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Classiques Garnier

Could plenty of education be harmful? A history of economic theories of overeducation

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Revue d’histoire de la pensée économique
    2017 – 1, n° 3
    . varia
  • Authors: Alcouffe (Alain), Plassard (Jean-Michel)
  • Abstract: The article presents an overview of the overeducation in the labor market. Before the effective birth of the economics of education, the debate was concerned over the proletarianization of the learned professions. The following period saw the elaboration of the fully-formed concept within the economics of education. We survey the reasons for the initial reluctance of the new discipline to deal with the problem and highlights the seminal works that gave the concept its canonical definition.
  • Pages: 33 to 75
  • Journal: Journal of the History of Economic Thought
  • CLIL theme: 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
  • EAN: 9782406069676
  • ISBN: 978-2-406-06967-6
  • ISSN: 2495-8670
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-06967-6.p.0033
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 06-09-2017
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
  • Keyword: Economics of education, overeducation, training-employment relationship, intellectual proletariat, overproduction of graduates
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ABONDANCE DÉDUCATION
PEUT-ELLE NUIRE ?

Une histoire de lanalyse économique
de la suréducation

Alain Alcouffe

Université Toulouse 1 Capitole

Jean-Michel Plassard

Université Toulouse 1 Capitole, CRM–UMR 5303

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Les questions déducation travaillent de nos jours fortement les sociétés et suscitent de nombreux débats sociaux sur les politiques déducation jugées habituellement à laune des critères defficacité et déquité (Thélot, 1993). Depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, le développement quantitatif de la scolarité comme objectif de politiques déducation faisait consensus. Laccroissement du nombre détudiants avait pour lui de promouvoir la réduction des inégalités sociales tout en servant de levier de la performance économique. Le concept de capital humain, développé dans les années 1960 par les prix Nobel en économie Becker et Schultz, en constituait la principale caution scientifique.

La période actuelle apparaît plus ambivalente. Les références constantes à léconomie de la connaissance depuis la stratégie de Lisbonne de lUnion Européenne sont accompagnées dune montée en puissance dun discours critique labellisé sous le vocable de suréducation. Au fur et à mesure 34que le niveau général déducation sélève dans les économies modernes, de nombreux observateurs sinterrogent sur ladéquation réelle de loffre de travail éduqué aux besoins des entreprises. La problématique de la suréducation trouve sa source dans lobservation dun niveau déducation des individus supérieur au niveau requis pour les emplois occupés.

La question interpelle les diverses sciences sociales. Dès 1982, Passeron mobilisait le terme dinflation des diplômes à loccasion dune analyse quantitative concernant louverture du lycée et du supérieur. Marie Durut-Bellat (2006) prolongeait la thématique en lélargissant à linflation scolaire. Parallèlement linflation des diplômes fut croisée avec le thème de lascenseur ou du « descendeur social » (Guibert & Mergier, 2006). Pour les sociologues, la question est généralement abordée via une thématique du déclassement social nourrie par un débat indécis portant sur lampleur et les causes du phénomène, et sur ses diverses conséquences économiques, sociales et politiques. (Chauvel, 2006 ; Peugny, 2009 ; Boisson, 2009).

La suréducation dune main-dœuvre de plus en plus instruite constitue aujourdhui un thème spécifique en économie du travail et de léducation comme latteste le nombre des travaux empiriques et théoriques publiés dans la littérature1. Globalement pour les économistes le phénomène tend à désigner les divers aspects dun appariement imparfait enregistré sur le marché du travail entre le niveau déducation des individus et le niveau déducation requis des emplois. La suréducation est alors envisagée comme un déséquilibre qualitatif et quantitatif entre système déducation et système demploi.

Dans cette représentation, la relation formation emploi apparaît consubstantielle au domaine. Lanalyse de la suréducation investit, en effet, la question des causes et des conséquences dune inadéquation verticale entre le niveau déducation des individus et le niveau déducation requis par lemploi. Et cest précisément la complexité de cette relation formation emploi qui alimente un débat très ouvert sur la réalité, lampleur de la suréducation ainsi que sur les interprétations que lon peut en faire.

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La pluralité des méthodes utilisées pour estimer le niveau déducation requis par lemploi (auto-évaluation des travailleurs ou méthode subjective, analyse des emplois ou méthode objective, appariement réalisé ou méthode statistique) ne contribue guère à forger un consensus sur lampleur du phénomène. De nombreuses interrogations concernent linfluence de lâge, du genre, des origines sociales et ethniques, le rôle de la conjoncture économique et du progrès technique, etc. (Plassard & Tran, 2009) tandis que manque au plan théorique, une interprétation générale ; les différents corpus théoriques susceptibles de fournir des interprétations plausibles ne livrant souvent que des analyses très partielles.

Le débat indécis actuel sur la suréducation ne renvoie-t-il quà des préoccupations totalement nouvelles suscitées par la conjoncture présente ? De fait, il ne sagit pas dune thématique présente de façon continue et suscitant un intérêt constant. On observe de fortes discontinuités temporelles pour un certain nombre de raisons. Dune part, les interrogations sur lintérêt de léducation varient selon lépoque2. Une crise économique, une augmentation jugée particulièrement importante des effectifs scolarisés constituent le terreau naturel sur lequel sappuie le développement ou la résurgence de la question. Lintérêt du moment peut porter sur lensemble de lappareil éducatif ou peut se focaliser sur un maillon spécifique. Dautre part, la réponse aux questions posées dépend de la boite à outils scientifiques disponibles du moment. Ce nest que progressivement que sont devenus opérationnels les différentes formes dinadéquation entre offre et demande de travail, les rendements de léducation ou les données sur les catégories de chômeurs. À cet égard, il nest pas étonnant que loptimisme ou le pessimisme vis-à-vis des effets de léducation sur la productivité du travail aient joué un rôle structurant dans les positions des auteurs.

Larticle sinterroge sur la façon dont le débat a traversé lhistoire de la pensée économique avant que le thème ne soit envisagé comme un thème de recherche à part entière en économie de léducation dans les années 1990. Sappuyant sur une présentation chronologique, il apparaît que lon peut découper sans trop darbitraire la période danalyse en deux sous-périodes.

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La première période se situe avant la naissance de léconomie de léducation. La « préhistoire » du concept de suréducation revêt alors la forme de la « prolétarisation des professions intellectuelles3 ». La période suivante représente celle où émerge un concept consolidé qui peut sappuyer sur des bases de données plus robustes avant de pouvoir pleinement se développer à lintérieur de léconomie de léducation.

Larticle se décline selon un plan en deux parties. La première partie présente la préhistoire du concept de suréducation à travers la thématique du prolétariat intellectuel tandis que la seconde est consacrée aux développements initiaux du concept à lintérieur dune économie de léducation institutionnalisée. Il ne sagit pas de reprendre les surveys de létat de lart mais de pointer les réticences initiales et les articles précurseurs.

I. LA PRÉHISTOIRE DU CONCEPT DE SURÉDUCATION :
LE PROLÉTARIAT INTELLECTUEL

Les débats sur léducation ont été étroitement liés à lorganisation de la société (citoyenneté, droit de vote, mais aussi, définition et financement des dépenses publiques). Cest donc avec quelques précautions que les économistes ont, de Petty et Smith à la théorie du capital humain, appliqué lanalyse économique à léducation. « Les économistes classiques ne concevaient pas léducation de masse comme un investissement de croissance économique » (Blaug, 1997, p. 265) tandis que très tôt, des éléments du calcul coûts/avantages ont été utilisés pour analyser les effets de léducation. On retrouve ces considérations mêlées à des réflexions sur la stratification sociale et la répartition des revenus dans la mise en cause de la suréducation dans lapparition du prolétariat intellectuel.

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Léducation, défenseurs et critiques
des origines aux néoclassiques

La conception dun optimum économique de léducation présuppose quun lien soit établi entre léducation et le développement économique. Les effets économiques positifs vont être invoqués pour soutenir le développement de léducation surtout justifié auparavant par des arguments politiques. Mais le financement de léducation a conduit à sinterroger sur les limites éventuelles de ses bienfaits tandis quau cours de la Grande dépression le financement public de léducation supérieure destinée aux professions libérales sest vu taxée de gaspillage.

Les origines du calcul économique appliqué à léducation

William Petty dans son souci détablir des relations quantitatives en économie souligna leffet de léducation sur la production et la richesse dun pays. En réalité il cherche à mesurer la richesse nationale et à expliquer son origine. Il distingue quatre facteurs de productions « les terres, lart, le travail et le capital » (Petty, 1905, p. 94). Lart que vise Petty correspond à toute connaissance ou compétence acquises à travers une formation (cf. en français les « arts et métiers »). Si Petty nemploie pas ou quexceptionnellement le terme déducation, il en souligne les effets positifs sur la productivité établissant une équation et une égalité entre « lart et le travail simple ».

Supposons que par le travail simple, je puisse bêcher et préparer à lensemencement 100 acres de terre en mille jours ; supposez dès lors que je passe cent jours à étudier un procédé plus rapide et à inventer des outils à cet effet, sans rien bêcher pendant la durée entière de ces cent jours ; et que pendant les 900 jours qui restent, je bêche 200 acres de terre, alors je dis que lart qui ne coûta que cent jours dinvention vaut le travail dun homme pour toujours, car le nouvel art et un seul homme ont exécuté autant que deux hommes sans cet art (Petty, 1905, p. 206).

