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Classiques Garnier

Clément Colson et le développement de l'économie mathématique et de la statistique en France

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
    2018 – 2, n° 6
    . varia
  • Auteur : De Paoli (Joachim)
  • Résumé : L’objectif de l’article est d’analyser le rôle de Clément Colson dans le développement du calcul économique en France. L’étude montre d’abord qu’il est l’un des rares économistes libéraux français du début du xxe siècle à utiliser les mathématiques. Elle démontre ensuite qu’il est l’un des pionniers de l’utilisation des statistiques en économie. Enfin, l’article permet de comprendre qu’il peut être considéré comme un auteur facilitant la diffusion du projet initial de l’économétrie en France.
  • Pages : 141 à 168
  • Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
  • Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
  • EAN : 9782406087595
  • ISBN : 978-2-406-08759-5
  • ISSN : 2495-8670
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08759-5.p.0141
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 05/12/2018
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Colson, ingénieurs économistes, histoire du calcul économique, histoire de la comptabilité nationale, histoire de l’économétrie
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CLÉMENT COLSON ET LE DÉVELOPPEMENT
DE L'ÉCONOMIE MATHÉMATIQUE
ET DE LA STATISTIQUE EN FRANCE




Joachim DE PAOLI
Université de Lyon
Triangle-MSH



INTRODUCTIONI


À l'initiative de Ragnax Frisch (1895-1983), Chaxles Roos (1878-1940) et Irving Fisher (1867-1947), la Société internationale d'économétrie est créée à Cleveland (Ohio) le 29 décembre 1930. Sa création a officialisé l'économétrie en tant que disciplinez, dont le projet initial est défini par les objectifs de la Société : «l'avancement de la théorie économique dans ses relations avec les statistiques et les mathématiques » (Frisch, Mills & Roos, 1933, p. 106, notre traduction). Ce projet initial fut abandonné selon l'historienne de l'économétrie Mary Morgan : «À dater des années cinquante, l'idéal fondateur de l'économétrie, l'union de l'économie
1 Je tiens à remercier mut particulièrement Gérard Klotz, ainsi que François Etner, Richard Arena et les rapporteurs de la Revue d'histoire de la pensée économique dont les remarques m'ont permis d'améliorer la première version de ce texte. Je reste bien évidemment seul responsable des lacunes qui pourraient subsister.
2 Sur la création de la Société internationale d'économétrie voir Pirotte (2004, p. 35-43), Divisia (1953). Le Gall (2007) montre que la création de la Société ne marque que la reconnaissance instirutionnelle de l'économétrie mais que le développement des idées économétriques —avec l'intégration de nouveaux instruments, pratiques scientifiques et visions philosophiques — a lieu progressivement à partir du xixe siècle, notamment en France des années 1830 aux années 1920.
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mathématique et de l'économie statistique, s'est brisé » (1990, p. 264). En effet, la définition de l'économétrie et des techniques principales a évolué dans les décennies 1940 à 1960. A partir des années 1950,1'économétrie a désigné la branche de l'économie qui s'attache à la validation de modèles quantitatifs ou qualitatifs en se fondant sur la théorie des probabilités et la statistique inférentielle. Comme l'écrit Edmond Malinvaud : «Par sa méthodologie, l'économétrie relève de la statistique mathématique, puisque celle-ci étudie les procédures inductives grâce auxquelles un ensemble de données chiffrées permet de tester une hypothèse ou d'estimer les paramètres d'une relation» (1969, p. vii)3. Dans cet article, nous nous focalisons sur l'économétrie telle que définie dans le projet initial de la Société internationale d'économétrie et non sur sa définition moderne.
Parmi les pionniers de la discipline en France, on peut citer François Divisia (1889-1964) et René Roy (1894-1977). Or, ces auteurs ont été formés par le même homme :Clément Colson (1853-1939). Ce dernier a enseigné l'économie des transports puis l'économie politique à l'École Nationale des Ponts et Chaussées de 1892 à 1928, ce qui lui a permis la publication de sa principale oeuvre, son Cours d'économie politique, en sept volumes et plusieurs éditions parues de 1901 à 19334. Cet ingé- nieur économiste, peu étudié de nos jours, a eu un rôle important à son époque ; il est considéré par Divisia et Bousquet comme le principal économiste français du premier quart du xxe siècle (Divisia, 1939, p. 5 ; Bousquet, 1960, p. 1)5.
Notre objectif est d'analyser le rôle qu'a pu tenir Colson dans le déve- loppement de l'économie mathématique et de la statistique en France. Pour
3 Pour une histoire de l'économétrie contemporaine, nous renvoyons à Malinvaud (1997) et Pollock (2014).
4 Colson enseigne à l'École des Hautes Études Commerciales, à l'École Polytechnique, à l'École libre des Sciences Politiques et au Centre des Hautes Études Militaires. Nous pouvons citer deux autres ouvrages parmi les principaux écrits de l'auteur :Transparu et tarifs, qui eut trois éditions de 1890 à 1910 et Organisme économique et désordre social, qui eut deux éditions en 1912 et 1918. Entant qu'économiste, Colson se consacre au départ à l'émnomie des transports, il développe alors les théories de Jules Dupuit (1804-1866), avant d'érudier des questions plus générales, notamment des questions sociales. Parallèlement à sa carrière d'économiste, Colson mène aussi une carrière de haut fonctionnaire. À sa sortie de l'École des Ponts et Chaussées en 1878, il entre au Conseil d'État, il est détaché au Ministère des Travaux publics où il occupera plusieurs fonctions dans le domaine des chemins de fer. Il est Vice-président du Conseil d'État de 1923 à 1928.
5 Schumpeter cite également l'auteur et écrit que son travail «mérite d'être considéré» (2004, p. 130).
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cela, nous montrerons d'abord que Colson est l'un des rares économistes libéraux français du début du xxe siècle à utiliser les mathématiques et l'un des premiers à enseigner leur utilisation. Nous verrons ensuite l'utilisation qu'il fait des statistiques en économie, notamment en proposant une éva- luation pionnière de la richesse de la France. Enfin, son emploi simultané de la statistique et des mathématiques nous permettra de montrer que la méthode qu'il utilise se retrouve dans le projet initial de l'économétrie et de le considérer comme un auteur facilitant sa diffusion dans le pays.


I. I:UTILISATION DES MATHÉMATIQUES
EN ÉCONOMIE PAR COLSON


On ne trouve guère qu'un seul ouvrage d'économie mathématique publié en France :L'essai [sur la théorie générale de la monnaie] ..., de M. Aupetit [(1901)], auquel il conviendrait peut-être d'ajouter cependant le grand Cours d'économie politique, professé par M. Colson à l'École des Ponts et Chaussées, dans lequel, il est vrai, il n'est fait appel aux mathématiques que d'une manière si restreinte qu'on a parfois pensé y voir, étant donné les auditeurs auxquels il est destiné, la condamnation de l'économie mathématique, mais qui n'en constitue pas moins une manifestation de l'apparition des mathé- matiques dans l'enseignement officiel de l'économie politique en France, car si M. Colson n'est partisan que d'un usage très modéré des mathématiques, il en est toutefois un partisan convaincu.
Voilà ce qu'écrit l'ingénieur des Constructions civiles Jacques Moret dans L'emploi des mathématiques en économie politique6 (1915, p. 263). Cet avis est partagé par Charles Gide dans son compte rendu de la première édition du Cours dans la Revue d'économie politique
Mais le livre de M. Colson est le premier en France qui expose d'une façon claire et sûre, quoique sommaire, les théories de l'école économique mathé- matique (Gide, 1902, p. 104).
Voyons plus précisément quel est l'apport de Colson à cette dernière.

