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Classiques Garnier

Alain Clément et la Revue d’histoire de la pensée économique

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Alain Clément
et la Revue dhistoire
de la pensée économique

Ludovic Desmedt

Université de Bourgogne

Alain appréciait les voyages, dans les contrées plus ou moins lointaines, mais aussi les trajets entre disciplines ou auditoires. Il était curieux didées, de lectures, de rencontres. Il avait enseigné dans le secondaire puis le supérieur, avait travaillé en Afrique. Dans ses recherches, Alain aimait emprunter les chemins de traverse : à côté des « grands » auteurs, il sintéressait également à des pionniers moins connus ; plutôt que de sattacher aux thèmes en vogue, il travaillait sur des problématiques qui lui paraissaient pérennes. Il avait commencé ses recherches sur la dépendance alimentaire puis la pauvreté, en lien avec les théories physiocratiques, mercantilistes ou classiques. Plus récemment, la question coloniale avait donné lieu à plusieurs publications. Il sintéressait également aux questions méthodologiques : cest sur ce thème que nous avions décidé de travailler ensemble, plus précisément sur lemploi des métaphores médicales dans certaines approches économiques. La rédaction en commun sétait passée de manière très conviviale et naturelle.

En 2005, suite à un colloque, il tint à ce que nous allions voir la stèle dAdam Smith à Cannongate, dans les hauteurs dEdimbourg. Sur le chemin du retour, il mavait parlé de ses lectures consacrées à la révolution industrielle. La conversation avait fini par dériver sur le roman de David Lodge, Un tout petit monde, qui décrit quelques travers des universitaires. Lodge prétend que « le congrès de lère moderne ressemble au pèlerinage des chrétiens du Moyen-Âge… certains exercices pénitentiels doivent être accomplis : 20faire une communication, peut-être, et naturellement écouter celle des autres. » Alain maîtrisait lart de lexposition mais savait surtout écouter : dans les colloques (que ce soit à lESHET, à lAssociation Charles Gide pour lÉtude de la Pensée Économique ou à dautres occasions), il était toujours agréable de le croiser. Même pressé par la préparation dune présentation ou la présidence dune session, il prenait le temps déchanger. Lors des réunions du Conseil dAdministration de lassociation Charles Gide – quil présida –, puis au Comité éditorial de la présente revue, ses suggestions étaient bienvenues et généralement bienveillantes.

Alors que dans lunivers dépeint par D. Lodge, la curiosité et la convivialité sont totalement démonétisées, dans le petit monde de lhistoire de la pensée économique, ces valeurs étaient incarnées par Alain.