Cette foi dans les bienfaits de la formation explique les positions de Petty en faveur dun financement public et une ouverture de la formation à tous pour éviter le gaspillage des talents pouvant résulter de labsence de formation des orphelins ou des enfants de parents pauvres. Mais Petty conseille de réserver les écoles et les Universités aux « esprits les plus élevés et les plus larges » sélectionnés par des personnes impartiales. Il 38ne prône pas le développement de nimporte quel type déducation et, dans la tradition de Bacon, il veut associer formation abstraite et pratique dans une perspective professionnelle. Ces considérations lamènent à prôner une planification de léducation et à pointer lexcès de diplômés dans certains domaines. Il affirme ainsi que

si lon convenait du nombre de théologiens, de médecins et dhommes de loi, cest-à-dire de gens élevés dans les Universités, nécessaire pour le service public, par exemple treize mille dans le système actuel, et peut-être six mille tout au plus dans le système de réduction que nous préconisons, alors en supposant quil en meurt un sur 40 par an, il suffirait den faire sortir moins de 350 par an des Universités. Supposez que les étudiants y restent cinq ans en moyenne, il sen suit que dix-huit cent étudiants environ représentent le nombre quil est permis daccorder à la fois aux universités (ibid., p. 21-22).

Ainsi lévolution des effectifs de lenseignement a-t-elle été très précocement un sujet de préoccupations. Pour sa part, Adam Smith a accordé une grande place aux relations entre léducation et la production, affichant à la fois une grande confiance dans les améliorations susceptibles dêtre apportées par léducation mais aussi attirant lattention sur le coût de celle-ci dans ses considérations sur « Les Talents utiles acquis par les habitants ou membres de la société » (Livre II, chapitre 1, « De la division du capital », II, 1. 7). Smith considère explicitement les compétences comme un « capital fixé et réalisé, pour ainsi dire, dans [la] personne » et la formation comme un investissement profitable. Cela ne lempêchait pas de se montrer sévère à légard de la formation dispensée dans certaines universités (comme celle dOxford où il avait lui-même été étudiant).

Il ne fait pas de doute que Smith voyait, au-delà de la rentabilité économique, de multiples raisons de favoriser léducation et la formation. Il nen a pas détaillé les effets « économiques », car ceci impliquait de disposer de fonctions de production permettant détablir une relation causale entre différents entrants et un ou des produits. La notion de fonction elle-même si elle est relativement ancienne en mathématique ne sest précisée quau cours du xviiie siècle. Le premier auteur à analyser la productivité des facteurs à laide dune fonction de production implicite fut von Thünen et si lon en croit son témoignage, lélaboration dune fonction permettant de la mettre en évidence, fut lœuvre de sa vie (Schneider, 1934). Publiée de façon posthume en 1863, son étude des 39« coûts déducation en tant que formation du capital productif » fournit une première analyse économique de léducation. La relation éducation productivité lui apparaissant évidente pour les « couches supérieures, docteurs, fonctionnaires, etc. que leurs aptitudes et le niveau de leur efficacité dépendent de la durée et du soin apportés à la préparation de leur profession » (von Thünen, 1863, p. 140), il mit plutôt laccent sur les « travailleurs manuels ordinaires, et en particulier les travailleurs agricoles ». Il fournit plusieurs arguments en faveur de cette efficacité de léducation quil sagisse dune formation directement professionnelle ou dune formation générale et il conclut quil y a « une certaine relation entre la productivité des différents travailleurs et les coûts de leur formation » (ibid., p. 141). Cela le conduit à poser une relation entre éducation et salaire car « si un travailleur a une productivité supérieure dun quart à la moyenne, alors un entrepreneur dans lindustrie ou lagriculture versera un salaire supérieur dun quart au salaire moyen à un tel travailleur et il en sera ainsi automatiquement, que les salaires soient payés au temps ou aux pièces ». Von Thünen montre ensuite que les situations concrètes de pays comme lAngleterre, la Russie ou lIrlande corroborent la relation postulée entre léducation et la productivité.

En justifiant ensuite de considérer les êtres humains comme du capital, von Thünen établissait les bases sur lesquelles léconomie de léducation devait se développer dans la seconde moitié du xxe siècle et notamment le concept de rendements de léducation comme Renshaw (1960) la relevé. Mais pendant presquun siècle la méthodologie esquissée par von Thünen fut largement négligée par les économistes traitant de léducation.

Les débats sur léducation concernent, dans la seconde moitié du xixe siècle, lalphabétisation et sont dominés par des considérations sur le rôle de lÉtat vis-à-vis de léducation. Ce sont les vertus émancipatrices de léducation, considérée comme une condition de la citoyenneté qui sont mises en avant de John Stuart Mill à Dupuit. Le premier dans les Principes mais surtout dans De la liberté se fait lavocat de léducation dont les effets sur le bien-être de la classe ouvrière et sur la productivité lui semblent suffisamment évidents pour quil consacre ses réflexions aux moyens que peut mettre en œuvre lÉtat pour généraliser léducation sans empiéter sur les libertés. Ainsi il admet que lÉtat puisse imposer de donner « une éducation et une instruction au peuple meilleures 40que celles que le plus grand nombre aurait spontanément demandée » (Livre V, chapitre 11, section 23, § 8). Dans la note 112 des Principes, il argumente contre Charles Dunoyer pour qui léducation ne devait pas être imposée. Pour Dunoyer, cétaient les « rendements de léducation » qui devaient susciter une demande des intéressés. Mill avance différents arguments pour soutenir une exception au principe de non-intervention de lÉtat qui anticipe la notion de « merit goods ». Nul doute que cette exception au profit de léducation sappuie sur la conviction de Mill que les effets positifs de laccroissement des connaissances sont évidents comme le démontrent aux yeux de tous « trains et bateaux à vapeur » (Livre I, chapitre 7, section 12, § 5).

Mill dans son argumentation évoque incidemment les retombées de léducation sur le niveau général de bien-être et donc introduit la distinction entre rendements privés et rendements sociaux. On retrouve cette distinction chez C. Dupont-White (1846) pour qui les avantages de linstruction ayant un « caractère essentiellement public et national », cest à la communauté den supporter les frais. Il défend aussi lidée dune « indemnité pour le père dont le fils reste à lécole passé dix ans, tel serait le juste correctif dune instruction primaire, obligatoire jusquà ladolescence » introduisant implicitement la notion de coût dopportunité.

Marshall qui rend hommage à von Thünen dans la préface des Principes reprend ses arguments sur leffet positif de léducation sur la productivité mais il ne va pas au-delà dans le calcul économique des rendements de léducation. En 1919, cest en passant quil rappelle la relation entre le système éducatif allemand et les performances de ce pays et quil fait de léducation un « investissement national ». En revanche, il avance un argument original en faveur dune éducation de masse avec un financement public : sans elle, certains génies ne pourraient pas éclore or « la valeur économique dun grand génie industriel suffit à couvrir les dépenses faites pour léducation dune ville tout entière » tandis quune idée nouvelle, « comme la grande invention de Bessemer, augmente autant la puissance productrice de lAngleterre que le travail de cent mille hommes ». Marshall, (1890, t. 1, p. 386).

Les distinctions opérées par von Thünen entre les différents niveaux denseignement, ou entre lenseignement général et lenseignement spécialisé ne seront pas exploitées systématiquement par les économistes de la fin du xixe siècle.

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Les critiques du développement de léducation

Le développement de léducation tout au long du xixe siècle ne pouvait manquer de stimuler la réflexion des économistes sur son financement. On a déjà noté lhostilité de C. Dunoyer vis-à-vis du financement public de léducation. Elle sinscrit dans lattitude très critique vis-à-vis de lÉtat du courant libéral français. Jules Dupuit, figure singulière par certains égards de ce courant, en affinant lanalyse des effets de léducation, va sapprocher du concept de suréducation.

Dupuit fait état de son expérience dans les travaux publics et sintéresse aux compétences respectives nécessaires aux « ingénieurs » et aux « conducteurs de travaux ». Il soutient quune éducation trop poussée peut finalement avoir un effet négatif sur la capacité productive de ceux qui en bénéficient car trop déducation peut rendre inapte à soccuper « avec science de certains détails fastidieux » (Dupuit, 1848, p. 212-213).

En réalité, on trouve déjà lidée dune mesure au-delà de laquelle léducation nest pas souhaitable ou ne doit pas être encouragée chez Mill pour qui « Nest-il pas axiomatique que lÉtat doive exiger et imposer léducation de ses jeunes citoyens, au moins jusquà un certain niveau ? » (Mill, 1859). Pour Dupuit on peut parler dun effet nuisible si la formation enlève ses « qualités essentielles au conducteur de travaux » (Dupuit, ibid., p. 213).

Méfiant vis-à-vis de léducation, Dupuit pointe la responsabilité de lÉtat qui tend à fournir une instruction secondaire inadaptée et pléthorique qui ne pourra trouver à être employée de sorte quil faut déplorer le temps perdu pour les intéressés et pour la société (Dupuit 1861, p. 247).

Dupuit relève ici le gaspillage de ressources que ne justifient pas les rendements de léducation et la caractéristique de la suréducation dans laquelle les compétences acquises dans léducation ne sont pas mises en œuvre dans des emplois qui requièrent des compétences moindres. En fait, il avait déjà fourni une explication à cette situation en mettant en cause les limitations imposées par lÉtat à laccès à certaines professions (Dupuit, 1859, p. 193 et suivantes).

Pour Dupuit, la liberté du travail doit être totale et nulle intervention de lÉtat nest justifiée. Il propose logiquement la suppression du diplôme, la liberté de lenseignement du droit et de la médecine qui 42« constitueraient un progrès considérable sur létat de choses actuel » et pour mettre en œuvre dautres formes dacquisition des compétences et des connaissances, il conviendrait daprès lui, de « supprimer la gratuité de lenseignement [qui] rendrait des solutions alternatives viables ». En réalité, Dupuit voit dans lapprentissage sur le tas (learning by doing) la meilleure solution. Écrivant à une époque où les titres darchitecte ou dingénieur ne sont pas réglementés, il fait valoir quil ny a pas plus de raison de protéger les titres de médecins ou davocats. Il estime que lapprentissage du droit ou de la médecine serait plus efficacement réalisé et à bien moindre coût auprès de professionnels de qualité tandis que dans létat actuel, « le plus habile jurisconsulte, le plus habile médecin ne pourraient faire de leur fils un avocat ou un médecin » (p. 194) et il justifie vigoureusement un modèle alternatif de formation :

Le système de lapprentissage qui donne de bons architectes et de bons ingénieurs, non seulement donnerait de bons médecins et de bons avocats, mais ouvrirait des carrières à certaines classes de la société qui sen trouvent exclues par les avances quelles exigent aujourdhui (ibid., p. 197).