6 Dans ce livre, Motet défend l'utilisation des mathématiques en économie, présente
l'historique de leur utilisation et les principales théories économiques recourant à la formalisation.
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I.1. I:UTILISATION DES MATHÉMATIQUES
PERMET DE PRÉCISER LES THÉORIES

Pour Colson, la méthode à mettre en oeuvre en économie doit partir de l'observation des phénomènes, en déduire des principes généraux, puis les conséquences par une série de raisonnements, en ne s'occupant des phénomènes observables que pour vérifier les théories déduites'. Or, pour Colson, le langage qui permet de faire une série de raison- nements sans être confus est le langage mathématique. i; utilisation des mathématiques est donc justifiée en économie. Colson expliquait ainsi que les économistes mathématiciens — il cite Cournot et Dupuit comme précurseurs ainsi que Jevons, Marshall, Walras et Pareto — et les économistes de l'École autrichienne ont donné plus de précision à la science. De plus, les phénomènes économiques se prêtent bien à la mise en équation parce qu'il y a des relations d'interdépendance faciles à représenter par des formules (Colson, 1924, p. 125-146).
Pour Colson, les connaissances mathématiques nécessaires, pour pouvoir représenter les phénomènes économiques, sont assez simples
la première est la notion de fonction. C'est l'idée qu'il existe une correspondance entre les valeurs numériques de deux grandeurs liées par une relation d'interdépendance quand elles varient, toutes choses égales par ailleurs. Cela ne nécessite pas de savoir laquelle des grandeurs est la cause et laquelle est l'effet de l'autre. Il suffit de pouvoir représenter graphiquement le lien entre les deux grandeurs ;
il faut savoir que quand un certain nombre de quantités inconnues sont liées entre elles pax un même nombre de relations, leurs valeurs peuvent être déterminées ;que quand le nombre des conditions est inférieur à celui des inconnues, il est possible de fixer arbitraire- ment la valeur d'une ou de plusieurs inconnues pour résoudre les équations ;que quand le nombre de conditions est plus grand que le nombre d'inconnues, les conditions ne sont pas indépendantes les unes des autres et certaines ne sont que la conséquence des autres exprimées sous une forme différente.
7 Arena (in Arena & al., 1991, p. 31) résume sa méthode en écrivant qu'il y a «conciliation
de la méthode inductive du courant libéral avec la méthode déductive du courant marginaliste ».
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Jusqu'à la dernière édition du Cours en 1924, Colson affirmait que le calcul intégral et les mathématiques supérieures n'étaient pas indispen- sables àl'économiste. Toutefois dans la préface à l'ouvrage de Divisia de 1927, il semble qu'il ait changé d'avis
I:emploi des notations du calcul différentiel et intégral s'impose lui-même souvent, par deux raisons. La première, c'est que la plupart des phénomènes économiques sont dominés par la recherche de la satisfaction maxima ou du prix de revient minimum, qui s'exprime très aisément en écrivant que la solution cherchée répond aux conditions dans lesquelles la différentielle de la fonction qu'on étudie est nulle. La seconde est que dans les phénomènes sociaux, résultant de l'action d'un nombre très grand d'actes ou d'individus, dont chacun joue un rôle très petit par rapport à l'ensemble, la notation dif- férentielle et la formule d'intégration permettent de passer aisément du fait élémentaire au mouvement général dont l'économie politique recherche les lois.
Sans doute, les économistes mathématiciens n'ont pas toujours suivi cette voie dans leurs recherches ;mais elle apparaît comme très féconde (Colson in Divisia 1927, p. xxiii).
Malgré la place qu'il accordait aux mathématiques, Colson émettait des réserves sur un rôle trop important qui pourrait leur être attribuées. Pour lui, l'économie ne pouvait pas devenir une science principalement mathématique.
Tout d'abord, les mathématiques ne doivent pas être utilisées sans observations préalables et un contrôle a posteriori. Pour Colson l'analyse mathématique peut se poursuivre dans plusieurs directions. Il faut donc vérifier la concordance du calcul avec les faits, voir si de nouveaux éléments doivent être introduits et remplacer la théorie quand elle ne permet pas de prévoir les faits nouveaux. Pour Colson la démarche est du même ordre que celle utilisée en physique : à partir d'observations, des théories mathématiques sont construites ;elles permettent d'effectuer une suite de déductions ; la théorie est ensuite contrôlée avec les faits par le physicien. Celui-ci constate si le développement mathématique est orienté dans la direction où il peut trouver des applications utiles et si le calcul correspond aux «faits ».
Pour Colson, les théories des économistes mathématiciens et de l'École autrichienne ne font que développer et corriger des notions présentes dans les oeuvres des fondateurs de l'économie libérale, notamment Ricardo. Cette citation est très claire
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Si les méthodes nouvelles ont singulièrement amélioré d'améliorer l'exposé des doctrines anciennes et en ont tiré quelques conséquences inaperçues jusque-là, ce serait, croyons-nous, exagérer singulièrement leur portée que d'y voir la fondation d'une Économie politique mathématique qui donnerait à la science le fondement solide de démonstrations rigoureuses et conduirait à la découverte de lois nouvelles (Colson, 1918a, p. 15).
Colson semblait ainsi penser que la théorie marginaliste de la valeur, à laquelle il faisait référence ici, ne constituerait pas une «révolution» en économie avec de nouveaux fondements de la théorie de la valeurs. Cette théorie ne ferait, selon lui, que préciser les anciennes.
De plus, l'économie politique ne doit pas utiliser seulement les mathématiques. Les phénomènes sont trop complexes pour que les problèmes puissent être mis sous forme d'équation. De même, il est difficile de soumettre la manifestation des phénomènes à des mesures précises pour connaître l'action des uns sur les autres parce que les actions qui s'entrecroisent sont nombreuses.
Les mathématiques avaient donc pour Colson un usage limité à des comparaisons et à des représentations graphiques qui simplifient les explications. Elles servent à montrer des raisonnements qui n'atteignent pas le degré de complexité où seul le langage mathématique peut être utilisé. Mais cela présentait déjà pour lui un intérêt considérable (Colson, 1924, p. 2, 135-143 ; 1918a, p. 12-18).
Ainsi, Colson ne pensait pas que l'économie soit une science prin- cipalement mathématique comme l'affirmaient Walras ou Jevons. En effet, il soutenait que les mathématiques ne devaient pas être très pous- sées et que l'économie ne pouvait pas être réduite à la formalisation. Néanmoins, le fait d'utiliser les mathématiques n'était pas courant au début du xxe siècle en France comme nous allons le voir maintenant.
I.2. I:UTILISATION DES MATHÉMATIQUES
EN ÉCONOMIE EN FRANCE AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE
À l'époque de Colson, peu d'économistes utilisaient les mathématiques en France. La méthode mathématique avait du mal à se développer. Pourtant, le pays était bien parti dans la première moitié du xlxe siècle les principaux pionniers de l'utilisation des mathématiques étaient
8 Sur la «révolution marginaliste»voir Deleplace (2009, p. 183-202).
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français9, avec Achylle Nicolas Isnard (1748-1803), Antoine Augustin Cournot (1801-1877° et Jules Dupuit (1804-18661. Parmi les autres précurseurs de l'utilisation des mathématiques nous pouvons également citer François-Nicolas Canard (1750-1833), Jules Du Mesnil-Maxigny (1810- 1885), Gustave Fauveau (1834-?), Camille Esmenard du Mazet (1802-1871) et Mathieu Wolkoff (?-?). t~ l'époque de Colson, la situation n'était plus la même :les principaux économistes mathématiciens étaient étrangers. Ainsi, Moret (1915, p. 84-151) citait les allemands Hermann Heinrich Gossen (1810-1858) et Wilhelm Launhardt (1832-1918), les britanniques William Stanley Jevons (1835-1882), Alfred Marshall (1842-1924) et Francis Ysidro Edgeworth (1845-1936), Léon Walras, les autrichiens Rudolf Auspitz (1837-1906) et Richard Lieben (1842-1919),1'américain Irving Fisher (1867-1947) et l'italien Vilfredo Pareto (1848-1923).
Plusieurs raisons expliquent que l'utilisation des mathématiques soit peu présente en France aux débuts du xxe siècle.
