance soutenue au cours des prochaines années, grâce au déploiement des nouvelles technologies et du numérique. Pour sa part, B.S. Bernanke a défendu la thèse dune surabondance dépargne émanant des liquidités existantes sur les marchés émergents, facteur qui est venu sajouter à lexcès dépargne en vigueur dans les pays développés. Les taux dépargne élevés dans les pays émergents dAsie (Chine en particulier) et dans certains pays producteurs de pétrole ont entraîné une surabondance dépargne à léchelle mondiale qui a poussé les taux dintérêt à la baisse. Puisque dans ces économies, lépargne désirée excède linvestissement désiré, tout se passe comme si ces dernières « exportaient » leur épargne vers le reste du monde. Doù le scepticisme de Bernanke vis à vis de la thèse de la stagnation séculaire. Si le taux dintérêt déquilibre est faible, ce nest pas parce que linvestissement est déprimé, mais bien parce que lépargne est surabondante (Bernanke, 2015).

Dautres auteurs estiment que la stagnation séculaire nest pas une fatalité. Cest ce quaffirment R.C. Koo et B. Eichengreen. Le premier soutient quune source durable de lexcès dépargne réside dans ce quil nomme la « récession de bilan » (Koo, 2014). Suite à léclatement dune bulle financée par la dette, les agents recherchent non plus la maximisation du profit mais la minimisation de la dette afin dassainir leurs bilans. Les firmes et les ménages cherchant simultanément à rembourser cette dernière, il en résulte une insuffisance de la demande agrégée. Par conséquent, lÉtat doit intervenir via une stimulation budgétaire le temps du désendettement privé, car sil ne le fait pas, léconomie subit des pressions déflationnistes. Léclatement dune bulle dactifs financée par lendettement et les récessions de bilans qui lui font suite représentent, selon Koo, le point commun à la crise de 1929, à la déflation japonaise des années 1990 et à la grande récession de 2008. Le second considère que pour réparer les dégâts causés par la crise de 2008, les autorités doivent soutenir la demande agrégée en investissant dans les infrastructures, léducation et les besoins de formation (Eichengreen, 2014). La conclusion selon laquelle les États-Unis sont confrontés à la stagnation séculaire est prématurée selon N. Crafts, qui souligne que 133les risques sont plus élevés dans la zone euro, en raison de tendances moins favorables concernant la démographie, la productivité, le poids de la consolidation budgétaire et lobjectif de la Banque centrale européenne dune inflation faible (Crafts, 2014). Constatant que dans leurozone, laccroissement des taux de dépendance, les difficultés de la régulation financière, le surendettement et la faible croissance de la productivité exerçaient effectivement une pression baissière sur les taux dintérêt réels déquilibre, J.F. Jimeno, F. Smets et J. Yiangou se sont demandés si ces tendances étaient vraiment séculaires et si la politique économique pouvait apporter des solutions (Jimeno & al., 2014). Leur réponse est quil est possible daccroître lefficacité de lintermédiation financière dans la zone euro et quil y existe un véritable potentiel pour engager des réformes structurelles capables de stimuler la demande. Le point de vue de C. du Granrut est proche de cette position. Selon lui, il est possible de desserrer les contraintes existantes en engageant des politiques structurelles en lien avec les préoccupations environnementales, en tenant compte des évolutions en œuvre sur le marché du travail, et en repensant les modes de coopération économique à léchelle mondiale (du Granrut, 2016). Pour R.N. Cooper, plusieurs leviers peuvent également être mobilisés pour lutter contre la stagnation séculaire : la réduction des inégalités, le développement des infrastructures pour répondre aux besoins existant à léchelle mondiale, et des investissements massifs dans le secteur énergétique pour lutter contre le dérèglement climatique (Cooper, 2016).

Dautres analystes affirment quil ne faut pas redouter les projections de R.J. Gordon. P. Aghion et C. Antonin soutiennent que la croissance de la productivité nest pas mesurée correctement, ce qui, à lencontre de la thèse de la stagnation séculaire, tend à réhabiliter la théorie schumpétérienne de la destruction créatrice (Aghion & Antonin, 2017). En raison du recours à lextrapolation auquel procèdent les instituts de statistique, le taux de croissance de la productivité aurait été sous-estimé de près de 0,6 point par an en moyenne aux États-Unis entre 1983 et 2013. En France, au cours des dix dernières années, la croissance effective de la productivité dépasserait de 0,5 point celle de la productivité mesurée. Ainsi, peut-on difficilement parler de stagnation dès lors que les tendances de la productivité sont estimées de façon correcte. Dautres auteurs insistent sur le potentiel de la révolution technologique en cours. Tandis que pour 134J. Mokyr, il ne fait aucun doute que les NTIC, les biotechnologies et les nouveaux matériaux ont une portée révolutionnaire à léchelle mondiale (Mokyr, 2014), selon E. Glaeser, le véritable problème nest pas celui des NTIC mais celui des inégalités de répartition des revenus (Glaeser, 2014).

II. ACTUALITé DU KONDRATIEV

Au cours de ces dernières années, les références au Kondratiev se sont multipliées dans la littérature économique. Cette actualité du Kondratiev est cependant marquée par dimportantes divergences entre auteurs portant, à la fois, sur lidentification de londe longue en cours et sur la nature de la phase qui caractérise la période contemporaine. Des controverses étaient déjà apparues sur le sujet au tournant des 20e et 21e siècles.

II.1 Les controverses apparues
au tournant des 20
e et 21 e  siècles

La thèse du démarrage dune nouvelle phase A (celle du cinquième Kondratiev) a été formulée par plusieurs économistes au tournant des 20e et 21e siècles (Bosserelle, 2011). Ces derniers affirmaient quelle succédait à la phase B du quatrième Kondratiev démarré après 1945, et dont la phase dexpansion longue avait pris fin au début de la décennie 1970, mais son point de départ variait selon les auteurs. Le tableau 1, qui présente quelques périodisations du quatrième Kondratiev avec ses phases A et B, traduit les désaccords entre analystes quant à la période couverte par ce dernier. Le tableau 2, qui le complète, fait ressortir les divergences quant au point de départ de la phase A du cinquième Kondratiev. Il précise, pour chaque auteur (ou groupe dauteurs) les critères mis en avant pour en rendre compte. Lorsque les expressions, nouveau paradigme techno-économique, nouveau paradigme technologique, nouveau style technologique ou nouvelle vague dinnovations fondamentales sont indiquées entre crochets, cest des ntic dont il est question. Concernant la période couverte par le quatrième Kondratiev et lenclenchement de la phase dessor du cinquième, il est un fait que des problèmes de datation et de localisation des points de retournement sont manifestes.