Le débat public sur le bien-fondé
de l
éducation à la fin du xixe siècle

Les économistes qui ont participé aux controverses sur léducation ont souvent appuyé leurs plaidoyers comme leurs mises en garde sur des arguments plus « sociologiques » voire politiques quéconomiques, même si ceux-ci ne sont pas absents. Cest le cas de Pareto qui dénonce la séduction des systèmes socialistes sur le « prolétariat intellectuel » (1902-1903, t. 1, p. 73 et p. 381). Pareto ici reprenait simplement la dénonciation de léducation énoncée par Bismarck en 1884 dans lequel il mettait en garde contre le « prolétariat des bacheliers4 ». Dans un discours pour la prolongation des lois contre les socialistes, Bismarck mettait en garde contre lagitation en Russie et déclarait :

Les nihilistes sortent du prolétariat des bacheliers, des gens à moitié cultivés, de lexcédent, que la culture apprise dans les lycées devrait conduire à la vie bourgeoise, sans que celle-ci ait la capacité dabsorber cet excédent []. Cest la surproduction de gens à moitié instruits en Russie, qui a limpact le plus nihiliste.

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Colson (1912) voit dans la suréducation un angle dattaque contre le financement public de léducation préconisée par tant déconomistes de Smith à Marshall. La réduction du coût de léducation a pour effet en définitive de créer « le prolétariat intellectuel, avec les misères privées et les dangers sociaux qui découlent de son développement » (p. 131).

Colson reprend ici des thèmes fréquemment évoqués dans la littérature ou le monde politique. Ainsi dans le roman Les déracinés de 1897, Maurice Barrès dénonce « les licenciés de lettres ou de sciences qui sollicitent des places dans lenseignement et tiennent leur diplôme pour une créance sur lÉtat » et met en cause le financement public des carrières dans lenseignement et il poursuit sa diatribe en dénonçant « un prolétariat de bacheliers » (p. 105).

Cette période de la Grande dépression a vu également une réflexion sur la place de ce nouveau prolétariat intellectuel dans le courant socialiste en particulier la social-démocratie allemande qui cherche à définir sa stratégie vis-à-vis des étudiants et diplômés attirés par le socialisme. Les enjeux étaient considérables alors que le socialisme de la chaire5 occupait une position importante dans les universités allemandes. Kautsky (1894-1895) en Allemagne comme Jaurès en France se prononcent pour accueillir ce nouveau « prolétariat » et lassocier à la lutte pour le socialisme. Tous les deux ont une connaissance intime puisque le premier avait entrepris des études dhistoire et déconomie à lUniversité de Vienne qui nont pu déboucher sur un doctorat et une carrière académique tandis que le second, normalien a enseigné à la faculté de lettres de Toulouse. Pour Kautsky « Le développement du capitalisme crée de jour en jour de nouveaux champs dactivité pour le travail intellectuel » et « nécessite avec le travail des ouvriers celui des ingénieurs, des chimistes, des entrepreneurs etc. » (Kautsky, 1895, p. 110). Mais comme en même temps la demande déducation de la part de toutes les catégories intermédiaires augmente, il ne lui paraît pas étonnant que lon puisse parler de surproduction dans l« intelligenz » (ibid., p. 112).

Au contraire de Jaurès qui accueille à bras ouvert le prolétariat intellectuel à côté du prolétariat ouvrier et paysan (Jaurès, 1893), Georges 44Sorel (1918) ne voit aucun avenir dans le socialisme pour ces travailleurs intellectuels. Selon lui, la socialisation des moyens de production réduira à peu de choses le besoin dhommes de loi, tandis que celui des médecins ne saccroîtra pas. Quant aux ingénieurs « beaucoup trop nombreux » les techniciens les remplaceront avantageusement. Au total cette socialisation provoquera un « lock-out prodigieux » des diplômés de lenseignement supérieur (p. 57) de sorte que le changement de régime social serait une cause possible de suréducation.

En 1886 et 1896, à lopposé du spectre politique, un rédacteur du Journal des économistes, Rouxel, devait consacrer une série darticles à cette surproduction dintellectuels. Tout dabord, en 1886 il critique lUniversité accusée détendre indûment la liste des domaines enseignés grossissant ainsi « le flot des déclassés et des pensionnaires de lÉtat ». Puis en avril 1896, il vise plus spécifiquement la surabondance des médecins qui, selon lui, résulte des entraves apportées au « libre jeu de loffre et de la demande, seul susceptible détablir spontanément léquilibre entre tous les besoins humains et tous les produits et services propres à les satisfaire » (ibid., p. 69). En soustrayant lexercice de la médecine au jeu du marché, le diplôme est ainsi la cause de la surproduction des médecins dont le remède est tout simple : « libérer lexercice de cet art et lenseignement de cette science de toute intervention législative ».

En septembre de la même année, il revient sur la question. La pléthore ne peut venir que dune « protection » ayant fait naître des profits ou des anticipations de profits « capables dattirer dans ladite profession une foule de concurrents qui veulent profiter de cette aubaine » (ibid., p. 70). La gratuité de lenseignement et les bourses « créent de toutes pièces [] le prolétariat intellectuel, dont le prolétariat médical est une des branches » (ibid., p. 72).

Surtout cette remise en cause de la croyance dans les bienfaits de léducation saccompagne dune des premières formulations de la théorie du « déversoir », « ceux qui ne peuvent gagner leur vie par le métier quon leur a enseigné à si grands frais pour eux et pour les contribuables, ces déclassés cherchent à faire autre chose » (Rouxel, 1906, p. 71). Ce « déclassement » est générateur de changements sur le marché du travail en raison des asymétries des demandeurs demplois. Comme devaient le montrer les théoriciens de la suréducation

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les plus diplômés en situation de surabondance ont la possibilité dévincer les moins diplômés des emplois pour lesquels ils avaient les qualifications ; au contraire en situation de déséquilibre sur les emplois demandant moins de qualification, les travailleurs ne peuvent trouver une échappatoire sur les emplois qui exigent des qualifications plus élevés que celles quils ont. [] Les variations de productivité, de chômage, et dinégalité, peuvent ainsi être rattachées à la suréducation et la diplômanie (Skott & Auerbach, 2005).

Les avatars du chômage intellectuel
de l
Entre-deux-guerres aux Trente glorieuses

La place consacrée au prolétariat intellectuel avant la guerre de 1914 peut apparaitre démesurée par rapport aux effectifs en cause. J. C. Chesnais (1975) a établi que le nombre des bacheliers passe de 7 129 en 1886 à 9 452 en 1894 pour redescendre à 7 139 en 1913 mais dans les années daprès-guerre, les effectifs (garçons et filles) sont plus étoffés passant de 10 516 en 1920 à 27 777 en 1940. Cet accroissement combiné à la crise de 1929 produit un renouvellement des critiques sur le contenu des formations comme sur lorientation et linsertion professionnelle tandis que lamorce des Trente glorieuses verra au contraire le retour des considérations positives sur la productivité de léducation.

Le chômage des professions intellectuelles (learned professions)

À la sortie de la Première guerre mondiale, dans de nombreux pays et notamment en France, la question des débouchés professionnels va se poser en relation avec le développement de lenseignement professionnel dont les diplômés risquent de faire concurrence à ceux de lenseignement supérieur. En 1919, la loi Astier institue les « cours professionnels » pour tous les jeunes de moins de 18 ans, en 1920. Dès 1922, le décret du 26 septembre entraine la naissance des offices dorientation professionnelle. En même temps va se substituer au concept polémique de prolétariat intellectuel la catégorie de « travailleurs intellectuels » tandis que le droit social évolue et la loi du 25 mars 1919 apporte le premier cadre institutionnel aux conventions collectives et constitue une étape décisive dans la construction du droit de la négociation collective. Lépoque est propice aux groupements professionnels et en 1920 apparaît la Confédération des Travailleurs Intellectuels (CTI). La CTI élabore une définition du concept en 1927 « le travailleur intellectuel est celui qui tire ses moyens 46dexistence dun travail dans lequel leffort de lesprit, avec ce quil comporte dinitiative et de personnalité, prédomine habituellement sur leffort physique » (cité par Pinault, 2004). Il sagit dune définition large, qui inclut aussi bien les « professions intellectuelles » mises en avant dans les débats de la fin du xixe siècle que des salariés. Selon Pinault, on peut penser à des « dizaines de milliers dingénieurs voire de techniciens, par exemple chimistes ou pharmaciens, denseignants du secondaire et du supérieur ». Dans les années 20, les organisations des travailleurs intellectuels et des étudiants qui sinternationalisent, avec la Confédération Internationale des Travailleurs Intellectuels et lInternational Student Service rattaché à la Société des nations, contribuent à la production de données quantitatives6.

Deux auteurs, lun français, Alfred Rosier (1934, 19377) et lautre autrichien Walter Kotschnig (1937) vont sengager dans lanalyse du chômage intellectuel. Alfred Rosier, docteur en droit, président de lAGE de lUNEF de Lyon, puis vice-président de lUNEF, avant de devenir un des dirigeants de la CTI, puis chef de Cabinet de Jean Zay, Ministre de léducation nationale entre 1937 et 1939, secrétaire général du BUS, puis du Centre supérieur des œuvres, continue à suivre les questions étudiantes jusque dans les années 1960 au sein des administrations et de différents organismes. Il fut incontestablement durant toute sa vie un grand spécialiste de la vie sociale (y compris de linsertion) des étudiants.