Tout d'abord, la difficulté d'acceptation des mathématiques était en partie due au fondateur de l'École libérale française, Jean-Baptiste Say. Celui-ci était en effet opposé à l'utilisation des mathématiques comme le montre ces citations du «Discours préliminaire »ajouté dans la sixième édition de son Traité d'économie politique : «Les formules algébriques [sont] trop évidemment inapplicables à l'économie politique », «l'on s'est égaré en économie politique toutes les fois qu'on a voulu s'en rapporter aux calculs mathématiques. » (Say, 1826, cité par Breton, 1992, p. 27). Les libéraux français restant attachés aux idées du fondateur de leur École, cela pouvait expliquer en partie les réticences envers l'utilisation des mathématiques.
9 Les auteurs que nous mentionnons — mis à part le premier —sont les français cités dans la liste des auteurs ayant utilisé les mathématiques proposée par Jevons et complétée par Walras (Walras, 1878). Dans cette liste se trouve Walras lui-même. Bien que français, nous le plaçons parmi les économistes étrangers car il mena sa carrière à l'Université de Lausanne et eut du mal à se faire accepter par les libéraux en France. Les références que nous mettons pour chaque auteur permettent d'avoir un rapide aperçu de leur pensée. Sur l'emploi des mathématiques en économie politique par ces différents auteurs, nous renvoyons à Breton (1992, p. 25-27), Klotz (1994), Moret (1915, p. 70-71), Etner (1987, p. 107-110; 1989, p. 542), Silvant (2010, p. 1027-1030).
10 Cournot (1838) formalise pour la première fois la demande comme une fonction du prix. Il établit des courbes d'offre et de demande d'une marchandise en fonction de son prix.
11 Dupuit (1844) développe une méthode pour calculer l'utilité des travaux publics à partir de la notion de valeur d'usage.
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Ensuite, les premiers économistes mathématiciens que nous avons cités ont eu du mal à se faire accepter en France pax les libéraux. Ainsi, l'ouvrage de Cournot de 1838 Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses est passé inaperçu en France (Moret, 1915, p. 78 ;Breton, 1992, p. 28), il n'est mentionné ni dans le Dictionnaire de l'économie politique de Coquelin et Guillaumin (1852-1853), ni dans l'Histoire de l'économie politique de Blanqui (1860). Cournot (1863) a par la suite repris ses conceptions sans utiliser les mathématiques dans ses Principes de la théorie des richesses.
Les économistes français que nous avons mentionnés comme pré- curseurs de l'utilisation des mathématiques étaient rejetés à un titre ou à un autre. Cournot et Du Mesnil-Marigny comme protectionnistes, Wolkoff comme ricardien, Dupuit pour son intransigeance à propos du traité de commerce entre la France et l'Angleterre de 1860, Walras comme socialiste, Canard et Esmenard du Mazet comme «mauvais mathématiciens ». Seul Fauveau, dont les conclusions allaient dans le sens de l'École libérale, fut bien accueilli. À cette difficile reconnaissance s'ajoutait le fait qu'ils ne constituaient pas une École de pensée et se critiquaient les uns les autres. Ainsi, Cournot rejettait Canard, Dupuit ne semblait pas connaître Cournot, Walras critiquait Dupuit (Etner, 1989, p. 542-544 ;Breton, 1992, p. 29-31).
Dernier élément sur la difficile acceptation des mathématiques en économie politique :les utiliser amenait à être suspecté de «connivence avec l'école anglaise ». Par exemple, Joseph Garnier, qui défendait l'économie anglaise, se sentait obligé de défendre les mathématiques, bien que ne les utilisant pas (Etner, 1989, p. 546).
Ce n'était pas l'usage des mathématiques en lui-même qui était rejeté mais leur critique des idées libérales. Or, les libéraux étaient intolérants envers tout ce qui pouvait critiquer leurs idées (Breton, 1998, p. 410- 414) et ils avaient l'impression que l'usage des mathématiques pouvait nuire à la diffusion de leurs thèses.
Une autre raison tenait à la position dominante de l'École libérale française au xlxe siècle. Pour diffuser leurs idées les auteurs avaient une maison d'édition, Guillaumin ;une revue, le Journal des économistes ; et se retrouvaient tous les mois dans le cadre de la Société d'économie politique, dont le compte-rendu des débats était publié par le Journal des économistes. Mais la situation a changé à partir des années 1880. L'École libérale s'est repliée sur elle-même. Les libéraux «étaient suffisamment
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satisfaits de leur doctrine pour passer l'essentiel de leur temps à sa diffusion plutôt qu'à son perfectionnement » (Etner, 1987, p. 105). Ils ne s'intéressaient plus qu'aux questions pratiques, laissant de côté les nouveautés théoriques, notamment celles venant de l'étranger.
En 1887, Charles Gide a créé la Revue d'économie politique pour ne pas laisser l'enseignement de l'économie politique sous la seule influence des libéraux et pour s'intéresser aux recherches étrangères. Cependant les thèses des économistes libéraux continuèrent de dominer l'économie politique en France jusqu'à la Première guerre mondiale, freinant la dif- fusion des nouvelles théories mathématiques en provenance d'Angleterre et d'Autriche (Etner, 1989, p. 105-123 ;Breton, 1998, p. 414-421).
Enfin, les libéraux français au début du xxe siècle avaient, pour la plupart, une formation littéraire ou juridique. Ainsi, en 1900, Gide s'indignait du non enseignement de l'économie mathématique en France. Les libéraux craignaient que les économistes mathématiciens abusent du fait qu'ils ne comprenaient pas le langage mathématique. Ne pouvant comprendre leurs travaux, les libéraux français ne pouvaient pas envisager que les mathématiques puissent avoir un rôle à jouer quand le langage ordinaire ne réussissait pas à analyser des problèmes complexes. À cela s'ajoutait le fait, mis en évidence pax Yves Breton, qu'il était difficile « de rompre avec les vieilles habitudes de pensée, de se débarrasser d'idées reçues, de comprendre et plus encore d'accepter de nouvelles conceptions scientifiques » (Breton, 1992, p. 32).
Il découla de tout cela que l'opposition à l'économie mathématique est restée forte en France jusqu'à la Première guerre mondiale. En opérant une sorte de synthèse entre les économistes littéraires et les économistes mathématiciens, Colson a contribué à développer la méthode mathéma- tique en France tout en étant accepté pax les littéraires.
Si Colson n'est pas le premier économiste français à utiliser les mathématiques, il était au début du xxe siècle un des rares auteurs les utilisant et sans doute le premier à enseigner leur utilisation. Sa posi- tion lui valu ainsi d'être considéré pax ses élèves comme un économiste mathématicien. Pour Roy
L'ceuvre aussi bien que l'enseignement de Clément Colson demeurent presque exempts de symboles mathématiques ; de fait, il confessait qu'assez vite, il avait cessé de recourir à cette forme de langage. Son esprit réaliste se refusait d'ailleurs à modeler strictement les phénomènes concrets sur les modèles
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abstraits ;mais tout en assignant des limites à l'emploi du langage algébrique, il ne manquait pas d'observer combien l'école mathématique avait puissam- ment contribué à l'édification des théories de la valeur. Il usait fréquemment de représentations graphiques [...].
S'il n'usait pas de symboles, notre auteur est pourtant resté fortement attaché à sa formation mathématique, car point n'est besoin de recourir explicitement à l'expression algébrique pour se ranger parmi les adeptes de cette discipline. Le plus important n'est-il pas en effet d'asseoir le raisonnement sur les concepts empruntés à la mathématique, tels que les notions de variable indépendante, de liaison fonctionnelle, de fonction continue, de maximum ou de minimum, d'équilibre stable, etc. ? Or, il suffit d'avoir simplement parcouru l'ceuvre de Clément Colson pour se pénétrer de l'importance que tiennent ces notions dans ses écrits. [...] Nous sommes ainsi pleinement fondés à compter Clément Colson parmi les économistes mathématiciens (Roy, 1940, p. 196).
Colson défendait donc une utilisation assez simple des mathématiques. Quant à la démarche générale à utiliser en économie, nous avons dit que pour lui l'observation avait également un rôle important, qu'elle servait à construire les théories et à les vérifier. Or pour Colson, l'observation a lieu notamment à l'aide des statistiques. C'est ce point que nous allons aborder à présent.