135

Tab. 1 – Le quatrième Kondratiev.

Auteur (s)

Période concernée

Phase A

Phase B

D. Basu (2016)

1983 - ?

1983-2007

2008 - ?

M. Coccia (2010)

1945-1992

1945-1974

1974-1992

T. C Devezas (2012)

1947/48 - première moitié des années 1990

1947/48 - autour de 1970

autour de 1970 - première moitié des années 1990

P. Dockès (2017)

1945-1986

1945-1969/73

1973-1986

M. Gallegati (2017)

1951-fin du 20e siècle

1951-milieu des années 1970

milieu des années 1970-fin du 20e siècle

L.E. Grinin et A.L. Grinin (2014)

1947-1982/91

1947-1969/74

1969/74-1982/91

L.E. Grinin et A.V. Korotayev (2014)

V18 : 1948/49-1979/82

V2 : 1948/49-1990/93

1948/49-1966/67

1948/49-1966/67

1966/67-1979/82

1974/75-1990/93

P. Mason (2015)

fin des années 1940 - 2008

fin des années 1940- début des années 1970

début des années 1970- 2008

J.B. Moody et B. Nogrady (2010)

1941-1980

P. Pascallon et P. Hortefeux (2010)

1940/45 - 1990

1940/45 - 1970

1970 - 1990

M. Roberts (2016)

1946-autour de 2018

1946-1980

1980-autour de 2018

F. Salum et P.V. dos Santos Alves (2017)

1930-1980

L. Tsoulfidis et A. Papageorgiou (2017)

1946-1982

1946-1966

1966-1982

D. Tyfield (2016)

1940-1990

1940-années 1970

années 1970-1990

J. van Vossole (2014)

1939/1950-1984/91

1939/1950-1968/74

1968/74-1984/91

M. Wilenius (2014) 

1930-1970

136

Tab. 2 – Le point de départ de la phase A du cinquième Kondratiev :
des divergences manifestes.

Les années 1980

Les années 1990

Le tournant des années 1990-2000

Le début des années 2000

-J. Reijnders (2006)

[ ntic ]

-V. Lippit (1997) [émergence dune nouvelle structure sociale daccumulation]

-A. Safir et D. Michel (1999) [cinquième révolution industrielle – réseaux, biotechnologies, NTIC]

-T. C Devezas, H.A Linstone et H.J.S Santos (2005) [nouveau système techno-économique basé sur les NTIC]

-G. Mensch (1979, 2006) [nouvelle vague dinnovations fondamentales]

– A. Gabb et I. Hossein-Zadeh (2000) [contre-tendances à la baisse du taux de profit]

-A. Minc (2000) [nouvelle révolution industrielle – Web et multimédia]

-G. Modelski (2006) [croissance accélérée des industries de linformation]

-Y.V. Yakovets (2006) [nouveau style technologique]

-J. Nagels (2002) [nouvelle révolution technologique]

-H. Delanghe, V. Duchêne et U. Muldur (2004) [nouveau paradigme technologique]

-M. Gallegati (2017)

[technologies de linformation]

-J.B Moody et B. Nogrady (2010) [ntic, software, biotechnologies]

-A. Reati et J. Toporowski (2004) [nouveau paradigme techno-économique]

-A.V. Korotayev et S.V. Tsirel (2010) [nouveau paradigme techno-économique]

-J.S. Goldstein (2006) [reprise de la production]

-L.E. Grinin et A.L. Grinin (2014) [poursuite de la révolution cybernétique démarrée vers 1955]

-R.U. Ayres (2006)[révolution numérique et internet]

137

– J. Van Vossole (2014)

[nouveau paradigme techno-économique]

-S. Rumyantseva (2006) [innovations de base et nouveau style technologique]

-L.E Grinin, A.L. Grinin et A.V. Korotayev (2017) [nouveau paradigme techno-économique]

P. Pascallon et P. Hortefeux (2010) [diffusion des NTIC, poussée de la globalisation libérale sous limpulsion des États-Unis]

-A.V Korotayev et A. Akaev (2017) [nouveau paradigme techno-économique]

M. Coccia (2010) [?]

-P. Dockès (2017) [émergence du néo-capitalisme libéral, informatique et internet]

-D. Tyfield [2016][nouveau paradigme technologique]

-F. Salum et P.V. Dos Santos Alves (2017) [informatique et télécommunications]

-L. Tsoulfidis et A. Papageorgiou (2017) [révolution de linformation]

La thèse du démarrage dun cinquième Kondratiev entretient évidemment un lien étroit avec lapparition de la thématique de la « nouvelle économie », très porteuse aux États-Unis au cours de la décennie 1990, qui, grâce aux ntic, devait permettre à ces derniers, avec quelques années davance sur les autres économies capitalistes, de retrouver la voie dun sentier de croissance durable. Pour autant, à la même époque, dautres auteurs affirmaient que la phase B du quatrième Kondratiev était toujours en cours (Moseley, 1999 ; Wallerstein, 2001 ; OHara, 2002 ; 138Wicht, 2002 ; Wolfson, 2003 ; Boccara, 2008). Le tableau 2 invite à formuler deux remarques. Dune part, au vu du nombre déconomistes qui ont invoqué la diffusion dun nouveau paradigme techno-économique basé sur les ntic pour expliquer les raisons de lenclenchement dune nouvelle phase A, il est un fait que la thèse du déploiement dun cinquième Kondratiev sinscrit, très majoritairement, dans une perspective néo-schumpétérienne. Dautre part, et la remarque est importante, il y a une douzaine dannées, certains auteurs ont insisté sur les facteurs ayant pu briser le déploiement de la phase dessor du cinquième Kondratiev. Pointant linstabilité structurelle qui caractérisait la période contemporaine, G. Mensch réclamait le lancement dun nouveau New Deal pour réactiver la croissance (Mensch, 2006). R.U. Ayres faisait remarquer que les formes de la mondialisation en cours depuis la décennie 2000, avaient approfondi limpasse technologique et enrayé les transformations dordre institutionnel et organisationnel indispensables au déploiement dun nouveau paradigme techno-économique. La phase expansive du cinquième Kondratiev avait certainement été cassée (Ayres, 2006).

ii.2 la pÉriode actuelle : quel kondratiev ? quelle phase ?