Walter Kotschnig, diplômé de sciences politiques, sengage en 1925 dans lInternational Student Service (ISS) dont il devient le secrétaire général. Il reste lié à cette organisation pendant une décennie même lorsquil est en charge des réfugiés durant les années 1934-1936 pour le compte de la Société des nations. Son ouvrage de 1937 issu pour une grande part de ses activités à lISS constitue une tentative héroïque pour saisir quantitativement le phénomène du chômage intellectuel.

Grâce à ses efforts, le chômage intellectuel bénéficie de données statistiques permettant une analyse économique beaucoup plus fouillée. Kotschnig (1937) sefforce de déterminer les causes et les effets de 47lengorgement des professions intellectuelles en utilisant les fonctions doffre et de demande sur le marché du travail intellectuel (p. 158). Admettant que ce marché comporte de multiples subdivisions, il lui semble possible daffirmer que la demande y est élastique tandis que « loffre de travailleurs intellectuels ayant une formation universitaire est inélastique – cest à dire ne sadapte que lentement aux changements de la demande » (ibid., p. 162). Kotschnig saisit bien les conséquences, en termes demploi, de lhétérogénéité des travailleurs. À la suite de Rosier il distingue quatre types de situations : dabord les professions engorgées (overcrowded), celles souffrant dune mauvaise répartition, celles globalement engorgées mais offrant encore des débouchés pour certains types de spécialistes et finalement celles faisant face à une pénurie de candidats (p. 115). La question de lasymétrie des situations est effleurée dans le cas particulier des ingénieurs dont Rosier et Koetschnig rapportent quavant même la crise de 1929, 10 % se trouvaient au chômage et 50 % étaient « sous-classés » (cest-à-dire occupaient des emplois pour lesquels ils étaient surqualifiés).

La situation des ingénieurs constituait une question très sensible à laquelle est consacré léditorial de Technica, la revue des anciens élèves de lÉcole Centrale de Lyon de 1935. Léditorialiste sy émeut dune déclaration du président du Conseil, P. E. Flandin, pour qui : « Nous assistons à une surproduction intellectuelle tout aussi inquiétante, et plus peut-être, que la surproduction industrielle ou agricole. Il est temps dy mettre un terme et de recréer des terrassiers, des maçons, des couvreurs, dont la France a plus besoin que de licenciés sans emploi ». Mais selon lauteur, ce sont, en fait, les ingénieurs qui sont visés par une « véritable campagne menée contre eux, accusés dêtre les seuls responsables du malaise actuel ». Il faut bien admettre que la profession se trouve fortement remise en question. Pour Mayor (1936) : « la mystique de la science sest développée plus vite que la science elle-même. [] La profession dingénieur sen est trouvée extraordinairement grandie. [] Cette mystique a suscité un nombre beaucoup trop grand de vocations » (p. 424).

André Liesse (1938) estime que lexpansion des années 20 est responsable de cette surproduction dingénieurs car elle a entraîné la multiplication des écoles dingénieurs et donc une croissance trop forte de loffre, dautant que la production industrielle a diminué dans les années trente. Il préconise en conséquence une réforme de lenseignement et une meilleure orientation professionnelle.

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À ces remèdes dont les effets ne peuvent être que différés, Kotschnig (1937) oppose une vue plus optimiste des évolutions en cours car, conformément à la loi de Wagner, il lui semble apercevoir « une demande accrue de travailleurs intellectuels causée par lévolution industrielle » (p. 43). Pour remédier aux difficultés, il préconise à côté de la recherche de débouchés et des mesures restrictives, une série de mesures de court terme pour lutter contre le chômage intellectuel : travaux et chantiers publics, travaux durgence pour travailleurs intellectuels, compléments de formation et stages.

On retrouve le même volontarisme du côté de Raoul Dautry. Directeur général des chemins de fer de lÉtat il prononce début janvier 1935, une conférence sous les auspices du Comité de la qualité française, sous le titre « Que faire de nos 50 000 Ingénieurs ? ». Dans le même éditorial de Technica (mars 1935), R. Dautry estime que le problème posé par le chômage des ingénieurs appelle dabord des solutions immédiates :

persuader les jeunes de se contenter pour leurs débuts de situations modestes et de ne bouder ni la province, ni les colonies. [] Les Administrations et les entreprises peuvent remédier aussi à cette situation pénible en rajeunissant leurs cadres. Le personnel des chemins de fer de lÉtat est passé en cinq ans, de 100 000 à 72 000 employés. Ceci uniquement par des mises à la retraite, et quatre cents jeunes gens diplômés ont été embauchés.

Mais R. Dautry préconise aussi des solutions à plus longue échéance. Il faut restaurer en France le souci de la qualité et développer la préoccupation de lorganisation du travail, ainsi que lesprit des recherches. Et, pour ce faire, créer dans chaque corporation des centres détudes et dinformations. Ceci conduirait nécessairement à étoffer les cadres, donc à utiliser en plus grand nombre les jeunes hommes instruits que fournissent les Écoles et les Instituts. « Il nest pas de patriotisme plus utile actuellement que le patriotisme des producteurs ».

On voit ainsi poindre au milieu des années 1930, un rejet des attitudes pessimistes vis-à-vis de lapport de la technique ayant pour corollaire une position restrictive vis-à-vis de léducation. Cette vision positive du progrès économique allait se retrouver dans les recherches sur la croissance au début des Trente glorieuses et notamment dans la période de reconstruction.

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Reconstruction et besoins de main-dœuvre

Les années de reconstruction après la Seconde guerre mondiale, le retour à la croissance et les transformations des modes de productions vont faire oublier les risques de dépenses superflues déducation. Pierre Jaccard rapporte encore en 1957 que « lors de [son] dernier séjour denseignement aux États-Unis, en 1949, quelques éducateurs salarment de la hausse des effectifs détudiants qui devait entraîner, pensaient-ils, un encombrement funeste dans les carrières libérales ». Ces craintes sont longuement développées par C. W. Mills dans son fameux livre de 1951. Après avoir critiqué lévolution de lexpérience du travail, la formation des élites, les ambivalences de la démocratisation de lenseignement en sappuyant sur Kotschnig, il en tire une vision très pessimiste de lavenir. Certes il admet que la structure des emplois a permis doffrir des emplois bien payés aux diplômes duniversité au cours des cinquante années précédentes de sorte que « linstruction a payé » mais il est convaincu que ces rendements de léducation sont en train de disparaître (trad. française, p. 272-273).

De même, Harris, un des premiers keynésiens américains, enseignant à Harvard, avant de prendre la direction de lUSCL à San Diego, a attiré lattention sur le financement de lenseignement supérieur et laugmentation inéluctable des droits dinscription de sorte que la question du retour sur linvestissement éducatif est posée implicitement dès la fin des années quarante (Harris, 1949). J. Fourastié ne conteste nullement lécrasement prévisible de la hiérarchie des rémunérations mais il estime que les avantages en terme de bien-être procurés par léducation sont suffisamment incitatifs : « Des licenciés, des docteurs auront des emplois modestes. Ils nen seront pas moins des hommes instruits et cultivés » (Fourastié, 1951, p. 181).

Mais les travaux de Colin Clark (1940) et de J. Fourastié (1948) modifient la représentation des besoins de formation de la population active et dorénavant ce sont les pénuries de personnels ayant reçu une formation au-delà de la scolarité obligatoire qui sont mises en avant. Ainsi Jaccard voit dans la pénurie dinfirmières qui sévit dans tous les pays « une crise significative ». Lorigine de la crise vient de ce que la demande dinfirmières et dinfirmiers qualifiés lemporte toujours davantage sur loffre de services et Jaccard dajouter « ce trait fait reconnaître 50dans cette profession une activité tertiaire qui ne peut être accomplie ni par des machines ni par des personnes non spécialisées » (p. 79). Mais au-delà même du glissement des secteurs dactivité, lorganisation de la production fait quà lheure actuelle « cest de techniciens, dingénieurs et de savants entraînés dans les sciences que lon a besoin » (p. 177).

Avec Fourastié et Jaccard, on retrouve loptimisme sur le progrès technique et économique basé sur la formation et même la formation continue. Jaccard passe en revue la situation de différents pays pour faire siens les propos dHenri Laugier, premier directeur du CNRS, indiquant quen France : « un immense besoin de savoir, et de perfectionner son savoir, et de ladapter au progrès des connaissances, monte de toutes les classes de la nation, depuis lartisan et lagriculteur jusquaux ingénieurs et constructeurs » (Jaccard, 1957, p. 249).

II. SURÉDUCATION ET ÉCONOMIE DE LÉDUCATION :
RÉTICENCES INITIALES ET TRAVAUX PRÉCURSEURS

Comme le rappelle (Teixeira, 2000), lémergence de léconomie de léducation en tant que champ autonome détude est associée à la conférence inaugurale présidentielle de T. Schultz au colloque annuel de lAEA en 1960. Cette conférence, renforcée ultérieurement par dautres publications séminales (Becker, 1960, 1964) visait à mettre en exergue les bénéfices de léducation et à promouvoir limportance dune approche économique de léducation. À lexception dune parenthèse vite refermée, le développement des travaux sur la suréducation en économie de léducation a pris, véritablement son essor et sest accentué dans les années 1980 et 2000. Il y a lieu de sinterroger sur les raisons de ce retard avant de revenir sur les deux travaux séminaux qui ont lancé le programme de recherche.

Lémergence du thème :
des débuts différés et difficiles

La thématique ne fait lobjet daucune référence lors de la naissance de léconomie de léducation dans les années 1960 et il faut attendre 51les années 1970 pour voir resurgir le concept avec une tension sur le marché des diplômés de lenseignement supérieur aux États-Unis. Mais les économistes ne sont pas tout de suite parties prenantes du débat à lopposé des sociologues. Ce retard relatif des économistes renvoie à plusieurs facteurs : rôle prépondérant de la théorie du capital humain mais aussi difficulté de lanalyse économique, à détecter les surplus ou les pénuries des professions, ou à envisager des modes dajustement plus complexes que celui proposé par le modèle déquilibre partiel de concurrence.