II. I:UTILISATION DES STATISTIQUES PAR COLSON


II.1. COLSON ET LA DIFFUSION DES STATISTIQUES EN FRANCE
Colson était un membre actif de plusieurs associations de statistiques il a été élu à l'Institut International de StatistiquelZ en 1906, il est devenu membre de la Société de Statistique de Paris13 en 1909, dont il devint président en 1929. Il fut également membre de la Royal Statutical Society en Angleterre14. Puis il devint membre du Conseil de la Statistique
12 I:Institut International de Statistique est créé en 1885. Sa vocation est de développer et d'améliorer les méthodes statistiques et leurs applications en se concentrant sut la comparabilité internationale des résultats.
13 La Société de Statistique de Paris est créée en 1860 paz Michel Chevalier et Louis Villermé.
Elle milite pour que la statistique soit soutenue, enseignée et diffusée.

14 La Royal Stati.rtical Society est créée en 1834 par Thomas Malthus, Charles Babbage et Richard Jones. Son but est de collecter et classifier les faits illustrant l'état acruel et les
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Générale de la Francels en 1911, qu'il présida de 1918 à 1936. Il entra aussi au Conseil Supérieur de la Statistique16 en 1912 ; il en sera le Vice- président en 1920. Enfin, il fut également Vice-président du Conseil de l'Institut de Statistique de l'Université de Parisl' en 1922, institut dont il a soutenu la création (Morrisson, 1987, p. 816 ;Bungener &Joël, 1989,
p. 8). Concernant les deux premières sociétés, il faut noter que Colson était actif dans les débats, mais qu'il ne publiait pas dans les revues de ces sociétés. Le seul article qu'il ait publié dans la seconde (Colson, 1928) a été un discours prononcé à l'Institut International de Statistique.
Les statistiques tiennent une place importante dans le Cours d'économie politique de Colson. L'auteur l'illustre avec des statistiques «pour l'exposé de ses théories et pour leur illustration par les faits » (Roy, 1940, p. 197). On retrouve les thèmes donnés par Gérard Klotz (2006) caractérisant l'utilisation des statistiques au xlxe siècle : la répartition des revenus, la fiscalité et la lutte contre le socialisme. De plus, avant de publier l'édition définitive, des suppléments ont été édités pour mettre à jour les statistiques (Colson, 1911 ; 1912 ; 1918b ; 1926b). Enfin, Colson cite les principaux statisticiens français de son époque :Alfred de Fouille (1842-19138 et Lucien March (1859-19339.
perspectives de la société, en particulier dans les Dominions britanniques.
15 En 1833 Thiers crée le Bureau de statistique générale, qui prend le nom en 1840 de Statistique Générale de la France. Cet organisme de centralisation statistique se concentre au xixe siècle principalement sut le recensement, elle publie également des données administratives produites par d'autres et des résultats d'enquêtes réalisées à son initiative sut les structures agricoles ou industrielles. Au début du xxe siècle, le service élargit ses études à la gestion et à la rémunération de la main d'oeuvre, à la consommation et à l'évolution des prix (Desrosières, 2010, p. 185-190; INSEE, 2015).
16 Le Conseil supérieur de la Statistique, créé en 1885, est une instance de consultation, instituée auprès du Ministère du Commerce. Il donne son avis sur les questions de sta- tistiques qui lui sont soumises par des administrations publiques (Journal de la Société de Statistique de Paris, 1885, p. 160-161; INSEE, 2015).
17 I:Institut de Statistique de l'Université de Paris, créé en 1922, a pour objectif d'enseigner les méthodes statistiques et les applications des mathématiques à la statistique, aux finances, à l'économie politique et à la démographie (Morrisson, 1987, p. 816-819; Bungener &Joël, 1989, p. 8 ;Breton, 1992, p. 41, 50 ; Le Van-Lemesle, 2004, p. 439)•
18 De Fouille a occupé la chaire d'Économie industrielle et statistique au Conservatoire des arts et métiers. Il a été président de la Société de Statistique de Paris et l'auteur d'une évaluation du revenu de la France. Sur de Fouille voir Stourm (1914), Le Van-Lemesle (2004, p. 319-323).
19 March était directeur de la Statistique Générale de la France de 1910 à 1920. Il utilisa de nouvelles techniques basées sur des machines pour se servir des statistiques. Il fut à l'origine de nouvelles enquêtes sur la gestion et la rémunération des salariés. Il augmenta
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Les calculs statistiques n'étaient pas poussés dans les écrits de Colson. Ainsi, il n'utilisait pas les apports de la statistique mathématique anglaise qu'étaient la régression et la corrélation développées par Francis Galton (1822-1911), Francis Ysidro Edgeworth (1845-1926), Karl Pearson (1857- 1936), George Udny Yule (1871-1951) et Ronald Aylmer Fisher (1890- 1962) (Pirotte, 2004, p. 26 ; Desrosières, 2010, p. 129-179 ; Pollock, 2014, p. 2-8~°. Aucun de ces auteurs n'est d'ailleurs cité dans les écrits de Colson mais compte tenu de son engagement dans les associations statistiques, il serait étonnant qu'il ne les eut pas connus. Nous pen- sons donc que c'est un choix de l'auteur de ne pas citer les nouvelles techniques qu'il n'utilisait pas.
Cette diffusion des statistiques dans l'enseignement était quelque chose de nouveau. En effet, l'Institut de Statistique de l'Université de Paris fut le premier centre d'enseignement de la statistique en France. Il n'est créé qû en 1922. Dans les années 1930, la situation a peu changé. Roy ne citait qu'un seul autre cours de statistique : le Cours d'économie industrielle et de statistique du Conservatoire national des arts et métiers. C'était d'ailleurs un élève de Colson qui l'assurait, à savoir Divisia, nous y reviendrons dans la partie suivante. En ce qui concernait la statistique mathématique, il n'y avait pas de chaire en France, un cours était donné à Paris par Émile Borel (1871-1956) et un à Lyon par Émile Julius Gumbel (1891-19661. Le fait de promouvoir l'utilisation des statistiques en économie dès le début du xxe siècle faisait donc de Colson un précurseur en la matière.
II.2. COLSON ET I:ÉVALUATION DE LA RICHESSE DE LA FRANCE
Mais le rôle de Colson dans l'utilisation des statistiques ne se limitait pas à promouvoir la discipline. En effet, son principal apport dans ce domaine fut la mesure de la richesse de la France pour les années 1903, 1913 et 1926 (Colson, 1927a, p. 257-502).
Colson commença pax déduire de différentes statistiques la «richesse acquise» (Ibid., p. 257) de la France, comprenant
les effectifs de la Statistique Générale de la France qui passèrent d'une dizaine de personnes à une centaine. March fut également à l'initiative de la création de l'Instirut Supérieur de Statistique de Paris (Bungener &Joël, 1989, p. 8 ;Desrosières, 1998).
20 Nous pouvons noter que ces apports serviront de base à l'économétrie telle que définie actuellement (Pollock, 2014).
21 Sur l'enseignement des statistiques voir Roy (1937); Morrisson (1987).
153
1° les véritables capitaux, fonds de roulement des entreprises compris, qui concourent à la production des richesses et des services et qui donnent par suite un revenu ; 2° les objets de consommation plus ou moins rapide, qui font partie du patrimoine des particuliers sans servir à la production, ni procurer d'intérêts (Ibid., p. 257, italiques de l'auteur).
Il étudia ainsi les différents types de biens corporels et incorporels que nous résumons dans le tableau 1.
TAB. 1 —Classement des biens corporels
et incorporels selon Colsonzz.


