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Classiques Garnier

Anne Berest

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Anne BEREST

1o Comment êtes-vous entrée en contact avec lœuvre de Proust ? Les circonstances. Lempreinte laissée.

À 16 ans, jai commencé à lire la Recherche parce que quelquun mavait mise au défi de la lire. Et je suis orgueilleuse. À 19 ans, jai terminé, parce que je devais étudier le dernier tome, pour le concours dentrée à lÉcole Normale – ce qui était assez rude, quand jy repense. Il fallait avoir tout lu, pour analyser ce dernier volet. 

Lempreinte laissée ? 

Dans ma vie, je constate que les hommes que jai aimés ont pour point commun un rapport particulier à la Recherche, en tant quœuvre constitutive. Je crois que cela raconte mon goût. Et pour Proust. Et pour un genre dhommes. 

2o Quels sont vos usages de lœuvre de Proust (de la Recherche aux autres pans de lœuvre ? Dans la vie de tous les jours, pour le simple plaisir. Dans votre œuvre.

Cest davantage la figure de lécrivain qui maccompagne dans la vie de tous les jours. Cela peut paraître idiot, mais je suis sûre que certains comprendront : je pense à Marcel. Très souvent. Je pense à lui comme on pense à un ami que lon fréquente depuis toujours, avec qui lon grandit.

3o Votre rapport à Proust a-t-il notablement changé au cours de votre vie ?

Je dirais que je laime davantage à mesure que je vieillis, parce que je le comprends mieux, et parce quil mest de plus en plus familier. 

4o Aimez-vous tout dans la Recherche ? Si non, à quoi tiennent vos réserves ?

Je connais moins bien les deux volets de Sodome et Gomorrhe. Disons que jy vais moins naturellement. Mais cela ne veut pas dire quils ne deviendront pas un jour mes livres préférés. On navigue dans cette œuvre immense.

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5o Diriez-vous que Proust est le plus grand des romanciers ? Le plus grand romancier français du xxe siècle ? Un grand romancier ? Un grand romancier surévalué ?

Le plus grand romancier français du xxe siècle. 

6o Relire Proust. Votre passage, votre phrase fétiche. Laspect de lœuvre que vous souhaitez faire redécouvrir aux lecteurs.

« Longtemps après que les pauvres morts sont sortis de nos cœurs, leur poussière indifférente continue à être mêlée, à servir dalliage, aux circonstances du passé. » Le Temps retrouvé.