Le coup de semonce du milieu des années 1970 :
un thème pris en charge par les autres sciences sociales

Le thème de la suréducation apparaît pour la première fois dans la littérature des sciences sociales dans les années soixante-dix. Comme très souvent, cest aux États-Unis que la thématique émerge sous la plume dun sociologue Berg (1970) qui sinquiète des conséquences du phénomène de croissance de personnes diplômées et linterprète à laune de la relation formation emploi sous langle dune grande « escroquerie scolaire ».

Pour cet auteur qui concentre son attention sur les variations des qualifications requises à lintérieur des catégories demplois, laugmentation des niveaux déducation de la population active enregistrée sur la période 1950-1960 dépasse largement les qualifications requises pour les emplois proposés. Berg notamment estime que, sur les 4 millions de diplômés des Colleges recensés en 1950, seulement 1,1 millions sont requis et que pour lannée 1960 les chiffres correspondants sont respectivement de 6 et de 1,4 millions. Des études plus anciennes (Folger & Nam, 1964) avaient même estimé que durant la période 1940-1960, 85 % de laugmentation des niveaux déducation étaient imputables à des augmentations de niveaux déducation à lintérieur des emplois et seulement 15 % à des variations de structures demplois.

Lattention des sciences sociales portée à la tendance de lenseignement supérieur à devenir une Université de masse (Trow, 1972) conduit corrélativement à sinterroger sur lexistence dun trend éventuel dexcédent doffre des diplômés des Colleges. Au début des années 1970, les premiers constats de difficultés rencontrées sur le marché du travail depuis la 52Grande dépression de 1930 par les diplômés apparaissent (Gordon, 1974). Dans le même temps, de nombreux observateurs prévoient un marché du travail pour les diplômés de lenseignement supérieur moins florissant que celui qui a prévalu Après-guerre jusquà la fin des années 196. La période précédente avait été marquée, en effet, par une forte croissance de la demande de travail de diplômés capable dabsorber une augmentation forte de loffre. Les origines de cette augmentation de la demande sont multiples. Sont pointés limpact dun recrutement important denseignants du primaire et du secondaire imputable à des facteurs démographiques ou les nombreuses embauches à lUniversité liées à des causes démographiques et comportementales. Pour les filières scientifiques et les ingénieurs, linterprétation sappuie davantage sur la croissance des budgets fédéraux consacrés à la recherche et au développement (effet Spoutnik).

Le rapport de la Carnegie Commission « Colleges and Jobs » de la même époque ne pousse guère non plus à loptimisme en estimant que 25 % des nouveaux diplômés dans les années soixante-dix seraient dans des emplois tenus auparavant par des non-diplômés. Un consensus semble se dégager sur lidée que le surplus de diplômés attendu pour les années quatre-vingt ne prendra pas la forme du chômage mais contraindra beaucoup dentre eux à accepter des emplois inférieurs à ceux considérés comme « normaux » dans les années 1950-1960.

Derrière ces interrogations empiriques se profile aussi une critique acerbe à lencontre de limpérialisme des économistes. Les années soixante avaient constitué « lâge dor » de léconomie de léducation dans la mesure où, selon Blaug (1972), tout Ministre de léducation se devait davoir à sa droite pour le conseiller un économiste de léducation. Louvrage de Berg constitue une violente charge à lencontre de la théorie du capital humain au sens où tout largumentaire est mobilisé pour démontrer que léducation naugmente pas la productivité, contrairement au dogme de la théorie du capital humain. Berg mettait directement en cause la responsabilité des employeurs via lhypothèse de « credentialism » (imposition de normes de niveau déducation injustifiées pour certains emplois).

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Le rôle décisif de la théorie du capital humain

Léconomie de léducation en tant que discipline constituée est portée sur les fonds baptismaux par la théorie du capital humain au début des années soixante. La théorie semble alors particulièrement adaptée pour justifier une expansion massive de léducation dans le but de réduire les inégalités et de maintenir le rythme de la croissance économique. Par la suite, lexpansion de lenseignement supérieur, les révoltes étudiantes, la difficulté à cerner les rapports entre éducation et activité économique brouillent limage optimiste véhiculée par la théorie du capital humain. Lintensité des préoccupations concernant la suréducation semble fortement connectée des cycles de domination ou de contestation de la théorie du capital humain.

Le débat débuta par une confrontation entre lanalyse microéconomique véhiculée par la théorie du capital humain et une approche macroéconomique orientée vers la planification pour se poursuivre avec dautres visions alternatives de léducation et du marché du travail.

Par ses fondements méthodologiques, la théorie du capital humain savère peu armée pour traiter des problèmes de suréducation. Il sagit dune théorie bien ancrée dans lindividualisme méthodologique qui exclut, par définition, les pénuries ou les excédents si les marchés sont parfaitement concurrentiels. Par réalisme, elle reconnaît cependant que loptimum peut ne pas être immédiatement atteint en raison des problèmes dinformation qui retardent les ajustements. Les pénuries ou les surplus (i.e. la suréducation) ne peuvent être que temporaires8.

Loptimum peut ne pas être aussi spontanément atteint en raison dun marché du capital rendu imparfait par la spécificité du capital humain. Son incorporation à lindividu lempêche de servir pleinement de caution à son financement9 de sorte que léconomie est soumise plus à un risque de sous-investissement que de surinvestissement en capital humain.

Les véritables théories de la suréducation (Plassard & Tran, op. cit.) doivent sappuyer sur les théories de la relation formation emploi. Or sur ce point, la théorie du capital humain se démarque fortement de sa rivale 54de lépoque, lapproche macroéconomique des méthodes de prévision des besoins de main dœuvre (Parnes, 1963) fondée sur lexistence dune relation étroite entre la formation et lemploi (voire même une bijection).

Pour la première, la relation formation emploi ne constitue pas un référentiel théorique pertinent. Becker (1964) suggère notamment quil ne convient pas dintégrer la variable emploi dans la détermination du revenu, leffet emploi se trouvant déjà médiatisé par le niveau déducation. En matière dhétérogénéité du travail, la théorie du capital humain penche en faveur dune hypothèse de substitution parfaite, analogue au concept de capital homogène, « capital confiture » (au sens de Joan Robinson) formalisé dans les modèles classiques daccumulation optimale du capital humain (général) sur le cycle de vie (Weiss, 1986), qui marque un retour aux « unités efficaces de travail » et donc un éloignement de la profession. La fonction de gains de Mincer (1974) va plus loin en suggérant que le revenu du travailleur ne dépend pas du lieu où celui-ci officie. Cette position de principe explique en partie que la notion de suréducation moderne soit apparue chez les sociologues et à une époque traversée par le doute après une période deuphorie véhiculée par la théorie du capital humain.

Les passes darmes entre les deux approches se sont déplacées aussi sur le front de la mesure des élasticités de la demande de travail par niveaux déducation. Pour lanalyse néoclassique, les prédictions de la demande de travail ne posent pas véritablement problème. La demande est toujours une fonction décroissante du salaire et la seule incertitude concerne la sensibilité de cette demande des employeurs aux variations des salaires des travailleurs de différents niveaux déducation. La question de lélasticité de la demande de travail par niveaux déducation qui renvoie in fine au problème des élasticités de substitution entre catégories de travailleurs porte sur deux grands enjeux. Dune part, la méthode de planification de la main-dœuvre en fonction des besoins des entreprises sappuie sur une hypothèse délasticité de substitution nulle qui lui permet de prévoir les dits besoins en fonction uniquement de la composition sectorielle de lemploi. Le deuxième enjeu est lié à limpact des changements de loffre de travail sur la distribution des gains. Lorsque les valeurs des élasticités sont élevées, de fortes augmentations de loffre relative de diplômés auront peu deffets sur les salaires relatifs. En revanche, une demande de travail peu élastique confrontée à une forte augmentation de loffre aura un impact majeur sur la distribution des salaires.

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Les premiers travaux effectués aux États-Unis nexcluaient pas lexistence de fortes élasticités de substitution. Des gains relatifs des diplômés de College par rapport à ceux des High School durant les années 1950-1960, stables voire même croissants en dépit dune forte hausse de leurs effectifs saccordaient bien avec des estimations fortes (Bowles, 1969 ; Psacharapoulos & Hincliffe, 1972). Ceci alimentait la critique des modèles à coefficients fixes utilisés par lOCDE pour planifier les marchés des travailleurs qualifiés.

Des gains relatifs à la baisse dans les années 1970 poussèrent à réexaminer les résultats. De meilleures données, de nouveaux modèles conduisent à des valeurs délasticités de substitution comprises entre 1 et 2. De telles valeurs devenaient compatibles avec une variation de loffre de diplômés impactant les gains relatifs tout en ninvalidant pas la pertinence de la planification de léducation fondée sur le modèle de coefficients fixes (Tinbergen, 1974).

Les années 1970 furent aussi des années très difficiles pour la théorie du capital humain car elle fut contestée par des théories alternatives sceptiques sur la contribution de léducation à la productivité individuelle, à la croissance économique et à la réduction des inégalités.

Les théories du signalement (Spence, 1973) ou du screening (Arrow, 1973) renouvellent linterprétation du rôle de léducation et contestent lhypothèse de sous-investissement probable. Elles pointent plutôt le risque dun surinvestissement structurel (et donc dune suréducation générale), provoqué mécaniquement par une information imparfaite et asymétrique. La critique sest développée aussi autour dune vision institutionnaliste réfutant les fondements de léconomie néoclassique dont la théorie du capital humain représente un développement moderne et rénové. Le modèle de Thurow (1975) de la concurrence pour lemploi, les théories de la segmentation du marché du travail ou du dualisme du marché du travail (Doeringer & Piore, 1971) sont venues interpeller aussi lefficience externe du système éducatif. De la même façon, la critique marxiste de lécole radicale américaine (Bowles & Gintis, 1976 ; Carnoy & Levin, 1985), en rappelant que la production nest pas simplement un processus technique, redéfinit en profondeur le rôle du système denseignement dans une société capitaliste et les liens de ce dernier avec le marché du travail.