Lactualité du Kondratiev qui a marqué ces dernières années sinscrit dans un cadre qui est loin dêtre homogène. Un premier groupe dauteurs considère que les économies capitalistes se trouvent, ou se trouvaient encore au cours de la période récente, dans une phase A. Il est question, pour les uns, de la phase dessor du sixième Kondratiev, enclenchée depuis plusieurs années, il sagit, pour les autres, de celle du cinquième, non encore arrivée à son terme. Leur position allant également à lencontre de la thèse de la stagnation séculaire, peuvent également être inclus dans ce groupe, plusieurs analystes qui considèrent que le démarrage du sixième Kondratiev est proche. Un second groupe dauteurs affirme, au contraire, que les économies capitalistes sont confrontées à une phase B, celle du cinquième Kondratiev, pour les uns, celle du quatrième, pour les autres.

II.2.1. Une phase A ?

Il y a une quinzaine dannées, Z. Lynch affirmait quun sixième Kondratiev était en train de se mettre en place, cette nascent neurotechnology wave tirée par les biotechnologies et les nanotechnologies étant 139appeléeà couvrir la période 2010-2060 (Lynch, 2004). Dix ans plus tard, L. Nefiodow et S. Nefiodow soulignaient que la phase dessor du sixième Kondratiev était effectivement en cours, mais quelle avait démarré plus tôt (vers 1997-2003), les biotechnologies et la santé psychosociale étant les deux grandes sphères à lorigine de son enclenchement (Nefiodow & Nefiodow, 2014). A la même époque, M. Wilenius soutenait que léconomie mondiale entrait dans le sixième Kondratiev, ce dernier, démarré en 2010 et porté par les technologies intelligentes, devant se prolonger jusquen 2050 (Wilenius, 2014).

Selon dautres auteurs, une phase A sest effectivement déployée au cours de ces dernières années, mais il sagit de la phase dexpansion du cinquième Kondratiev. Pour D. Tyfield, portée par la révolution des ntic, cette dernière a démarré en 1989/90 et, à partir de 2001, sest poursuivie dans un cadre dinstabilité (Tyfield, 2016). Un premier pic a été atteint en 2008, suivi par une période de stagnation. Si la période 1989/1990 – 2016 a été marquée par une phase A, le pic définitif et la phase B du cinquième Kondratiev ne se sont pas encore enclenchés. La conjoncture stagnationniste consécutive à la crise de 2008 prenant place entre le premier et le second pic de la phase expansive du cinquième Kondratiev, la période actuelle nest autre quune période de consolidation des innovations apparues au cours de la vague dinnovations précédente. La position de M. Gallegati est très proche de celle de Tyfield. Celui-ci affirme que la phase dessor du cinquième Kondratiev basée sur les technologies de linformation, qui a démarré au début du 21e siècle, était toujours en cours en 2017 (Gallegati, 2017). La crise mondiale de 2008 ne représente pas le point de retournement haut du cinquième Kondratiev, puisque, comme Tyfield, Gallegati souligne que le pic définitif de celui-ci et la phase B qui doit lui succéder ne se sont pas encore enclenchés.

La thèse du démarrage proche ou imminent dun sixième Kondratiev a été soutenue par dautres auteurs. En 2010, J.B Moody et B. Nogrady soulignaient que le sixième Kondratiev était sur le point de se déployer, la vague dinnovations à lorigine de son démarrage étant centrée sur les ressources, les services, les technologies propres et les réseaux (Moody & Nogrady, 2010). D. Nacken affirmait également quau début de la décennie 2010, léconomie mondiale se trouvait dans une période de transition entre le cinquième et le sixième Kondratiev (Nacken, 2013). 140La crise de 2008 marque lapparition de cette sixième vague de prospérité, dans laquelle lenvironnement, la santé et les biotechnologies seront les trois grands secteurs qui ramèneront léconomie mondiale sur un sentier de croissance durable. Pour les pays industrialisés, le sixième Kondratiev prendra sa source dans léconomie de la connaissance, et la croissance mondiale dans un nouveau mélange déconomie, décologie et dengagement social, changement structurel qualifié par Nacken de « mondialisation verte ». Reliant le déploiement des quatrième (1947-1982/91), cinquième (1982/91 – années 2020) et sixième Kondratiev (2020/2030 – 2060/2070) à la révolution cybernétique démarrée vers 1955, L.E Grinin et A.L. Grinin affirment également que le déploiement du sixième Kondratiev est proche et quil traduira lachèvement de cette dernière (Grinin & Grinin, 2014). La phase initiale de la révolution cybernétique (années 1950 – années 1990), renvoie aux avancées intervenues dans plusieurs domaines (agriculture, automation, exploration de lespace et des océans, matériaux de synthèse, production énergétique), notamment dans ceux de la communication, de linformation, et des systèmes de contrôle électronique. La seconde phase (période 1995-2020/2030) est une phase de modernisation, marquée par la diffusion, la synthèse et lamélioration des nouvelles technologies. Au cours de la phase finale, celle des systèmes autorégulés (années 2030/2040 – années 2060/2070), les nouvelles technologies pourront acquérir leurs caractéristiques de maturité. Le bloc des technologies que ces auteurs regroupent sous lacronyme MBNRIC9 jouera un rôle moteur au cours du sixième Kondratiev, thèse partagée par A.V. Korotayev et A. Akaev qui anticipaient un redémarrage de la croissance mondiale en 2018 (Korotayev & Akaev, 2017).

II.2.2. Une phase B ?

Selon P. Pascallon et P. Hortefeux, la phase dépressive du quatrième Kondratiev démarrée au seuil des années 1970 sest achevée en 1990, et la phase dessor du cinquième sest étendue de 1990 à 2007. Depuis 2007/2008, conséquence de la crise mondiale, les économies capitalistes 141ont basculé dans sa phase B qui devrait se prolonger jusquaux années 2030(Pascallon & Hortefeux, 2010). Chez P. Dockès, le quatrième Kondratiev sest déployé de 1945 à 1986 (phase A, 1945-1969/73 (apogée du capitalisme organisé) et phase B, 1973-1986 (enlisement et émergence du néo-capitalisme)), et le cinquième a démarré en 1986 (Dockès, 2017). Sa phase A (phase de néo-capitalisme triomphant et de croissance décevante) sest étendue jusquen 2006 et sa phase B (nouvelle phase de la troisième révolution industrielle – Big data, intelligence artificielle, robotique) sest amorcée depuis. La périodisation de L. Tsoulfidis et A. Papageorgiou est très proche de celle de P. Dockès : quatrième Kondratiev de 1946 à 1982, puis démarrage du cinquième. Sa phase A (la révolution de linformation) sest étendue de 1982 à 2007, puis sa phase B (la grande récession) sest enclenchée (Tsoulfidis & Papageorgiou, 2017).

Lenlisement des économies capitalistes dans une longue phase à dominante dépressive est une réalité pour dautres économistes, mais cest de la phase B du quatrième Kondratiev dont il est question.