Biens corporels :
Biens incorporels
— Terres et outillages agricoles
—Valeurs mobilières
— Mines et carrières
—Créances
— Maisons et usines
—Propriété intellectuelle
—Objets mobiliers
—Clientèles et offices
— Propriétés publiques et moyens de transport

— Approvisionnement et numéraire

Le total de ces biens ne donnait pas la richesse de la France parce qu'il y a des doubles emplois, «par exemple la valeur des immeubles possédés par des sociétés anonymes et le montant des titres émis par ces sociétés pour les acquérir» (Ibid., p. 358). Colson retraita alors les données pour calculer la richesse globale de la France et le montant des revenus.
Concernant la richesse globale de la France, Colson faisait une dis- tinction entre la «richesse globale » et le «total des fortunes privées » (Ibid., p. 361). La «richesse globale » correspondait aux biens appar- tenant aux habitants individuellement ou collectivement. Il ne fallait comprendre ni les droits de jouissance concédés à des entreprises privées, ni les créances et dettes des français les uns vis-à-vis des autres, ni les valeurs mobilières — ce sont des créances soit sur la nation soit sur les biens des sociétés anonymes —, ni les brevets et clientèles.
Pour évaluer le total des fortunes privées, il proposait deux méthodes. La première est la. méthode directe. Elle consistait à enlever de la. richesse globale la valeur des biens appartenant aux personnes morales et à ajouter
22 Tableau construit à partir des développements contenus dans Colson (1927a, p. 255-360).
154
d'une part, les valeurs mobilières françaises, qui représentent une participation de certains citoyens dans l'avoir de ces personnes morales ou des créances sur elles, de l'autre les divers biens incorporels, brevets, clientèles, etc., qui représentent la valeur des droits spéciaux exercés par certains citoyens à l'encontre des autres (Ibid., p. 365).
La deuxième méthode utilisait l'annuité successorale. À partir des registres du fisc
on constate le montant des sommes qui changent de mains chaque année [...] ; pour en déduire le montant total de la richesse du pays, il suffirait de savoir combien de temps s'écoule, en moyenne, entre deux transmissions consécutives d'une même fortune, et de multiplier le montant annuel des donations et successions par le nombre d'années pendant lequel chaque fraction de ces richesses reste dans les mêmes mains (Ibid., p. 374).
L'évaluation donne un résultat inférieur à la première méthode parce qu'une grande partie des transmissions à titre gratuit échappe au fisc comme les biens mobiliers ou le numéraire. Toutefois, cela permet de voir simplement l'évolution de la fortune du pays. En effet, les statistiques successorales en France existent depuis 1826~3.
Concernant le revenu, Colson calculait le revenu national de la France en utilisant ce qui correspond en comptabilité nationale à l'optique du revenu24. C'est un des «grands moments »des débuts de la comptabilité nationale française selon Klotz (1980, p. 80).
Colson posa de nouveau le problème des doubles emplois. En effet, «les paiements variés qui absorbent les recettes de chacun de nous contribuent à constituer les revenus de ses fournisseurs, de ses ouvriers, de ses domestiques, etc. » (Colson, 1927a, p. 389). Klotz (1980) montre que les éléments qu'il propose d'enlever sont liés à sa définition du revenu, à savoir « la valeur totale de ce dont il [un individu] dispose dans l'année, soit pour satisfaire à ses besoins et pour faire acte de générosité, sans consommer le capital constitué par une épaxgne antérieure, soit pour accroître ce capital. » (Colson, 1927a, p. 388-389). Ainsi, il pensait que ce que nous appelons aujourd'hui les consommations intermédiaires des entreprises et les salaires payés aux ouvriers devaient être déduits.
23 Sur l'évolution, l'intérêt et les lacunes des statistiques successorales, voir Daumard (1987).
24 En comptabilité nationale, le PIB peut être calculé de trois façons :l'optique de la pro- duction, du revenu et de la demande.
155
En revanche, le traitement des domestiques ne devait pas être déduit parce que « le maître emploie à la satisfaction de ses besoins personnels les services du domestique » (Ibid., p. 389). Les impôts sont analysés de façon identique :ceux qui sont utiles à la société, c'est-à-dire qui servent à assurer «la sécurité nationale, le bon ordre et la facilité des communications » (Ibid.) ne doivent pas être déduits. En revanche, les impôts utilisés pour payer des salaires trop élevés ou pour « entretenir la paresse et l'imprévoyance pax une assistance mal comprise » (Ibid., p. 390) doivent être déduits parce que l'impôt ne fournit pas de contrepartie à celui qui le paye.
L'étude de Colson sur la richesse de la France a servi de référence à son époque (Lévy-Leboyer, 1987) mais pas seulement. Elle est uti- lisée par Alfred Sauvy (1984, cité par Klotz, 1980, p. 104) dans son Histoire économique de la France entre les deux guerres et plus récemment par Thomas Piketty (2001, p. 228, 526, 527) dans Les hauts revenus en France au xxe siècle.
En résumé, Colson fut un des premiers économistes français à utiliser en économie politique les statistiques et les mathématiques. Il nous reste à montrer que sa démarche permet de le considérer comme un auteur facilitant la diffusion de l'économétrie —définie par son projet initial — en France.