On assiste toutefois dans les années 1980 au retour dune certaine confiance dans limportance de léducation tant dans la trajectoire 56professionnelle des individus que dans la croissance économique. Le fort développement de la théorie de la croissance endogène au tournant des années 80 et 90 (Lucas, 1988) et les estimations empiriques au départ favorables à lexistence dun lien fort entre éducation et croissance vont susciter un nouveau consensus dans le rôle clé de léducation même si par la suite le débat fut plus rugueux. (Pritchett, 2001 ; Krueger & Lindhal, 2001 ; Aghion & Cohen, 2004).

Pénuries ou surplus : des difficultés chez les économistes à repérer les déséquilibres et à envisager des modalités dajustements diversifiées

La notion de déséquilibre est consubstantielle à la notion de suréducation. Dans les années cinquante et soixante, le débat qui oppose libéraux et partisans de la planification porte sur lexistence de pénuries éventuelles dans certaines professions de main-dœuvre qualifiée. La définition de la pénurie et donc du déséquilibre se révèle conflictuelle10, la question concernant en creux la possibilité dutiliser des indicateurs de marché comme guides dallocation des ressources et de pilotage de lenseignement.

Les défenseurs de la planification suggèrent que les indicateurs de marché se révèlent inadéquats voire trompeurs. Leur conviction sappuie sur un certain nombre de travaux empiriques dont ceux de Reder (1955) figurent parmi les plus célèbres. Ce dernier postule que les firmes naugmentent pas les salaires en réponse à des pénuries de main-dœuvre qualifiée privilégiant les diminutions dexigence en matière dembauche, les promotions internes ou la formation sur le tas. Si une part des ajustements revêt la forme de substitutions de bas niveaux de qualification au détriment de plus hautes, in fine le travail non qualifié pourrait devenir plus rare que certaines catégories de travailleurs qualifiés. Lhypothèse est testée avec un certain succès aux États-Unis sur des données de lindustrie et du bâtiment pour la première moitié 57du xxe siècle. Le différentiel de salaire qualifié / non qualifié diminue dans les périodes de croissance (années de guerre et après la Seconde guerre mondiale) tandis quil sélargit pendant la crise de 1919-1921. Létude renforce lidée que certains économistes et planificateurs nont pas tort de minimiser linfluence des prix et que la notion de « besoins de main-dœuvre » a plus de sens que le concept de demande de travail au sens classique du terme.

De lautre côté de léchiquier théorique, la question des problèmes de main-dœuvre qualifiée est interprétée à laune de loffre et la demande. La pénurie de main-dœuvre étant une condition de marché, celle-ci doit être reflétée dans les prix. Les difficultés ne sont pourtant pas réglées, deux études effectuées par des économistes de grand renom consacrées à la pénurie dingénieurs sur la période fin 1950 aux États-Unis aboutissent à partir des mêmes données à des conclusions opposées.

Blank & Stigler (1957) abordent le problème via les salaires relatifs en conformité à lhypothèse de marché. Dans cette optique, les deux auteurs critiquent lhypothèse alléguée dune pénurie dingénieurs aux États-Unis, au moins dans les années précédant 1954 en démontrant un déclin relatif des gains des ingénieurs. Les travaux font lobjet de questionnements ponctuels (comparaison de salaires moyens / salaires de départs, croissance importante du niveau déducation de la population active durant la période 1939-1954 (Hansen, 1961) qui confortent lhypothèse dabsence de pénuries voire la possibilité de surplus jusque dans les années cinquante. En revanche pour la période 1950-1958, lévolution des salaires relatifs indique une tendance à la pénurie dingénieurs. Les travaux de Blank & Stigler, et ceux de Hansen suggèrent des surplus anciens et des pénuries récentes dingénieurs sur la base des taux de salaires courants.

Arrow & Capron (1959) proposent un nouveau modèle dinterprétation de la demande dingénieurs et de personnels scientifiques pour la période 1950-1958 aux États-Unis en insistant sur le fait quen période de croissance continue de la demande, les taux courants de salaires peuvent renvoyer à des taux de salaires déquilibre de périodes précédentes avec une pénurie non temporaire. Les deux chercheurs formalisent une théorie dynamique de la pénurie sur lhypothèse dun retard dans le recrutement de nouveau personnel imputable au temps de prise de décision, à la résistance à une augmentation de salaires entraînant des 58coûts croissants pour les salariés présents et les salariés nouveaux. Le modèle de pénurie dynamique établit le taux de changement des salaires (ici les gains des ingénieurs et des scientifiques) comme une fonction de la pénurie ou du surplus i.e. dw/dt = g (D-O). Si la demande augmente de façon continue, le prix déquilibre peut être plus important que le prix actuel en raison des retards dajustements. Une pénurie dynamique non nécessairement apparente au vue de la seule évolution des prix présents conduit à questionner les résultats trouvés par Blank & Stigler. Lamplitude dune pénurie dynamique dépend, en effet, de la vitesse de réaction du marché, du taux daccroissement de la demande et de lélasticité de loffre et de la demande. Pour Arrow & Capron, les comportements des trois variables confortent lexistence probable dune pénurie dynamique.

Si lanalyse avait des difficultés à détecter lexistence et le sens de déséquilibres, elle se trouvait aussi dans lincapacité à prévoir des modalités complexes dajustement des marchés du travail. Une analyse redéployée sur les surplus devait séloigner dune logique déquilibre partiel car lentrée additionnelle dindividus dun certain niveau déducation pouvait affecter les individus de même niveau déducation mais aussi ceux qui navaient pas ce même niveau. Les modèles dexcédents de main dœuvre élaborés pour les PED trouvèrent ici un nouveau débouché (Fields, 1995).

Sil est convenu que ces travailleurs additionnels risquent de ne pas faire aussi bien que leurs prédécesseurs quand léducation est plus rare, la détérioration des conditions prend plusieurs formes. Elle peut se manifester par le développement dun chômage des travailleurs éduqués, de chutes de rémunérations dans les emplois où ces travailleurs sont habituellement employés ou par des mouvements de ces travailleurs vers des catégories demplois moins qualifiés.

Le modèle traditionnel déquilibre du marché du travail postule une diminution des salaires des individus formés à la suite dune expansion de ce niveau déducation. Dans un modèle déquilibre général à deux niveaux déducation, les mécanismes de loffre et la demande suscitent un mouvement de sens contraire pour les moins éduqués devenus plus rares. Ce type de modèle est fondé sur lhypothèse dune flexibilité salariale suffisante pour équilibrer les marchés du travail respectifs. Dès lors que les salaires nassument pas ce rôle, les conséquences sont très différentes.

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Une première situation de marché non équilibré combine rigidité des salaires et stratification des marchés du travail (Fields, 1974). Les travailleurs éduqués occupent les emplois en haut de la hiérarchie, tandis que les emplois du bas de léchelle sont réservés aux travailleurs de bas niveaux déducation. Initialement le chômage sexplique par un salaire supérieur au salaire déquilibre. Si le salaire ne varie pas, leffet dune expansion de travailleurs éduqués accroît mécaniquement le chômage. On retrouve largumentaire de Blaug et al. (1969) et Blaug (1973) concernant le chômage des diplômés indiens. Lorsque davantage dindividus sont diplômés, la concurrence pour un nombre limité de places devient très sévère. Les nouveaux diplômés vont expérimenter de long mois de chômage voire même des années jusquà ce quils soient finalement embauchés dans les emplois attendus.

Le troisième modèle proposé (Fields, 1972, 1974), est le modèle « déviction ou de déversoir ». Il sapparente au modèle de modèle de concurrence pour lemploi (Thurow, op. cit.). Comme dans le modèle de stratification, léducation reste un prérequis pour laccès aux emplois bien rémunérés. Mais la grande différence avec le modèle stratifié dans lequel les travailleurs de niveau déducation différents se cantonnent dans des marchés du travail distincts est quici les travailleurs éduqués vont accepter des emplois moins payés dans une logique financière. La stratégie des plus formés peut consister à chercher un emploi de haute qualification à haut salaire mais avec une faible probabilité de lobtenir ou daccepter dêtre embauché de façon prioritaire dans un emploi non qualifié avec un salaire plus faible mais sans durée de chômage. À léquilibre des valeurs actuelles, les deux stratégies assurent des choix financiers indifférents. Lexpansion du nombre de travailleurs plus éduqués réduit la demande de travail des travailleurs moins éduqués qui se révèle être une demande résiduelle, ces derniers se trouvant à la fin dune file dattente dont les premiers rangs sont préemptés par les plus diplômés.

Les premiers rendez-vous explicites entre les économistes
et le thème dans la période d
Après-guerre :
deux travaux séminaux

Les économistes sont arrivés sur le champ tardivement même si ce sont eux qui ont donné au domaine son appellation définitive. En 1976 paraît, en effet, louvrage de R. Freeman, The Over Educated American. 60En dépit dun grand succès de librairie, le livre na pas déclenché un développement important de la littérature. Le développement et les débats associés se sont accentués ultérieurement à la suite des travaux de Duncan & Hoffman (1981).

The Overeducated American : un premier rendez-manqué via une analyse agrégée ciblée sur les diplômés de lenseignement supérieur ?

Pensant observer un déclin de lavantage monétaire des diplômés des Colleges sur les High School, dans le milieu des années soixante-dix, Freeman (1975-1976), pense que les États-Unis sont devenus une nation de suréduqués. En dautres termes, trop dindividus ont obtenu trop denseignement eu égard aux besoins du marché du travail.