Quatre ans après le déclenchement de la crise de 2008, P.A. OHara soulignait que si lEurope de lOuest et lAmérique du Nord avaient été particulièrement affectées par cette dernière, cest justement parce quelles se trouvaient plongées dans la phase B de londe longue démarrée au seuil des années 1950 (OHara, 2012). Depuis cette époque, plusieurs constats peuvent être dressés : a) Léconomie mondiale a enregistré une phase A de 1951 à 1969, une phase borderline (à la frontière entre A et B) de 1970 à 1979, et une phase B de 1980 à 2010 ; b) Pour lUnion européenne, phase A de 1951 à 1979, puis phase B de 1980 à 2010 ; c) LAmérique du Nord, a connu une phase borderline de 1951 à 1959, une phase A de 1961 à 1979, une nouvelle phase borderline de 1980 à 1989, puis une phase B de 1990 à 2010 ; d) Par contre, certaines zones semi-périphériques (Asie du Sud, Chine, Inde) ont enregistré une phase A géante au cours des 60 dernières années. Si dans les années 1990 et 2000, la croissance de ces régions a été impressionnante, cest grâce à la mise en place de régimes daccumulation viables et de cadres institutionnels qui ont autorisé les performances enregistrées (OHara, 2012, p. 11). La position de M. Husson est parfaitement claire : les conditions du passage à une nouvelle phase A nétaient toujours pas réunies au milieu de la décennie 2010. Malgré le rétablissement du taux de profit depuis le début des années 1980, le capitalisme nest pas entré dans une 142nouvelle phase expansive, trois attributs lui faisant défaut : un ordre économique mondial cohérent, des terrains daccumulation rentables et suffisamment étendus, et un mode de légitimation sociale (Husson, 2014). M. Roberts rappelle, pour sa part, que lordre néolibéral qui sest imposé dans les pays capitalistes au seuil des années 1980 nest pas parvenu à restaurer la rentabilité du capital à ses niveaux des années 1950-1960 (Roberts, 2016). Le pic du quatrième Kondratiev démarré en 1946 ayant été atteint en 1980 (phase A) et un creux devant intervenir autour de 2018 (phase B), Roberts souligne que létendue du quatrième Kondratiev (72 ans) est tout à fait atypique. P. Mason le rejoint sur ce point, en insistant sur « lanomalie historique » que représente cette dernière (Mason, 2015). Le quatrième Kondratiev sest déployé de la fin des années 1940 à 2008 et, depuis, le démarrage du cinquième sest enrayé du fait du néolibéralisme et de la révolution des ntic qui nont pas permis dengendrer une nouvelle phase dexpansion longue. Soulignons, enfin, que D. Basu se range également à la conclusion que les économies capitalistes sont actuellement confrontées à la phase dépressive de la quatrième onde longue, phase B qui aurait démarré en…2008 (Basu, 2016), ce qui complexifie pour le moins les débats !

III. LE KONDRATIEV A LÉPREUVE
DE LA STAGNATION SÉCULAIRE ?

Partons dun double constat. Le premier est que dans les pays avancés, la croissance a ralenti par paliers depuis les années 1970 et a atteint avec la crise financière des plus bas historiques depuis le xixe siècle (Bergeaud & al., 2018, p. 171). Le second est quau cours de ces dernières années, certains partisans de la thèse de la stagnation séculaire ont souligné que les difficultés auxquelles étaient confrontées les économies capitalistes avaient commencé bien avant la crise de 2008. Selon nous, les débats récents engagés autour de la thématique de la secular stagnation prennent place dans un cadre qui nest autre que celui de la poursuite de la tendance longue aux difficultés démarrée au seuil des années 1970 (phase B du quatrième Kondratiev). Si son étendue invite à prendre très 143au sérieux la question de la disparition possible du Kondratiev, avant de sattacher à cette dernière, un retour sur les dynamiques en œuvre dans les pays capitalistes depuis les années 1980, puis sur le Kondratiev lui-même en tant quonde longue simpose.

III.1 Les dynamiques en œuvre depuis les annÉes 1980

En réponse à la crise structurelle ouverte au début des années 1970, lordre néolibéral qui sest imposé au seuil de la décennie 1980 na pas empêché les économies capitalistes de sinstaller dans une période de déclin par rapport à la longue phase expansive qui a suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale. Si la crise de 2008 na fait que traduire la non soutenabilité du régime de croissance financiarisé qui sest mis en place au début des années 1980, le taux de profit sest pourtant redressé depuis cette époque, ce qui pouvait laisser penser quune nouvelle phase A allait voir le jour. Pourtant, cest lessoufflement de laccumulation et lincapacité à dégager des gains de productivité substantiels qui caractérisent le capitalisme depuis près de trente ans (Husson, 2014). Cest dans ce cadre quil convient de sinterroger sur la poursuite du Kondratiev.

En premier lieu, lampleur du redressement du taux de profit a été discutée par plusieurs auteurs marxistes qui ont souligné que si une récupération des profits était intervenue à partir de la décennie 1980, resitué dans une perspective historique, le niveau atteint nétait pas très élevé (Roberts, 2016), voire même quil sinscrivait dans un long trend de baisse. Ensuite, il convient de sinterroger sur la durabilité et la robustesse de cette tendance haussière. Les recherches entreprises par M. Husson sur la période 1980-2012 (Husson, 2013) permettent de dégager plusieurs enseignements. Si jusquà la crise de 2008, la tendance du taux de profit est haussière en Europe et aux États-Unis, celle-ci tend cependant à ralentir, puis le taux de profit chute avec la crise, son recul se prolongeant jusquen 2012 (il est dailleurs plus prononcé en Europe alors que la baisse est suivie par un rattrapage aux États-Unis). Au Japon, le taux de profit est orienté à la baisse tout au long des années 1990 ; il se relève de 2000 à 2006, puis se replie à nouveau au-delà. Dans la zone euro, et pour les pays du Sud, (Espagne, Grèce, Italie, Portugal), le taux de profit est à la hausse jusquà la seconde moitié des années 1990, puis la tendance sinverse, la crise approfondissant la baisse. Cette évolution concerne également la France. Quant aux pays du Nord (Allemagne, 144Autriche, Belgique, Finlande, Pays-Bas), ils enregistrent une progression moins irrégulière du taux de profit mais elle est également cassée par la crise. Une nouvelle rechute intervient après le redressement de 2010. Même remarque pour les pays du Sud, le recul se poursuivant en France. Le redressement du taux de profit nimplique pas pour autant que les tendances à la suraccumulation du capital aient disparu. Dune part, cest ce quexpriment ses inflexions et ses rechutes. Dautre part, la restauration du taux de profit ne sest pas traduite par une reprise durable et généralisée de laccumulation.