III. COLSON A OUVERT LA VOIE AU PROJET INITIAL
DE L'ÉCONOMÉTRIE EN FRANCE


Nous avons vu en définissant le projet initial de l'économétrie le lien entre théorie, mathématiques et statistiques qui caractérisait au départ la discipline. Plus précisément
La seule exploitation des données ne peut expliquer un phénomène écono- mique ; il est indispensable d'avoir une base économique théorique solide pour en établir les fondements [...]. Les mathématiques formalisent les principes énoncés par la théorie économique, tandis que les techniques statistiques exploitent les données disponibles et valident empiriquement le cadre théorique, celui-ci pouvant à son tour être influencé par les conclusions empiriques (Pirote, 2004, p. 16).
156
Comme nous l'avons vu, Colson employait simultanément ces trois éléments, ce qui était nouveau à l'époque (Klotz, 2006, p. 67-68). Chez Colson le lien était entre théorie, comprenant notamment les mathé- matiques, et observation, comprenant notamment les statistiques. Les mathématiques étaient utilisées pour donner plus de précision aux théo- ries, les statistiques servaient à vérifier les théories et à les modifier. La méthode de Colson correspondait donc à la définition de l'économétrie utilisée ici. Il n'est ainsi pas étonnant que Colson ait été favorable à la création de la Société internationale d'économétrie et que ses élèves aient fait partie des principaux auteurs ayant contribué à la diffusion de la discipline en France. Voyons cela en détail.
Colson fut contacté dès le départ pour apporter son soutien à la création de la Société internationale d'économétrie. Son accueil semble au premier abord réticent. En effet, il n'a pas participé à la création de la Société (Divisia, 1953, p. 25-26 pour les lettres que nous citonszs). Frisch espérait que Colson apporte son concours pour l'implantation du mouvement en Europe et a chargé Divisia de lui demander son aide26. Celui-ci explique que l'accueil de Colson fut plutôt réticent pour deux raisons
— Colson «n'aimait pas les associations » (Ibid., p. 8) dans le sens où l'action collective n'a pas les qualités de l'action individuelle qu'elle risque d'étouffer;
il craignait le formalisme des mathématiques et l'inexactitude des statistiques. Il craignait que la création d'une société d'économétrie engendre des savants «n'ayant pas un sens suffisant de la réalité concrète et de la pensée économique » (Ibid.). On retrouve le lien très fort entre théorie et pratique qui marque toute son oeuvre.
Frisch souhaitait également que Colson devienne rédacteur en chef de la future revue Oekonometrika (Lettre de Frisch à Divisia du 25 juillet 1927 in Divisia, 1953, p. 25), qui deviendra en fait Econometrica. Colson a refusé dans une lettre qu'il adressa à Divisia le 19 août 1927 (Divisia, 1953, p. 25). Les raisons évoquées sont le manque de temps en raison
25 Les lettres citées par Divisia sont résumées en annexes.
26 Divisia ne précise pas la date exacte mais celle-ci se situe entre 1926, moment où Frisch contacte Divisia, et 1928.
157
des fonctions qu'il occupe, sa méfiance envers les revues internationales pour avoir une clientèle suffisante et la difficulté de faire fonctionner le comité par correspondance.
Mais malgré ses réticences, Colson ne resta pas indifférent au projet et apporta un soutien discret. En effet, quand il fut mis au courant du projet de création de la Société, il en parla à Rueff qui, lui, accepta le projet (Ibid., p. 9).
De plus, le 17 juin 1930, Fisher, Frisch &Roos ont envoyé une lettre aux économistes qu'ils pensaient pouvoir être intéressés par le projet pour avoir leur opinion. Colson figurait parmi eux. Nous savons que la lettre n'est pas restée sans réponse puisque Frisch écrit à Divisia (Lettre de Frisch à Divisia du 26 septembre 1930 in Divisia, 1953, p. 27) que des réponses particulièrement constructives ont été reçues de Divisia, Schumpeter, Amoroso et Colson.
Enfin, Colson devint membre de la Société internationale d'économétrie dès sa création, en étant l'un des vingt neuf premiers économistes à recevoir le titre de Fellow (Fisher, 1933, p. 445'.
Pour terminer sur cette question, l'enseignement de Colson n'est pas resté sans influence sur ses étudiants puisque ses trois principaux, Divisia, Roy et Rueff, ont été parmi les principaux auteurs français ayant participé à la diffusion de l'économétrie.
Il faut d'abord ici rappeler l'appui que Colson apporta à ses élèves dans leurs travaux visant à développer les mathématiques en économie. Rueff (1922) publie Des sciences physiques aux sciences morales, Divisia (1927) publie Économique rationnelle ; Colson écrit la préface de chacun de ces livres. De plus, dans un article paru en 1927 dans la Revue politique et parlementaire intitulé «L'économie politique et les mathématiques » (Colson, 1927c), il défendait l'utilisation des mathématiques par ces auteurs comme le montre cette citation
Tous deux, familiarisés avec les méthodes des sciences physiques et mathéma- tiques [...], y ont joint la culture littéraire et philosophique qui seule donne le goût des études psychologiques et sociales dont fait partie l'Économie politique, et qui aide singulièrement à y réussir (Ibid., p. 398).
27 Les membres de la Société peuvent être des membres réguliers ou des Pellows. Les Pellows
sont proposés par le bureau de la Société et élus par les autres Pellows. Colson appartint à la Société dès la première année, il fut élu par le bureau (Frisch, Mill &Roos, 1933, p. 106).
158
Divisia, Roy et Rueff furent d'ailleurs avec Fisher les trois seuls auteurs ayant mené leurs travaux à partir des années 1920 cités dans le Cours d'économie politique. Colson présente leurs travaux mathématiques. Ainsi, il expose la théorie monétaire de Divisia et ses points communs avec celle de Fisher et la théorie de Rueff sur le côté monétaire des varia- tions des prixZ$ dans les notes ajoutées à l'édition définitive du Livre 4 (Colson, 1927b, p. 556-561). Il présente l'étude de Roy sur les primes de gestion~9 dans une note de l'édition définitive du Livre 6 (Colson, 1929, p. 531, 534).
Tous sont présents dans la Société d'économétrie à ses débuts. Divisia était en relation avec Frisch avant même la création de la Société inter- nationale d'économétrie et nous avons vu que c'est lui qui parla du projet à Colson. Il fut le premier Vice-président de la Société avant d'en devenir le Président en 1935, succédant ainsi à Fisher. Rueff fut membre Fellow de la Société en 1933. Roy (1933) publia dans le premier numéro de la revue Econometrica un article sur Cournot. Il devint à son tour président de la Société internationale d'économétrie en 1953. Tous publièrent régulièrement dans la revue :Roy publia 15 articles de 1933 à 1961, Divisia 8 articles de 1933 à 1963. Rueff est le moins actif, il publia 3 articles en 1949.
Les élèves de Colson, principalement Divisia et Roy, participèrent ainsi à la diffusion de l'économétrie, notamment en France. Ils sont souvent considérés comme les deux pionniers de la discipline dans le pays30. Roy occupait à l'Institut de Statistique de l'Université de Paris une chaire d'économétrie à partir de 193131. Il dénonçait la coupure entre enseignement et recherche en statistiques et proposa la création de laboratoires. Divisia, pour sa part, désirait moderniser l'économie
28 Ces théories sont développées dans Divisia (1926) et Rueff (1927).
29 Roy (1927) critiquait en utilisant les mathématiques la formule de garantie d'intérêts utilisée après la guerre dans les chemins de fer.
30 Il faut également ajouter Marcel Lenoir. Dans sa thèse (Lenoir, 1913), ce polytechnicien réalisa notamment une estimation empirique de courbes d'offre et de demande. Il fut le premier en France à utiliser la boîte d'Edgeworth. Sur son apport voir Chaigneau et Le Gall (1998) ; Le Gall (2007, p. 207-254). Lenoir citait d'ailleurs Colson parmi les maîtres de «l'utilisation des courbes et des représentations analytiques qu'elles apportent à la théorie économique » (Lenoir 1913, p. 5, notre traduction, cité par Le Gall, 2007, p. 214).
31 Roy (1937, p. 67) résume son cours ainsi : «il a pour objet, d'une part, d'apprendre à utiliser méthodiquement la statistique en vue des recherches économiques et, d'autre part, d'indiquer comment doivent être posés, du point de vue de la théorie économique, les problèmes auxquels la statistique permet d'apporter des éléments de solutions ».
159
politique en utilisant l'économétrie à partir de la fin des années 1920. Nous avons vu qu'il avait un rôle dans la création de la Société inter- nationale d'économétrie. Il était également professeur d'économie industrielle et statistique au Conservatoire des arts et métiers à partir de 1929 et l'économétrie tient un rôle important dans son cours. En 1934, il fonda un séminaire composé de volontaires pour développer l'analyse statistique. Il obtint du Front populaire en 1936 des fonds pour créer un laboratoire de statistique. Il forma alors un petit nombre de statisticiens de haut niveau mais entra petit à petit en conflit avec le Conservatoire des arts et métiers qui voulait un niveau plus bas et plus d'étudiants.
Un premier projet de centre de recherche en économétrie est esquissé pax Divisia en 1938. Il souhaitait que les études portent sur l'orientation et le financement des activités économiques. Roy collabora au projet. Cela conduit à la création d'un Comité d'économétrie au CNRS en 1940, animé par Divisia, mais le Comité manqua de fonds. Avec la guerre, les travaux ont été réorientés vers des recherches sur celle-ci. En 1946, le Comité3Z décida de créer un centre d'études, le Centre de Travail et Laboratoire d'Économétrie, devant être dirigé par Divisia, et de créer deux séminaires d'économétrie33, confiés à Roy et Allais34. Marcel Boiteux résume le fonctionnement du séminaire de Roy de cette façon
Il avait un caractère typiquement universitaire, très très classique dans la forme, «pas dans le message », dans la ligne des grandes écoles. On était derrière des bancs, dans des locaux un peu sombres, avec de la craie et devant un tableau. On étudiait une question spécifique à partir d'un article récent... On traitait de la théorie et on réfléchissait à la portée que cela pouvait avoir quitte à éclairer un peu l'actualité. (Entretien avec Boiteux le 23 mars 1989, cité par Bungener &Joël, 1989,
p. 26, italiques de l'auteur)
Les thèmes abordés étaient variés, allant de questions théoriques à des questions d'application. Le séminaire donna lieu à deux séries de publi- cations, Les cahiers du séminaire d'économétrie en 1951 et Les monographies du centre d'économétrie en 1958.
32 Le 16 décembre en présence de Divisia, Roy, Maurice Allais, Henri Bunle, Georges Datmois, Jules Duboutdieu, Jacques Dumontiet, Maurice Fréchet, Michel Hubet et Georges Lutfalla.
33 Il sera créé ensuite un séminaire à Lyon par Henri Eyraud.
34 Le séminaire de Allais fonctionnait d'une façon particulière : il cherchait à développer des questions d'actualité, ces questions étaient éclairées par la théorie. Après les débats, Allais proposait ses solutions.
160