Sil se met dans les pas dun autre chercheur du MIT, Harris (1949), lapproche de Freeman sinscrit dans une stricte perspective néoclassique et pointe une baisse de la prime des diplômés des Colleges observée à un niveau agrégé imputable à un excédent de loffre sur la demande.

Au niveau agrégé, la baisse des taux de rendement de léducation est établie par le fait que tous les signaux du marché concernant les diplômés virent au rouge indiquant que le marché est devenu un « marché dacheteur » (gains réels et relatifs, projets demplois et de carrières détériorés). Cette chute des rendements de léducation a en outre des répercussions conformes à la théorie ; la baisse des inscriptions enregistrée étant imputable notamment à la réaction du consommateur « marginal » représenté par un individu de la classe moyenne inférieure. Les réallocations entre disciplines sont conformes à lévolution des débouchés et on assiste à une baisse des inscriptions en sciences au profit de disciplines traditionnelles et des spécialités orientées management. Louvrage fut lobjet de nombreuses critiques émises qui vont se retrouver ultérieurement dans la littérature. Louvrage de Freeman ignore notamment le fait que le chômage savère moins élevé pour les diplômés des Colleges, (un atout important de la rentabilité privée des études) et que les avantages du College ne peuvent se réduire aux seuls bénéfices monétaires.

Mais la critique la plus incisive porte sur linfluence (omise) des effets démographiques. À cet égard, le débat sur louvrage fut la première occasion dinvestir limpact du baby boom sur les salaires des jeunes travailleurs. En prolongeant de 4 ans la série proposée par Freeman, 61Smith & Welch (1978) constatent que le pourcentage de diminution des revenus enregistré pour les nouveaux entrants est de 8 % au lieu des 24 % trouvés par Freeman. Pour les deux auteurs, le résultat relevait plus dun surencombrement de marché du travail pour les primo-entrants consécutif à des tailles élevées de cohortes que dune situation de suréducation proprement dite. Le débat entre les protagonistes (Freeman, 1979, 1980 ; Welch, 1979) porta sur limpact relatif des effets dâge, de générations, voire des effets de moment médiatisés par limpact de la guerre du Vietnam sur les inscriptions à lUniversité.

Mais ce qui poussa à une démotivation de la profession à investir plus avant le thème, ce sont les données montrant une hausse des différentiels de revenus entre diplômes de College et diplômés des High School dans les années 1980. Pour Murphy & Welch (1989), lévolution de cet écart reparti à la hausse pour se situer à un niveau plus élevé quavant la chute constatée, sinterprète en termes de mouvements doffre et de demande (ralentissement de la croissance de la population des Colleges et augmentation de la demande de travail pour ce niveau déducation). Les années 1980 qui montrent un rebond des taux de rendement de lenseignement supérieur paraissent indiquer que la situation des années 1970 pouvait constituer une aberration temporaire dune évolution générale de rendements croissants pour lenseignement supérieur.

De fait, les travaux ultérieurs ont eu tendance à croiser rendements favorables de léducation et croissance des inégalités. Larticle de Mincer de 1988 « Investments in US education and Training as supply responses » résume bien la doctrine de la théorie du capital humain en matière dinterprétation de lévolution des rendements de léducation et des comportements des agents. Selon lui, les évolutions « turbulentes » des taux de rendements et de la demande déducation sur la période 1970/1990 doivent être saisies en distinguant les variations de stocks et les variations de flux. La croissance forte des flux dans les années 1970 (lorsque les rendements sont faibles) suivie dune stagnation dans les années 1980 lorsque les rendements ont tendance à se relever renverrait alors simplement à une croissance de la demande de travail qualifié suscitée par un progrès technique biaisé en faveur de la qualification. Dans cette perspective, lhypothèse dune absence de réponse de loffre à la demande est contestée dans la mesure où cest le stock de main-dœuvre concerné qui impacte les salaires et non les flux. Les flux dinvestissement ont répondu positivement aux 62taux anticipés de rendements de léducation. Si loffre varie bien avec la rentabilité de léducation, loffre cumulée (i.e. le stock) savère moins élastique de sorte que cette dernière navait pas eu le temps de réduire une rentabilité courante importante relativement à des standards historiques pour un certain nombre de raisons (retards dans le pipeline du système éducatif, coûts croissants, performance médiocre du système éducatif en amont de lenseignement supérieur qui selon Mincer constitue le principal goulot détranglement majeur aux ajustements de loffre).

Le terme de suréducation employé par Freeman pour désigner le déséquilibre observé sur le marché des diplômés de lenseignement supérieur américain durant les années 1970 apparaît intimement lié au problème de la rentabilité monétaire des diplômes des Colleges, investi traditionnellement par la théorie du capital humain.

Si la suréducation désigne bien un surplus déducation des individus par rapport au niveau déducation des emplois, lanalyse se situe à un niveau très agrégé même lorsque Freeman sintéresse à des groupes particuliers (femmes, noirs). Cette approche agrégée qui conduit Freeman à ne pas considérer explicitement le niveau de décalage existant entre le niveau déducation de lindividu et celui requis par lemploi rend impossible toute imputation du déclin salarial enregistré à une diminution de la proportion des diplômés allant dans des emplois inadéquats. De la même façon, la problématique néoclassique déquilibre partiel retenue conduit à ne voir dans la suréducation quun phénomène transitoire. Les développements ultérieurs de la suréducation vont passer par la mise en avant dune véritable relation formation emploi et saffranchir de la relation traditionnelle éducation salaire convoquée par Freeman.

Recherche de preuve du « mismatch » par la microéconomie
et décollage de l
économie de la suréducation (Duncan & Hoffman, 1981)

La littérature concernant la suréducation fut revitalisée par la publication en 1981 dun article de Duncan & Hoffman « The incidence and wage effects of overeducation » dans la revue Economics of Education proposant une approche résolument microéconomique. À la suite dEckaus (1964) et de Berg (1970), ces derniers étudient la suréducation en confrontant les niveaux déducation offerts par les travailleurs et les niveaux déducation demandés par les emplois.

63

À la différence des auteurs précédents qui comparaient ces deux variables à un niveau agrégé, Duncan & Hoffman étudient le phénomène au niveau individuel. Ils comparent ainsi des travailleurs « correctement » appariés à leurs emplois à des travailleurs se trouvant dans des emplois qui requièrent plus (ou moins) déducation par rapport à leur niveau déducation. Ils délaissent aussi lapproche dite objective suivie jusque-là par les chercheurs, et introduisent une nouvelle mesure de la suréducation, la méthode subjective. Cette méthode constitue aujourdhui une famille de mesures de la suréducation appelée auto-évaluation par les travailleurs11. À cette occasion, Duncan & Hoffman trouvent des niveaux particulièrement élevés de suréducation dans la société américaine, 40 % au niveau de lensemble de la population active et presque 50 % pour la population active noire.

Enfin et surtout, ils introduisent une spécification de fonction de gains qui permet une estimation séparée des rendements des années déducation requises par lemploi, des années de suréducation et des années de sous-éducation. La méthode est élégante et donne la possibilité de visualiser directement, les conséquences dune adéquation parfaite entre éducation et emploi, dune suréducation, ou dune sous-éducation. Elle savère aussi plus générale que celle des travaux précédents en envisageant lensemble des éventualités : (appariement réussi, écart positif mais aussi écart négatif entre niveau déducation requis par lemploi et niveau déducation acquis par le travailleur).

Un résultat très important obtenu concerne lobservation dun rendement positif de la suréducation. En dautres termes les travailleurs suréduqués, selon les auteurs, gagneraient dans la même profession plus que les travailleurs correctement « appariés », même si le rendement marginal dune année de suréducation est la moitié du rendement dune année additionnelle déducation requise. Le suréduqué subit, en effet, une pénalité salariale par rapport à lindividu de même niveau déducation mais dans un emploi adéquat.

On peut sinterroger sur les raisons du succès. Outre le caractère parlant et élégant de la formulation, faut-il y voir, sans doute, lattrait pour une perspective microéconomique beaucoup plus dans lair du temps. 64Lapproche de Duncan & Hoffman de la suréducation au niveau individuel savère plus détaillée et précise que lapproche agrégée de Freeman ce qui lui donne un avantage comparatif en termes dinformations (Leuven & Oosterbeek, 2011). Notons par ailleurs une information sur lampleur globale du phénomène peut être obtenue par simple agrégation de données individuelles. Celle-ci est livrée aisément par chaque auteur, sous la forme dune statistique descriptive à partir de léchantillon étudié. La méthode a aussi le mérite dattirer lattention sur une caractéristique mise en exergue de plus en plus souvent par la suite, le risque de linvestissement éducatif et lhétérogénéité de ses rendements (Heckman et al., 2006).

La formulation a aussi un autre avantage. Plusieurs modèles théoriques de fonctionnement du marché du travail sont implicitement intégrés dans la fonction de gains proposée par les auteurs. Des valeurs spécifiques données aux coefficients permettent de retrouver des modèles de fonctionnement du marché du travail très différents : modèle de Mincer, (op. cit.) du capital humain, modèle de Thurow (op. cit.). La formulation générale savère en outre adaptée aux modèles hédoniques dans lesquels les traits doffre et les caractéristiques de demande de travail ont un rôle à jouer dans la détermination de la productivité et donc des salaires. La relation formation emploi opère un retour remarqué sous une forme souple au sens où à une profession donnée est associée une distribution de niveaux déducation. La relation formation emploi trouve son fondement dans lidée davantage comparatif procuré par un type déducation relativement à un type demploi. Il sagit là dun retour à un type danalyse initié par Tinbergen (1956), Roy (1951) et dont le développement fut longtemps bloqué par la suprématie de la théorie du capital humain.