Parallèlement aux efforts visant à réaliser des économies sur le capital matériel, cest la décrue de la part salariale dans la valeur ajoutée qui a joué un rôle central dans le relèvement du taux de profit. Aux États-Unis, comme en Europe, le gel des salaires explique pour lessentiel le redressement du taux de marge, part des profits dans la valeur ajoutée (Husson & Louçà, 2013). Létude menée dernièrement par D. De Waziers, C. Kerdrain et Y. Osman, qui porte sur la période 1994-2015, montre dailleurs que depuis les années 1990, la part du travail dans la valeur ajoutée a reculé dans la plupart des pays de lOCDE, au bénéfice dune amélioration du taux de marge (De Waziers & al., 2019). Le rétablissement du taux de profit ne sest donc pas réalisé sur la base dun renouvellement des gains de productivité, mais sur celle dune progression du taux dexploitation, comme en témoigne la baisse de la part des salaires dans le revenu national (Husson, 2014 ; Roberts, 2016). La façon dont sest rétabli le taux de profit est problématique, car elle nest pas sans soulever la question de la réalisation, cest-à-dire de lécoulement des marchandises dans un cadre où la diminution relative des salaires pèse sur la demande. Se pose ainsi un problème de débouchés aux marchandises, cest-à-dire une difficulté de réalisation monétaire de la valeur. Si le rétablissement du taux de profit est une condition indispensable au démarrage dune phase A, elle nest pas suffisante. Il est impératif que les mécanismes qui lautorisent apportent une réponse à dautres questions portant notamment sur la réalisation du produit (Husson, 2014). Comme lont pointé de nombreux participants au débat sur la stagnation séculaire, la faiblesse de la demande agrégée représente une tendance lourde depuis le milieu des années 1980, qui reflète lune des contradictions en œuvre au sein du capitalisme néolibéral. La montée en force de la sphère financière sétant accompagnée de pressions accrues 145exercées par le capital sur le travail et dune déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment de la part des salaires, la modification structurelle de la répartition du revenu a occupé une place centrale dans laffaiblissement de la demande et la montée de lendettement. Aux États-Unis, entre 1986 et 2016, 60 % de la croissance totale des revenus générés par léconomie ont été absorbés par le 1 % le plus riche, alors que le revenu de 90 % des américains stagnait, voire reculait. En Europe, au cours de la même période, la croissance moyenne du revenu par habitant est passée de 3 % à 1,5 % puis à 0,5 % (Cohen, 2015). Voila qui est pour le moins curieux, si lon considère quune phase A était en cours avant la crise de 2008. Le capitalisme néolibéral sinscrit dans une longue phase récessive de lactivité économique et non dans une longue phase expansive.

III.2 Revenir au Kondratiev
et à la question de sa possible disparition

Les lectures de la dynamique du capitalisme menées en termes de Kondratiev se sont régulièrement vues reprocher leur caractère mécanique et déterministe. Quand bien même, par le passé, un tel mouvement aurait pu concerner un segment historique spécifique, comment aurait-il pu se poursuivre jusquà nos jours, alors même que les économies capitalistes ont enregistré des transformations radicales ? Nous formulerons deux remarques.

La première est que concevoir le Kondratiev comme un cycle long présentant une temporalité régulière est extrèmement réducteur. Depuis la fin du 18e siècle, des périodes historiques profondément singulières se sont succédées dans le cadre de lalternance de longues phases tantôt à dominante expansive, tantôt à dominante récessive, mais cette dernière nest pas mécanique. Si le renversement de la phase A en phase B est endogène, résultant du jeu de facteurs et de mécanismes internes au système économique et social et, fondamentalement, de la montée de contradictions qui finissent par provoquer lentrée en crise de lordre productif qui prévalait (Dockès et Rosier, 1983), le retournement de la phase B en phase A, lui, ne lest pas, car il relève de la conjonction déléments qui nest pas du domaine de la nécessité mais de la possibilité. Les Kondratiev sont des ondes et non des cycles et nous nadhérons pas aux approches néoschumpeteriennes dans lesquelles les grappes 146dinnovations finissent par enclencher une nouvelle phase expansive de façon quasi-automatique. A partir des années 1980, le nouveau paradigme technologique basé sur les ntic dont la portée a interpellé R.J. Gordon, nest pas parvenu à se doter dun cadre institutionnel qui lui aurait permi de se déployer grâce à des opportunités suffisamment importantes de profits. Les bouleversements technologiques majeurs occupent une place incontestable dans lenclenchement dune phase dexpansion longue, mais le taux de profit demeure un élément essentiel. Le démarrage dune phase A implique que ce dernier soit parvenu sur un palier très élevé et stable, ce qui ne peut résulter de leffet de facteurs purement endogènes. Linnovation technologique en soi nest pas la clé du déclenchement dune nouvelle phase expansive. La mise en place dun régime daccumulation et dun mode de régulation viables est déterminante pour quelle puisse senclencher et se péréniser.

La seconde est quau cours des années 1920, N.D. Kondratiev avait identifié deux mouvements longs, le premier dune durée de 60 ans, (1789-1849), le second de 47 ans (1849-1896), et la phase dessor dun troisième (1896-1920). Selon nous, il convient de se garder de toute tentative de généralisation, car des mouvements ultérieurs peuvent très bien présenter une étendue qui ne sinscrit pas dans cet intervalle de 47-60 ans établi sur un socle empirique aussi étroit (deux mouvements complets seulement repérés). Rien nautorise à concevoir, quau-delà de 1920, déventuels mouvements de longue durée aient pu conserver la même périodicité que leurs prédécesseurs.