CONCLUSION


Alors que les différents instruments qui seront utilisés par l'économétrie se sont développés petit à petit à partir du xlxe siècle, Colson a facilité la diffusion du calcul économique en France. Son originalité tient aux outils qû il utilise, les statistiques et les mathématiques. Même si l'utilisation qû il en fait n'était pas très poussée, ce fut un des premiers auteurs à les utiliser en France. Ainsi, il évalua la richesse de la France et fut un des premiers économistes à utiliser la formalisation (de façon réduite) dans son Cours. De plus, il utilisa les statistiques et les mathématiques conjointement.
Cette utilisation simultanée de la théorie, des statistiques et des mathé- matiques fait de Colson un auteur participant à la diffusion du projet initial de l'économétrie en France. Bien qû il n'ait pas mené de recherches économétriques, son enseignement a impulsé le calcul économique et a préparé à ce type d'études. Ainsi, il n'est pas étonnant qu'il ait soutenu la création de la Société internationale d'économétrie et les recherches de ses principaux élèves. Il n'est pas étonnant non plus que ceux-ci, notamment Divisia et Roy, aient été parmi les auteurs ayant contribué au développement de l'économétrie. Il faut toutefois noter que ce qui se faisait en France sous le nom d'économétrie au départ était éloigné de ce qui se faisait aux États-Unis. Dès 1939, les économistes américains avaient une bonne connaissance des mathématiques, des méthodes de raisonnement formalisé et des statistiques. En France, ce n'était pas le cas comme nous l'avons expliqué, et les premièxes études économétriques n'essayaient pas d'appliquer une analyse théorique qui demeurait pre- mière mais tentaient de dégager des faits une trame explicative. Les intervenants des séminaires étaient alors des spécialistes avec une haute formation théorique et une grande expérience pratique. L'économétrie du pays commencera à se rapprocher de celle des États-Unis notamment avec Malinvaud qui bénéficia d'une bourse de la Cotyles Commission en 1950. Celui-ci peut alors être considéré au début des années 1950 comme le seul économètre français moderne35. Il n'en demeuxe pas moins que ces premiers séminaires ont permis à la discipline de se diffuser en France.
35 Sur le rapprochement entre l'économétrie en France et aux États-Unis voir Bungener &
Joël (1989), p• 29-32.
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ANNEXE
Résumé des lettres citées
par Divisia