Ces différentes raisons expliquent que larticle a contribué fortement au décollage de léconomie de la suréducation envisagée comme sous domaine spécifique de léconomie de léducation avec une littérature orientée vers trois grandes questions. La première interrogation concerne lampleur globale du phénomène et ses déterminants au niveau individuel. La seconde question directement liée à léquation de salaires des deux auteurs a trait aux estimations des rendements de léducation acquise, des rendements de la suréducation et des rendements de la sous-éducation. La troisième investit les théories économiques du fonctionnement du marché du travail susceptibles de rendre compte du phénomène.

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CONCLUSION

En considérant la formation comme un investissement, Adam Smith a posé les bases dune analyse économique de léducation dont von Thünen a précisé les éléments en mettant en balance les coûts et les avantages économiques ouvrant la voie à la recherche dun optimum en matière déducation. Dès lors que léconomiste développe des outils permettant de définir un optimum en matière denseignement, les situations concrètes peuvent relever de diagnostics de surinvestissement ou de sous-investissement dans le cadre dune logique privée ou sociale.

Pour ces pères fondateurs de léconomie de léducation, la diffusion des connaissances est une source de progrès économique pour la société et damélioration des conditions de vie pour les individus. On retrouve cette coloration optimiste dans la théorie moderne du capital humain de Becker qui a permis de préciser et détailler lanalyse des relations entre léducation et les performances économiques et qui fut à lorigine de la création de léconomie de léducation moderne envisagée comme une discipline spécialisée de la science économique.

Positionnée sur le principe selon lequel on peut améliorer la qualité de la force de travail en investissant dans léducation, couplé le plus souvent avec une hypothèse de régulation par le marché, la théorie du capital humain, constitue larmature principale dun courant de la pensée économique dépositaire dune vision fondamentalement optimiste. Ce premier courant a beaucoup de mal à sécarter dune hypothèse implicite de non-saturation en matière de qualité de ressources humaines et de sous-investissement en capital humain. En poussant le trait à lextrême, elle ne modifierait quà la marge la proposition énoncée en son temps par Jean Bodin : « il ny a de richesse que dhommes » qui deviendrait « il ny a de richesse que dhommes éduqués ».

Le discours sur la suréducation sinscrit dans une vision plus sombre et malthusienne de lévolution et de la conception des économistes en matière déducation. Sur ce champ, la perspective retrouve le statut de science lugubre que dénonçait Carlyle.

La thématique de la suréducation tend à regrouper à la fois les formulations critiques à lencontre de léducation envisagée comme un 66investissement en capital humain et celles considérant les marchés du travail non concurrentiels. Aussi directement ou indirectement à travers les controverses quelle a pu susciter, elle a contribué au développement de lanalyse économique de léducation. La crainte de la suréducation a suscité des débats sur le financement public suspecté dêtre à lorigine du phénomène au cours desquels sont apparus de nombreux concepts : les coûts dopportunité, la distinction entre les rendements privé et public de léducation, lasymétrie sur le marché du travail.

Au cours du temps, les observations se sont considérablement élargies. Pendant tout le xixe siècle et la première moitié du xxe, les réflexions ont ciblé essentiellement les professions intellectuelles. Le thème tomba en désuétude durant la période dAprès-guerre recouvrant les Trente glorieuses. La thématique revint sur le devant de la scène dans les années 1970 à loccasion dune tension sur le marché du travail des diplômés des Colleges aux États-Unis. Mais cest principalement à partir de la publication de larticle de Duncan Hoffman (op. cit.) que se développa lanalyse de la suréducation et que se créa un sous-domaine particulier de léconomie de léducation.

On sait que le champ savère particulièrement conflictuel tant sur les faits que sur les interprétations. Les théories avancées peuvent différer sur de nombreux plans : isolement des facteurs considérés comme les déterminants clés du phénomène, importance du coût privé ou social, caractère temporaire ou permanent du phénomène. Faut-il sen étonner ? Pas vraiment pour peu que lon considère la suréducation comme une modalité spécifique dajustement dans le cadre dun fonctionnement dun marché du travail et dun marché de léducation, objets eux-mêmes de nombreux débats contradictoires.

Aujourdhui, le débat sur la suréducation sinscrit à la fois dans le prolongement des analyses anciennes et dans de nouvelles configurations (Abrocemu, 2002 ; Guironnet, 2009).

La thématique tend à se développer actuellement dans la perspective plus générale dun « mismatch » contribuant à laugmentation du chômage structurel et à la réduction de la croissance économique via une sous-utilisation de la main dœuvre et une réduction de la productivité. Dans cette optique, limpact des institutions du marché du travail et celui des comportements des entreprises se trouve davantage investi (Cedefop, 2012).

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Parallèlement à létude de lampleur de la suréducation, son coût privé et social fait aussi lobjet de nouvelles interrogations. En ce qui concerne le coût de la suréducation, ce dernier dépend à lévidence dun caractère durable ou éphémère du phénomène non encore totalement élucidé par lanalyse.

Ce coût dépend aussi de relations complexes enregistrées notamment entre suréducation et surqualification, qui semblent constituer le champ en cours dinvestigations sans doute le plus prometteur. À cet égard, la dimension quantitative du « mismatch » qui a longtemps prévalu consécutivement à une interrogation menée sur un éventuel surplus de diplômés engendré par la croissance très forte des effectifs de lenseignement supérieur tend à laisser la place à des orientations plus qualitatives, davantage compatibles avec lhypothèse de la société de connaissances.

Linadéquation horizontale (en relation avec la discipline ou la filière) nexclut pas la présence de déséquilibres quantitatifs ponctuels, mais la relation savère multiforme entre cette dernière et la suréducation (inadéquation verticale) (Quintini, 2011). Sur les autres aspects qualitatifs12, la distinction établie entre suréducation et sur-compétence semble faire progresser lanalyse. Lhétérogénéité des individus par niveaux déducation est reconnue tandis que les mesures directes des compétences paraissent fournir des estimations plus satisfaisantes du capital humain que celles délivrées par des mesures indirectes basées sur les indicateurs classiques déducation. Un montant du coût social plus lié à la sur-compétence quà la suréducation (Mavromas et al., 2007) suggère que les politiques correctives doivent orienter principalement leurs actions sur laspect sous-utilisation des compétences.

Pour autant, une thématique de suréducation fondée sur la relation formation emploi nest pas véritablement armée pour saisir lensemble des relations entre système éducatif et système productif. De fait, un pan important des nombreux effets externes de léducation fait lobjet dune littérature spécialisée concernant la relation éducation-croissance aussi riche que conflictuelle (Gurgand, 2005). Le rapprochement de ces deux littératures par Lemistre (2009) fondée sur une opposition court terme / long terme, apparaît comme une tentative prometteuse. 68Les travaux récents concernant la relation qualité de léducation croissance économique (Hanusheck & Woessmann, 2012), ceux distinguant la suréducation véritable de la suréducation formelle (Green & Zhu, 2010) peuvent éventuellement contribuer à faire de larbitrage qualité/quantité en éducation un point dintersection aussi fiable.

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1 On pourra consulter notamment les surveys suivants : Sicherman (1991) ; Hartog (2000) ; Groot & Maasen van den Brink (2000) ; Sloane (2003) ; McGuinness (2006) ; Ordine & Rose (2009) ; Barone & Ortiz (2010) ; Croce & Ghignoni [(2012). En France le terme de déclassement est souvent préféré à celui de suréducation. Pour un survey en langue française, cf. Plassard & Tran (2009). Voir aussi le recueil darticles sur ce thème dans louvrage de Giret & al. (2005].

2 Ce caractère cyclique se retrouve dans la plupart des pays comme le montre Windolf (1998).

3 En France depuis laffaire Dreyfus, lintellectuel est associé à une cause et il est celui qui influence lopinion et qui permet despérer dans lavenir. Nous voulons ici désigner plus largement les professions intellectuelles dont lactivité est opposée au travail manuel ou plutôt à un travail ne demandant pas de formation particulière.

4 Voir le contexte de cette diatribe dans Otto Pflanze (1990).

5 Les socialistes de la chaire sont des professeurs déconomie (comme G. von Schmoller, L. Brentano, W. Sombart ou A. Wagner) qui prônèrent la mise en place de mesures sociales par lEmpire wilhelminien pour faire face à la montée de la social-démocratie.

6 En France la CTI, avec le soutien du ministère et de différentes associations, crée, en 1933, le Bureau universitaire de statistiques et de documentation scolaire et professionnelles [B.U.S.] qui fonctionnera jusquen 1970 où il est remplacé par lONISEP. – http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/series/pdf/63AJ.pdf

7 Rosier a publié à de très nombreuses reprises sur ces sujets. Voir en bibliographie deux exemples très représentatifs.

8 Comme le souligne Blaug (1972), le cobweb nexclut pas une convergence vers léquilibre. La convergence ou la divergence dépendent des valeurs des élasticités de loffre et de la demande de travail.

9 Cette spécificité du capital humain est mentionnée par Marshall, puis reprise dans le chapitre 11, « Supply of factors of production » de Friedman (1962).

10 La discussion pouvait achopper en amont sur la notion de « besoins » comme critère de pénuries. Pour de nombreux économistes, définir une pénurie par rapport à des standards établis sur des « besoins » de main dœuvre napparaissait pas opérationnel en raison de limpossibilité darriver à un consensus sur des critères de besoins socialement déterminés (Blank & Stigler, 1957). Boulding (1954) allait encore plus loin dans la critique dune approche des « budgets de main dœuvre en fonction des besoins » en suggérant que ce type dallocation de ressources conduit inévitablement à des solutions monolithiques, militaires, … à des types de société communiste.

11 La troisième famille de méthode de mesure de la suréducation, méthode statistique ou méthode « realized match » fut introduite un peu plus tard dans la littérature par Clifford Clogg & James Shockey (1984).

12 Pour une approche générale, cf. les travaux de Sattinger (2012) qui théorisent les déséquilibres qualitatifs entre offre et demande déducation et de compétences.