En affirmant, en 1979 : « En 1973-1974, il y a eu un retournement dun nouveau Kondratieff dont le départ se situe vers 1945… mais ny aurait-il pas en plus, comme en 1817, un retournement dun mouvement séculaire ; donc un double retournement ? Je suis tenté de le croire, bien que rien ne le démontre » (Braudel, 1979, p. 65), F. Braudel pointait la double rupture intervenue au seuil de cette décennie, avec le passage dune phase A à une phase B et lentrée du capitalisme dans un trend séculaire baissier. Si cette remarque est pour le moins pertinente, au vu des évolutions qui ont été en œuvre depuis cette époque, la question de la poursuite du Kondratiev a cependant été posée par dautres auteurs. À la fin des années 1950, G. Imbert sétait interrogé sur les transformations structurelles intervenues dans les économies capitalistes susceptibles de remettre en cause les dynamiques antérieures (Imbert, 1959). Il soulignait 147quà loccasion de la crise des années 1930, de nouvelles structures se mettaient en place, et se questionnait sur le devenir des Kondratiev. G. Imbert qui articulait ces derniers avec les trends séculaires, envisageait explicitement leur possible disparition dans le cadre de ce quil qualifiait de trend séculaire planiste, cest-à-dire dans le cadre des intenses transformations systémiques apparues dans lentre-deux-guerres, marqué par lintervention de lÉtat. Au cours des années 1980, P. Boccara a également souligné quil était possible que les Kondratiev finissent par disparaître au vu de lémergence déléments daltération qui tendraient à les mettre en cause de façon radicale10. Il y a une dizaine dannées, il attribuait « lallongement indéfini » de la phase B du quatrième Kondratiev aux révolutions informationnelle, monétaire, écologique et anthroponomique en cours qui, si elles laissaient entrevoir des possibilités de dépassement du système capitaliste, demeuraient confrontées aux dominations et aux résistances au changement de ce dernier (Boccara, 2008). Plus proches de nous, L.E Grinin et A.L. Grinin ont également envisagé la question de la disparition de ce mouvement dans le futur : il est probable que le sixième Kondratiev (2020/30-2060/70) ne soit pas suivi par un septième, car les ondes longues apparaissent à une certaine étape du développement économique et social et disparaissent certainement à une étape ultérieure (Grinin & Grinin, 2014, p. 374). Finalement, pourquoi le Kondratiev, entendu comme onde longue de croissance, naurait-il pas disparu à lépoque contemporaine, alors que la thèse de la disparition de certains autres mouvements a été soutenue ? Concernant, par exemple, les Kuznets swings de lordre dune vingtaine dannées, S. Solomou considère quelles se sont manifestées aux États-Unis de 1870 à 1973, quelles se limitent à lavant-Première Guerre mondiale pour lAllemagne et le Royaume-Uni, tandis que leur trajectoire se serait poursuivie dans lentre-deux-guerres en France (Solomou, 1990). Aux États-Unis, selon L. Scandella, la récurrence Kuznets sest évanouie dans lentre-deux-guerres (Scandella, 1998), tandis que pour J.-F. Vidal, aux États-Unis comme en Angleterre, le Kuznets a disparu au seuil du 20e siècle (Vidal, 2007). En définitive, la question qui mérite dêtre posée est celle de la transformation des fluctuations et de leur possible altération au fil du développement historique.

148

CONCLUSION

Dans le long terme, le maintien de certains types de périodicités est-il compatible avec le changement structurel ? Considérer que des récurrences, quelles soient de type Kondratiev ou autres, devraient se pérenniser au fil du développement historique ne peut manquer de susciter des interrogations, au vu des intenses mutations qui ont affecté les économies capitalistes et qui ont marqué la dynamique de laccumulation du capital et les procédures de régulation en œuvre. Nous pensons que si le Kondratiev sest poursuivi à lépoque contemporaine, cest uniquement pour les prix, plus précisément pour les prix des matières premières. Le Kondratiev renvoie, en effet, à deux réalités. Dune part, des ondes longues de croissance, marquées par lalternance de phases dessor et de phases de difficultés économiques majeures ; dautre part, des ondes longues des prix des produits de base qui se sont poursuivies jusquà nos jours, et qui ont dailleurs été mises en évidence de façon robuste au cours de ces dernières années (Bosserelle, 2015). La réapparition de la thématique de la secular stagnation et les dynamiques qui ont été en œuvre dans les économies capitalistes depuis les années 1970/1980 ninvitent-elles pas à envisager la question de la disparition du Kondratiev en tant quonde longue de croissance ? Cest, en tous les cas, ce qui pourrait expliquer létendue de la phase B démarrée au seuil des années 1970. Une piste quil serait intéressant de creuser.

149

BIBLIOGRAPHIE

Aghion, Philippe & Antonin, Céline [2017], « Progrès technique et croissance depuis la crise », Revue de lOFCE, vol. 4, No 153, p. 63-78.

Artus, Patrick & Virard, Marie-Paule [2015], Croissance zéro – Comment éviter le chaos ?, Fayard.

Ayres, Robert U. [2006], « Did the fifth K-wave begin in 1990-1992 ? Has it been aborted by Globalization ? », in Devezas, Tessaleno C. [2006], Kondratieff waves, warfare and world security, IOS Press, p. 57-71.

Backhouse, Roger & Boianovsky, Mauro [2016], « Secular stagnation : the history of a macroeconomic heresy », The European Journal of the History of Economic Thought, vol. 23, No 6, p. 946-970.

Basu, Deepanker [2016], « Long waves of capitalist development : an empirical investigation », University of Massachusetts Amherst, Working paper 2016-15, p. 1-41.

Bernanke, Ben S. [2015], « Why are interest rates so low ? », Ben Bernankes Blog, 30 mars ; « Why are interest rates so low ?, part 2 : secular stagnation », Ben Bernankes Blog, 31 mars ; « Why are interest rates so low ?, part 3 : The global saving glut », Ben Bernankes Blog, 1er avril.

Bergeaud, Antonin & al. [2018], Le bel avenir de la croissance – Leçons du xxe siècle pour le futur, Odile Jacob.

Boccara, Paul [2008], Transformations et crise du capitalisme mondialisé – Quelle alternative ?, Montreuil, Le Temps des Cerises.

Boccara, Paul [1983], « Réversibilité et irréversibilité à travers les cycles longs », La Pensée, No 234, p. 19-31.

Bosserelle, Éric [2015], « Super cycles des prix des matières premières : Actualité du Kondratiev ? Une interrogation légitime », Economie appliquée, tome LXVIII,No 3, p. 5-41.

Bosserelle, Éric [2011], « La crise actuelle apporte t-elle un démenti aux approches à la Kondratiev ? » in Diemer, Arnaud & Dozolme, Sylvie (dir.), [2011], Les enseignements de la crise des subprimes, Clément Juglar, p. 117-128.

Braudel, Fernand [1979], Civilisation matérielle, économie et capitalisme, xve-xviiie siècle, Tome 3, Le temps du monde, Armand Colin, Paris.

Cohen, Daniel [2015], Le monde est clos et le désir infini, Albin Michel.

Cooper, Richard N. [2016], « Stagnation séculaire ? », Revue déconomie financière, 1, No 121, p. 145-158.

150

Cowen, Tyler [2011], The great stagnation – How America ate all the low-hanging fruit of modern history, got sick, and will (eventually) feel better, Dutton, Penguin Group Inc.

