Jean-Baptiste DEL AMO

1o Comment êtes-vous entré en contact avec l’œuvre de Proust ? Les circonstances. L’empreinte laissée.

Assez tard, j’avais acheté le Quarto lorsque je suis parti à la Villa Medicis, avec l’idée de tout lire durant cette année-là. J’ai finalement lu les deux premiers tomes à Rome. C’est la langue avant tout qui me fascine chez Proust, ce surgissement, ce flot qui se déploie avec son rythme si singulier, son ressac.

2o Quels sont vos usages de l’œuvre de Proust (de la Recherche aux autres pans de l’œuvre ? Dans la vie de tous les jours, pour le simple plaisir. Dans votre œuvre.

Proust fait partie de ces auteurs dont la langue est pour moi comme un diapason qui me permet souvent d’enclencher le travail, l’écriture, au même titre que Simon ou Faulkner. Je vais lire quelques pages pour délier l’acte d’écriture, amorcer le texte.

3o Votre rapport à Proust a-t-il notablement changé au cours de votre vie ?

Inévitablement. C’est un texte d’une ampleur telle qu’on ne l’épuise jamais car il résonne toujours différemment selon l’âge auquel on le lit, mais aussi l’état émotionnel dans lequel on se trouve, les situations que l’on traverse dans sa vie personnelle. Il y a toujours un écho quelque part, quelque chose qui nous rend ce texte étrangement familier, intime, comme s’il nous était destiné.

4o Aimez-vous tout dans la Recherche ? Si non, à quoi tiennent vos réserves ?

Ma seule réserve (et celle qui m’a longtemps tenu à distance) est que la Recherche se situe dans le milieu bourgeois, que ce soit “des histoires de riches”, mais cette crainte est infondée et on saisit très vite la façon dont il dépasse sa condition sociale, l’entre-soi, pour tendre vers l’universalité.

5o Diriez-vous que Proust est le plus grand des romanciers ? Le plus grand romancier français du xxe siècle ? Un grand romancier ? Un grand romancier surévalué ?

Je n’aime pas les classements, je pense que de grands romanciers peuvent cohabiter dans une même époque, que la littérature est assez vaste pour les accueillir tous. Proust est incontestablement à mes yeux un immense romancier et l’un des plus grands. Mais dire de Proust qu’il est le plus grand, c’est encore le placer dans une sorte de perspective inatteignable, de sous-entendre que sa lecture serait réservée à une élite intellectuelle. Or, je crois qu’il faut au contraire désacraliser la lecture de Proust, montrer à quel point son œuvre peut résonner avec tous les lecteurs.

6o Relire Proust. Votre passage, votre phrase fétiche. L’aspect de l’œuvre que vous souhaitez faire redécouvrir aux lecteurs.

Mon passage préféré est certainement « Les Intermittences du cœur ». L’aspect que je préfère chez Proust, c’est son humour. On ne dit pas assez combien la Recherche est un livre hilarant !