Lettre de Frisch à Divisia, Oslo, 4 septembre 1926, en français. Frisch écrit à Divisia son souhait de réaliser un périodique consacré à l'économie mathématique —qu'il propose déjà d'appeler Econometrica et de créer une Association internationale d'économie pure36.
Lettre de Frisch à Divisia, Oslo, 4 septembre 1926, en français. Dans une deuxième lettre Frisch envoie à Divisia une liste de onze personnes37 qu'il sait intéressées par l'économie pure et de dix sept personnes38 qu'il pense pouvoir être intéressées.
Lettre de Divisia à Frisch, Paris, 22 septembre 1926, en français. Craignant que les adhésions reçues ne soient superficielles et manquent de vigueur pour continuer à développer l'Association, Divisia pense qu'avant de créer quoi que ce soit, il faut un noyau de «vraies initiatives ». Cela passe par la mise en place d'un cercle restreint pour faciliter les échanges et la recherche entre les différents économistes et par l'organisation de congrès avant de créer une revue.
Lettre de Frisch à Divisia, Oslo, ler novembre 1926, en français. Frisch trouve les propositions de Divisia judicieuses. Il lui annonce partir pour l'Amérique à la fin du mois et avoir écrit à certains économistes39 pour avoir leur opinion sur la possibilité de réaliser un cercle restreint, une association et éventuellement un périodique consacré aux problèmes économétriques.
36 Pat économie pute, Frisch entend l'application des mathématiques au raisonnement économique abstrait (lettre de Frisch à Divisia du 22 mai 1927).
37 Jaime Algarra, L. von Bortkievicz, E. Bouvier, K. Goldsiher, K.G. Hagstr8m, Charles Jordan, Edv. Mackeprang, W.M. Persons, E. Slutsky, A.A. Young et P. Radiadis.
38 MM. Anderson, Ansiaux, Aggers, Bowley, L. Borgatta, F. Y. Edgeworth, Gini, Gobbi, Graziani, Keynes, Loria, Huber, Pigou, Ricci, Totomianz, del Vecchio et Westergaard.
39 MM. Bortkievitcz, A. L. Bowley, Charles Jordan et Eugen Slutsky.
162
Lettre de Frisch à Divisia, New York, 22 mai 1927, en français et anglais. Frisch envoie à Divisia un projet de mémorandum sur la création de la revue Oekonometrika et lui demande ce qu'il en pense. On y lit que le développement moderne de l'économie est maxqué pax une application des mathématiques au raisonnement économique abstrait et par des études statistiques. Il propose alors la création d'un périodique international consacré à l'économétrie, c'est-à-dire à la relation entre l'économie pure et l'économie statistique.
Lettre de Frisch à Divisia, Glacier National Park, 25 juillet 1927, en français.
Frisch propose à Divisia de nommer Colson ou Divisia lui-même comme éditeur de la revue Oekonometrika ou Colson comme rédacteur et Divisia comme secrétaire de la rédaction.
Lettre de Colson à Divisia, Le Lonzac, 19 août 1927, en français. Colson refuse de diriger la revue pour les raisons invoquées p. 156. Il déconseille également à Divisia d'accepter la proposition de Frisch parce qu'il est déjà surchargé en raison des deux cours qu'il doit préparer40
Lettre de Frisch à Divisia, Washington, 6 janvier 1928, en français. Frisch a assisté à une Annual Joint Convention de plusieurs sociétés américaines de sciences sociales où il a revu des personnes rencontrées l'année d'avant. Ses impressions sur la création de la revue ne sont pas favorables ; sans expliquer pourquoi, il pense qu'il faut attendre quelques années.
Lettre de March à Colson, Paris, 30 mars 1928, en français.
March écrit avoir reçu une lettre de Frisch où celui-ci écrit vouloir constituer une bibliographie concernant ce qui dans la théorie écono- mique est vérifié par les mathématiques d'une part et les statistiques pouvant être utilisées en application des théories d'autre part. Il souhaite que chaque référence soit accompagnée d'une courte analyse critique.
40 Divisia succède à Colson et devient titulaire du Cours d'économie politique générale et d'économie
sociale à l'École Nationale des Ponts et Chaussées à partir de 1926. à la même époque, il assure à titre expérimental une série de cours d'économie politique à l'École des postes et télégraphes (Viet, 1994, p. 429-430).
163
Lettre de Fisher, Frisch et Roos à Divisia, New Haven, 17 juin 1930, en anglais.
Les auteurs envoient la même lettre à trente et un économistes41, dont Colson, Divisia et Rueff, pour avoir leur avis sur la création d'une asso- ciation internationale pour l'avancement de la théorie économique et sur le nom Oekonometrika de la future revue.
Lettre de Frisch à Divisia, Yale University, 26 septembre 1930, en anglais. Frisch fait état des économistes (voir p. 16) ayant répondu à la lettre envoyée par Fisher, Roos et Frisch sur la constitution d'une société d'économétrie.
Lettre de Fisher, Frisch et Roos à Divisia, New Haven, 29 novembre 1930, en anglais.
La même lettre est envoyée à ceux qui ont reçu la lettre du 17 juin. Les auteurs signalent que presque tous les destinataires de celle-ci ont répondu. Ce qui ressort des réponses est que le nom de la société doit mettre en avant son objet, l'avancement de la théorie économique dans ses relations avec les mathématiques et les statistiques. Les auteurs proposent le mot «économétrie ». Ils annoncent la tenue d'un meeting pour créer la société le 29 décembre 1930 et invitent les destinataires à y participer.
Lettre de Frisch à Divisia, Yale University, 13 janvier 1931, en anglais. Frisch écrit à Divisia que la fondation de la Société internationale d'économétrie a été un succès. Fisher en a été élu président. Il lui joint également la liste des membres du Conseil élu, composé de Amoroso, Bortkiewicz, Bowley, Divisia, Frisch, Roos, Schumpeter, Wilson et Zawadski.
Lettre de Frisch à Divisia, Oslo, 19 avril 1932, en anglais. Frisch annonce que la revue s'appellera Econometrica.
41 Luigi Amoroso, L. von Bortkiewicz, A. L. Bowley, T. N. Carver, Gustav Cassel, J. B. Clark,
J. M. Clark, C. Colson, F. Divisia, G. C. Evans, Mordecai Ezekiel, Irving Fisher, Ragnar Frisch, Corrado Gini, John M. Keynes, Hans Mayer, H. L. Moore, Jacques Moret, Bertil Ohlin, Warren M. Persons, A. C. Pigou, Umberto Ricci, Charles F. Roos, Jacques Rueff, Henri Schultz, J. Schumpeter, Eugen Slutsky, de Pietri Tonelli, Gustavo del Vecchio, Harald Westergaard et W. Zawadski.
164

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