Crafts, Nicholas [2014], « Secular stagnation : US hypochondria, European disease ? », in Baldwin, Richard & Teulings, Coen [2014], Secular stagnation : facts, causes and cures, A VoxEU.org Book, Centre for Economic Policy Research, Londres, p. 91-97.

De Waziers, Diane & al. [2019], « Lévolution de la part du travail dans la valeur ajoutée dans les pays avancés », Trésor-Eco, No 234, p. 1-11.

Dockès, Pierre [2017], Le capitalisme et ses rythmes, quatre siècles en perspective, Tome I, Sous le regard des géants, Paris, Classiques Garnier.

Dockès, Pierre & Rosier, Bernard [1983], Rythmes économiques, La Découverte, Maspéro.

Du Granrut, Charles [2016], « La croissance économique en voie de disparition », Futuribles, No 415, p. 39-50.

Eichengreen, Barry [2014], « Secular stagnation : a review of the issues » inBaldwin, Richard & Teulings, Coen [2014], Secular stagnation : facts, causes and cures, A VoxEU.org Book, Centre for Economic Policy Research, Londres, p. 41-46.

Escudier, Jean-Louis [1989], « Le mouvement long de léconomie : terminologie et options théoriques », Revue Economique, vol. 40, No 5, p. 839-862.

Fayolle, Jacky [1994], « Le repérage macroéconomique des fluctuations longues : une évaluation critique de quelques travaux modernes », Revue de lOFCE, No 51, p. 123-166.

Gallegati, Marco [2017], « “Structural” cycles in world economic growth : long waves dating chronology », Cliometrica, vol. 5, No 3, p. 205-238.

Glaeser, Edward L. [2014], « Secular joblessness », in Baldwin, Richard & Teulings, Coen [2014], Secular stagnation : facts, causes and cures, A VoxEU.org Book, Centre for Economic Policy Research, Londres, p. 69-80.

Gordon, Robert J. [2016], The rise and fall of american growth : The US Standard of living since the Civil War, Princeton University press.

Gordon, Robert J. [2015], « Secular stagnation : a supply-side view », The American Economic Review : papers and proceedings, vol. 105, No 5, p. 54-59.

Gordon, Robert J. [2014a], « The turtles progress : secular stagnation meets the headwinds » inBaldwin, Richard & Teulings, Coen [2014], Secular stagnation : facts, causes and cures, A VoxEU.org Book, Centre for Economic Policy Research, Londres, p. 47-59.

Gordon, Robert J. [2014b], « The demise of U.S. Economic growth : restatement, rebuttal and reflections », NBER Working paper, 19895, février.

151

Grinin, Leonid E. & Grinin, Anton L. [2014], « The sixth Kondratieff wave and the cybernetic revolution » inGrinin, Leonid E. & al.[2014], Kondratieff waves - Juglar -Kuznets- Kondratieff, Volgograd, « Uchitel » Publishing House, p. 354-377.

Husson, Michel [2014], « La théorie des ondes longues et la crise du capitalisme contemporain », postface de louvrage dErnest Mandel[2014], Les ondes longues du développement capitaliste. Une interprétation marxiste, Syllepse, Paris, [1980], https://www.contretemps.eu/read-offline/2261/a-lire-la-postface-de-les-ondes-longues-du-developpement…, consulté le 20 décembre 2018.

Husson, Michel [2013], Le taux de profit dans la zone euro, note hussonet No 57, février, en ligne : http://hussonet.free./tprofeu.pdf., consulté le 8 mars 2014.

Husson, Michel & Louça, Francisco [2013], « Late capitalism and neo-liberalism. A perspective on the current phase of the long wave of capitalist development », Journal of Globalization Studies, vol. 4, No 1, p. 176-187.

Imbert, Gaston [1959], Des mouvements de longue durée Kondratieff, Aix-en-Provence, La pensée universitaire.

Jimeno, Juan F. & al.[2014], « Secular stagnation : a view from the eurozone » inBaldwin, Richard & Teulings, Coen [2014], Secular stagnation : facts, causes and cures, A VoxEU.org Book, Centre for Economic Policy Research, Londres, p. 153-164.

Koo, Richard C. [2014], « Balance sheet recession is the reason for secular stagnation », in Baldwin, Richard & Teulings, Coen [2014], Secular stagnation : facts, causes and cures, A VoxEU.org Book, Centre for Economic Policy Research, Londres, p. 131-142.

Korotayev, Andrey V. & Akaev, Askar [2017], « Global economic dynamics of the forthcoming years : a forecast », Structure and Dynamics, volume 10, issue 1, p. 1-21.

Krugman, Paul [2014], « Four observations on secular stagnation » inBaldwin, Richard & Teulings, Coen [2014], Secular stagnation : facts, causes and cures, A VoxEU.org Book, Centre for Economic Policy Research, Londres, p. 61-68.

Lynch, Zack [2004], « Neurotechnology and society (2010-2060) », Annals of the New York Academy of sciences, vol. 1013, issue 1, p. 229-233.

Mason, Paul [2015], Post-capitalism : a guide to our future, Allen Lane, UK.

Mensch, Gehrard [2006], « If this long-wave steeps-up and breaks : What then ? », in Devezas, Tessaleno C. [2006], Kondratieff waves, warfare and world security, IOS Press, p. 80-90.

Mokyr, Joel [2014], « Secular stagnation ? Not in your life » in Baldwin, Richard & Teulings, Coen [2014], Secular stagnation : facts, causes and cures, A VoxEU.org Book, Centre for Economic Policy Research, Londres, p. 83-89.

Moody, James Bradfield & Nogrady, Bianca [2010], The sixth wave, Vintage Books, Australia.

152

Moseley, Fred [1999], « The United States economy at the turn of the century : entering a new era of prosperity ? », Capital and Class, 67, spring, p. 25-45.

Nacken, Dennis [2013], The « green » Kondratieff – or why crises can be a good thing, Turning point, Allianz global investors.

Nefiodow, Léo & Nefiodow, Simone [2014], « The sixth Kondratieff. The growth engine of the 21st century » inGrinin, Léonid & al. [2014], Kondratieff waves - Juglar -Kuznets - Kondratieff, Volgograd, « Uchitel » Publishing House, p. 326-353.

O Hara, Phillip Anthony [2012], « Institutional regimes, long wave systemic risk and great international crisis of 2008-2012 », Panoeconomicus, 1, p. 1-12.

O Hara, Phillip Anthony [2002], « A new financial structure of accumulation in the United States for long wave upswing ? », Review of Radical Political Economics, vol. 34, No 3, p. 295-301.

Pascallon, Pierre & Hortefeux, Pascal [2010], Hier la crise, demain la guerre ? La crise va-t-elle amener le monde au bord du gouffre ?,LHarmattan.

Reinhart, Carmen M. & Rogoff, Kenneth S. [2010]Cette fois cest différent. Huit siècles de folie financière, Pearson Éducation France.

Roberts, Michael [2016], The long depression. How it happened, why it happened and what happens next, Chicago, Haymarket books.

Rogoff, Kenneth S. [2016], « Debt supercycle, not secular stagnation » in Blanchard, Olivier & al. (edt.), [2016], Progress and confusion : the state of macroeconomic policy, Cambridge, MIT Press, p. 19-28.

Scandella, Luigi [1998], Le Kondratieff – essai de théorie des cycles longs économiques et politiques, Paris, Economica.

Solomou, Solomos [1990], Phases of economic growth 1850-1973. Kondratieff waves and Kuznets swings, Cambridge University Press.

Summers, Lawrence Henry [2014a], « Reflections on the “New secular stagnation hypothesis” », in Baldwin, Richard & Teulings, Coen [2014], Secular stagnation : facts, causes and cures, A VoxEU.org Book, Centre for Economic Policy Research, Londres, p. 27-38.

Summers, Lawrence Henry [2014b], « U.S. Economic prospects : Secular stagnation, hysteresis, and the zero lower bound », Business Economics, vol. 49, No 2, p. 65-74.

Tsoulfidis, Lefteris & Papageogiou, Aris [2017], « The recurrence of long cycles : theories, stylized facts and figures », Munich Personal RePEc Archive, paper No 82853, juin, online at https://mpra.ub.uni-muenchen.de/82853/, consulté le 12 décembre 2018.

Tyfield, David [2016], On Paul Masons « Post-capitalism » – An extented review, Part 3 : The Non-Stalled Kondratiev Wave, www.lancaster.ac.uk./staff/tyfield/On_Postcapitalism_3.pdf, consulté le 9 novembre 2018.

153

Vidal, Jean-François [2007], « Transformations des fluctuations cycliques et changements structurels : le cas du Royaume-Uni de 1873 à 2002 », in Rasselet, Gilles (dir.), [2007], Les transformations du capitalisme contemporain, LHarmattan, p. 65-106.

Wallerstein, Immanuel [2001], « Mondialisation ou ère de transition ? Une vision à long terme de la trajectoire du système monde » in Chesnais, François & al. [2001], Une nouvelle phase du capitalisme ?, Syllepse, p. 71-94. 

Wicht, Bernard [2002], Guerre et hégémonie, léclairage de la longue durée, Georg éditeur.

Wilenius, Markku [2014], « Leadership in the sixth wave – excursions into the new paradigm of the Kondratieff cycle 2010-2050 », European Journal of Futures Research, 2 (1), p. 1-11.

Wolfson, Martin H. [2003], « Neoliberalism and the Social Structure of Accumulation », Review of Radical Political Economics, vol 35, No 3, p. 255-262.

1 François Simiand (1873-1935) fut le premier auteur, au début des années 1930, à employer les expressions phases A et phases B pour désigner respectivement les phases de hausse et les phases de baisse de ce quil qualifiait de fluctuations économiques à longue période (Escudier, 1989). Le recours à ces expressions est devenu aujourdhui monnaie courante. Ajoutons que lexpression « le Kondratiev » que nous employons dans cet article, na pas pour vocation dafficher une neutralité de notre part quant à la nature de ce mouvement, même sil est vrai que chez N.D. Kondratiev et J.A. Schumpeter (linventeur « du Kondratiev ») il est question dun cycle long (Escudier, 1989, p. 849), cest-à-dire dun mouvement doté dune dynamique endogène et dune régularité dans la répétition (idem, p. 853). Pour nous, les Kondratiev sont des ondes et non des cycles et cest au sens et seulement au sens donde longue que nous entendons « le Kondratiev » dans cet article. Sur les questions de terminologie (cycle, onde, etc.) voir Escudier (1989) et Fayolle (1994, p. 128).

2 La périodisation la plus consensuelle des Kondratiev sétablit comme suit : Premier Kondratiev, des années 1780-1790 aux années 1848-1850 avec un pic atteint vers 1815 ; deuxième Kondratiev, des années 1848-1850 aux années 1896-1897 avec un pic atteint vers 1870-1875 ; troisième Kondratiev, des années 1896-1897 aux années 1939-1945 avec un pic atteint vers 1920 ; quatrième Kondratiev : depuis les années 1939-1945, avec un pic atteint vers 1973-1975. À partir du pic du quatrième Kondratiev, les choses se compliquent, la question qui se pose étant de savoir si, aujourdhui, la phase B de ce dernier est achevée et si un cinquième Kondratiev, voire un sixième selon certains auteurs, sest déployé.

3 Cest A.H. Hansen qui, en 1938, spectateur de la rechute de léconomie américaine au cours de lannée précédente, forgea lexpression secular stagnation, alors que léconomie mondiale peinait toujours à se remettre des conséquences de la grande dépression. Anticipant un ralentissement de la croissance démographique et pointant linsuffisance de la demande agrégée, il était convaincu que les États-Unis étaient désormais condamnés à une croissance molle. Si les grandes innovations technologiques, la croissance de la population, la découverte et le développement de nouveaux territoires et de nouvelles ressources sont les trois grands facteurs qui jouent un rôle moteur dans la formation des occasions dinvestir, il ne faut plus compter sur eux à présent. Cette thèse, selon laquelle le capitalisme était arrivé à maturité, sera également développée par dautres auteurs au cours des années 1940.

4 Fourteenth Jacques Polak annual research conference : Crises : Yesterday and today, Washington DC, November 7/8 2013.

5 Aux États-Unis, le taux de croissance annuel moyen de la productivité globale des facteurs est passé de 2,01 % de 1920 à 1972, à 0,7 % de 1972 à 2014 (Gordon, 2015, p. 55).

6 Gordon a ensuite affiné son hypothèse, ne retenant finalement que quatre vents contraires (démographie, éducation, dette publique et inégalités) pour répondre aux critiques qui lui avaient été adressées (Gordon, 2014b).

7 Les chiffres sont du même ordre de grandeur pour les autres pays de lOCDE.

8 V1 et V2 sont les deux versions envisagées par les auteurs.

9 MBNRIC-technologies : med-bio-nano-robo-info-cognitive technologies (technologies médicales, bio et nanotechnologies, robotique, technologies de linformation et technologies cognitives).

10 Travail des femmes, vieillissement démographique, scolarisation prolongée, montée des services et du travail improductif, et révolution informationnelle (Boccara, 1983).